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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1963/2020

JTAPI/323/2021 du 29.03.2021 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/201/2022

Descripteurs : SOUSTRACTION D'IMPÔT;TENTATIVE(DROIT PÉNAL);DÉNONCIATION SPONTANÉE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LIFD.175.al3; LIFD.176; LPFisc.69.al3; LPFisc.70
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1963/2020 ICC/IFD

JTAPI/323/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 mars 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Antoine BERTHOUD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne l'impôt cantonal et communal (ICC) et l'impôt fédéral direct (IFD) des années fiscales 2013 à 2017 de Monsieur A______, et plus précisément les amendes qui lui ont été infligées dans le cadre d'une procédure en rappel d'impôts et soustraction.

2.             Les bordereaux ICC/IFD 2013 à 2016 du contribuable, établis sur la base de ses déclarations fiscales, n'ont pas été contestés, si bien qu'ils sont entrés en force.

3.             Le 22 mars 2019, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé B_______ SA, dont le contribuable est l'administrateur avec signature individuelle et l'unique actionnaire, qu'elle allait procéder, du 14 au 16 mai 2019, à un contrôle sur place dans le cadre de sa taxation.

4.             Le 17 avril 2019, faisant suite à une demande de B_______ SA, l'AFC-GE lui a confirmé la modification des dates prévues pour le contrôle sur place, lequel était repoussé au 4-6 juin 2019.

5.             Le 31 mai 2019, par le biais de la fiduciaire C______, le contribuable a adressé à l'AFC-GE un courrier intitulé « Dénonciation Spontanée 2013 à 2016 » auquel il a joint un tableau récapitulant ses éléments de revenus et de fortune privée non-déclarés.

S'agissant de sa fortune, il possédait huit comptes bancaires (un en France, d'un montant de EUR 5'000.-, quatre à Dubaï - en CHF, EUR et USD - et trois en Suisse, en CHF), des obligations libellées en USD et des dettes. En tant que revenus, le contribuable a déclaré avoir perçu, en 2015 et 2016, des « commissions d'introducteur » sur ses comptes non déclarés à Dubaï ainsi que des coupons de ses obligations libellées en USD, qui ont été versés sur l'un de ses comptes à Dubaï.

6.             Le même jour et par l'intermédiaire de la même fiduciaire, le contribuable a aussi transmis à l'AFC-GE un courrier intitulé « Déclaration fiscale 2017 modifiée », accompagné d'une nouvelle déclaration fiscale 2017 qui annulait celle déposée le 28 novembre 2018.

7.             Le 21 juin 2019, l'AFC-GE a informé le contribuable qu'une procédure en rappel et qu'une procédure en soustraction d'impôt pour les années 2013 à 2016 étaient ouvertes à son encontre.

Plusieurs irrégularités (chiffre d'affaires non déclaré et produits défiscalisés) étaient ressorties lors du contrôle sur place de B_______ SA. Les décisions de renonciation à la poursuite pénale n'étant valables qu'une fois dans son existence, le contribuable était invité à vérifier qu'il avait bien annoncé tous les éléments non déclarés jusqu'alors. Un délai de dix jours lui était accordé pour formuler d'éventuelles observations.

8.             Le 25 juin 2019, l'AFC-GE a demandé au contribuable de lui fournir le détail de l'année 2016 d'un des comptes bancaires de Dubaï et des trois ouverts en Suisse.

9.             Le 21 octobre 2019, sous la plume de C______, le contribuable a informé l'AFC-GE qu'il s'était aperçu, dans le cadre de l'établissement de sa déclaration fiscale 2018, qu'il aurait également dû déclarer certains comptes bancaires de ses enfants, non encore majeurs et qui ne déclaraient pas leurs fortunes mobilières ; il rassemblait ces documents et les transmettrait dans les plus brefs délais.

10.         Le 3 décembre 2019, le contribuable a transmis les relevés des comptes bancaires, ouverts dans une banque suisse, de ses enfants.

11.         Le 17 décembre 2019, par l'intermédiaire de sa fiduciaire, le contribuable a indiqué de nouveaux éléments à l'AFC-GE, soit un rendement de participation de D_______ SA de CHF 135'000.- qu'il avait perçu en 2016 ainsi qu'un dividende extraordinaire de CHF 150'000.- que lui avait distribué la même société en 2017. Il sollicitait le remboursement de l'impôt anticipé relatif à ces montants.

12.         Le 16 janvier 2020, l'AFC-GE a informé le contribuable que les conditions de la dénonciation spontanée n'étaient pas remplies pour les années 2013 à 2016. En outre, elle a ouvert à son encontre une procédure en tentative de soustraction pour l'année fiscale 2017. Un délai de dix jours - prolongé jusqu'au 7 février 2020 à sa demande - lui a été accordé pour formuler d'éventuelles observations.

13.         Le 4 février 2020, le contribuable s'est déterminé sous la plume de son conseil. Les conditions de la dénonciation spontanée non punissable étaient réunies et il devait être exempté de toute sanction.

Au printemps 2019, il avait demandé à sa fiduciaire de lui préparer un dossier de dénonciation spontanée afin de régulariser ses revenus provenant d'une activité déployée à Dubaï avant son arrivée en Suisse (en avril 2012), mais perçus après son arrivée sur des comptes bancaires également non déclarés ; il s'agissait d'un travail important qui avait nécessité plusieurs semaines. Lors du contrôle aléatoire et ponctuel de B_______ SA, l'AFC-GE ne disposait d'aucun élément permettant d'imaginer que ses déclarations déposées et ses taxations auraient été incomplètes. Le contrôle des livres de B_______ SA avait uniquement révélé des questions de prix de transfert entre celle-ci et sa filiale britannique, mais aucune prestation appréciable en argent en sa faveur ; des procédures en rappel et en soustraction d'impôt n'avaient d'ailleurs été ouvertes qu'envers sa société et non pas contre lui. Aucun document recueilli auprès de B_______ SA n'était en lien avec ses comptes bancaires ni avec les revenus encaissés sur ceux-ci.

14.         Le 17 février 2020, l'AFC-GE a informé le contribuable de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d'impôt. Elle lui a remis des bordereaux rappel d'impôt ICC/IFD 2013 à 2016 et des bordereaux ICC/IFD 2017. Retenant de plus que les conditions d'une dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas réunies, elle lui a infligé des amendes pour soustraction consommée d'une quotité de trois quart des impôts soustraits pour les années fiscales 2013 à 2016. Pour l'année 2017, une amende pour tentative de soustraction, d'une quotité de deux tiers des trois quart (soit la moitié) du montant soustrait, lui a été infligée.

Les amendes s'élevaient aux montants suivants :

 

2013

2014

2015

2016

2017

ICC

36.-

37.-

68'928.-

113'497.-

42'242.-

IFD

0.-

0.-

29'709.-

46'056.-

34'585.-

15.         Le 16 mars 2020 par l'intermédiaire de son conseil, le contribuable, a formé deux réclamations.

La première concernait les bordereaux amendes 2013 à 2016. Les conditions de la dénonciation spontanée non punissable étaient réunies, car aucune reprise n'était en lien avec les rappels d'impôts notifiés à B_______ SA, de sorte que ce n'était pas en raison du contrôle de cette société qu'il avait préparé une dénonciation spontanée portant essentiellement sur des revenus encaissés à l'étranger. Il invitait l'AFC-GE à lui communiquer tous documents démontrant qu'une enquête était déjà ouverte contre lui avant le 31 mai 2019 et quels éléments déjà connus permettaient de conclure à l'existence de revenus non déclarés.

La deuxième concernait sa taxation 2017. Il y contestait notamment les amendes, réitérant que les conditions de la dénonciation spontanée non punissable étaient remplies.

16.         Par décision sur réclamation du 3 juin 2020, l'AFC-GE a maintenu les reprises et les amendes pour les années 2013 à 2016, et a modifié la taxation 2017 tout en maintenant le principe, la quotité et le montant de l'amende.

Assujetti de manière illimitée dans le canton de Genève depuis ______ 2012, le contribuable était l'unique détenteur et administrateur de plusieurs sociétés dont l'une avait fait l'objet d'un contrôle externe aléatoire. Les conditions cumulatives de la dénonciation spontanée n'étaient pas remplies. L'annonce du 31 mai 2019, complétée les 21 octobre, 3 et 17 décembre 2019, était postérieure à l'annonce de l'AFC-GE d'un contrôle dans les locaux de B_______ SA. Ce n'était que suite à cette annonce que le contribuable avait effectué une dénonciation spontanée en son nom. Le fait que les commissions touchées n'étaient pas en lien avec B_______ SA n'était pas probant pour la détermination des conditions de la dénonciation spontanée. Au moment où le contrôle de sa société lui avait été annoncé, le contribuable n'avait pas moyen de savoir quelle était l'étendue des informations déjà détenues par l'AFC-GE, tant sur sa société que sur lui-même. Il devait craindre des répercussions fiscales du contrôle prévu non seulement sur B_______ SA, mais aussi sur lui en tant qu'actionnaire. De plus, la dénonciation du 31 mai 2019 n'était pas complète, le contribuable ayant par la suite envoyé trois courriers pour annoncer de nouveaux éléments qui auraient pu être annoncés initialement. L'AFC-GE avait connaissance du dividende perçu pour un montant de CHF 135'000.-, ayant déjà ajouté ce revenu de participation en procédure de taxation 2016.

Par ailleurs, selon les justificatifs bancaires, les commissions que le contribuable indiquait résulter d'une activité déployée à Dubaï avaient été perçues et encaissées lorsqu'il était assujetti de manière illimitée à Genève, soit pendant les périodes fiscales 2015 à 2017. Elles devaient ainsi être imposées à titre de revenus et les comptes bancaires ajoutés à l'état des titres.

Enfin, le contribuable n'avait pas déclaré des comptes bancaires, des titres et des commissions perçues alors qu'il ne pouvait ignorer les avantages fiscaux que représentaient le fait de taire ces éléments. Ses explications étaient parvenues avec parcimonie. Ainsi, il avait intentionnellement établi une déclaration incomplète durant toutes les années en cause et une perte financière avait été constatée pour l'administration.

17.         Par acte du 3 juillet 2020, sous la plume de son conseil, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Il a conclu, principalement, à l'annulation tant de la décision entreprise que des amendes 2013 à 2017, subsidiairement à ce que leur quotité soit réduite à la moitié, pour celles des années 2013-2016, et au tiers, pour celles de 2017, des impôts soustraits, le tout suite de frais et dépens.

Les bordereaux de rappels d'impôts pour les années 2013 à 2016 ne concernaient que les éléments ayant fait l'objet de sa dénonciation spontanée. En effet, aucune prestation appréciable en argent ou autre reprise n'avait été effectuée en lien avec B_______ SA. La seule reprise effectuée, qui résultait d'une erreur comptable constatée dans l'exercice 2017, avait été annulée par la décision sur réclamation. L'essentiel des reprises effectuées avait trait aux revenus déclarés pour les années 2015 à 2017, dont les montants avaient été repris sans modification au regard des chiffres annoncés dans la dénonciation spontanée. En outre, aucun des éléments faisant l'objet de la décision spontanée et des rappels d'impôt n'étaient en lien avec B_______ SA, de sorte que la procédure ouverte contre cette société n'aurait pas permis de découvrir l'existence des commissions encaissées sur des comptes non déclarés par son actionnaire dans un tout autre contexte. Dans la décision entreprise, l'autorité intimée s'était référée de manière erronée à un dividende de CHF 135'000.- versé en 2016 ; il s'agissait en réalité d'un dividende extraordinaire de CHF 150'000.- versé en 2017 complétant le dividende déjà déclaré de CHF 995'000.-. En procédant à sa taxation 2017, l'AFC-GE avait admis la déduction de l'intégralité de l'impôt anticipé de CHF 400'750.- prélevé sur ce dividende et sur d'autres revenus de moindre importance, ce qui démontrait qu'une simple négligence avait été retenue.

L'AFC-GE n'avait produit aucun document justifiant qu'elle enquêtait déjà sur lui avant le 31 mai 2019. Quant au contrôle de B_______ SA, il s'inscrivait dans un contexte de « contrôle externe aléatoire » et ne reposait donc sur aucun soupçon. Partant, l'AFC-GE ne disposait d'aucun indice lui permettant d'imaginer que des soustractions d'impôts avaient été commises par cette société ou son actionnaire et il pouvait partir de l'idée que le fisc ne disposait d'aucun élément permettant de conclure au caractère incomplet des déclarations déposées par sa société et/ou lui-même. L'autorité intimée se trompait en soutenant avoir retenu, dans son courrier du 21 juin 2019, que les conditions d'une dénonciation spontanée n'étaient pas remplies, puisque ce courrier laissait la question ouverte. Elle se fourvoyait aussi en soutenant que la dénonciation n'était pas complète et que cela l'empêchait de faire valoir son caractère non punissable. En effet, dans son courrier du 21 juin 2019, l'AFC-GE l'avait prié de vérifier qu'il avait bien annoncé tous les éléments non déclarés jusqu'alors, les éléments non déclarés découverts après la clôture définitive de la procédure ne pouvant plus bénéficier de la non punissabilité.

Les conditions d'une décision spontanée étant réunies, les amendes devaient être annulées. Subsidiairement, s'il était retenu que les conditions d'une dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas réunies, il fallait constater que les quotités retenues étaient sévères pour un dossier dans lequel le contribuable avait envoyé spontanément à l'AFC-GE tous les éléments permettant de le taxer de manière conforme et, dès lors, les réduire.

18.         Dans sa réponse du 7 septembre 2020, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait annoncé avoir omis des éléments dans ses déclarations 2013 à 2017 le 31 mai 2019, soit postérieurement à l'annonce du 22 mars 2019 d'un contrôle dans les locaux de B_______ SA. Celle-ci avait curieusement demandé à repousser le contrôle sur place, ce qui avait ainsi laissé du temps au recourant pour effectuer sa dénonciation.Au moment de l'annonce dudit contrôle fiscal, le recourant, qui disposait d'une connaissance fine du domaine puisqu'il était actif dans plusieurs sociétés et groupes de sociétés, déployait une activité financière internationale et était rompu aux affaires, avait eu une pression extérieure et la crainte que la procédure de contrôle ne prenne de l'ampleur. Lors de l'annonce de ce contrôle, il ne savait pas si le fisc s'intéresserait particulièrement à sa personne. Il ne pouvait cependant ignorer, en sa qualité d'homme d'affaires, les conséquences du contrôle de sa société et devait donc craindre des répercussions fiscales de ce contrôle sur sa personne en tant qu'actionnaire, ce d'autant que l'AFC-GE avait pour habitude, dans le cadre d'une enquête sur une société, d'étendre le contrôle à l'actionnaire pour vérifier d'éventuelles distributions dissimulées de bénéfice. Finalement, peu importait l'issue de ladite procédure de contrôle. L'élément à prendre en compte était l'état d'esprit du recourant en date du 31 mai 2019 et ce n'était assurément pas dans un esprit de repentir que celui-ci avait déclaré les revenus et fortunes dissimulés jusque-là. Les arguments du recourant ne pouvaient être suivis. Il avait agi contraint par les circonstances, en particulier le fait de s'être retrouvé acculé et obligé de se dénoncer, et non de son propre mouvement. L'AFC-GE avait déjà connaissance des dividendes qu'il avait perçus en 2016 et en 2017 par l'intermédiaire de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), et ce avant qu'il ne les dénonce ; ceux-ci avaient d'ailleurs déjà été intégrés par son service de taxation pour les années concernées. Ces éléments étant déjà connus par l'AFC-GE d'une autre manière, il ne pouvait être question de dénonciation spontanée à cet égard.

La condition de la collaboration sans réserve du contribuable n'était pas non plus remplie dans le cas d'espèce. Dans son courrier du 31 mai 2019, le recourant avait uniquement indiqué souhaiter déclarer des revenus et de la fortune privée non déclarés. Ce n'était qu'après l'ouverture de la procédure à son encontre le 21 juin 2019, qu'il avait déclaré les comptes bancaires de ses enfants et la distribution de dividendes, respectivement en octobre et en décembre 2019. La dénonciation du 31 mai 2019 ne visait ainsi pas à clarifier de manière exhaustive sa situation fiscale et à retrouver son honnêteté fiscale. Au contraire, il avait fallu plusieurs courriers du contribuable, envoyées entre mai et décembre 2019, pour que celui-ci fasse état de l'ensemble des éléments cachés jusque-là. Dans la mesure où il était avéré que la soustraction commise par le contribuable s'étendait bien au-delà de ce qu'il avait dénoncé le 31 mai 2019, on ne pouvait admettre que sa dénonciation était non punissable.

Tous les éléments objectifs de la soustraction fiscale étaient remplis. Le recourant avait soumis des déclarations fiscales incomplètes, contrevenant à son obligation de déclarer l'ensemble des revenus et fortune, avait intentionnellement établi une déclaration incomplète et une perte financière avait été constatée pour le fisc. Il était exclu de ne pas retenir un comportement intentionnel de la part du recourant ; rompu aux affaires financières, il ne pouvait pas ignorer l'absence de déclaration des commissions perçus, ce d'autant moins que cette absence de déclaration était survenue plusieurs années de suite. La soustraction était consommée pour les années 2013 à 2016, tandis qu'il s'agissait d'une tentative pour 2017. La quotité des amendes respectant strictement le cadre légal, elles ne pouvaient être remises en question, étant rappelé que les soustractions avaient duré plusieurs années et porté sur des montants relativement importants, avec toutefois pour atténuante que le recourant avait bien collaboré durant la procédure de rappel d'impôt.

19.         Par réplique du 30 septembre 2020, le recourant a maintenu ses conclusions.

L'allégation, contestée, selon laquelle il était un homme d'affaires très actif dans le secteur financier ne ressortait pas des pièces produites et était irrelevante. Une demande de report d'un contrôle sur place était fort fréquente en pratique, dans la mesure où l'AFC-GE exigeait la présentation de très nombreux documents comptables et qu'il fallait disposer du temps nécessaire pour les préparer. De plus, il fallait s'assurer de la disponibilité d'un bureau à disposition des collaborateurs du service du contrôle fiscal externe. L'absence de mention des comptes des enfants mineurs dans ses déclarations relevait d'une simple omission. Il s'agissait en outre d'éléments matériellement peu substantiels et ayant un impact minime sur les rappels d'impôts en raison des faibles montants de fortune déclarés. Le dividende de CHF 135'000.- perçu en 2016 avait déjà été régulièrement pris en compte dans les bordereaux initiaux du 5 mars 2018 et la fiduciaire s'était trompée en l'annonçant comme complément à la dénonciation spontanée.

Les éléments de faits allégués par l'AFC-GE ainsi que les pièces auxquelles elle se référait ne permettait ni de retenir qu'elle avait le soupçon que ses déclarations et taxations étaient insuffisantes ou qu'elle enquêtait sur lui avant le 31 mai 2019 ni que les éléments de revenus et fortune dénoncés le 31 mai 2019 avaient un lien avec B_______ SA et auraient ainsi pu être découverts à l'occasion du contrôle annoncé le 22 mars 2019. L'AFC-GE n'avait pas contesté l'allégué de faits selon lequel il avait mandaté sa fiduciaire pour procéder à une dénonciation spontanée non punissable avant qu'il ne soit procédé au contrôle de B_______ SA. Il avait déjà commencé à évoquer cette question en 2018 avec son précédent mandataire, Monsieur E______, qui lui avait conseillé de recourir aux services de C______, qu'il s'apprêtait à rejoindre, pour traiter ce dossier. L'AFC-GE ne contestait pas non plus que le contrôle sur place de B_______ SA était un contrôle aléatoire qui n'était précédé par aucun soupçon du caractère incomplet des déclarations 2016 et 2017 déposées par cette société, et qui étaient encore en cours de taxation.

L'allégation selon laquelle il n'avait pas déposé sa dénonciation spontanée dans un esprit de repentir reposait sur une argumentation contraire au déroulement des faits et à l'expérience de la vie.


L'AFC-GE méconnaissait la nature du contrôle aléatoire annoncé le 22 mars 2019, lequel ne reposait sur aucun soupçon de soustraction, ni de la société concernée, ni de ses actionnaires. S'il était rompu aux affaires et disposait d'une connaissance fine du domaine, comme le soutenait l'AFC-GE, il devait savoir que cette procédure de contrôle n'aboutirait à aucune reprise le concernant et donc ne pas se sentir menacer ; les rappels d'impôts n'avaient d'ailleurs porté sur aucune prestation appréciable en argent de B_______ SA. L'affirmation selon laquelle l'AFC-GE étendait l'enquête sur une société au contrôle de ses actionnaires était généralement vraie lorsqu'il s'agissait d'un contrôle ciblé fondé sur des éléments permettant de soupçonner sérieusement le caractère incomplet des taxations, mais pas en cas de simple contrôle aléatoire. Ce n'était pas parce qu'un contrôle aléatoire sur une société était annoncé que son actionnaire devait forcément imaginer qu'il prenait un risque de reprise sur son propre revenu. Il remplissait ainsi la première des conditions légales pour une dénonciation spontanée non punissable, ayant annoncé de son propre chef des éléments à l'AFC-GE qui n'en avait aucune connaissance préalable et qui n'était pas en train d'enquêter sur son dossier à la date déterminante du 31 mai 2019.

Selon l'AFC-GE, sa dénonciation spontanée du 31 mai 2019 serait incomplète et donc non valable.


Tel n'était pas le cas. Un examen des bordereaux de rappels d'impôts permettait de constater que les éléments nouvellement taxés étaient strictement conformes au tableau préparé par sa fiduciaire. Quant aux comptes bancaires de ses enfants, la position de l'AFC-GE était abusive : il était choquant tant de lui reprocher d'avoir ajouté de manière conforme à l'invitation de l'AFC-GE lesdits comptes à la dénonciation spontanée déjà déposée que de refuser la non punissabilité pour des éléments de revenus et de fortune très substantiels en tirant prétexte de l'oubli de comptes bancaires d'enfants de montants d'impôts extrêmement faibles. Pour les périodes 2013 à 2016, tous les éléments avaient été intégralement décrits et détaillés dans la dénonciation spontanée du 31 mai 2019, à l'exception des comptes bancaires des enfants. Pour 2017, la taxation n'était pas encore entrée en force, de sorte que seule une tentative intentionnelle pourrait être réprimée. Or, l'AFC-GE avait reconnu qu'il avait agi par simple négligence s'agissant du dividende extraordinaire, puisqu'elle avait admis le remboursement de l'impôt anticipé. Dès lors, c'était de manière abusive et contradictoire qu'elle invoquait aujourd'hui le complément à la dénonciation spontanée du 17 décembre 2019 pour lui refuser l'absence de sanction pour la période 2017.

20.         Par duplique du 23 octobre 2020, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Le grand nombre de sociétés pour lesquelles le recourant était - ou avait été - un organe résultait de sa pièce n° 2. Il s'agissait d'un élément important à relever puisqu'il plaçait le recourant dans une situation particulière quant aux connaissan-ces qu'il détenait en matière financière et « les ficelles du métier ». Il connaissait les implications qu'une ouverture de procédure en rappel d'impôt et soustraction pouvait avoir sur l'actionnaire d'une société. Si, en pratique, des contribuables pouvaient demander des reports du contrôle sur place, chaque dossier était différent et devait être traité pour lui-même. Il n'en demeurait pas moins qu'entre le courrier d'annonce du contrôle et les dates effectives initialement prévues pour le contrôle sur place, il y avait un délai de près de deux mois, ce qui aurait dû largement être suffisant à B_______ SA pour préparer les documents comptables et la disponibilité d'un lieu. Le report du contrôle sur place et la chronologie en découlant avaient permis au recourant de déposer sa dénonciation dans l'intervalle. Ce dernier avait d'ailleurs dû s'y prendre en plusieurs fois, et sur plusieurs mois, pour faire état de l'ensemble des éléments dissimulés. Peu importait finalement le degré d'impact des éléments déclarés par la suite, le fait que l'AFC-GE ait eu ou non des soupçons quant aux déclarations fiscales du recourant, qu'il s'agissait d'un contrôle aléatoire ou non ainsi que le résultat du contrôle effectué auprès de B_______ SA. L'important était la manière de procéder du recourant, qui n'avait réagi que lorsque sa société avait fait l'objet d'un contrôle, ce qui était prouvé par la chronologie des faits et les pièces produites. Il n'avait pas agi de son propre mouvement en se « dénonçant », mais avait agi contraint et forcé. Par ailleurs, il ne ressortait d'aucune des pièces produites que le recourant aurait eu l'intention de procéder à une dénonciation spontanée avant le contrôle de B_______ SA.

21.         Le 26 novembre 2020, le recourant a produit deux lettres à la procédure, l'une de M. E_______, l'autre de sa fiduciaire.

En résumé, M. E_______ expose que le contribuable avait l'intention de déposer une dénonciation spontanée bien avant la réception du courrier du 22 mars 2019 ; ils en avaient discuté fin 2018. La collusion des diverses dates était fortuite. C______ confirmait cette allégation.

22.         Le 3 décembre 2020, l'AFC-GE a intégralement persisté dans ses considérants et ses conclusions. Admettre sur la base des nouvelles pièces produites l'intention du recourant de se régulariser avant l'annonce du contrôle aurait pour conséquence de permettre à tout contribuable faisant l'objet d'une procédure en soustraction de toujours éviter des amendes ; il lui suffirait en effet de produire une attestation de tiers indiquant une intention antérieure de se régulariser. Une telle reconnaissance n'était pas admissible, sauf à battre en brèche l'intention du législateur ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ouvrir cette possibilité conduirait à ce que les mandataires temporisent volontairement les dénonciations spontanées de leurs clients en leur indiquant qu'ils ne risquaient plus rien dès lors qu'ils leur auraient donné mandat pour se dénoncer ; cela ne pouvait être le but recherché par la législation fiscale.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Aux termes de l'art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2). Lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance, qu'il collabore sans réserve avec l'adminis-tration pour déterminer le montant du rappel d'impôt et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (al. 3 let. a à c). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Selon l'art. 176 LIFD, celui qui tente de se soustraire à l'impôt sera puni d'une amende (al. 1). L'amende est fixée aux deux tiers de la peine qui serait infligée si la soustraction avait été commise intentionnellement et consommée (al. 2).

L'art. 56 al. 1 à 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et les art. 69 et 70 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

4.             Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière, soit par elle-même, soit par l'effet d'indications de tierces personnes. Le caractère spontané fait ainsi défaut lorsque la déclaration intervient alors que les autorités fiscales enquêtent déjà, dans le même contexte, sur le dossier du contribuable et que celui-ci doit partir de l'hypothèse, fondée sur l'expérience générale de la vie, qu'elles découvriront d'elles-mêmes, dans le cours normal des choses, la soustraction fiscale, même en l'absence de dénonciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_113/ 2018 du 25 novembre 2019 consid. 3.3 et les références cités). Le fait que le contribuable ne soit pas au courant des connaissances de l'administration fiscale à son propos n'importe pas (arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 5.4.2).

5.             S'agissant de la déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD conduisant à l'impunité, un parallèle peut être fait en ce qui concerne la soustraction fiscale avec la déclaration spontanée de l'art. 13 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA - RS 313.0), dont la pratique déduit qu'elle n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément (« de son propre mouvement ») dans un esprit de repentir. Le contribuable ne doit donc pas être amené à procéder à une déclaration spontanée sous l'emprise d'une crainte fondée quant à l'imminence de la découverte de la soustraction par l'autorité fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.2 ; ATA/1168/ 2020 du 17 novembre 2020 consid. 3b et les références citées). La déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD n'est dès lors réalisée que lorsque l'auteur se dénonce sans pression extérieure (arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 5.2).

6.             L'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (ci-après : EAR) entre la Suisse et divers États a pour effet de porter à la connaissance des autorités fiscales helvétiques certaines données bancaires. Dans ce cadre, l'AFC-CH considère, selon sa prise de position du 30 août 2018, que les éléments fiscaux faisant l'objet de l'EAR sont connus du fisc au 30 septembre 2018 au plus tard, de sorte qu'une dénonciation ne peut plus être considérée comme spontanée à compter de cette échéance. Quant aux éléments fiscaux soumis à l'EAR prenant naissance après 2017 et ceux provenant d'États qui appliqueront postérieurement l'EAR, cette règle doit être appliquée par analogie à compter du 30 septembre de l'année durant laquelle l'échange des renseignements concernés aura lieu pour la première fois.

La doctrine critique cette position, estimant que la simple réception de données sur un serveur informatique, sans qu'une intervention humaine ait eu lieu pour les analyser et prendre position (existence ou non d'un cas de soustraction), à savoir sans le traitement effectif des informations obtenues de la part d'États étrangers, n'a pas pour effet que l'autorité fiscale ait connaissance des données qui lui ont été communiquées (Séverine L'EPLATTENIER, Contraventions, délits et crimes fiscaux, 2019, n. 104-105 p. 128 s. et les références citées).

7.             L'EAR entre la Suisse et la France est entré en vigueur le 1er janvier 2017 et celui entre la Suisse et les Émirats arabes unis, dont Dubaï fait partie, le 1er janvier 2019 (https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/multilateral/steuer_informationsaust/automatischer-informationsaustausch/automatischer-informationsaustausch1.html).

8.             La dénonciation spontanée doit comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés. Bien que la loi ne pose pas de conditions formelles, la simple mention d'un élément de revenu ou de fortune non déclaré par le passé, sans autre indication, ne constitue pas une dénonciation spontanée non punissable. Dans un tel cas de figure, l'administration fiscale ne peut pas, de bonne foi, reconnaître, sur la base des informations données, que des éléments de fortune et/ ou de revenu ont été soustraits et qu'il s'agit d'une dénonciation. Une telle attitude, qui viserait à laisser le soin au fisc de découvrir les biens non déclarés précédemment et, dans l'hypothèse où il y parvient, à invoquer une dénonciation spontanée, contreviendrait au principe de la bonne foi et ne mérite aucune protection (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid. 7.2 et les références citées).

Lorsque l'autorité fiscale constate, après l'ouverture d'une procédure de rappel faisant suite à une dénonciation spontanée, que la soustraction fiscale dépasse les éléments déclarés dans ladite dénonciation, l'exemption de peine ne peut plus être accordée. À défaut, la dénonciation spontanée permettrait au contribuable de bénéficier de l'absence de sanction pénale également pour tous les éléments non déclarés découverts par l'autorité fiscale lors de la procédure de rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 5.4.2 ; ATA/ 1168/2020 du 17 novembre 2020 consid. 3c et les références citées).

9.             Afin de bénéficier du renoncement à la poursuite pénale, le contribuable doit se dénoncer pour la première fois, l'exemption de peine étant conçue comme la récompense du repentir actif (Reto SUTTER, Die straflose Selbstanzeige im Bereich der direkten Steuern der Schweiz, 2014, n. 235 p. 88). Une personne ne peut donc bénéficier qu'une seule fois au cours de son existence d'une exemption de peine liée à une dénonciation spontanée, ceci pour éviter que le repentir actif soit vidé de sa substance par des contribuables se dénonçant spontanément à intervalles réguliers et échappant ainsi à toute peine (FF 2006 p. 8370, ch. 2.2.1 ; Pietro SANSONETTI, in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2008, n. 14 ad. introduction à la sixième partie, p. 1484).

Selon la doctrine, une dénonciation spontanée ultérieure n'intervient qu'une fois que le contribuable a déjà bénéficié d'une exemption de peine, et non lorsqu'il a simplement déjà déposé une dénonciation spontanée (Roman J. SIEBER/Jasmin MALLA, in Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direckte Bundessteuer, 3ème édition, 2017, n. 60-61 ad. art. 175 DBG, p. 2833 s. ; Rolf BENZ, Die Gültigkeitsvoraus-setzungen der erstmaligen straflosen Selbstanzeige im Recht der direkten Steuern : Zehn echte und vermeintlichen Tatbestands-merkmale, in Revue fiscale 66/2011, p. 182ss, 201).

10.         Aux termes de l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2) et leur impose un comportement loyal et digne de confiance dans les actes avec autrui. Ne peut toutefois prétendre à être traité conformément aux règles de la bonne foi que celui qui n'a pas lui-même violé ce principe de manière significative. On ne saurait ainsi admettre de se prévaloir de son propre comportement déloyal et contradictoire (ATA/1380/2019 du 10 septembre 2019 consid. 5d et les références citées).

11.         La tentative de soustraction n'est punissable que si elle est intentionnelle ; cela ne ressort pas de la loi, mais de la notion même de tentative (Pietro SANSONETTI/ Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, n. 2 ad. art. 176 LIFD, p. 1505).

12.         En matière d'impôt anticipé, l'art. 23 de la loi fédérale sur l'impôt anticipé du 13 octobre 1965 (LIA - RS 642.21) stipule que celui qui, contrairement aux prescriptions légales, ne déclare pas aux autorités fiscales compétentes un revenu grevé de l'impôt anticipé ou la fortune d'où provient ce revenu perd le droit au remboursement de l'impôt anticipé déduit de ce revenu (al. 1). Il n'y a pas de déchéance du droit si l'omission du revenu ou de la fortune dans la déclaration d'impôt est due à une négligence et si, dans une procédure de taxation, de révision ou de rappel d'impôt dont la décision n'est pas encore entrée en force, ce revenu ou cette fortune sont déclarés ultérieurement, ou ont été portés au compte du revenu ou de la fortune suite à une constatation faite par l'autorité fiscale (al. 2).

13.         En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve. On ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés. Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations. Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent. L'omission ou l'échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/162/2021 du 9 février 2021 consid. 3 et les références citées).

14.         En l'occurrence, le recourant soutient qu'il remplit toutes les conditions d'une dénonciation spontanée non punissable, et ce pour l'ensemble des éléments déclarés les 31 mai, 3 et 17 décembre 2019, ce que l'autorité intimée conteste.

Avant de se déterminer à cet égard, il convient toutefois préalablement d'examiner si des rappels d'impôt ont effectivement lieu d'être, puisqu'il ne peut y avoir une amende sans un rappel, celle-ci n'étant en définitive qu'un multiple du montant repris (cf. art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPfisc).

15.         Le recourant ne conteste pas la réalisation des éléments constitutifs objectifs des infractions de soustraction d'impôt qui lui sont reprochée (à savoir qu'une taxation n'a, à tort, pas été établie ou est restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale) pour les années 2013 à 2016 ; il n'a d'ailleurs pas recouru à ce sujet, indiquant explicitement dans ses écritures du 3 juillet 2020 que son recours ne portait que sur les amendes. En revanche, il soutient qu'aucune amende ne peut lui être infligée pour 2017 au motif qu'il avait agi par négligence dans le cadre de la tentative de soustraction qui lui est reprochée pour cette période fiscale. L'AFC-GE ne s'est pas prononcée sur ce point.

16.         En l'espèce, il ressort du bordereau de taxation ICC 2017 que l'AFC-GE a accepté de restituer au recourant l'impôt anticipé qui avait été prélevé sur le dividende de CHF 150'000.- qu'il avait perçu en 2017. Partant, force est de constater que l'AFC-GE a considéré que le fait que ce dividende ne soit pas mentionné dans ses déclarations fiscales 2017, tant celle précédant la dénonciation spontanée que celle accompagnant cette dernière, résultait non pas d'un acte intentionnel, mais d'une négligence. Or, une tentative de soustraction n'est punissable que si elle est intentionnelle.

Aucune amende ne peut dès lors être infligée au recourant en relation avec le dividende de CHF 150'000.- qu'il a perçu en 2017. En revanche, toutes les autres soustractions qu'il a porté à la connaissance de l'AFC-GE peuvent faire l'objet d'une sanction, à moins qu'elles n'en soient exemptées en raison de la dénonciation spontanée non punissable.

17.         Il sied de relever, à titre liminaire, que le recourant n'a effectué qu'une seule et unique dénonciation spontanée, malgré le fait qu'il ait dénoncé ses soustractions par le biais de trois courriers. Conformément à la doctrine rappelée ci-dessus, une dénonciation spontanée ultérieure n'intervient qu'une fois que le contribuable a déjà bénéficié d'une exemption de peine et non du fait qu'il a déjà déposé une dénonciation spontanée. Partant, les lettres des 3 et 17 décembre 2019 ne peuvent constituer une dénonciation spontanée ultérieure, le recourant n'ayant pas déjà bénéficié d'une exemption de peine avant leur dépôt, et relèvent forcément de la première dénonciation spontanée. Le principe de la bonne foi conduit également à retenir cette solution. Dans son courrier du 21 juin 2019, l'AFC-GE a en effet invité le contribuable à vérifier qu'il avait bien annoncé tous les éléments non déclarés jusqu'alors au motif que la renonciation à la poursuite pénale n'était valables qu'une fois dans son existence. Refuser par la suite l'exemption de sanction au motif que le recourant a suivi cette invitation serait contraire audit principe. Enfin, il serait disproportionné d'interdire à un contribuable ayant par inadvertance oublié de faire part d'une soustraction de compléter sa dénonciation spontanée, pour autant que celle-ci n'ait évidemment pas été entre-temps découvert par le fisc ou qu'il n'ait pas déjà bénéficié d'une exemption de peine après traitement de sa dénonciation par le fisc.

En outre, la dénonciation effectuée par le recourant portant sur divers éléments, tant de revenu que de fortune, il convient d'analyser, pour chacun d'entre eux, si les conditions légales permettant de bénéficier de la non punissabilité sont réalisées. En effet, le fait que ces divers éléments soient contenus dans une seule dénonciation n'a pas pour conséquence de les imbriquer et de les lier les uns aux autres. Procéder différemment dissuaderait les contribuables à se dénoncer, ce qui irait à l'encontre du but et de la ratio legis de la dénonciation spontanée non punissable. Ce cas de figure diffère en outre de celui où un contribuable tait sciemment une soustraction et que l'autorité fiscale vient à la découvrir dans le cadre de la procédure de rappel d'impôt. Le contribuable qui dénonce toutes les soustractions qu'il a commises par le passé, même si l'une ou certains d'entre elles ne seront pas exemptées de sanction selon les circonstances, fait preuve d'un repentir actif et n'a pas la volonté de frauder. Étant de bonne foi, il mérite d'être protégé dans sa démarche.

Il résulte de ce qui précède que l'AFC-GE se trompe en alléguant que les éléments dénoncés les 3 et 17 décembre 2019, après l'ouverture formelle de la procédure en rappel d'impôt et en soustraction, ont pour conséquence de rendre l'entier des soustractions dénoncées punissable.

18.         S'agissant de l'examen des conditions légales de la non punissabilité auxquelles sont soumis les éléments soustraits par le recourant, à savoir plusieurs comptes bancaires, dont certains au nom de ses enfants, des obligations, la perception de commissions d'introducteur et de coupons des obligations précitées, le tribunal retient ce qui suit.

19.         La première condition de l'exemption de peine exige que le contribuable agisse de son propre mouvement et non sous l'emprise d'une crainte fondée quant à l'imminence de la découverte de la soustraction par l'autorité fiscale. Le contribuable doit annoncer de lui-même son infraction à l'autorité fiscale alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière.

À cet égard, la position de l'AFC-GE, selon laquelle l'annonce d'un contrôle de B_______ SA en mars 2019 a pour effet que la dénonciation du recourant formée à fin mai 2019 n'était plus spontanée, ne peut pas être suivie. En effet, la temporalité des événements qu'elle met en avant ne permet pas de retenir, à satisfaction de droit, que le recourant se serait effectivement senti contraint et forcé de déclarer au fisc ses soustractions passées suite à l'annonce dudit contrôle. L'ouverture d'un contrôle aléatoire à l'encontre d'une société dont le contribuable est l'administrateur avec signature individuelle et l'unique actionnaire peut certes, selon les circonstances, faire craindre à celui-ci que l'AFC-GE ne découvre des irrégularités dans ses déclarations. Il est toutefois évident que l'autorité fiscale ne peut réaliser une telle découverte que pour autant que les soustractions opérées par le contribuable soient en relation avec cette société ; la jurisprudence souligne ce point en retenant que le caractère spontané fait défaut lorsque les autorités fiscales enquêtent déjà, dans le même contexte, sur le dossier du contribuable. Si tel n'est pas le cas, le contribuable ne doit, en principe, pas redouter une découverte des irrégularités qu'il a commises à titre personnel. À cet égard, peu importe d'ailleurs qu'il soit une personne aguerrie dans le domaine fiscal, sachant qu'un contrôle externe aléatoire n'est lié à aucun soupçon. Lorsque l'enquête de l'autorité fiscale n'est pas en rapport avec le domaine où le contribuable a fraudé par le passé, soit quand le contexte est différent, celui-ci peut, selon les cours ordinaires des choses et l'expérience de la vie, partir de l'idée que le fisc ne dispose d'aucun élément permettant de conclure au caractère incomplet de ses propres déclarations. Il ne se trouve alors pas dans une situation générant chez lui une crainte fondée d'être découvert, qui le pousserait à se dénoncer. Or, tel est précisément le cas du recourant. En effet, il ne résulte pas des pièces du dossier que les éléments faisant l'objet de la dénonciation spontanée avaient un quelconque rapport avec l'activité de B_______ SA, de sorte que celui-ci n'avait pas à craindre qu'un contrôle de la société puisse mener l'autorité fiscale à découvrir les soustractions qu'il a opéré à titre personnel. Sa dénonciation spontanée n'était donc pas motivée par la crainte que ses soustractions soient découvertes par le fisc suite au contrôle de sa société.

20.         Ce constat ne signifie pas encore que les soustractions en cause soient exemptées de peine. En effet, si l'une ou plusieurs d'entre elles étaient déjà connues du fisc, elles ne peuvent bénéficier de la non punissabilité.

À cet égard, il est évident que les comptes bancaires suisses, couverts par le secret bancaire, étaient inconnus de l'AFC-GE et qu'elle ne pouvait les découvrir ; les soustractions en lien avec ceux-ci sont donc exemptées de peine.

Autre est la question des avoirs bancaires détenus à l'étranger puisqu'en raison de l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, les données des comptes sont communiquées par les autorités fiscales étrangères à l'AFC-GE qui en a donc connaissance. À ce sujet, malgré les critiques formulées par la doctrine, le tribunal fait sienne la position de principe exprimée par l'AFC-CH en date du 30 août 2018. En effet, une date déterminée, certes arbitrairement puisque certains cantons avaient fixé des dates différentes, antérieure même en ce qui concerne Genève (cf. Thomas LATTMANN, Steuerämter drücken bei Selbst-anzeigen noch ein Auge zu, Magazine Saldo, 27 septembre 2017, p. 9), procure une appréciable sécurité du droit. En outre, le fait de posséder des informations sur un support numérique signifie que celles-ci sont entrées dans la sphère de connaissance de l'administration, étant effectivement à sa disposition quand bien même personne ne les ait encore consultées. Par analogie, une fois une dénonciation spontanée notifiée à l'autorité fiscale, celle-ci ne peut arguer ne pas en avoir connaissance au motif que le courrier en question n'a pas encore été ouvert.

Au vu de ce qui précède, il doit être retenu, s'agissant du compte ouvert dans une banque sise en France, que l'AFC-CH en a eu connaissance le 30 septembre 2018, soit la date qui correspond à la prise de position de l'AFC-CH, l'EAR étant entré en vigueur avec cet État le 1er janvier 2017. Partant, connue par une autorité fiscale suisse lorsqu'elle a été dénoncée le 31 mai 2019, cette soustraction ne peut bénéficier d'une exemption de peine. En revanche, s'agissant des comptes sis dans des banques à Dubaï, du fait que l'EAR n'est entré en vigueur avec les Émirats arabes unis, dont Dubaï fait partie, qu'à compter du 1er janvier 2019, la dénonciation desdits comptes, intervenue en mai 2019, était antérieure à leur connaissance par l'AFC-CH. Il en va de même des obligations libellées en USD détenues dans une banque à Dubaï. L'AFC-GE n'en avait également pas connaissance avant que le recourant ne les dénonce.

Le même raisonnement doit être appliqué aux commissions d'introducteur et aux coupons provenant des obligations susmentionnées : ces revenus versés sur un compte non déclaré à Dubaï n'étaient pas connus des autorités fiscales suisses en date du 31 mai 2019.

S'agissant enfin des dividendes perçus par le recourant, celui de 2016 ne relève pas du domaine d'une dénonciation spontanée non punissable, étant mentionné dans la déclaration fiscale 2016 du recourant. Quant à celui de 2017, il ne peut, ainsi que relevé au consid. 16, donner lieu à une amende.

21.         Le tribunal relève enfin que les autres conditions pour bénéficier de la dénonciation spontanée non punissable sont, à l'évidence, réalisées. D'une part, l'AFC-GE pouvait et devait reconnaître, sur la base du texte du courrier ainsi que des informations détaillées fournies que des éléments de fortune et de revenu avaient été soustraits et qu'il s'agissait d'une dénonciation. D'autre part, le recourant a collaboré sans réserve avec le fisc pour déterminer le montant du rappel d'impôt et il s'est efforcé d'acquitter le rappel d'impôt dû.

22.         Au vu de ce qui précède, les soustractions que le recourant a dénoncées en date des 31 mai, 3 et 17 décembre devront, à l'exception de celle en relation avec le compte bancaire français, bénéficier d'une exemption de peine.

23.         Il reste encore à déterminer si l'amende infligée, qui ne concerne dont plus que la soustraction liée au compte bancaire détenu en France, est conforme au droit, étant rappelé que dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende (ATA/1249/2020 du 8 décembre 2020 consid. 9b et les références citées).

24.         En l'espèce, l'AFC-GE a retenu une quotité de base de trois quart des impôts soustraits, qui apparaît justifiée au regard du peu d'importance du montant en cause (EUR 5'000.-), de la durée et de la répétition de la soustraction ainsi que de la formation et l'expérience professionnelle du recourant. Le tribunal estime que l'AFC-GE a suffisamment tenu compte de sa bonne collaboration.

25.         Le recours sera donc partiellement admis et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour qu'il émette de nouveaux bordereaux amendes 2013 et 2016, qui ne concerneront que la soustraction en lien avec le compte bancaire ouvert en France, tandis que ceux de 2017 seront entièrement annulés.

26.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe partiellement, est condamné au paiement d'un émolument réduit s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 200.- lui sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 750.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'administration fiscale cantonale, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2020 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 3 juin 2020 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule les bordeaux amende 2013 à 2017 ;

4.             renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouveaux bordeaux amende 2013 à 2016 au sens des considérants ;

5.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

6.             ordonne la restitution au recourant du solde de l'avance de frais de CHF 200.- ;

7.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'administration fiscale cantonale, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 750.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière