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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4281/2020

JTAPI/903/2021 du 06.09.2021 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : IMPÔT ANTICIPÉ;RESTITUTION DE L'IMPÔT;NÉGLIGENCE;INTENTION
Normes : LIA.23
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4281/2020 ICCIFD

JTAPI/903/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 septembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Thierry ULMANN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les taxations 2013 et 2014 de Monsieur A______.

2.             Durant les années en cause, le contribuable détenait l’intégralité du capital-actions de B______ SA (ci-après : la société), dont il était par ailleurs l’unique administrateur.

3.             Dans sa déclaration fiscale 2013, il a mentionné la valeur de sa participation dans la société pour CHF 5.34 millions, ainsi qu’un dividende de CHF 6.1 millions.

4.             Dans sa déclaration fiscale 2014, le précité a également porté la valeur de ses titres de la société pour CHF 5.34 millions. En revanche, il a laissé vide la case « rendement brut soumis à l’impôt anticipé ».

5.             Le 7 décembre 2017, il a déposé une deuxième déclaration fiscale 2013, faisant également état d’une valeur de sa participation de CHF 5.34 millions, ainsi qu’un dividende de CHF 6.1 millions.

6.             Le 21 décembre 2017, le contribuable a remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de nouvelles déclarations fiscales 2013 et 2014. Dans cette dernière, il a mentionné un rendement brut soumis à l’IA s’élevant à CHF 100'000.-.

7.             Le 12 janvier 2018, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a fait part à la société que, lors d’une révision de celle-ci effectuée les 4 et 5 juillet 2017, ainsi qu’au cours d’un entretien du 9 novembre suivant, elle avait constaté qu’elle pris à sa charge des frais privés de son actionnaire durant les années 2012 à 2015. Ces dépenses, considérées comme des prestations appréciables en argent et soumises à l’impôt anticipé (ci-après : IA), avaient été fixées à bien plaire à CHF 100'000.- par année.

8.             Par bordereaux datés du 11 septembre 2018, l’AFC-GE a taxé le contribuable pour l’année 2013 sans ajouter à son revenu le montant desdites prestations appréciables en argent.

9.             Le 27 septembre 2018, le contribuable a informé l’AFC-GE de l’existence des prestations appréciables en argent et a sollicité le remboursement de l’IA prélevé sur celles-ci.

10.         Le 9 octobre 2018, l’AFC-GE a fait part au contribuable qu’elle annulait les bordereaux du 11 septembre 2018.

11.         Les 22 octobre et 12 décembre 2018, l’AFC-GE a taxé le précité pour l’année 2013, respectivement 2014. Pour chacune de ces deux périodes, elle a ajouté CHF 100'000.- à son revenu et lui a remboursé, sous forme d’imputation, l’IA perçu sur ce montant.

12.         Les 20 novembre 2018 et 9 janvier 2019, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux. Celle-ci portait sur quatre éléments, qui ne sont actuellement plus litigieux.

13.         Le 11 juin 2019, le contribuable a retiré ses deux réclamations

14.         Par deux lettres du 29 juin 2020, l’AFC-GE a fait part au contribuable qu’elle entendait rectifier ses taxations 2013 et 2014 en sa défaveur en ce sens que l’IA sur le rendement de CHF 100'000.- ne pourrait pas lui être remboursé, étant donné que ce revenu n’avait pas été déclaré, même par négligence. Par ailleurs, s’agissant de l’année 2013, le compte courant de la société, en CHF 23'752.- serait rajouté à sa fortune. Un délai a été accordé au contribuable pour faire valoir son droit d’être entendu.

15.         Par plis du 16 juillet 2020, le contribuable s’est opposé à la reformatio in pejus de ses taxations.

Le dividende consistait en un montant taxé par l’AFC-CH dans le cadre d’un accord conclu en 2018, mais concernant les années 2013 et 2014. Dès qu’il avait eu connaissance de ce dernier et des montants concernés, il avait complété ses déclarations fiscales, en mentionnant le dividende complémentaire de CHF 100'000.-. Ces déclarations avaient été déposées avant que l’AFC-GE ne le taxe.

Son omission ne constituait qu’une simple négligence, puisqu’il avait annoncé les montants concernés dès connaissance de l’accord conclu avec l’AFC-CH. Il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir déclaré le dividende de CHF 100'000.- dans sa déclaration fiscale initiale, dès lors qu’il n’en avait pas connaissance.

Enfin, les bordereaux initiaux avaient été rendus à la suite d’une demande de renseignements, au cours de laquelle il avait fourni tous les renseignements nécessaires. L’AFC-GE avait ainsi admis, en toute connaissance de cause, le remboursement de l’IA. Il serait contraire à la bonne foi et arbitraire de remettre en cause cette taxation.

16.         Par décisions du 18 novembre 2020, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et a reformé in pejus les taxations 2013 et 2014 en ce sens qu’elle a refusé de restituer l’IA sur le dividende de CHF 100'000.-.

La déclaration ne pouvait être qualifiée de spontanée, puisqu’elle avait eu lieu après que l’AFC-CH eut constaté l’existence des prestations appréciables en argent. Le fait que le revenu eût été déclaré avant de recevoir la décision de taxation n’y changeait rien. Pour ce qui était de l’année 2014, la non-déclaration de la prestation appréciable en argent ne procédait pas d’une négligence.

Le même jour, l’AFC-GE a notifié au précité des bordereaux de taxation rectificatifs.

17.         Par deux actes du 16 décembre 2020, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de ces décisions en concluant au remboursement ou à l’imputation de l’IA prélevé sur les dividendes de CHF 100'000.- et, s’agissant de l’année 2014, à l’annulation des intérêts compensatoires négatifs, ainsi qu’à l’application du bouclier fiscal, le tout sous suite de frais et dépens.

Il a repris, en les développant, les arguments exposés dans ses réclamations. Par ailleurs, il ne comprenait pas comment l’autorité intimée avait déterminé le montant des intérêts compensatoires négatifs, ni comment la réduction liée au bouclier fiscal avait été calculée.

18.         Dans sa réponse du 16 mars 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le recourant n’avait annoncé les prestations appréciables en argent que le 21 décembre 2017, soit après le contrôle mené par l’AFC-CH. Ses déclarations ne pouvaient, dès lors, être considérées comme spontanées.

S’agissant de l’année 2014, il convenait de retenir que c’était de manière intentionnelle que le contribuable n’avait pas annoncé en temps utile les rendements litigieux. Par ailleurs, il ne pouvait ignorer que les frais privés supportés par la société ne constituaient pas des charges commercialement déductibles, puisqu’il était l’administrateur unique de cette dernière. Il était ainsi présumé avoir voulu tromper les autorités fiscales.

En annexe à sa réponse, l’AFC-GE a produit un chargé de pièces, comprenant deux tableaux expliquant le détail du calcul de la réduction liée au bouclier fiscal, respectivement des intérêts compensatoires négatifs.

19.         Par réplique du 14 mai 2021, le contribuable a conclu à l’annulation des décisions entreprises et des bordereaux rectificatifs, le tout sous suite de frais et dépens.

La déclaration des dividendes était intervenue spontanément, puisqu’elle avait eu lieu avant la notification des bordereaux. En outre, l’existence de l’entretien entre l’AFC-CH et la société ne signifiait pas que c’était à cette date qu’il avait eu connaissance du montant des prestations appréciables en argent faisant l’objet des reprises.

La modification de la part privée de l’actionnaire aux frais généraux de la société, effectuée par l’AFC-CH, correspondait à une réévaluation des charges commercialement déductibles pour celle-là. Initialement, la reprise annuelle excédait de beaucoup CHF 100'000.-. Compte tenu de cette appréciation effectuée par l’AFC-CH, il n’était pas conscient qu’il faisait supporter ses propres frais et ceux de ses proches par la société, ni que ces dépenses ne constituaient pas des charges commercialement déductibles.

20.         Dans sa duplique du 4 juin 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

Le critère temporel pour décider si une déclaration du contribuable était spontanée ou non, n’était pas la date de la décision rendue par l’AFC-CH, mais celle à laquelle le contrôle avait débuté. Le contrôle mené à l’encontre de la société impliquait nécessairement le recourant, en tant qu’actionnaire unique.

Contrairement à ce que soutenait le contribuable, la décision de l’AFC-CH du 12 janvier 2018 n’indiquait ni que le contrôle aurait concerné une réévaluation des charges de la société, ni qu’il aurait porté initialement sur des montants excédant CHF 100'000.- ni que l’AFC-GE aurait considéré ces charges comme déductibles.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 54 de la loi fédérale sur l'impôt anticipé du 13 octobre 1965 - LIA - RS 642.21 ; art. 15 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales du 30 décembre 1958 - RDDFF - D 3 80.04).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 54 al. 1 LIA.

3.             Le recourant conteste le refus de l’AFC-GE de lui rembourser l’IA retenu sur les prestations appréciables en argent consenties par la société en 2013 et 2014.

4.             Cette question est réglée par l’art. 23 LIA, qui présente la teneur suivante depuis le 1er janvier 2019 :

« Celui qui, contrairement aux prescriptions légales, ne déclare pas aux autorités fiscales compétentes un revenu grevé de l'impôt anticipé ou la fortune d'où provient ce revenu perd le droit au remboursement de l'impôt anticipé déduit de ce revenu (al. 1).

Il n'y a pas de déchéance du droit si l'omission du revenu ou de la fortune dans la déclaration d'impôt est due à une négligence et si, dans une procédure de taxation, de révision ou de rappel d'impôt dont la décision n'est pas encore entrée en force, ce revenu ou cette fortune (al. 2) :

a.    sont déclarés ultérieurement, ou

b.    ont été portés au compte du revenu ou de la fortune suite à une constatation faite par l'autorité fiscale ».

Avant le 1er janvier 2019, l’art. 23 LIA ne comportait qu’un seul alinéa, libellé ainsi : « celui qui, contrairement aux prescriptions légales, n’indique pas aux autorités fiscales compétentes un revenu grevé de l’impôt anticipé ou de la fortune d’où provient ce revenu perd le droit au remboursement de l’impôt anticipé déduit de ce revenu ».

5.             À teneur de l’art. 70d LIA, l’art. 23 al. 2 LIA s’applique aux prétentions nées à partir du 1er janvier 2014 pour autant que le droit au remboursement de l’impôt anticipé n’ait pas encore fait l’objet d’une décision entrée en force.

Il résulte de ce qui précède que la question du remboursement de l’IA pour l’année 2013 est régie par l’ancien droit, tandis que le nouveau droit règle cette même question en ce qui concerne l’année 2014.

Année 2013

6.             La circulaire n° 40 de l'AFC-CH du 11 mars 2014 fait suite à deux arrêts du Tribunal fédéral (2C_80/2012 du 16 janvier 2013 et 2C_95/2011 du 11 octobre 2011), dont elle reprend les principes exposés ci-dessous.

Ainsi, selon cette dernière, « sont notamment considérés comme des déclarations non-conformes à l’art. 23 LIA :

-     la déclaration de rendements imposables grevés de l’impôt anticipé effectuée après l’entrée en force de la taxation ordinaire ;

-     la déclaration de rendements imposables grevés de l’impôt anticipé effectuée suite à une demande, une injonction ou une quelconque intervention de l’autorité fiscale au sujet de ces rendements. Les simples corrections par l’autorité fiscale de rendements déjà déclarés (erreur de transcription, déclaration du rendement net, ajustement de la part privée des frais non justifiés commercialement auprès des détenteurs de parts, différence d’évaluation, etc.) ne conduisent pas à la déchéance du droit au remboursement sur le montant repris.

7.             Selon la jurisprudence, afin d'éviter de perdre son droit au remboursement, le contribuable doit annoncer spontanément le rendement du capital qui a été grevé de l'impôt, ainsi que la valeur d'où il provient, dans la première déclaration consécutive à l'échéance du rendement ou le faire ultérieurement en communiquant des renseignements complémentaires assez tôt pour qu'ils puissent être pris en considération avant l'entrée en force de la taxation (arrêt du Tribunal 2C_322/2016 du 23 mai 2016 consid. 3.2.1).

8.             Le contribuable doit avoir déclaré lui-même les rendements soumis à l'impôt anticipé. Peu importe généralement que les autorités fiscales aient pu se rendre compte du caractère incomplet de la déclaration et avoir accès aux informations manquantes en les demandant ou en effectuant une comparaison avec les dossiers fiscaux de tiers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_322/2016 du 23 mai 2016 consid. 3.2.2). En général, cette obligation est exécutée en mentionnant les éléments en question dans l'état des titres joint à la déclaration d'impôt. Le contribuable peut également les indiquer ultérieurement, à tout le moins jusqu'au prononcé de la décision de taxation, en complétant ou corrigeant sa déclaration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.4). Conformément au texte de l'art. 23 LIA, les éléments de revenus et de fortune doivent en outre être communiqués aux autorités fiscales compétentes pour la taxation.

9.             Sur la question de savoir si la déchéance du droit au remboursement suppose une faute de la part du contribuable, le Tribunal fédéral a considéré qu'à supposer que tel soit le cas, une simple négligence suffirait (arrêts 2C_172/2015 du 27 août 2015 consid. 4.2 ; 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 2.1 et les arrêts cités). Il n’est dès lors pas nécessaire de savoir si le contribuable avait une intention manifeste de soustraction ou de fraude. Le contraire reviendrait à permettre de taire des éléments déterminants dans la déclaration d'impôt et d'attendre la taxation afin de voir si l'autorité fiscale a ajouté ces éléments au revenu, respectivement à la fortune, avant d'éventuellement choisir de demander le remboursement de l'impôt anticipé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_172/2015 du 27 août 2015 consid. 4.3).

10.         En l’espèce, l’AFC-GE soutient que le recourant est déchu de son droit au remboursement de l’IA, pour le motif que sa déclaration n’est pas intervenue de manière spontanée.

Le précité conteste ce point de vue. Il fait valoir qu’il a informé l’AFC-GE dès qu’il a eu connaissance de « l’accord » conclu avec l’AFC-CH, ainsi que des reprises. Il ne peut lui être reproché d’avoir omis de mentionner la prestation appréciable en argent dans sa déclaration initiale, dès lors qu’il n’en avait pas connaissance.  

Le recourant ne peut être suivi.

En effet, ni sa première, ni sa seconde, ni non plus sa troisième déclaration fiscale ne font état de la prestation appréciable en argent de CHF 100'000.-. Quoi qu’en pense le contribuable, sa lettre à l’AFC-GE du 27 septembre 2018, l’informant de la perception de ce montant, ne saurait valoir annonce spontanée, car elle résulte indubitablement du contrôle mené par l’AFC-CH. En effet, le recourant s’y réfère, dans son courrier et y joint la lettre du fisc fédéral du 12 janvier 2018, récapitulant les reprises soumises à l’IA. Certes, ce contrôle a été mené auprès de la société et non du recourant. Toutefois, en tant qu’administrateur unique et donc seul organe, le prénommé ne pouvait pas ignorer l’existence de cette procédure. Il en a été informé dès son ouverture, le 4 juillet 2017, soit avant le 27 septembre 2018. En réalité, il était au courant en 2013 déjà des prestations appréciables en argent consenties sous forme de prise en charge de ses frais privés, puisqu’il en a décidé l’octroi et en a bénéficié. Enfin, il admet avoir commis une faute sous la forme d’une négligence.

Parant, le contribuable est déchu de son droit au remboursement de l’IA pour l’année 2013.

Année 2014

11.         Dans l’arrêt 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 au consid. 3.4, le Tribunal fédéral a retenu que, pour ne pas être déchu du droit au remboursement de l’IA, au sens de l’art. 23 al. 1 LIA, la déclaration doit être spontanée. À cet égard, il a renvoyé à sa jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien droit.

Dans ce même arrêt (consid. 3.7.1), il a rappelé que, dans le cadre de l’application de l’art. 23 al. 2 LIA, pour examiner si, sur le plan subjectif, l'omission de déclarer est intentionnelle ou procède d'une négligence, il n'y a pas lieu de s'écarter de ce qui a été développé en matière de soustraction fiscale. La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a volontairement - du moins par dol éventuel - voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes. En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle.

12.         Dans une affaire jugée le 27 juin 2019 par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1110/2018 consid. 4.3), le recourant en cause avait, le 1er février 2016, annoncé à l'AFC-GE, qu'il percevrait cette année-là un dividende extraordinaire soumis à l'IA. Il avait mentionné sa participation dans la société, mais avait toutefois laissé vides les cases correspondant aux rendements soumis à l'IA et n'avait pas indiqué « zéro », ni tracé un trait. Le Tribunal fédéral a considéré que cette omission relevait de la négligence.

13.         Dans une autre cause jugée par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_224/2017 du 16 août 2019 = StR 11/2019 p. 824), les recourants n'avaient pas mentionné un dividende dans l'état des titres mais en avaient indiqué le montant brut dans la rubrique « participations qualifiées » et avaient joint une copie du formulaire 110 transmis à l'AFC-CH (formulaire de déclaration de l'IA provenant des dividendes). Le Tribunal fédéral a retenu qu'il n'y a plus négligence lorsque le bénéficiaire de la prestation diminuée de l'IA a omis de déclarer des éléments de revenu ou de fortune dans l'intention de ne pas payer l'impôt. Dans le cas d'espèce, il a écarté le caractère intentionnel de l'omission, retenant que si les contribuables avaient envisagé une soustraction d'impôt, ils n'auraient ni mentionné le dividende dans la rubrique « participations qualifiées », ni joint le formulaire 110.

14.         En l’espèce, le recourant développe sa même argumentation que celle exposée pour l’année 2013. Il soutient par ailleurs que sa non-déclaration ne constitue qu’une simple négligence, au motif qu’il a annoncé la prestation appréciable en argent dès connaissance de « l’accord » conclu avec l’AFC-CH.

L’autorité intimée ne partage pas son opinion, relevant que le contribuable ne pouvait pas ignorer que ce montant ne constituait pas une charge commercialement déductible.

L’argumentation du précité tombe à faux. Tout d’abord, il convient qu’il a certes fait figurer le dividende dans sa seconde déclaration fiscale 2014. Cependant, cette annonce ne revêt pas un caractère spontané. À cet égard, le raisonnement exposé ci-dessus concernant l’année fiscale 2013 peut être repris.

La question se pose dès lors de savoir si, à défaut de déclaration conforme au sens de l’art. 23 al. 1 LIA, le recourant n’est néanmoins pas déchu de son droit au remboursement de l’IA, parce que son omission de déclarer ne procède que d’une simple négligence.

Or, contrairement à ce qu’il soutient, il n’a pas eu connaissance des prestations appréciables en argent seulement le 12 janvier 2018, mais déjà en 2014, puisqu’il est l’unique administrateur et actionnaire de la société (cf. consid. 10 supra). Par ailleurs, étant donné que sa première déclaration fiscale 2014 a été remplie par un avocat, il ne saurait se prévaloir du fait qu’il ignorait que la prise en charge de ses frais privés par la société ne constituait pas un revenu imposable. En conséquence, la non-déclaration de la somme de CHF 100'000.- procède à tout le moins doit être qualifiée d’intentionnelle.

Partant, le recourant est déchu de son droit au remboursement de l’IA pour l’année 2014.

15.         Dans son recours relatif à l’année 2014, le contribuable fait également valoir qu’il ne comprend ni comment l’autorité intimée a déterminé le montant des intérêts compensatoires négatifs, ni comment elle a calculé la réduction liée au bouclier fiscal. Il sollicite la production du détail des calculs, ainsi que l’annulation desdits intérêts.

Dans sa réponse, l’AFC-GE a fait droit aux conclusions du recourant. En effet, elle a fourni le détail des calculs concernant le bouclier fiscal et les intérêts compensatoires négatifs. Il lui en sera donné acte.

16.         Au vu de ce qui précède, les recours doivent être très partiellement admis.

17.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient très partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 200.- lui sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 300.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevables les recours interjetés le 16 décembre 2020 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 novembre 2020 ;

2.             les admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 300.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 56 LIA ainsi que 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature des recourants ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent jugement et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière