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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2277/2020

JTAPI/130/2021 du 08.02.2021 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : NOTIFICATION DE LA DÉCISION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;RETARD;COURRIER A PLUS
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2277/2020 ICCIFD

JTAPI/130/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 février 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mattia DEBERTI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2018 de Monsieur A______.

2.             Par lettre du 24 mai 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a imparti à l’intéressé un délai de dix jours pour retourner sa déclaration fiscale.

3.             Par lettre recommandée du 28 juin 2019, étant donné que le contribuable n’avait toujours pas donné suite à ce rappel, l’AFC-GE l’a sommé de s’exécuter d’ici au 8 juillet suivant, sous peine de taxation d’office et d’amende.

4.             Par bordereaux datés du 23 octobre 2019, l’AFC-GE a taxé le précité d’office pour l’année 2018 sur la base d’un revenu imposable de CHF 28'000.-.

5.             Le 13 janvier 2020, l’AFC-GE lui a envoyé un rappel de paiement de l’ICC 2018.

6.             Par courrier A Plus du 17 février 2020, l’AFC-GE a adressé au contribuable une sommation de paiement de l’ICC 2018, libellée de la manière suivante :

« Le bordereau impôts cantonaux et communaux / 2018 / 1, notifié le 23 octobre 2019 sous le n° de compte : R1______, de CHF 2'183.50 n’ayant pas été acquitté dans le délai imparti, sommation vous est faite de payer l’impôt, les frais et les intérêts dans un délai de trente jours ».

L’intéressé a été averti qu’à défaut de régler cette somme dans les trente jours, il serait procédé au recouvrement selon la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1).

Selon le système du suivi des envois « Track & Trace » mis en place par la Poste, cette lettre a été distribuée au précité le 18 février 2020.

7.             Le 9 mars 2020, l’AFC-GE a envoyé au contribuable une sommation de paiement de l’IFD 2018, l’avertissant qu’à défaut d’acquitter le solde dû, il serait procédé au recouvrement de ce montant par voie de poursuite.

8.             Le 23 avril 2020, l’office des poursuites de Genève a notifié au contribuable un commandement de payer dans la poursuite n° 20 174631 C pour un montant de CHF 2'203.50, qui indiquait pour titre de la créance « R1______, Bordereau 803.95.1590 exp. le 23 octobre 2019 ».

9.             Le 27 avril 2020, le contribuable a formé opposition totale à l’encontre de ce commandement de payer.

10.         Le même jour, il a invité l’AFC-GE à lui remettre copie du bordereau d’ICC 2018, relevant que cette décision de taxation, sur laquelle la poursuite se fondait, ne lui avait jamais été notifiée.

11.         Le 4 mai 2020, l’AFC-GE a communiqué au contribuable copie du bordereau d’ICC 2018, daté du 23 octobre 2019.

12.         Le 8 juin 2020, l’intéressé a retourné à l’AFC-GE sa déclaration fiscale remplie, indiquant qu’elle valait réclamation en tant que de besoin.

13.         Par décisions du 18 juin 2020, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

14.         Par acte du 27 juillet 2020, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de ces décisions en concluant, sous suite de frais et dépens, à leur annulation et à ce que l’AFC-GE entre en matière sur le fond de sa réclamation du 8 juin précédent.

L’AFC-GE n’avait pas démontré qu’elle lui aurait notifié les bordereaux le 23 octobre 2019. Il en avait uniquement eu connaissance lorsqu’il avait reçu le courrier de l’AFC-GE daté du 4 mai 2020, soit le 7 mai suivant. À défaut de preuve, les décisions sur réclamation étaient contraires au droit et devaient être annulées.

15.         Dans sa réponse du 28 octobre 2020, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Puisqu’elle avait sommé le recourant de s’acquitter de l’ICC 2018, par courrier A Plus remis le 18 février 2020, celui-ci disposait de suffisamment d’éléments lui permettant de soupçonner qu’une décision de taxation lui avait été notifiée. Or, il n’avait rien entrepris jusqu’à l’opposition au commandement de payer, ce qui se révélait contraire aux règles de la bonne foi. Il aurait dû réagir dans un délai de deux mois à compter du 18 février 2020 en se renseignant auprès de l’AFC-GE.

La voie de la révision était exclue, puisque si l’intéressé avait fait preuve de la diligence requise en se renseignant dans un délai de deux mois, il aurait pu élever réclamation en temps utile.

16.         Par réplique du 19 novembre 2020, le contribuable a maintenu son recours.

Il pouvait de bonne foi se prévaloir de l’absence de notification, étant donné que tant la sommation du 17 février 2020, que le commandement de payer du 23 avril suivant, ne faisaient aucunement mention de l’existence d’une taxation d’office.

17.         Dans sa duplique du 2 décembre 2020, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

Contrairement à ce que soutenait le recourant, la sommation du 17 février 2020 et le commandement de payer faisaient tous deux état d’une décision de taxation.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le recourant conteste l’irrecevabilité des décisions sur réclamation, se prévalant du fait que les bordereaux litigieux ne lui ont jamais été notifiés.

4.             Lorsque, comme en l’espèce, les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours, mais non pas la taxation en tant que telle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3 ; 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2).

5.             À teneur des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification.

Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement.

6.             Le fardeau de la preuve de la notification incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 et les arrêts cités). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification d'un acte envoyé sous pli simple ou sa date sont contestées et s'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 124 V 400 consid. 2a).

7.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les réf.), en vertu du principe de la bonne foi, l'intéressé est tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Le principe de la bonne foi oblige en effet celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre, en restant passif, afin de pouvoir s'en prévaloir ultérieurement devant l'autorité de recours.  

Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années ; il en va de même pour celui qui reste inactif pendant deux mois. En revanche, on ne peut reprocher aucun retard à celui qui consulte son dossier auprès de l'autorité quelques jours après avoir eu connaissance de l'existence d'une condamnation pénale. Est de même irréprochable celui qui réagit le jour même où il constate le début de travaux dont l'autorisation de les exécuter ne lui a pas été notifiée (ATA/1783/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4c).

En vertu du principe de la bonne foi, l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance de la décision qu'il entend contester. On ne peut reprocher aucun retard à celui qui agit dans le mois. Il appartient à la partie représentée par avocat qui reçoit seule l'acte, de se renseigner auprès de son mandataire, au plus tard le dernier jour du délai de recours depuis la notification (irrégulière) ; le délai de recours lui-même court dès cette date (arrêt du Tribunal fédéral 1C_15/2016 du 1er septembre 2016).

8.             En l’occurrence, les bordereaux litigieux ont été envoyés sous pli simple. Le contribuable prétend qu’il ne les a jamais reçus. Un doute subsiste quant au fait de savoir si l’intéressé en a eu connaissance, étant donné que l’AFC-GE n’a apporté aucun élément tendant à établir qu’elle aurait communiqué ces décisions au recourant. Il convient dès lors, en application de la jurisprudence rappelée ci-dessus, de se fonder sur les dires du précité.

Cela étant, l’AFC-GE a adressé au contribuable par courrier A Plus une sommation de paiement, qui lui a été communiquée le 18 février 2020, ainsi que cela ressort du système du suivi des envois « Track & Trace » et qui n'est pas contestée par le recourant. Ce courrier fait clairement état d’un bordereau d’ICC 2018 notifié le 23 octobre 2019. En conséquence, même si le recourant n’avait pas reçu cette décision de taxation, la lecture de la sommation de paiement lui permettait aisément d’inférer qu’il avait été taxé pour l’année 2018. Dès lors, il lui incombait, en vertu du principe de la bonne foi, de prendre contact avec l’AFC-GE et de se renseigner au sujet de ce bordereau. Or, l’intéressé n’a sollicité copie de sa taxation 2018 que le 27 avril 2020, soit plus de deux mois après qu’il a pu en soupçonner l’existence. Conformément à la jurisprudence, une inactivité d’une telle durée doit être considérée comme contraire au principe de la bonne foi. L’intéressé n’est ainsi pas fondé à se prévaloir du fait qu’il n’aurait jamais reçu les bordereaux 2018.

9.             La chambre administrative de la Cour de justice a considéré à plusieurs reprises que la pratique de l’AFC-GE consistant à traiter la remise d’une déclaration fiscale postérieurement à la notification du bordereau de taxation comme une réclamation ne repose sur aucune base légale et est source d’imbroglios juridiques regrettables. À rigueur de jurisprudence, il faut considérer que dans un tel cas le contribuable ne forme pas réclamation à l’encontre du bordereau de taxation, mais sollicite de fait la reconsidération, voire la révision de la taxation (ATA/660 du 23 juin 2015 consid. 8 et les réf.).

10.         De façon générale, une demande de réexamen (ou reconsidération) peut être présentée en tout temps et par toute personne qui aurait la qualité pour recourir contre la décision, objet de la demande au moment du dépôt de celle-ci. Elle a pour but d’obtenir la modification de la décision d’origine. Le plus souvent, elle tendra à la révocation d’une décision valable à l’origine, imposant une obligation à un particulier (ATA/355/2011 du 31 mai 2011 consid. 4e et les références citées).

11.         Il n’existe en principe pas de droit non seulement à une nouvelle décision, mais déjà à ce que l’autorité saisie procède à un nouvel examen de la situation (ATA/355/2011 du 31 mai 2011 consid. 4f). La jurisprudence a en effet déduit des garanties générales de procédure de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) l’obligation, pour l’autorité administrative, de se saisir d’une demande de réexamen lorsque les circonstances de fait ont subi, depuis la première décision, une modification notable, ou si le requérant invoque des faits ou des moyens de preuve importants qu’il ne connaissait pas lors de la première décision, ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n’avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; 130 II 32 consid. 2.4).

12.         À teneur des art. 147 al. 1 LIFD et 55 al. 1 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office :

-     lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts ;

-     lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître, ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure ;

-     lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé.

La demande de révision doit être déposée dans les nonante jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 148 LIFD ; art. 56 LPFisc).

Par ailleurs, la révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD ; art. 55 al. 2 LPFisc).

13.         Constituent des faits nouveaux susceptibles d’entraîner une révision d’une décision selon les dispositions légales précitées, des faits qui n’étaient pas connus mais existaient déjà au moment de la décision, plus précisément à la date à laquelle ils pouvaient encore être allégués en procédure, mais dont l’auteur de la demande a été empêché, sans sa faute, de faire état dans la procédure précédente. Les faits nouveaux ne peuvent entraîner la révision que s’ils sont importants, c’est-à-dire de nature à influer sur l’issue de la contestation, à savoir s’ils ont pour effet qu’à la lumière de l’état de fait modifié, l’appréciation juridique doit intervenir différemment que dans le cas de la précédente décision (ATA/123/2019 du 5 février 2019 consid. 7b ; ATA/1281/2018 du 27 novembre 2018 consid. 3).

Sont nouveaux, au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2).

14.         En l’espèce, force est de constater que le recourant ne fait valoir ni fait nouveau ni preuve nouvelle dont il n’aurait pas été en mesure de se prévaloir antérieurement. Par ailleurs, la voie de la révision lui est de toute façon fermée, étant donné qu’il aurait pu respecter le délai ordinaire de réclamation s’il avait fait preuve de diligence, c’est-à-dire notamment s’il s’était renseigné auprès de l’AFC-GE au sujet de sa taxation 2018 dans un délai raisonnable à compter de la réception de la sommation de paiement du 18 février 2020.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

16.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 juillet 2020 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 juin 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Alia CHAKER MANGEAT et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière