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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1235/2021

JTAPI/68/2022 du 26.01.2022 ( DSES ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES;TRAVAILLEUR;FRANCE
Normes : ALCP-I.9.par2; ALCP-I.6; OLCP.23.al2; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1235/2021

JTAPI/68/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 janvier 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1983, est ressortissant français.

2.             Le 9 janvier 2002, l’office fédéral des étrangers (actuellement : le secrétariat d'État aux migrations - ci-après : SEM) a rendu à son encontre une décision d’interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 8 janvier 2005, pour le motif que son retour en Suisse était indésirable en raison de son comportement.

3.             Le ______ 2003 est née à B______, C______, fille de l’intéressé et de Madame D______, de nationalité suisse.

4.             Par convention du 16 février 2004, M. A______ s’est notamment engagé à contribuer mensuellement à l’entretien de sa fille à concurrence de CHF 500.- jusqu’à l’âge de ses six ans révolus, de CHF 600.- jusqu’à l’âge de douze ans et de CHF 700.- jusqu’à l’âge de ses vingt ans, voire au-delà, si elle effectuait un apprentissage ou des études. Cette convention fixait également les modalités du droit de visite de l’intéressé.

5.             M. A______ est arrivé en Suisse le 27 avril 2004 en provenance de France voisine. Il a été mis au bénéfice d’autorisations de séjour de courte durée avec activité lucrative délivrées par le canton de B______, puis par le canton de Genève. Ces permis ont été régulièrement renouvelés jusqu’au 21 avril 2008.

6.             Le 17 avril 2008, il a épousé à Genève Madame E______, ressortissante ivoirienne.

7.             Le 25 avril 2008, le précité a obtenu une autorisation d’établissement, dont le délai de contrôle échoyait cinq ans plus tard.

8.             Le 7 décembre 2010, il a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qu’il vivait séparé de son épouse depuis quatre mois.

9.             Les 6 et 25 mai 2011, les époux ont fait part à l’OCPM qu’ils avaient repris la vie commune.

10.         Par pli du 17 décembre 2015, l’OCPM a adressé un avertissement à l’intéressé, compte tenu de ses condamnations pénales dont il sera fait état ci-après.

En cas de nouvelle infraction, l’OCPM pourrait être amené à révoquer son autorisation d’établissement. Il demeurait dans l’attente de la production de pièces justifiant sa présence en Suisse pour les années 2013 à 2015, afin d’être en mesure de procéder à la prolongation de son titre de séjour.

11.         L’intéressé a donné suite à cette demande par lettre datée du 9 décembre 2015 et, le 8 février 2016, l’OCPM a prolongé le délai de contrôle de son permis C jusqu’au 25 avril 2018.

12.         Le 8 novembre 2018, l’intéressé a demandé en substance le renouvellement de son autorisation d’établissement.

13.         Par pli du 19 décembre 2018, réexpédié le 28 janvier 2018, l’OCPM l’a invité à le renseigner au sujet :

-     des raisons pour lesquelles il percevait des prestations de l’Hospice général ;

-     des démarches qu’il il avait entreprises afin de ne plus émarger à l’aide sociale ;

-     de ses recherches d’emploi, cas échéant de son incapacité de travail ;

-     de ses efforts d’intégration professionnelle qu’il aurait entrepris ;

-     de son emploi du temps ;

-     de ses moyens financiers pour les trois derniers mois ;

-     des preuves de son séjour continu à Genève durant les années 2017 et 2018 et 

-     du formulaire C avec la copie du bail à loyer.

14.         Par pli reçu par l’OCPM le 28 février 2019, l’intéressé a exposé qu’il avait sollicité l’aide sociale le 12 février [2019] après être sorti de détention, étant donné qu’il ne disposait d’aucun revenu. Le 8 novembre 2018, lorsqu’il s’était présenté à l’OCPM afin de faire renouveler son permis C, en vue d’une embauche auprès de F______ Sàrl, il avait été informé qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. Il avait repris contact avec le patron de cette entreprise afin de déterminer dans quelle mesure une collaboration pourrait être envisagée. Dans l’intervalle, il souhaitait prendre des cours d’anglais à l’IFAGE et cherchait du travail dans le domaine de la vente ou de la livraison. Il avait profité de son incarcération pour contacter ses créanciers, dans le but de solder tout ou partie de ses dettes. Enfin, il était suivi par le service de probation de Genève et avait pris rendez-vous avec Caritas pour une évaluation.

15.         À une date indéterminée, l’intéressé a transmis à l’OCPM un contrat de travail à durée maximale pour la période du 1er mai au 31 août 2019.

16.         Le 25 mai 2020, l’OCPM a fait part à l’intéressé de son intention de proposer au département de la sécurité et de l’économie (devenu le 30 avril 2021 le département de la sécurité, de la population et de la santé - ci-après : DSPS ou le département) la révocation de son autorisation d’établissement, ainsi que son renvoi de Suisse. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

17.         Le 8 janvier 2021, l’OCPM, constatant que l’intéressé ne s’était pas déterminé sur sa lettre d’intention, lui a fixé un nouveau délai pour présenter des observations.

18.         Par décision du 10 mars 2021, le département a révoqué l’autorisation d’établissement de l’intéressé et a prononcé son renvoi de Suisse.

Dans le cadre de l’examen de ses conditions de séjour à compter du 25 avril 2018, il n’avait été en mesure, d’expliquer son emploi du temps, ni de produire ses contrats de travail, hormis pour la période du 1er mai au 31 août 2019. Il avait dès lors perdu la qualité de travailleur au sens de l’art. 6 annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2019, il avait recours de manière continue aux prestations financières de l’Hospice général pour un montant total excédant CHF 90'000.-. Il ne pouvait pas invoquer la réglementation du séjour des personnes n’exerçant pas une activité lucrative au sens de l’art. 24 annexe I ALCP pour demeurer en Suisse.

Sa dépendance à l’aide sociale justifiait la révocation de son autorisation d’établissement en application de l’art. 63 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Pour les mêmes motifs, la poursuite de son séjour ne s’imposait pas sous l’angle des dispositions régissant les cas de rigueur.

19.         Par acte daté du 4 avril 2021, le précité a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision. Il avait postulé à une offre d’emploi et devait effectuer un essai le 15 avril suivant. Si ce dernier se révélait concluant, il obtiendrait un emploi de durée indéterminée qui lui permettrait de parvenir à une autonomie financière.

20.         Dans ses observations du 8 juin 2021, le département a proposé le rejet du recours.

Le recourant réalisait pleinement le motif de révocation de son autorisation d’établissement. Il avait déjà eu recours à l’aide sociale. Sa situation financière était obérée, compte tenu des poursuites pour dettes dont il faisait l’objet, ainsi que des actes de défaut de biens qui lui avaient été délivrés. Son comportement n’était par ailleurs pas exempt de tout reproche, eu égard à ses condamnations pénales. Enfin, il n’avait pas démontré qu’il disposait de la qualité de travailleur au sens de l’ALCP.

21.         Par réplique du 13 juin 2021, le recourant a fait valoir qu’il avait repris un emploi à mi-temps depuis le 1er juin précédent. Il se pouvait qu’après le temps d’essai de trois mois, l’activité de la société permette de l’embaucher à temps plein. Il envisageait d’emménager dans le canton de K______ afin de se rapprocher de son lieu de service et d’exercer de manière plus régulière son droit de garde sur sa fille.

Il a produit un contrat de travail conclu avec G______ Sàrl, selon lequel il était engagé dès le 1er juin 2021 en qualité d’employé polyvalent/livreur pour une durée indéterminée moyennant un salaire horaire brut de CHF 26.31, le temps d’essai se montant à trois mois.

22.         Par duplique du 2 juillet 2021, le département le département a conclu derechef au rejet du recours.

Le recourant n’avait produit aucun document attestant qu’il avait travaillé au-delà du 31 août 2019. Par ailleurs, les conditions relatives aux cas de rigueur et à la protection de la vie familiale n’apparaissaient pas réalisées.

23.         Le 8 novembre 2021, le tribunal a invité le recourant à transmettre toutes ses fiches de salaires établies par G______ Sàrl depuis qu’il avait été embauché par cette entreprise, ainsi qu’un extrait de son compte individuel AVS.

24.         Le 6 décembre 2021, le précité a remis au tribunal un extrait de son compte individuel AVS, faisant état de cotisations versées durant les années 2002 à 2011, ainsi que des fiches de salaires établies par G______ Sàrl pour les mois de juin et juillet 2021, indiquant qu’il avait perçu les rémunérations nettes de CHF 1'547.90 et CHF 1'465.35.

25.         Le 21 décembre 2021, le département a fait valoir que l’extrait du compte individuel AVS du recourant démontrait qu’il n’avait plus travaillé, ni cotisé depuis plusieurs années. Son emploi auprès d’G______ Sàrl ne s’était vraisemblablement pas poursuivi au-delà de la période d’essai. À défaut d’un autre document, il convenait de retenir qu’il n’exerçait aucune activité lucrative et émargeait toujours à l’aide sociale.

26.         Il ressort des pièces du dossier les éléments suivants :

À teneur d’une attestation de l’Hospice général du 15 décembre 2021, M. A______ a bénéficié de prestations de cette institution de 2007 à 2013 et de 2015 à 2021. Au cours des cinq dernières années, les montants perçus par lui totalisent CHF 102'631.20.

Selon l’extrait du registre des poursuites, au 3 février 2021, le recourant a fait l’objet de poursuites pour dettes pour CHF 65'836.- et 59 actes de défaut de biens pour un total de CHF 199'239.90 lui ont été délivrés.

Le recourant a été condamné :

-     le 4 mars 2004, par le Juge de Police de la H______, à une peine d’emprisonnement de 6 semaines avec sursis pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

-     le 6 avril 2006, par les Juges d’instruction de B______, à une peine d’emprisonnement d’un mois avec sursis pour violation d’une obligation d’entretien (pour la période du 1er septembre 2004 au 30 septembre 2005) ;

-     le 31 janvier 2007, par le juge d’instruction de l’arrondissement de I______, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 50.- le jour pour vol ;

-     le 10 octobre 2008, par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la J______, à une peine privative de liberté d’un an avec sursis partiel, ainsi qu’à une amende de CHF 50.- pour escroquerie, violation d’une obligation d’entretien, mise en circulation de fausse monnaie, importation, acquisition et prise en dépôt de fausse monnaie, violation simple des règles de la circulation routière et défaut d’avis. Ce jugement a été confirmé le 16 janvier 2009 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal K______, qui a retenu que la violation de la contribution d’entretien avait été commise pour la période du 1er octobre 2005 au 31 mars 2008 ;

-     le 23 juillet 2012, par le Ministère public de l’arrondissement de I______, à une peine de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour pour vol ;

-     le 16 janvier 2014, par le Ministère public de B______, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- le jour pour violation d’une contribution d’entretien (période du 1er novembre 2007 au 30 juin 2013) et

-     le 15 septembre 2015, par le Ministère public de B______, à une peine privative de liberté de 60 jours pour délit contre la LStup et violation d’une obligation d’entretien (période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2015).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions du département de la sécurité, de la population et de la santé relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             Le recourant, de nationalité française, conteste la révocation de son autorisation d’établissement par le département.

6.             La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l’ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEI). En principe, comme l'ALCP ne réglemente pas la révocation de l'autorisation d'établissement UE/AELE, c'est l'art. 63 LEI qui est applicable (art. 23 al. 2 de l'ordonnance fédérale du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange – OLCP – RS 142.203).

7.             L'ALCP prévoit un régime plus favorable que celui de l'art. 63 al. 1 let. c LEI (sous réserve de l'art. 63 al. 2 LEI) en faveur du travailleur salarié au bénéfice d'un permis de séjour UE/AELE exerçant une activité salariée en Suisse en ce que celui-ci ne peut pas être privé de son autorisation au motif qu'il perçoit des prestations d'assistance sociale. En effet, aussi longtemps qu'il est considéré comme un travailleur en Suisse au sens de l'ALCP, lui et les membres de sa famille y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille, de sorte qu'il a notamment le droit de percevoir des prestations d'assistance sociale (art. 9 § 2 Annexe I ALCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_412/2014 du 27 mai 2014 consid. 3.2 et les références citées). En revanche, la perte du statut de travailleur ALCP met fin à l'égalité de traitement prévue par l'art. 9 Annexe I ALCP et donc au régime plus favorable sous cet angle de l'ALCP.

8.             Le Tribunal fédéral a rappelé (arrêt 2C_669/2015 du 30 mars 2016 consid. 5.3.1 et 5.3.2 et les réf.), que la Cour de Justice UE estime que la notion de travailleur, qui délimite le champ d'application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l'objet d'une interprétation stricte. Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'une rémunération). Cela suppose l'exercice d'activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Ne constituent pas non plus des activités réelles et effectives celles qui ne relèvent pas du marché normal de l'emploi, mais sont destinées à permettre la rééducation ou la réinsertion de personnes diminuées sur le plan physique ou psychique. En revanche, aucun motif de principe ne s'oppose à ce que des activités rémunérées proposées aux bénéficiaires de l'aide sociale dans un but de réinsertion sur le marché général de l'emploi soient qualifiées de réelles et effectives. Ni la nature juridique de la relation de travail en cause au regard du droit national (par ex. contrat de travail sui generis), ni la productivité plus ou moins élevée du travailleur, ni son taux d'occupation (par ex. travail sur appel), ni l'origine des ressources pour le rémunérer (privées ou publiques), ni même l'importance de cette rémunération (par ex. salaire inférieur au minimum garanti) ne sont, en eux-mêmes et à eux seuls, des éléments décisifs pour apprécier la qualité de travailleur au sens du droit communautaire. En particulier, on ne saurait automatiquement dénier cette qualité à une personne qui exerce une activité salariée réelle et effective, en raison du seul fait qu'elle cherche à compléter la rémunération tirée de cette activité, inférieure au minimum des moyens d'existence, par d'autres moyens d'existence licites. Sous ce rapport, il n'importe pas de savoir si les moyens d'existence complémentaires proviennent de biens ou du travail d'un membre de la famille de l'intéressé ou s'ils sont dérivés d'une aide financière prélevée sur les fonds publics de l'État membre de résidence, pourvu que la réalité et l'effectivité de l'activité soient établies.

La qualité de travailleur selon l'ALCP s'applique ainsi également aux « working poor », c'est-à-dire aux travailleurs qui, bien qu'exerçant une activité réelle et effective, touchent un revenu qui ne suffit pas pour vivre ou faire vivre leur famille dans l'État d'accueil.

Pour apprécier si l'activité exercée est réelle et effective, on peut tenir compte de l'éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée, ou de la faible rémunération qu'elles procurent. La libre circulation des travailleurs suppose, en règle générale, que celui qui s'en prévaut dispose des moyens d'assurer sa subsistance, surtout dans la phase initiale de son installation dans le pays d'accueil, lorsqu'il est à la recherche d'un emploi. Ainsi, le fait qu'un travailleur n'effectue qu'un nombre très réduit d'heures - dans le cadre, par exemple, d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel - ou qu'il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l'activité exercée n'est que marginale et accessoire. À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'un travail exercé au taux de 80 % pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu'il s'agirait d'une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d'application de l'art. 6 annexe I ALCP (arrêt 2C_1061/2013 du 14 juillet 2015 consid. 4.4). En revanche, il a considéré qu'une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d'environ CHF 600.- à CHF 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu'elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt 2C_1137/2015 du 6 août 2015 consid. 4.4).

9.             En l’occurrence, dans sa réplique du 13 juin 2021, le recourant indique qu’il occupe à nouveau un emploi à mi-temps depuis le 1er juin précédent. Ce faisant, il se prévaut implicitement de sa qualité de travailleur au sens de l’ALCP pour s’opposer à la révocation de son autorisation d’établissement.

Le contrat de travail conclu pour une durée maximale de quatre mois – à savoir du 1er mai au 31 août 2019 – ne permet pas, compte tenu de la brève durée de la période d’activité, de retenir que, durant cet intervalle, le recourant avait la qualité de travailleur au sens de l’ALCP.

Le 1er juin 2021 il a été embauché par G______ Sàrl en qualité d’employé polyvalent/livreur pour une durée indéterminée moyennant un salaire horaire brut de CHF 26.31, le temps d’essai se montant à trois mois. Il résulte des pièces du dossier qu’il n’a travaillé pour cette entreprise que durant les mois de juin et de juillet. S’agissant des périodes suivantes, il n’allègue pas – et ne démontre encore moins – qu’il aurait exercé une quelconque activité lucrative réelle et effective lui permettant de réaliser un revenu suffisant.

Il s’ensuit que la qualité de travailleur au sens de l’ALCP doit lui être déniée.

10.         Le recourant allègue en outre qu’il entend déménager dans le canton de K______ afin, notamment, d’exercer de manière plus régulière son droit de visite sur sa fille, qui possède sa nationalité suisse.

11.         Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille à la condition qu'il entretienne des relations étroites, effectives et intactes avec un membre de cette famille disposant d'un droit de présence assuré en Suisse, à savoir la nationalité suisse, une autorisation d'établissement ou une autorisation de séjour à la délivrance de laquelle la législation suisse confère un droit certain (ATF 130 II 281 consid. 3.1). Les relations visées à l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux, ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa).

12.         En l’occurrence, le tribunal doute fort que le recourant ait jamais entretenu des relations personnelles avec sa fille. L’intéressé ne l’a de toute manière pas démontré. De surcroît, il n’a jamais versé de contribution d’entretien en sa faveur – alors qu’il s’y était engagé par convention du 16 février 2004 conclue avec la mère de celle-ci – preuve en sont les quatre prononcés pénaux le condamnant pour violation d’une obligation d’entretien et dont il résulte que cette infraction a été commise du 1er avril 2004 au 30 juin 2015.

Force est de constater qu’il s’est totalement désintéressé de son enfant depuis la naissance de celle-ci. En conséquence, il ne peut tirer aucun droit de l’art. 8 CEDH en vue de séjourner en Suisse.

13.         Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que le département a révoqué l’autorisation d’établissement du recourant.

14.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

15.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

16.         En l'espèce, dès lors qu’elle a révoqué l'autorisation d'établissement du recourant, l’autorité intimée devait ordonner son renvoi de Suisse, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI), ce qu'il ne fait au demeurant pas valoir.

17.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 avril 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 10 mars 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière