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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1015/2021

JTAPI/1149/2021 du 15.11.2021 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : DROITS DE MUTATION;IMMEUBLE;DIVORCE;SÉPARATION DE BIENS
Normes : LDE.66.al1; CC.650; CC.652; CC.251
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1015/2021 ICC

JTAPI/1149/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 novembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Mes Frédéric VUILLEUMIER et Antoine BIEDERMANN, avocats, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige porte sur des droits d’enregistrement en application de la loi genevoise sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE – D 3 30).

2.             Madame A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) et Monsieur B______ étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

3.             En 2014, ils ont acquis une villa en copropriété sise au 1______, chemin C______ à D______.

4.             Par convention de divorce signée le 27 juin 2019, M. B______ a transféré sa part de copropriété dans la villa à la contribuable, cette dernière reprenant à son seul nom l’emprunt hypothécaire grevant l’immeuble. La propriété des biens et objets garnissant ce bien immobilier était également attribuée à la contribuable. Les époux conservaient la propriété de leurs biens immobiliers respectifs, soit celui de E______ pour la contribuable et celui de F______ pour M. B______. Ce dernier devait en outre transférer vingt actions de la G______ (société civile immobilière française), en lien avec un bien immobilier sis à H______, à son épouse, laquelle en détenait déjà quatre-vingt. La contribuable lui verserait une somme de CHF 800'000.- « au titre de la liquidation de leurs rapports patrimoniaux ».

5.             Selon les avis d’échéance bancaire, l’emprunt hypothécaire s’élevait à CHF 750'000.- au 30 juin 2019.

6.             Par jugement de divorce du 15 novembre 2019, le juge civil a ratifié la convention de divorce du 27 juin 2019 et ordonné au Conservateur du Registre foncier de transférer la part de copropriété de M. B______ sur la villa de D______ au nom de la contribuable, laquelle reprenait l’emprunt hypothécaire la grevant à son seul nom.

7.             Par courrier du 5 mai 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a invité la contribuable à lui communiquer, justificatifs à l’appui, la valeur vénale de la villa et des actions de la G______, une copie intégrale de l’acte notarié d’achat de cette société, ainsi que le mode de détermination du montant de CHF 800'000.-.

8.             Selon l’expertise effectuée par I______ le 4 juin 2020, la villa a été estimée à une valeur de CHF 5'400'000.-.

9.             Par courrier A+ du 26 juin 2020, l’AFC-GE a accordé à la contribuable un ultime délai, sous peine de taxation d’office, pour fournir les éléments demandés dans son courrier du 5 mai 2020.

10.         Par avis de taxation du 23 octobre 2020, l’AFC-GE a procédé à une taxation d’office en retenant les éléments suivants :

Opérations

Valeur/nombre

Droits

Exo %

Exonération sur les droits

Centimes additionnels

Total

Autre jugement

1

CHF 5.00

0

CHF 0.00

CHF 5.50

CHF 10.50

Cession immobilière

CHF 2'400'000.00

CHF 72'000.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 72'000.00

Donation exempte de droits (art. 27A)

CHF 800'000.00

CHF 0.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 0.00

Autres actes et opérations

4

CHF 8.00

0

CHF 0.00

CHF 8.80

CHF 16.80

Frais de rappel recommandé

1

CHF 20.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 20.00

 

 

CHF 72'033.00

 

CHF 0.00

CHF 14.30

Amende pour fraude

 

 

 

 

 

CHF 500.00

Total

CHF 72'547.30

11.         Par courrier de ses conseils du 27 novembre 2020, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de cet avis de taxation.

Son ex-mari avait aliéné la moitié de la valeur de la villa, soit CHF 2'700'000.- (CHF 5'400'000.- / 2), contre reprise de la moitié de la dette hypothécaire, soit CHF 375'000.- (CHF 750'000.- / 2).

Les ex-époux étant soumis au régime de la séparation de biens, la convention de divorce ne comprenait pas de liquidation de régime matrimonial, car il n’y avait pas de biens communs à répartir. Dès lors, le transfert de la part d’immeuble de M. B______ à la contribuable ne pouvait constituer qu’une donation mixte constituée d’une vente à concurrence de CHF 375'000.-, taxable à hauteur de 3% (soit CHF 10'125.-), et d’une donation, exonérée conformément à l’art. 27A LDE, pour la différence de CHF 2'325'000.- entre la valeur du bien (CHF 2'700'000.-) et ce prix de vente (CHF 375'000.-).

12.         Par courrier du 10 décembre 2020, l’AFC-GE a accordé un délai à la contribuable pour se déterminer sur la reformatio in pejus, dès lors que la valeur vénale de la villa était supérieure à la valeur retenue dans l’avis de taxation.

13.         Par courrier de ses mandataires du 15 janvier 2021, la contribuable n’a pas contesté la nouvelle valeur vénale retenue par l’AFC-GE. En revanche, elle maintenait l’argumentation et les conclusions de sa réclamation.

14.         Par décision sur réclamation du 12 février 2021, l’AFC-GE a considéré que la cession d’une part de copropriété à titre onéreux (par la reprise de l’emprunt hypothécaire et le paiement d’un montant de CHF 800'000.-) correspondait à une vente taxable au sens de l’art. 33 LDE. Dès lors, elle lui a remis un bordereau de suppléments de droits d’enregistrement de CHF 9'000.-, basé sur l’avis de rectification suivant :

Opérations

Valeur/nombre

Droits

Exo %

Exonération sur les droits

Centimes additionnels

Total

Autre jugement

1

CHF 5.00

0

CHF 0.00

CHF 5.50

CHF 10.50

Cession immobilière

CHF 2'700'000.00

CHF 81'000.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 81'000.00

Donation exempte de droits (art. 27A)

CHF 800'000.00

CHF 0.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 0.00

Autres actes et opérations

4

CHF 8.00

0

CHF 0.00

CHF 8.80

CHF 16.80

Frais de rappel recommandé

1

CHF 20.00

0

CHF 0.00

CHF 0.00

CHF 20.00

 

 

CHF 81'033.00

 

CHF 0.00

CHF 14.30

Amende pour fraude

 

 

 

 

 

CHF 500.00

Total

CHF 81'547.30

15.         Par acte du 18 mars 2021, sous la plume de ses mandataires, la contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision sur réclamation, qu’elle allègue avoir reçue le 16 février 2021, concluant principalement, sous suite de frais et de dépens, à son annulation et à ce que le tribunal dise « qu’aucun droit proportionnel n’est dû à l’occasion de la cession du bien immobilier de M. B______ à son épouse ».

Les conditions d’une donation simple ou mixte étaient remplies, dès lors que la part de copropriété, d’une valeur vénale de CHF 2'700'000.-, avait été transférée en contrepartie de la reprise de la part de dette hypothécaire de CHF 375'000.-. Ce dernier montant étant plus de sept fois inférieur à la valeur du bien transmis, et sauf preuve du contraire que l’autorité intimée n’avait pas apportée, il ne pouvait s’agir que d’une donation entre époux de CHF 2'325'000.- exonérée de droits d’enregistrement. Seul un montant de CHF 375'000.- pouvait être taxé à hauteur de 3% conformément à l’art. 33 LDE, ce qui représentait CHF 10'125.-.

16.         Dans sa réponse du 21 mai 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Conformément à la convention de divorce, la recourante s’était vue attribuer en pleine propriété la villa de D______ moyennant la reprise de l’intégralité des dettes hypothécaires existantes et le versement à M. B______ d’une soulte de CHF 800'000.-. Les époux avaient en effet convenu que ce dernier montant était versé au titre de liquidation de leur rapports patrimoniaux. Cette interprétation était conforme aux art. 11 al. 1 et 33 al. 2 LDE, à la doctrine et à la jurisprudence citée.

17.         Par réplique du 13 juillet 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Il convenait de prendre en compte la volonté des parties telle qu’exprimée dans la convention de divorce, laquelle ne prévoyait pas uniquement la cession de la villa, mais réglait l’ensemble des rapports patrimoniaux des époux. Or, il n’était aucunement mentionné que les CHF 800'000.- étaient en lien avec le transfert de la villa, la convention ne prévoyant pas de soulte à ce titre. Il s’agissait d’un montant supplémentaire sans contrepartie particulière. Par ailleurs, s’il devait s’agir d’une soulte, celle-ci devrait être affectée tant au transfert de la villa qu’à celui des actions de la SCI, soit, par simplification, CHF 400'000.- pour chaque bien. Dans cette hypothèse, le transfert de la villa aurait eu lieu pour CHF 775'000.- (CHF 375'000.- + CHF 400'000.-) et le solde de CHF 1'925'000.- constituerait la part gratuite de la donation mixte.

Relativement à l’un des arrêts cités par l’AFC-GE (JTAPI/1245/2013 du 11 novembre 2013), la recourante avait certes repris la dette sans que son époux ne reste codébiteur, mais les deux cas d’espèce étaient similaires, de sorte que le montant de cette moitié d’hypothèque devait être considéré comme le seul élément onéreux.

18.         Dans sa duplique du 4 août 2021, l’AFC-GE a persisté intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 21 mai 2021. La recourante n’avait pas établi que le montant de CHF 800'000.- n’avait pas de lien avec le transfert de la villa ni qu’il ne s’agirait pas d’une soulte.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 179 al. 1 LDE).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 178 al. 7 et 179 al. 1 et 2 LDE et des art. 63 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En effet, l'AFC-GE ayant notifié la décision sur réclamation litigieuse datée du 12 février 2021 par pli simple, elle n'est pas en mesure de démontrer la date de sa réception. Étant donné que la recourante allègue l’avoir reçue le 16 février 2021, il y a lieu de considérer qu'en postant son recours le 18 mars 2021, elle a saisi le tribunal dans le délai légal. L’AFC-GE ne le conteste d’ailleurs pas.

3.             Les parties divergent sur la qualification, au sens de la LDE, du transfert à la recourante de la part de copropriété de l’ex-époux dans la villa de D______.

La recourante soutient que les conditions d’une donation ou d’une donation mixte sont remplies, de sorte que seul un montant de CHF 375'000.-, correspondant à la reprise de la part de la dette hypothécaire de l’ex-époux, était taxable au taux de 3% en application de l’art. 33 LDE.

L’AFC-GE estime au contraire que la part de copropriété de l’ex-époux de CHF 2'700'000.-, cédée à la recourante, doit être taxée conformément à l’art. 33 al. 2 LDE.

4.             Selon l’art. 1 al. 1 LDE, les droits d’enregistrement sont un impôt qui frappe toute pièce, constatation, déclaration, condamnation, convention, transmission, cession et en général toute opération ayant un caractère civil ou judiciaire, dénommées dans ladite loi « actes et opérations », soumises soit obligatoirement soit facultativement à la formalité de l’enregistrement.

5.             Aux termes de l’art. 33 al. 1 LDE, sont soumis obligatoirement au droit de 3%, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d’acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens.

Les cessions et reprises de biens immobiliers qui ne constituent pas une donation, un échange ou un partage, sont soumises au droit prévu pour les actes translatifs à titre onéreux de la propriété immobilière (art. 33 al. 2 LDE).

6.             Les art. 62 et ss. LDE réglementent les partages.

L’art. 62 al. 1 LDE soumet obligatoirement les partages entre héritiers de biens dépendant d’une succession (let. a) et les partages des biens matrimoniaux au moment du changement ou de la liquidation du régime matrimonial (let. b), au droit d’enregistrement de 1‰ sur la valeur vénale des biens au moment du partage (art. 63 LDE).

Ce droit de partage n’est applicable qu’une seule fois sur les biens faisant l’objet des opérations prévues aux art. 62 et 63 LDE, qu’il s’agisse d’un partage total ou de partages partiels, et à condition que tous les ayants droit participent à l’opération ou y soient représentés (art. 64 LDE).

Selon l’art. 66 al. 1 LDE, intitulé « autres partages », dans les actes de partage autres que ceux visés aux art. 62, 63 et 64 LDE, le droit de vente est perçu sur les soultes et retours. Il est perçu en outre le droit de partage sur le surplus de la valeur des biens, y compris sur les reprises du conjoint survivant, s’il s’agit de liquidation successorale. Ces dispositions s’appliquent notamment aux partages autres que le premier partage entre héritiers ainsi qu’à ceux intervenus entre colégataires ou entre codonataires.

7.             Selon les travaux préparatoires du projet de loi 2'859 sur les droits d'enregistrement (ci-après : PL 2'859), « le partage est une opération qui a pour objet de convertir pour chacun des indivis ou copropriétaires, le droit général ou indivis qu’ils avaient sur la totalité des choses communes, en droit exclusif sur une ou plusieurs choses déterminées ( ). Le partage peut avoir lieu notamment entre héritiers, entre époux qui liquident leur régime matrimonial, entre associés, entre membres d’une indivision ou d’une communauté prolongée, entre colégataires, codonataires, entre copropriétaires (art. 646 et 651 du Code civil suisse du 10 décembre l907 - CC - RS 210) ou propriétaires en commun (art. 652 et 654 CCS) » (MGC 1965 II 905).

8.             Le régime de la séparation de biens est régi par les art. 247 à 251 ss. CC.

9.             Selon l’art. 248 al. 1 et 2 CC, quiconque allègue qu’un bien appartient à l’un ou l’autre des époux est tenu d’en établir la preuve (al 1). À défaut de cette preuve, le bien est présumé appartenir en copropriété aux deux époux (al. 2).

10.         Lorsqu'un bien est en copropriété, un époux peut, à la dissolution du régime, demander, en sus des autres mesures prévues par la loi, que ce bien lui soit attribué entièrement s'il justifie d'un intérêt prépondérant, à charge de désintéresser son conjoint (art. 251 CC).

11.         Le partage de la copropriété d'un immeuble acquis par des époux séparés de biens est régi par les règles ordinaires des art. 650 et 651 CC, auxquelles s'ajoute le mode de partage du droit matrimonial de l'art. 251 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_212/2010 du 10 août 2010 consid. 5.1).

La copropriété cesse par le partage en nature, par la vente de gré à gré ou aux enchères avec répartition subséquente du prix, ou par l'acquisition que l'un ou plusieurs des copropriétaires font des parts des autres (art. 651 al. 1 CC).

12.         Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, il n'y a certes pas à proprement parler de liquidation de ce régime en cas de divorce, puisque leurs patrimoines sont par définition déjà séparés. Un règlement des comptes entre époux peut cependant être nécessaire en raison de créances et de dettes qui ont pu prendre naissance durant la vie commune en faveur ou à la charge de l'un ou de l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_501/2015 du 12 janvier 2016 consid. 3).

13.         Dans un jugement du 26 septembre 2011 (JTAPI/1041/2011), le tribunal de céans a retenu que le régime matrimonial de la séparation de biens excluait sa liquidation lors d'un divorce. La cession à l'ex-époux d'un droit d'usufruit sur la maison conjugale, fixée par convention sur les effets accessoires du divorce, devait être taxée selon l'art. 33 al. 2 LDE.

Il a relevé que l'ancienne Commission cantonale de recours en matière d'impôts avait estimé, dans le cas d'un couple qui s'était marié sous le régime de la séparation de biens, que la cession d'un immeuble à l'ex-conjoint en paiement d'une indemnité selon l'ancien droit du divorce (art. 151 al. 1 CC) tombait sous le coup de l'art. 33 LDE (DCCR/176/1995 du 19 octobre 1995). Le tribunal en a conclu que, sous l'angle du droit fiscal, les époux séparés de biens devaient être entièrement assimilés à des propriétaires privés en dehors de l'existence d'une convention matrimoniale. Partant, le transfert de la part de l’immeuble en faveur du contribuable, moyennant la reprise de la dette hypothécaire et le versement d’une soulte, devait être taxé selon l’art. 33 LDE.

14.         Cela étant, dans un jugement plus récent (JTAPI/959/2020 du 3 novembre 2020), le tribunal a considéré dans un cas de divorce dans lequel les ex-époux, copropriétaires de deux immeubles, avaient convenu que chacun reprenne la part de copropriété de l’autre dans un immeuble et cède sa part dans celle de l’autre immeuble, moyennant la reprise de la dette hypothécaire et le versement d’une soulte, qu’il s’agissait d’un partage au sens de l’art. 66 LDE. Ce faisant, il a indiqué que sa jurisprudence précédente ne pouvait pas être reprise. Dès lors, conformément à l’art. 66 al. 1 LDE, il a jugé qu’un droit de partage de 1‰ sur la valeur des deux immeubles, ainsi qu’un droit de vente de 3% devaient être perçus sur la soulte que le recourant avait versée à son ex-épouse.

15.         Saisie d’un recours contre ce jugement, la chambre administrative de la Cour de justice l’a confirmé par arrêt du 2 mars 2021 (ATA/286/2021).

Après avoir rappelé qu’il n’y avait pas lieu, au moment du divorce, de procéder à la liquidation du régime matrimonial dans le cas d’une séparation de biens, elle a considéré ce qui suit : « Il ressort des travaux préparatoires de la LDE que le Titre VI « Partages » ne visait pas que les partages issus d’indivisions ou de propriétés en mains communes. Ce titre incluait également le partage de copropriétés. Or, les ex-époux étaient copropriétaires de deux biens immobiliers. Lors de leur divorce, ils ont procédé au partage de chacune de ces copropriétés. Ainsi et conformément à ce que l’ancien Tribunal administratif a retenu dans l’ATA/548/2005, qui se réfère aux travaux préparatoires, la transaction par laquelle les ex-époux ont mis fin à leurs copropriétés doit être considérée, sous l’angle fiscal, comme un partage au sens de l’art. 66 LDE. Le jugement JTAPI/1041/2011 précité, qui s’écarte de cette interprétation, ne tient pas compte des travaux préparatoires, sans donner de justification à cet égard. Les premiers juges ont ainsi, à juste titre, retenu que cette jurisprudence ne devait pas être appliquée. Par ailleurs, l’art. 33 al. 1 LDE réserve expressément les dispositions particulières relatives aux partages et à l’échange. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer en cas de partage ou d’échange les droits d’enregistrement de l’art. 33 LDE ».

16.         En l’espèce, les ex-époux ayant été mariés sous le régime de la séparation de biens, ils doivent être assimilés à des copropriétaires soumis aux règles de partage ordinaires prévues aux art. 650 et 652 CC, complétées par la disposition de droit matrimonial de l’art. 251 CC.

Dès lors qu’il résulte de l’ATA/286/2021 précité qu’un tel partage de copropriété fait partie des « autres partages » prévus à l’art. 66 LDE, il se justifie de prélever un droit de partage de 1‰, soit CHF 5'400.-, sur la valeur de la villa en cause estimée à CHF 5'400'000.-. Le recours est partiellement admis sur ce point.

17.         S’agissant de savoir si le montant de CHF 800'000.- correspond à une soulte, normalement soumise à un droit de vente de 3% en application de l’art. 66 al. 1 LDE, le tribunal répond à cette question par l’affirmative.

En effet, comme le relève l’autorité intimée, la soulte est en principe une compensation pour des biens partagés ou échangés. Or, la convention de divorce du 27 juin 2019 mentionne expressément que la somme de CHF 800'000.- est versée par la recourante à son ex-époux au titre de liquidation de leurs rapports patrimoniaux.

Dans ces conditions, à défaut d’autres explications de la part de la recourante, l’on voit mal pour quelle autre raison elle aurait payé cette somme à son ex-conjoint.

18.         Par conséquent, il y a lieu de prélever un droit de vente de 3% sur ces CHF 800'000.-, soit CHF 24'000.-. Le recours est rejeté sur ce second point.

19.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et le dossier renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens des considérants ci-dessus.

20.         En application des art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 200.- lui sera restitué.

21.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 mars 2021 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 12 février 2021 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Alia CHAKER MANGEAT et Laurence DEMATRAZ, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière