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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3069/2020

JTAPI/636/2021 du 21.06.2021 ( ICCIFD ) , REJETE

REJETE par ATA/1341/2021

Descripteurs : ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT);APPARTENANCE ÉCONOMIQUE;COMMERCE D'IMMEUBLES;DROIT D'EMPTION;PROMESSE DE CONTRACTER;VENTE D'IMMEUBLE
Normes : LIFD.4; LHID.4; LIPP.3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3069/2020 ICCIFD

JTAPI/636/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 juin 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Monsieur Jean-Marc WASEM, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’assujettissement limité de Monsieur A______ pour les années 2011 à 2017 qui était alors domicilié en France.

Le précité est actionnaire des sociétés B______ SA, C______ SA et D______ SA.

2.             Par arrêt du ______ 2013 (ATA/1______), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours du contribuable et de son épouse concernant leurs taxations 2005 à 2008. Le litige portait sur la déduction des pertes de l’activité commerciale M. A______, considéré comme un indépendant dans le domaine de la promotion immobilière.

3.             Par pli du 28 novembre 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé le contribuable de l’ouverture à son encontre d’une procédure en soustraction d’impôt pour les années 2011 et 2012, ainsi qu’en tentative de soustraction pour les périodes 2013 à 2017.

En son nom, il avait, à Genève, effectué plusieurs ventes immobilières, signé plusieurs cessions conditionnelles et partielles de droit d’emption, acquis plusieurs terrains dans le but de réaliser une promotion immobilière, et conclu des contrats de courtage exclusif. Enfin, il était administrateur et actionnaire de plusieurs sociétés dans le domaine de l’immobilier.

Compte tenu de son cursus, de ses relations, de son activité dans le domaine de l’immobilier et de la fréquence des transactions, il avait exercé une activité indépendante. De ce fait, les ventes, ainsi que les commissions touchées devaient être imposées à titre de revenu de l’activité commerciale via l’établissement d’états financiers. Il était ainsi assujetti de manière limitée dans le canton de Genève.

Un délai lui a été imparti pour remplir ses déclarations fiscales 2011 à 2017 ou pour contester son assujettissement.

4.             Par lettre du 21 décembre 2018, le contribuable a contesté son assujettissement. Il n’avait jamais réalisé d’opération à titre personnel dans le canton, hormis l’acquisition d’une parcelle en 2015 sur la commune de E______, laquelle n’avait généré aucun bénéfice lors de sa revente et avait été déclarée à l’IBGI.

En outre, l’AFC-GE ne se référait à aucune transaction qu’il aurait effectuée en son nom, ni à aucune date, ce qui justifierait l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt, ainsi que d’une procédure pour soustraction d’impôt.

5.             À la suite d’un entretien qui s’est tenu dans les locaux de l’AFC-GE le 12 juin 2019, le contribuable a exposé, par pli du 28 juin suivant, qu’il n’avait pas eu accès aux documents évoqués par l’AFC-GE au cours de cette entrevue, qui justifieraient son assujettissement limité. Il maintenait dès lors sa position. Il avait certes signé des promesses d’achat avec clause de substitution, mais au profit d’un tiers. Hormis l’immeuble de E______, l’acte avait été enregistré entre le vendeur et une des personnes morales qu’il détenait. Dès lors, à aucun moment il n’avait, à titre personnel, fait commerce d’immeubles à Genève, ni servi d’intermédiaire dans des opérations immobilières, justifiant l’existence d’un assujettissement limité.

6.             Par décision du 31 juillet 2019, l’AFC-GE a assujetti le contribuable à l’IFD et à l’ICC pour les périodes fiscales 2011 à 2017 de manière limitée.

Pour ce faire, elle s’est fondée sur différents actes juridiques, dont le contenu sera repris ci-après, en tant que de besoin. Depuis l’année fiscale 2011, avaient été signés au nom du précité : six contrats de promesse d’achat/vente, six contrats d’achat/vente, un contrat de droit d’emption, trois contrats de courtage, deux conventions de partenariat, quatre contrats de cession, un contrat de division parcellaire, sept conventions de prêt, un contrat de réquisition de transfert. En outre, deux factures et trois transferts bancaires avaient été émis en son nom. Enfin, deux notes d’honoraires le mentionnaient comme vendeur.

Tous ces contrats indiquaient une adresse dans le canton, mentionnaient qu’il supportait les risques et qu’il percevait des commissions. L’activité immobilière s’exerçait à long terme, à la rue de F______, à G______. Tous revenus de l’activité indépendante en lien avec l’établissement stable étaient imposables à cette adresse. Le fait de payer l’IBGI ne le dispensait pas de remplir une déclaration, si l’AFC-GE considérait que les achats/ventes et les commissions relevaient d’une activité de promoteur immobilier ou de courtier indépendant.

7.             Le 2 septembre 2019, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de cette décision.

Reprenant, en les développant, les arguments exposés dans ses précédentes écritures, il a contesté déployer une activité lucrative indépendante à Genève en lien avec un établissement stable au motif que ses éléments constitutifs n’étaient pas réalisés.

Il n’exerçait pas, à titre personnel, une activité entrepreneuriale au travers d’une base fixe d’affaires dans le canton. Il n’avait tiré aucun profit du fait qu’il avait été partie à une simple promesse de vente ou d’achat. La substitution, la cession du droit d’emption, s’étaient effectuées à titre gratuit. L’intégralité de l’activité, de la valeur ajoutée et donc du bénéfice avait été réalisés au stade de la valorisation de la parcelle par des sociétés dont il était actionnaire. Les profits avaient été fiscalisés au niveau de ces sociétés. L’activité commerciale était réalisée par celles-ci et consistait en la valorisation des parcelles.

Il ne disposait d’aucune installation fixe d’affaires en Suisse, respectivement à Genève. Les adresses genevoises (notamment rue de F______) étaient utilisées exclusivement par sa mère à titre de résidence principale. L’on ne voyait pas en quoi la disposition de locaux d’habitation à G______ aurait été d’une quelconque utilité pour y exercer une activité d’entreprise.

En conséquence, il ne pouvait être assujetti de manière limitée aux impôts suisse et genevois.

8.             Par décision du 28 août 2020, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

Analysant des projets immobiliers, elle a retenu que le contribuable avait agi juridiquement et économiquement de manière indépendante. Il avait piloté non moins de neuf projets en cinq ans et signé en son nom plus de quarante contrats, en indiquant que le centre d’exploitation commercial se trouvait à la rue de F______.

Il effectuait une analyse des opportunités d’acquisition de terrains, des études de faisabilité et de marché en vue d’effectuer le meilleur projet immobilier, exécutait des tâches administratives dans le but d’obtenir un permis de construire, procédait à de la recherche de financement, planifiait et suivait la construction des futurs bâtiments vendus et prenait des risques de manière personnelle en versant des acomptes conséquents et en concluant des prêts avec des taux d’intérêt élevés. De par ces tâches, il exerçait une activité libérale à la rue de F______ à G______.

Domicilié à l’étranger, déployant des activités indépendantes à Genève de manière régulière, il y était assujetti de manière limitée pour l’ensemble des projets pilotés.

9.             Par acte du 30 septembre 2020, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 28 août précédent en contestant son assujettissement limité, le tout sous suite de dépens.

L’AFC-GE indiquait qu’il aurait à son actif plusieurs développements immobiliers dont il avait pu dégager des bénéfices de manière directe, mais sans apporter la moindre preuve économique, ni un quelconque chiffre de ces prétendus bénéfices.

Les éléments constitutifs d’un assujettissement limité en Suisse n’étaient pas réunis.

Il n’exerçait pas à titre personnel une activité indépendante au travers d’une base fixe d’affaire à Genève. Il n’avait jamais possédé, ni acquis, ni vendu des terrains dans le canton, à l’exception de la parcelle de E______, qui avait été acquise et revendue le lendemain sans profit et dont la mise en valeur n’avait été faite qu’au travers de D______ SA. Il s’était contenté de signer des promesses d’achat/vente sous condition suspensive assortie d’une faculté de substitution, ainsi que d’un droit d’emption cessible. Il avait systématiquement fait usage de cette faculté, de sorte que le contrat final de cession avait toujours été conclu entre le cédant (promettant-vendeur) et le tiers acquéreur. La substitution et la cession du droit d’emption s’étaient effectuées à titre gratuit. L’intégralité de la valeur ajoutée et du bénéfice étaient réalisés lors de la valorisation de la parcelle par des sociétés dont il était actionnaire. Il n’avait retiré aucun bénéfice des contrats de courtage, ni des conventions de partenariat. Il n’exerçait ainsi aucune activité visant à la réalisation de bénéfices, celle-ci étant déployée par ses sociétés, ce qui excluait son assujettissement limité à Genève. Il ne disposait aucune installation fixe d’affaires en Suisse, respectivement dans le canton. Les adresse de la rue de F______ et de la rue H______ étaient utilisées par sa mère à titre de résidence principale. Aucun établissement stable ne pouvait être reconnu, faute d’installation fixe d’affaires.

Il n’avait jamais été propriétaire d’aucun immeuble en Suisse, hormis celui de E______, ni titulaire de droit réel, à l’exception de droits d’emption, dont il n’avait retiré aucun bénéfice direct.

10.         Dans sa réponse du 4 février 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Chacun des actes notariés comportait le nom du recourant et son adresse à la rue de F______. Selon Calvin, il était domicilié à cette adresse du 1er octobre 2009 jusqu’au 1er juin 2010, alors que durant cette période, le bail était déjà établi au nom de sa mère. Il avait par ailleurs indiqué exercer une activité lucrative indépendante à cette adresse durant cette période, selon sa déclaration fiscale 2010.

Le recourant indiquait ne pas faire usage de la faculté de substitution et ne pas se porter acquéreur final des biens et donc ne pas exercer une activité entrepreneuriale. Or, ce procédé était usuel dans le domaine de la promotion immobilière et permettait de limiter les engagements financiers pour le promettant-acquéreur, mais il résultait des pièces produites par l’AFC-GE qu’une partie des risques restait à la charge du recourant. En outre, ce n’était pas l’absence de revenus qui était déterminant à ce stade de la procédure, qui ne portait que sur l’assujettissement. Si toute l’activité commerciale était réalisée par les sociétés, y compris l’intégralité du travail réalisé en amont, l’on ne s’expliquait pas les raisons pour lesquelles c’était le contribuable qui avait signé en son nom et pour son propre compte l’intégralité des actes préparatoires à la vente définitive à des tiers, alors qu’il lui eût suffi de signer en tant que représentant de ses sociétés.

Enfin, si aucun bénéfice n’avait découlé de l’activité déployée par le recourant, ce n’était pas qu’il fût inexistant, pas bien plutôt qu’il n’avait pas été formalisé.

Les différents critères de rattachement économiques prévus par les art. 4 et 5 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) justifiant l’assujettissement illimité du recourant étaient réalisés.

11.         Par réplique du 3 mars 2021, le contribuable a maintenu son recours.

L’absence de profit résultait de la nature de son activité personnelle, qui n’était que préparatoire et qui s’inscrivait dans la logique de son statut de salarié de ses trois sociétés. Il ne s’agissait nullement d’une absence de revenu ou de valorisation qui aurait été faussement décomptée par lui et qui devrait faire l’objet d’une analyse ultérieure dans le cadre d’une procédure et rappel et en soustraction d’impôt.

L’art. 5 § 3 let. e de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale (avec prot. add.) (CDI-F - RS 0.672.934.91) excluait par ailleurs de la qualification d’établissement stable les activités préparatoires. Entraient dans cette catégorie les actes qu’il effectuait avant la vente définitive à des tiers, qui ne pouvait dès lors justifier un assujettissement limité en Suisse.

12.         Dans sa duplique du 28 mars 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

Les neufs projets menés par le recourants, impliquant la signature de plus quarante actes notariés, qui avaient tous abouti à la signature de ventes immobilières, ne correspondaient pas à la définition d’activités préparatoires.

13.         Le détail de l’argumentation des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             L’AFC-GE considère que le recourant doit être assujetti de manière limitée aux impôts suisses et genevoises pour les années 2011 à 2017, en raison de son activité professionnelle exercée dans le domaine de l’immobilier, ce à quoi le recourant s’oppose.

4.             En présence d’un litige comprenant des éléments d'extranéité – en l’occurrence le domicile français du recourant durant les années en cause – il convient d'établir en premier lieu si le droit interne prévoit une imposition. Ce n'est que lorsqu'il est établi qu'un impôt est dû en application du droit interne qu'il convient de se demander, dans un second temps, si le droit de prélever cet impôt est limité par une convention de double imposition. Une telle convention ne peut en effet ni créer ni élargir une imposition, mais seulement restreindre celle prévue par le droit interne (arrêts 2C_436/2016 du 21 décembre 2016 consid. 4 ; 2C_888/2014 du 7 juin 2015 consid. 3).  

5.             L’art. 4 al. 1 LIFD prévoit que les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse notamment sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles sont propriétaires ou usufruitières d’une entreprise en Suisse ou y sont intéressées comme associées (let. a) ; elles exploitent un établissement stable en Suisse (let. b).

À teneur de l’art. 4 al. 2 LIFD, on entend par établissement stable toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité d’une entreprise ou d’une personne exerçant une profession libérale. Sont notamment considérés comme établissements stables les succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d’exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage ouverts pendant douze mois au moins.

6.             Les art. 4 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 3 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), qui définissent l’assujettissement limité dans le canton, prévoient une réglementation similaire.

7.             Le commerce professionnel d’immeubles, qui constitue une activité indépendante au sens de l’art.18 al.1 LIFD, ne tombe pas sous le coup de l’art.4 al.1 lit.a ou b LIFD, les immeubles concernés par les opérations ne constituant pas des installations fixes au moyen desquelles s’exerce l’activité. Le rattachement économique du commerce immobilier en Suisse résulte de l’art.4 al.1 lit.d LIFD, voire de l’art.4 al. lit.c LIFD (Jean-Blaise PASCHOUD, Daniel DE VRIES REILINGH, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, § 16, p. 110).

8.             Il résulte de ce qui précède qu’une éventuelle activité lucrative indépendante, menée par le contribuable dans le domaine immobilier, ne peut fonder son assujettissement limité aux impôts suisses et genevois, ni sur la base des art. 4 al. 1 let. a LIFD et 3 al. 1 let. a LIPP (propriétaire ou associé d’une entreprise), ni sous l’angle des art. 4 al. 1 let. b LIFD et 3 al. 1 let. b LIPP (exploitation d’un établissement stable).

Cela étant, il convient de déterminer s’il peut être assujetti sur la base des autres circonstances de rattachement des art. 4 LIFD et 3 LIPP.

9.             À teneur de l’art. 4 al. 1 let. c LIFD, sont assujetties à l’impôt les personnes physiques sans domicile ni séjour en Suisse au regard du droit fiscal et qui sont propriétaires d’un immeuble sis en Suisse ou titulaires de droits de jouissance réels ou de droits personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels, portant sur un immeuble sis en Suisse. Pour savoir ce qu’il faut entendre par immeuble en matière fiscale, il faut se reporter au droit civil, c’est-à-dire aux droits réels (Jean-Blaise PASCHOUD, Daniel DE VRIES REILINGH, op. cit., art. 4 LIFD, § 49 et 50, p. 122).

10.         Dans l’arrêt 2C_41/2012 du 12 octobre 2012 consid. 3.1, le Tribunal fédéral a eu à interpréter la notion de « droits personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels » en matière intercantonale, selon l’art. 21 al. 1 let. c LHID (assujettissement à raison du rattachement économique pour les personnes morales, qui correspond, mutatis mutandis, à l’art. 4 al. 1 let. c LIFD pour les personnes physiques).

Le Tribunal fédéral a rappelé que le Code civil et le Code des obligations connaissent un mécanisme d'assimilation de certains droits personnels aux droits réels. Selon l'art. 959 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels, tels que les droits de préemption, d'emption et de réméré, les baux à ferme et à loyer, peuvent être annotés au Registre foncier (ci-après : RF) dans les cas expressément prévus par la loi. En tant qu'elle est prévue par l'art. 959 CC, cette assimilation est de nature juridique puisqu'elle trouve son fondement dans la loi. En dotant le titulaire d'un droit personnel sur un immeuble dont les effets relèvent des droits réels, l'annotation de l'art. 959 CC lui confère non seulement une situation juridiquement assimilable à un droit réel mais également, a fortiori, une situation économiquement assimilable à un tel droit. Il s'ensuit que les droits personnels annotés conformément aux dispositions de l'art. 959 CC fondent un assujettissement fiscal limité du contribuable dans le canton de situation de l'immeuble qui fait l'objet de tels droits personnels conformément à l'art. 21 al. 1 let. c in fine LHID. 

Et le Tribunal fédéral d’ajouter qu’interpréter l'art. 21 al. 1 let. c in fine LHID en ce sens que seule l'annotation d'un droit personnel en relation avec un immeuble fonde un assujettissement fiscal limité dans le canton de situation de celui-ci, serait contraire à sa lettre. En prévoyant une assimilation économique, le législateur a choisi d'étendre l'assujettissement limité de l'art. 21 al. 1 let. c LHID au-delà de la simple assimilation juridique. En effet, lorsqu'une norme fiscale se réfère à des critères économiques, son interprétation ne peut découler strictement des formes du droit civil choisies par le contribuable. Les autorités fiscales doivent au contraire apprécier les faits selon la réalité économique. 

Dans cet arrêt, la société recourante avait son siège dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures et sous-louait des immeubles dans le canton de Neuchâtel, sans que les baux ne fussent annotés au RF. Le Tribunal fédéral a admis l’existence d’un assujettissement limité de la contribuable dans ce dernier canton.

11.         À teneur de l’art. 4 al. 1 let. d LIFD, les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles font commerce d’immeubles sis en Suisse ou servent d’intermédiaires dans des opérations immobilières. La notion de commerce d’immeubles est à comprendre dans le sens qui est le sien au regard de l’art.18 LIFD. Pour le Tribunal fédéral, le commerçant professionnel qui procède à des opérations immobilières dans d’autres cantons que celui de son domicile ne s’y crée généralement pas un domicile secondaire. Le for d’imposition au lieu de l’opération immobilière reste le for spécial de la propriété foncière, même si l’attribution au canton de situation de l’immeuble du droit d’imposer une part du produit de l’activité indépendante (et cela en l’absence d’un établissement stable) conduit ce canton à devoir tenir compte de certaines charges dont le droit interne ne prévoit pas la déduction. Cette même notion est également valable en droit fiscal intercantonal. L’art.4 al.1 lit.d LIFD n’exige pas, pour que l’assujettissement naisse, que le commerçant d’immeubles dispose en Suisse d’une base fixe d’affaires ou d’un établissement stable. Le for d’imposition des intermédiaires dans le commerce immobilier concerne notamment les commissions de courtage (Jean-Blaise PASCHOUD, Daniel DE VRIES REILINGH, op. cit., art. 4 LIFD, § 57-60, p. 127-128).

12.         L’art. 4 al. 1 let. d LIFD vise le commerçant d’immeubles indépendant qui sert d’intermédiaire dans des contrats de vente immobilière portant sur des immeubles sis en Suisse ou qui conclut des contrats pour des tiers. L’intermédiaire peut agir à la fois pour le compte de l'acheteur ou du vendeur et reçoit régulièrement une commission de courtage du client pour ses activités si un contrat est conclu ; dans ce cas, il est un courtier au sens des art. 412 et suivants de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). En revanche, le commerçant qui dispose d'une procuration pour conclure un contrat (art. 32 CO) représente directement l'acheteur ou le vendeur lors de la conclusion du contrat. Il reçoit également des commissions ou des parts de bénéfices effectifs. Le rattachement permet d'enregistrer ici les commissions ou les bénéfices intermédiaires du commerçant d’immeubles de biens immobiliers qui sont dues (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, I. Teil, 2019, art. 4, § 68, p. 148).

13.         Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse, respectivement à Genève sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles exercent une activité lucrative en Suisse, respectivement dans le canton (art. 5 al. 1 let. a LIFD ; art. 3 al. 2 let. a LIPP).

L’art.5 LIFD vise les personnes domiciliées à l’étranger qui obtiennent un revenu de source suisse (assujettissement limité). Les cas d’assujettissement limité énoncés à l’art.5 sont généralement soumis à l’imposition à la source (Andrea PEDROLI in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., art. 5, § 1 et 2, p. 131).

14.         En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 CC, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette fiscale ou la suppriment(ATA/1076/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3b et les réf.).

15.         Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_864/2020 du 8 mars 2021 consid. 5.2), il est présumé que les opérations effectuées en son nom propre sont conclues pour le compte de la personne qui agit. En principe, les autorités fiscales peuvent imputer les rapports de droit et leurs conséquences juridiques au contribuable dont le nom apparaît. Toutefois, s'il existe un rapport fiduciaire, le fisc peut exceptionnellement tenir compte de la réalité économique et ne pas prendre en considération une opération conclue au nom du contribuable, mais effectuée en réalité pour un tiers. Le contribuable qui entend se prévaloir d'un tel rapport, en tant que facteur diminuant son imposition, doit en apporter la preuve.

16.         En l’occurrence, le recourant s’oppose à son assujettissement limité, en faisant valoir qu’il n’a jamais exercé d’activité lucrative indépendante au travers d’une installation fixe d’affaires, celle-ci ayant été déployée par les sociétés dont il est actionnaire. Par ailleurs, il n’a jamais disposé de locaux fixes d’affaires à Genève. Les adresses évoquées par l’AFC-GE correspondaient à des locaux loués par sa mère. Il s’était contenté de signer des promesses d’achat/vente sous condition suspensive assortie d’une faculté de substitution, ainsi que d’un droit d’emption cessible, possibilité dont il a systématiquement fait usage, de sorte que le contrat final de cession avait toujours été conclu entre le cédant (promettant-vendeur) et le tiers acquéreur.

L’AFC-GE ne partage pas son point de vue. Analysant les contrats qu’il a signés et relevant qu’il supportait les risques et percevait les commissions, elle retient qu’il a déployé une activité commerciale en lien avec un établissement stable sis à la rue de F______ à G______ en lien avec l’établissement stable était imposable. Dans sa réponse, elle estime que d’autres critères de rattachement économiques sont remplis.

17.         En l’espèce, le recourant a pris part à neuf projets immobiliers portant tous sur des immeubles sis dans le canton de Genève, hormis un seul situé dans le canton de Vaud. Il a signé des promesses d’achat/vente immobilières à teneur desquelles il s’est engagé à acquérir des parcelles moyennant la réalisation d’une condition suspensive, à savoir l’obtention d’une autorisation définitive de construire. En particulier, dans le cadre du projet n° 3, il a versé la somme de CHF 100'000.- en faveur du promettant-vendeur. Dans le cadre du projet n° 5, il s’est acquitté d’une avance de CHF 50'000.- au bénéfice du promettant-vendeur. Afin de garantir la bonne exécution des contrats d’achat/vente, le promettant-vendeur leur concédait un droit d’emption. Par la suite, le précité a cédé le bénéfice de ce droit à un tiers.

Le recourant ne conteste pas avoir, durant les années en cause, déployé une activité dans le domaine de l’immobilier. Le nombre total d’actes juridiques afférents à chacun des neufs projets le démontre. La nature de son activité est en outre établie par le fait qu’il a investi CHF 150'000.- de ses propres deniers dans deux de ces projets. Il est sans importance que les promesses d’achat/vente aient été assorties d’une condition suspensive. Certes, l’existence d’une telle condition exerce une influence sur le moment de la naissance du revenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_705/2017 du 10 août 2018 = StR 11/2018 p. 889). Toutefois, cette question n’a pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure, qui ne concerne que l’assujettissement du recourant. En outre, pour la même raison, il importe peu que la vente définitive soit intervenue entre le cessionnaire du droit d’emption et un tiers.

Le recourant fait valoir qu’il a cédé gratuitement ses droits droit d’emption (p.ex. projet n° 1, contrat de cession conditionnelle du bénéfice des promesses de vente et d’achat et des droits d’emption du 1er mars 2012, art. 5), ce qui exclurait qu’il a déployé une activité entrepreneuriale. Cette objection n’est pas fondée. En effet, le présent litige concerne exclusivement son assujettissement et non la détermination des (éventuels) revenus tirés d’une activité lucrative, qui sera examinée dans la procédure de rappel et de soustraction d’impôt.

Conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, les droit d’emption accordés au précité, puis cédés par celui-ci fondent son assujettissement limité aux impôts suisses et genevois en qualité de titulaire d’un droit personnel assimilable économiquement à un droit de jouissances réels, portant sur un immeuble sis en Suisse, respectivement dans le canton de Genève. Doit naturellement être fait exception de l’immeuble vaudois, qui ne peut fonder un assujettissement limité à Genève.

De plus, contrairement à ce qu’il soutient, il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’il aurait agi en qualité de représentant, d’organe, de fiduciaire ou encore de salarié des sociétés B______ SA, C______ SA et D______ SA ou d’autres entités. Puisque le contribuable a agi en son nom propre, il est présumé l’avoir fait pour son propre compte.

Cela étant, même s’il avait démontré qu’il avait agi pour le compte de tiers ou s’il avait été salarié des sociétés dont il est actionnaire, sa rémunération aurait été soumise à l’impôt à la source.

Enfin, contrairement à ce qu’il soutient, le fait qu’il n’aurait pas disposé d’une installation fixe d’affaires à Genève durant les années en cause importe peu. En effet, un commerçant d’immeubles peut être assujetti en Suisse, respectivement à Genève de manière limitée, même s’il n’y dispose pas d’un établissement stable.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’AFC-GE a assujetti le contribuable de manière limitée aux impôts suisses et genevois.

18.         En dernier lieu, il convient d’analyser si une convention de double imposition ne fait pas obstacle à l’assujettissement limité du recourant.

19.         Les revenus provenant de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) sont imposables dans l’État contractant où ces biens sont situés (art. 6 § 1 CDI-F).  L’expression « biens immobiliers » est définie conformément au droit de l’État contractant où les biens considérés sont situés (art. 6 § 2 1ère phr. CDI-F).

20.         En l’occurrence, la CDI-F attribue à la Suisse le droit d’imposer le revenu de la vente des immeubles sis sur son territoire. En conséquence, cette convention ne s’oppose pas à l’assujettissement limité du recourant aux impôts suisses et genevois à raison du rattachement économique.

21.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 28 août 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Alia CHAKER MANGEAT et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière