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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3935/2021

JTAPI/348/2022 du 06.04.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;ALCOOL;ANTÉCÉDENT;EXPERTISE;PROPORTIONNALITÉ;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LCR.15d; LCR.16c
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3935/2021 LCR

JTAPI/348/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Benjamin GRUMBACH, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1988, est titulaire d’un permis de conduire suisse pour les catégories B, B1, M, F et G.

2.             Par décision du 8 août 2017, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré le permis de conduire de l'intéressé à titre préventif et ordonné qu'une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite soit réalisée par un médecin de niveau 4.

3.             Par rapport d'expertise du 23 juin 2020, l’unité de médecine et de psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) a conclu à l'inaptitude à la conduite des véhicules à moteur de M. A______. Une nouvelle évaluation de sa situation pourrait avoir lieu à réception d'une attestation établie par une consultation spécialisée en alcoologie ou un médecin alcoologue et faisant état pendant une période minimale de six mois consécutifs, d'une évaluation positive, avec le maintien d'une consommation très modérée d'alcool, confirmée par des analyses de sang mensuelles mettant toutes en évidences des concentrations de phosphatidyléthanol (PEth) inférieures à 40 ug/l.

4.             Par décision du 21 juillet 2020, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée indéterminée, précisant qu'une nouvelle décision ne pourrait intervenir que sur la base d'un nouveau rapport du CURML.

5.             Par rapport d'expertise du 13 octobre 2021, le CURML a conclu à l'aptitude de M. A______ à la conduite des véhicules à moteur. Le maintien du droit de conduire était subordonné au respect des conditions suivantes :

-          « la poursuite d'une abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol, vérifiée par des analyses toxicologiques (recherche et dosage de l'EtG), qui devront être effectuées sur des prélèvements de cheveux (sur un segment proximal d'au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois au minimum pour une durée de douze mois au minimum Toute coloration ou décoloration des cheveux est découragée.

L'intéressé peut éventuellement effectuer des analyses de laboratoire sur des prélèvements sanguins (recherche et dosage du PEth), qui devront être effectuées tous les trois mois au minimum pour une durée de douze mois au minimum.

L'abstinence à l'égard de l'éthanol et les analyses toxicologiques (qui ne sont pas remboursées par la LAMaI, ni par les assurances complémentaires) ne devront pas être interrompues jusqu'à nouvelle décision de l'autorité cantonale compétente.

Les prélèvements (de cheveux ou sanguins) et les analyses toxicologiques peuvent être effectués à I'UMPT [Unité de médecine et psychologie du trafic de Genève], à la demande de l'intéressé et si l'intéressé le souhaite.

Dans ce cas, il revient à l'intéressé de prendre contact avec le secrétariat de l'UMPT afin de planifier les rendez-vous en vue des prélèvements et des analyses toxicologiques.

Les résultats seront transmis à l'autorité cantonale compétente.

L'UMPT se charge par ailleurs d'informer l'autorité cantonale compétente du respect de l'abstinence à l'égard de l'éthanol.

Dans l'éventualité que les analyses toxicologiques ne permettent pas de confirmer que l'intéressé(e) a observé une abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol, il devra alors être considéré comme inapte à la conduite des véhicules du premier groupe et faire l'objet d'une nouvelle évaluation médicale de son aptitude à la conduite.

-          la poursuite d'un suivi addictologique auprès d'un médecin addictologue ou d'un centre spécialisé dans la prise en charge des problématiques addictives, pour une durée identique à l'abstinence (douze mois au minimum), avec des entretiens au moins trimestriels.

Le médecin addictologue ou l'intervenant(e) en charge du suivi devront transmettre sans délai à l'UMPT les résultats des analyses toxicologiques réalisées dans le cadre du suivi addictologique.

L'UMPT se charge d'informer l'autorité cantonale compétente du respect de l'abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol.

-          la présentation à l'autorité cantonale, à l'issue des douze mois de suivi, d'une attestation de l'intervenant(e) en charge du suivi, mentionnant le type de suivi mis en place, et confirmant que le suivi s'est déroulé sur une période de douze mois au minimum, avec une évolution globale favorable ».

6.             Par décision du 18 octobre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCV a retiré le permis de conduire de M. A______ pour une durée de cinq mois, durée subie, en application de l'art. 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et lui a imposé de se soumettre aux conditions mentionnées dans le rapport d'expertise du 13 octobre 2021, faute de quoi une nouvelle mesure devrait être prononcée pour une durée indéterminée, avec effet immédiat.

Cette décision était motivée par une conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit avec une concentration d'alcool dans l'air expiré de 0.97 mg/l à l'éthylomètre, le 23 juin 2017 à 04:28, sur la place de Cornavin en direction de la rue de Lausanne, au volant d'une voiture. Le permis de conduire de l'intéressé avait été immédiatement saisi par la police.

L'infraction était qualifiée de grave. L'autorité avait pris note des observations de l'intéressé du 13 juillet 2020 et retenu qu'il ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence ni d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) faisant apparaître des antécédents, soit un retrait du permis de conduire à l'essai avec prolongation de la période probatoire, mesure prononcée par décision du 3 mars 2009, pour une durée de 4 mois et une décision de caducité du permis de conduire à l'essai prononcée par décision du 3 août 2011 et révoquée le 7 septembre 2012.

7.             Par acte daté du 15 novembre 2021, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce que la première condition du rapport d'expertise du 13 octobre 2021 soit révisée en ce sens que « l'abstinence stricte et complète » à l'égard de l'éthanol soit remplacée par une « une consommation modérée » lors du suivi de douze mois après la récupération de son permis.

Suite à la première décision de l'OCV du 8 août 2017, il lui avait été demandé de se soumettre à des expertises médicales afin de prouver une consommation modérée (7-30 pg-mg pour les cheveux), norme encore tolérée à l'époque. Etant à l'époque étudiant, il n'avait pas eu les moyens financiers de s'y soumettre. En juillet 2020, plus à l'aise financièrement, il avait entamé la procédure médicale de restitution du permis auprès du Dr B______, médecin agréé par l'UMPT. Il avait alors été surpris d'apprendre qu'une abstinence complète était demandée et non plus, comme avant 2020, une consommation modérée. Son dossier remontant à l'année 2017, le principe de non-rétroactivité n'était pas respecté. De plus, il avait été décidé de lui restituer son permis de conduire alors qu'il avait une valeur de 27 pg-mg pour les cheveux en avril 2021, ce qui démontrait une consommation modérée. Il ne comprenait dès lors pas pour quelle raison on lui demandait une abstinence complète durant douze mois au minimum. Ses tests sanguins effectués de juillet à décembre 2020 avaient enfin donné des valeurs aberrantes (+ de 200 ug/l) alors qu'il était abstinent durant cette période. Le Dr B______ lui avait indiqué que cela pouvait résulter de la désinfection des mains en lien avec la pandémie Covid-19. Lors de sa première consultation pour une prise de sang au doigt, celui-ci avait par ailleurs été désinfecté par l'assistante médicale, ce qui avait pollué automatiquement le résultat et faussé les valeurs en éthanol contenues dans le sang. Depuis cette expérience, sa confiance envers ces tests était rompue et il était angoissé à l'idée qu'une décision soit prise à son encontre sur une valeur erronée. Il regrettait l'erreur commise en 2017 et était aujourd'hui très vigilant quant à sa consommation d'alcool. Il ne conduirait plus sous l'influence de celui-ci. Il relevait encore que l'expertise médicale lui avait occasionné un coût financier important.

8.             Le 21 janvier 2022, l'OCV a transmis son dossier et persisté dans les termes de sa décision. Renseignements pris auprès du Dr C______, co-auteur du rapport d'expertise du 13 octobre 2021, ce dernier maintenait les termes de ses conclusions relatives à l'obligation d'abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol, conformément aux directives approuvées par la section de médecine du trafic de la société suisse de médecine légale (SSML).

L'échange de courriels avec le Dr C______ figurait au dossier (pièce 25).

9.             M. A______ a répliqué le 14 février 2022, sous la plume d'un conseil.

L'expertise du 13 octobre 2021 était lacunaire et certaines de ses données étaient contradictoires, sans que l'OCV n'y apporte aucune explication.

Suite à son retrait de permis de conduire pour des raisons de sécurité, il avait effectué une première expertise le 23 juin 2020, laquelle l'avait déclaré inapte à la conduite. Il avait dès lors entrepris un suivi auprès d'un addictologue pendant plus d'une année, se conformant aux conditions posées par l'expertise, à savoir avoir une consommation « très modérée d'alcool ». Cependant, certains résultats obtenus à la suite des prises de sang effectuées entre les mois de juillet et décembre 2020 s'étaient révélés surprenants (parfois supérieurs à 200 WL) au vu de sa consommation très limitée d'alcool pendant cette période. Le Dr B______ lui avait alors expliqué que de tels résultats pouvaient être dus à une désinfection importante et très fréquente des mains avec des solutions à base d'alcool, en lien avec la pandémie Covid-19. Les résultats avaient également pu être faussés du fait qu'une assistante médicale lui avait désinfecté le doigt juste avant de prélever le sang nécessaire à l'examen. Dans ses observations du 18 janvier 2022, le Dr C______ n'excluait aucunement qu'une utilisation abondante de désinfectant puisse être à l'origine de résultats non conformes à la réalité. Si les expertises des 13 octobre 2021 et 23 juin 2020 ne mentionnaient pas que les résultats des tests puissent être parasités par une utilisation accrue de désinfectant, cette dernière expertise mentionnait qu'« une erreur de laboratoire paraît très peu probable, même si elle ne peut jamais être totalement exclue ».

En substance, les résultats obtenus lors des différents contrôles n'étaient pas compatibles avec sa consommation d'alcool et aucun éclaircissement concernant une potentielle erreur due à une utilisation accrue de désinfectant n'ayant été donné, il convenait, d'une part, d'y répondre et de clarifier ce point afin d'éviter qu'il ait à l'avenir des résultats aberrants lors de ses prochains contrôles et, d'autre part, de s'écarter de l'avis des experts.

Les mesures imposées par l'OCV étaient enfin disproportionnées. Vu en particulier sa prise de conscience, sa bonne collaboration et ses intérêts privés, il devait être renoncé à lui imposer une abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol, la mesure suivante devant être prise en lieu et place :

« La poursuite d'une consommation modérée d'alcool vérifiée par des analyses toxicologiques (recherche et dosage de l'EtG), qui devront être effectuées sur des prélèvements de cheveux (sur un segment proximal d'au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois au minimum pour une durée de douze mois au minimum,

La poursuite d'un suivi addictologique auprès d'un médecin addictologue ou d'un centre spécialisé dans la prise en charges des problématiques addictives pour une durée identique à l'exigence de consommation modérée d'alcool,

La présentation à l'autorité cantonale compétente, à l'issue des douze mois de suivi, d'une attestation de l'intervenant(e) en charge du suivi, mentionnant le type de suivi mis en place, et confirmant que le suivi s'est déroulé sur une période de douze mois au minimum, avec une conclusion globale favorable à mon client ».

10.         Par courrier du 18 février 2022, l'OCV a requis l'audition du Dr C______, afin de pouvoir donner la meilleure suite qu'il convenait au dossier.

11.         Le Dr C______ a été entendu par le tribunal lors de l'audience du 11 mars 2022.

Il avait indiqué, en page 6 de son rapport, que « les résultats d'analyse parlent en faveur d'une consommation d'alcool problématique voire excessive par moment » du fait que les valeurs des analyses toxicologiques faites entre juillet et mai 2021 étaient parfois très élevées et démontraient une consommation importante d'alcool. C'était en particulier le cas des valeurs des 28 juillet, 31 août et 28 septembre 2020. S'agissant des résultats d'analyses capillaires, les résultats étaient inférieurs à 30pg/mg qui était la fourchette admise pour une consommation modérée. Cela étant, dans la mesure où, dans leur globalité, les résultats obtenus par M. A______ démontraient une consommation modérée, il avait conclu en page 11 du rapport, que ces derniers étaient compatibles avec une consommation modérée puis une abstinence à l'égard de l'alcool, condition qui était posée dans le rapport du 23 juin 2020, pour retenir l'aptitude à la conduite de l'intéressé. Le Dr D______, co-auteur du rapport du 23 juin 2020, avait une approche plus permissive que la sienne, s'agissant des conditions à respecter en matière de consommation d'alcool pour pouvoir récupérer son permis de conduire et après l'avoir récupéré.

S'agissant d'éléments extérieurs (gel hydro-alcoolique, désinfectant) qui auraient pu influencer les résultats des analyses de M. A______, il était impossible que les résultats soient impactés si la prise de sang était effectuée dans les règles de l'art. En tous les cas, ces éléments extérieurs n'auraient pas pu influencer les résultats des analyses capillaires qui restaient élevés et très proches d'une consommation excessive d'alcool. Des consignes étaient données au corps médical afin qu'un éventuel lavage des mains ou la désinfection d'une partie du corps n'influence pas les résultats des analyses. Si la désinfection des mains avait eu une influence, cela se serait ressenti sur l'ensemble des résultats, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Pour illustrer les propos de son client, le conseil de M. A______ a versé à la procédure, lors de l'audience, un document trouvé sur le site Internet des HUG et accessible au public, traitant de la prise de sang capillaire chez l'adulte. Elle a relevé qu'en page 3 de ce dernier, sous le titre « prévention précaution », il était indiqué « les résidus d'alcool peuvent hémolyser et/ou contaminer des échantillons de sang et fausser le résultat ». La problématique de la contamination était également invoquée en page 4.

Après que ce document lui ait été soumis, le Dr C______ a relevé que ce dernier ne concernait aucunement les prises de sang pour l'analyse PETH. À son sens, il concernait les prises de sang pour les diabétiques, ce qui ressortait notamment de la page 5. A teneur des directives de la SSML, en cas d'abus d'alcool ayant joué un rôle sur la conduite, il pouvait effectivement être recommandé une abstinence à l'alcool, mesure qui pouvait aller jusqu'à deux ans. Dans le cas de M. A______, il avait estimé, au vu de l'historique de son dossier, qu'une abstinence stricte était nécessaire. Il avait décidé d'un contrôle d'une durée de douze mois, alors qu'une durée de vingt-quatre mois aurait été possible, pour tenir compte du fait que l'on n'était pas en présence d'une dépendance mais d'une difficulté à dissocier l'alcool de la conduite. L'exigence de l'abstinence stricte était la norme à l'échelle nationale. Quand bien même des facteurs externes auraient influencé les résultats des analyses de sang, les résultats des analyses de cheveux étaient déjà suffisants pour le décider à demander à M. A______ une abstinence stricte à l'alcool.

M. A______ a expliqué que toutes ses analyses de sang avaient été faites chez le Dr B______ et qu'à une reprise au moins l'assistante lui avait désinfecté le doigt. Il se désinfectait également systématiquement les mains en arrivant au cabinet. Le Dr B______ lui avait confirmé que cela pouvait avoir un impact sur le résultat des analyses sanguines. Ce praticien avait été surpris par les résultats de celles-ci, raison pour laquelle il lui avait proposé l'analyse des cheveux.

Le Dr C______ a encore précisé que, quand bien même les résultats des analyses PETH auraient été très bas, il aurait décidé d'une abstinence stricte pour la suite et ce pour la même durée. Il en aurait été de même si ces analyses avaient indiqué une abstinence stricte à l'alcool durant la période considérée. Il n'était pas favorable à la consommation modérée, car elle était difficile à définir. C'était une notion ambigüe et il fallait préalablement bien en définir le cadre. Dans le cas de de M. A______, il persistait à souhaiter l'abstinence stricte, ainsi que le contrôle périodique. Il pourrait renoncer au suivi addictologique. Ils ne posaient plus, aujourd'hui, des conditions comme celle indiquée en page 11 du rapport du 23 juin 2020 : « pas plus de trois verres standards par semaine ». Ce type de conditions était ambigu et pouvait être compris de manières très différentes.

Le représentant de l'OCV a rappelé que M. A______ n'était pas un primo délinquant. Il avait fait l'objet de plusieurs expertises et avait commis plusieurs infractions en lien avec sa consommation problématique d'alcool. S'il existait une marge de manœuvre lors d'une première infraction de ce type, dans un cas comme celui de M. A______, ils s'en tenaient strictement à ce qui était décidé par l'expert.

M. A______ a expliqué qu'il était opposé à l'abstinence stricte durant douze mois supplémentaires car il trouvait cette mesure trop contraignante, incisive et disproportionnée. Il avait déjà prouvé, durant trois mois, qu'il pouvait être abstinent à l'alcool. Toute cette procédure lui avait occasionné des coûts financiers importants. Sa consommation d'alcool était purement récréative. Il ne buvait pas en semaine mais uniquement certains week-ends.

A l'issue de l'audience, le tribunal a imparti un délai au 28 mars 2022 aux parties pour se déterminer à la suite de l'audience, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

12.         Le 28 mars 2022, l'OCV a informé le tribunal maintenir les termes de sa décision.

13.         Par courrier du même jour, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Il ressortait de l'audition du Dr C______, a contrario, que si la prise de sang n'était pas effectuée conformément au protocole à suivre, les résultats pouvaient être faussés. Or, c'était vraisemblablement le cas des résultats retenus dans l'expertise du 13 octobre 2021 qui n'étaient ainsi pas représentatifs de sa réelle consommation d'alcool.

Les propos tenus par ce praticien, lequel avait indiqué « quand bien même les résultats des analyses PETH auraient été très bas[ses], j'aurais décidé d'une abstinence stricte pour la suite, dans mon expertise, et ce pour la même durée. Il en aurait été de même si ces analyses avaient indiqué une abstinence stricte à l'alcool durant la période considérée », respectivement expliqué qu'une abstinence avait été prononcée car elle était plus facile à mettre en place dans la mesure où le terme « consommation modérée » était « ambigu », étaient pour le surplus arbitraires. Chaque mesure devait en effet être prononcée en fonction de tous les éléments du cas d'espèce et il était insoutenable qu'il soit traité de la même façon qu'une personne dépendante. Cela était d'autant plus choquant que le Dr C______ expliquait qu'il s'agissait de « la norme à l'échelle nationale » alors même que les directives de la SSML ne faisaient pas injonction d'une abstinence totale à l'alcool. Le choix d'une mesure beaucoup plus incisive ne devait pas être dicté par le fait qu'elle serait plus facile à mettre en œuvre.

Finalement, l'injonction d'une abstinence stricte d'alcool violait le principe de proportionnalité, pour les motifs déjà invoqués dans ses précédentes écritures. Il était, au besoin, disposé à donner toutes les explications utiles à l'expert relatives à sa consommation « modérée ».

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

5.             En l'espèce, le recourant conteste la décision de l'OCV en tant qu'elle lui impose de respecter la première condition du rapport d'expertise du 13 octobre 2021. Il conclut à ce que cette dernière soit révisée en ce sens que "l'abstinence stricte et complète" à l'égard de l'éthanol soit remplacée par "une consommation modérée" lors du suivi de 12 mois après la récupération de son permis.

6.             Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

7.             Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3).

Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l’état clinique d’un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l’opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d’autant plus vraie que certains concepts de la médecine n’ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, demande au médecin de se prononcer également sur l’aptitude à conduire d’un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu’il appartient fondamentalement à l’autorité administrative, respectivement au juge, d’apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l’aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L’autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l’autorité trouve sa limite dans l’interdiction de l’arbitraire : si le juge n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert médical, il ne peut s’en défaire, sous peine de violer l’art. 9 de la Cst. (protection contre l’arbitraire), qu’en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d’agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, « Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical », AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

Concernant la valeur probante d'un rapport médical, il importe en particulier que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées ; au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2013 du 22 juillet 2013 consid. 3.1). Les questions posées doivent faire l'objet d'une étude détaillée et complète, fondée sur des éléments médicaux et de fait (arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 précité consid. 2.2).

8.             En l’espèce, l’expertise du 13 octobre 2021 a été ordonnée par l’OCV dans sa décision du 21 juillet 2020, qui n’a pas été contestée par le recourant. Cette expertise fait suite à une première expertise du 23 juin 2020 concluant à l'inaptitude à la conduite de l'intéressé et indiquant notamment qu'« une nouvelle évaluation de sa situation pourrait avoir lieu à réception d'une attestation établie par une consultation spécialisée en alcoologie ou un médecin alcoologue et faisant état pendant une période minimale de six mois consécutifs, d'une évaluation positive, avec le maintien d'une consommation très modérée d'alcool, confirmée par des analyses de sang mensuelles mettant toutes en évidences des concentrations de phosphatidyléthanol (PEth) inférieures à 40 ug/l ».

S'agissant plus particulièrement de l’expertise du 13 octobre 2021, il doit être relevé que les examens médicaux nécessaires à l’appréciation du cas du recourant ont été effectués, sous l’égide de praticiens spécialisés dans leur domaine d’expertise. Le dossier transmis par l’intimé ainsi que les renseignements médicaux extérieurs ont été pris en compte, les informations pertinentes ont été recueillies, notamment au cours d’un entretien personnel avec l’expertisé, une anamnèse et un récit circonstancié des infractions à la LCR commises en 2008, 2009, 2011 et 2017 ont été établis, l’appréciation médicale du cas a été exposée et discutée par les experts et ces derniers ont motivé les conclusions auxquelles ils sont parvenus. L’expertise menée apparaît dès lors conforme aux exigences de la jurisprudence sur le plan de la méthode mise en œuvre.

9.             Sur le fond, le recourant formule plusieurs reproches à l'encontre cette expertise. Il estime qu'elle est lacunaire et que certaines de ses données sont contradictoires, sans que l'OCV n'y apporte aucune explication. Il met en doute certains résultats obtenus à la suite des prises de sang, lesquels auraient été, selon lui, faussés par des facteurs extérieurs (gel hydro-alcoolique, désinfectant). Les explications données en audience par le Dr C______ étaient arbitraires. Chaque mesure devait être prononcée en fonction de tous les éléments du cas d'espèce et il était insoutenable qu'il soit traité de la même façon qu'une personne dépendante. Le choix d'une mesure plus incisive ne devait pas être dicté par le fait qu'elle serait plus facile à mettre en œuvre. La première condition posée dans les conclusions de l'expertise était ainsi disproportionnée, vu en particulier sa prise de conscience, sa bonne collaboration et ses intérêts privés. Il devait dès lors être autorisé à « la poursuite d'une consommation modérée d'alcool vérifiée par des analyses toxicologiques (recherche et dosage de l'EtG), qui devront être effectuées sur des prélèvements de cheveux (sur un segment proximal d'au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois au minimum pour une durée de douze mois au minimum ».

10.         Dans leur rapport du 13 octobre 2021, les experts relèvent que l'intéressé a, conformément aux conclusions de l'expertise du 23 juin 2020, effectué un suivi addictologique entre le mois de juin 2020 et le mois d'août 2021. Les analyses toxicologiques effectuées dans ce cadre ont montré des résultats compatibles avec une consommation modérée d'alcool sur une période de 6 mois et une abstinence à l'égard de l'alcool sur une période de 3 mois. Toutefois, ses résultats d'analyses toxicologiques (analyse et recherche de PEth) montraient des taux supérieurs à 100 microgramme par litre, parlant en faveur d'une consommation d'alcool problématique voire excessive par moment (rapport d'expertise du 13 octobre 2021, p. 6). En conclusion, sur la base de l'ensemble des éléments à disposition, les experts estiment que l'intéressé peut être considéré comme apte à la conduite des véhicules à moteur, subordonnant toutefois le maintien du droit de conduire au respect de plusieurs conditions, dont : « la poursuite d'une abstinence stricte et complète à l'égard de l'éthanol, vérifiée par des analyses toxicologiques (recherche et dosage de l'EtG), qui devront être effectuées sur des prélèvements de cheveux (sur un segment proximal d'au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois au minimum pour une durée de douze mois au minimum Toute coloration ou décoloration des cheveux est découragée ( ) » (rapport d'expertise du 13 octobre 2021, p. 11).

Invité à préciser pour quelle raison, il avait indiqué, en page 6 de son rapport, que « les résultats d'analyse parlent en faveur d'une consommation d'alcool problématique voire excessive par moment », le Dr C______ a expliqué que c'était du fait que les valeurs des analyses toxicologiques faites entre juillet et mai 2021 étaient parfois très élevées et démontraient une consommation importante d'alcool. C'était en particulier le cas des valeurs des 28 juillet, 31 août et 28 septembre 2020. Les résultats d'analyses capillaires, certes inférieurs à 30pg/mg, étaient à la limite de la fourchette admise pour une consommation modérée. Cela étant, dans la mesure où, dans leur globalité, les résultats obtenus par M. A______ démontraient une consommation modérée, il avait conclu en page 11 du rapport, que ces derniers étaient compatibles avec une consommation modérée puis une abstinence à l'égard de l'alcool, condition qui était posée dans le rapport du 23 juin 2020 pour retenir l'aptitude à la conduite de l'intéressé.

Dans le cas de M. A______, il avait estimé, au vu de l'historique de son dossier, qu'une abstinence stricte était nécessaire. Il avait décidé d'un contrôle d'une durée de douze mois, alors que vingt-quatre mois aurait été possible pour tenir compte du fait que l'on n'était pas en présence d'une dépendance mais d'une difficulté à dissocier l'alcool de la conduite. L'exigence de l'abstinence stricte était la norme à l'échelle nationale. Quand bien même des facteurs externes auraient influencé les résultats des analyses de sang, les résultats des analyses de cheveux étaient déjà suffisant pour le décider à demander à M. A______ une abstinence stricte à l'alcool. Les résultats des analyses PETH n'avaient pas été déterminants. Quand bien même ils auraient été très bas ou auraient indiqué une abstinence stricte à l'alcool durant la période considérée, il aurait décidé d'une abstinence stricte pour la suite et ce pour la même durée. Il n'était pas favorable à la consommation modérée, car elle était difficile à définir. Dans le cas de M. A______, il persistait à souhaiter l'abstinence stricte, ainsi que le contrôle périodique.

11.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 49 consid. 9.1 et les références citées ; 126 I 219 consid. 2c).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/779/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

12.         En l'espèce, l'OCV, qui a suivi la procédure prévue par la loi et la jurisprudence rappelée ci-dessus avant de rendre sa décision, a fondé celle-ci sur les conclusions du rapport d'expertise du 13 octobre 2021.

Le Dr C______ co-auteur dudit rapport a expliqué en audience, de manière parfaitement claire et convaincante les raisons pour lesquelles il avait posé la condition, dans le cas particulier de M. A______, d'une abstinence stricte à l'alcool durant une période de douze mois, étant précisé qu'une telle exigence est non seulement possible mais également recommandée par la SSML.

Le recourant ne fait quant à lui que substituer sa propre appréciation à celle de l'expert et de l'autorité intimée s'agissant de l'opportunité et de la proportionnalité d'une telle mesure. Quant aux erreurs allégués, qui auraient entaché les résultats de ses analyses de sang, elles ne sont, d'une part, nullement démontrées et, d'autre part, quand bien même elles le seraient, le Dr C______ a expliqué que les résultats concernés n'avaient eu aucun impact sur sa prise de position et, a fortiori sur la décision entreprise.

Dans ces conditions, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas procédé à une application incorrecte de la loi ou, d'une autre manière, excédé son pouvoir d'appréciation en suivant la position des experts et, en particulier, en reprenant les conditions auxquelles ils subordonnaient le maintien du droit de conduire du recourant dans la décision querellée. Les conditions posées apparaissent au demeurant parfaitement proportionnées et adéquates au vu de l'historique du dossier de l'intéressé.

13.         Dépourvu de motif valable, le recours sera rejeté et la décision attaquée, qui ne prête pas flanc à la critique, confirmée.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 750.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 18 octobre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 750.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière