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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1866/2020

JTAPI/121/2021 du 08.02.2021 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : IMMEUBLE;VALEUR FISCALE;OCCUPATION
Normes : LIPP.50.lete
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1866/2020 ICC

JTAPI/121/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 février 2021

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

 

EN FAIT

1.             Madame A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) est propriétaire d’un immeuble sis au ______, route de B______ (ci-après : l'immeuble).

2.             Dans sa déclaration fiscale pour l’année 2018, elle a indiqué qu'elle occupait l’immeuble, que la valeur fiscale de celui-ci s’élevait à CHF 4'973'190.- avant abattement et à CHF 2'983'914.- après un abattement de 40 % et que sa valeur locative était nulle.

3.             Par courrier du 5 mars 2019, elle a indiqué à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) que l’immeuble était inoccupé depuis « environ » quatre ans.

4.             En la taxant pour les impôts cantonal et communal (ICC) 2018, par bordereau du 21 octobre 2019, l’AFC-GE a fixé la valeur fiscale de l’immeuble à CHF 4'881'180.-, qu’elle a réduite à CHF 2'928'708.-, compte tenu d’un abattement de 40 %, et sa valeur locative à CHF 69'339.- (après abattement).

5.             Par courrier du 12 novembre 2019, la contribuable a formé réclamation contre ce bordereau, se plaignant du fait que celui-ci prenait en compte une valeur locative de CHF 69'339.-, alors que l’immeuble n’était plus habité, ni habitable, notamment à cause de dégâts d’eau.

6.             Par courrier recommandé du 14 février 2020, l’AFC-GE a informé la contribuable de son intention de rectifier en sa défaveur le bordereau précité et l’a invitée à lui communiquer sa détermination, observant que dans la mesure où l’immeuble était inhabitable, il n’y aurait pas lieu d’accorder un abattement sur sa valeur fiscale imposable, de sorte que celle-ci serait fixée à CHF 4'881'180.-.

7.             Par courrier daté du 5 février 2020, reçu par l’AFC-GE le 10 mars 2020, la contribuable a notamment relevé que la loi prévoyait un abattement de la valeur fiscale en cas d’occupation continue de l’immeuble, ce qui était son cas. La loi ne précisait pas qu’au cas où le propriétaire devait cesser d’occuper son immeuble, cet abattement serait supprimé, en particulier si l’immeuble restait inoccupé « pour de justes motifs ». Elle avait quitté l’immeuble pour s’installer à Troinex et l’avait mis en vente, sans succès. Elle avait alors décidé de le démolir et de construire des « appartements-villas ».

8.             Par courrier recommandé du 28 avril 2020, annulant et remplaçant celui du 14 février précédent, l’AFC-GE a fait savoir à la contribuable qu’elle entendait rectifier la taxation contestée également en ce sens que l’imposition de la valeur locative de l’immeuble serait supprimée, en raison de la suppression de l’abattement sur sa valeur fiscale, de sorte que les intérêts de dettes allaient être limités à CHF 92'001.-. Un nouveau délai lui était imparti pour se déterminer.

9.             Par courrier du 13 mai 2020, la contribuable a en substance repris les arguments exposés dans son courrier précédent. L’interprétation que faisait l’AFC-GE du texte légal ne ressortait pas de celui-ci, dans la mesure où il ne précisait pas que lorsque le propriétaire quittait son immeuble, il n’y avait plus d’abattement, ce encore moins si l’inoccupation était due à des raisons particulières.

10.         Par décision du 17 juin 2020, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation de la contribuable, sur des points qui ne sont plus litigieux, la rejetant pour le surplus.

L’immeuble étant inhabitable, il n’y avait pas lieu d’accorder un abattement sur sa valeur fiscale imposable, de sorte que celle-ci était fixée à CHF 4'881'180.-.

11.         Par acte du 26 juin 2020, la contribuable a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour nouvelle taxation.

L’art. 50 let. e de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) ne prévoyait aucunement que l’inoccupation d’un immeuble mettait fin à l’abattement de 40 %, ni que l’immeuble devait être « habitable ».

Par ailleurs, en remplacement de l’immeuble, elle en avait acquis un à C______, dans lequel elle habitait actuellement et qu’elle avait financé en hypothéquant le premier, raison pour laquelle avait bénéficié du remploi. Elle n’avait pas fait valoir cet argument pour réduire la valeur fiscale de l’immeuble de C______, estimant que celui de B______ bénéficiait de cette disposition légale.

12.         Dans sa réponse du 28 août 2020, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La recourante soutenait elle-même que son bien était inhabitable depuis quatre ans pour cause de dégâts d’eau. C’était donc à bon droit que l’abattement litigieux n’avait pas été appliqué. Selon la jurisprudence, l’absence de l’imposition de la valeur locative justifiait également le refus de cet abattement.

13.         Dans sa réplique du 7 septembre 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Il n’était pas exact que l’immeuble était inhabitable. Son inoccupation avait essentiellement résulté de l'échec de sa vente. Cet argument n’était du reste pas en rapport avec le litige.

L’abattement devait être maintenu, l’AFC-GE n’ayant pas démontré que, selon l’art. 50 LIPP, il devait être refusé en cas d’inoccupation de l’immeuble. Il devait être accordé nonobstant la non-imposition de la valeur locative.

Devant rester vacant en vue de sa vente, l’immeuble ne pouvait en aucun cas être loué. Aucune disposition légale ne prévoyait que l’abattement devait être refusé si l’immeuble n’était plus occupé. Une fois que l’abattement avait été consenti, l’AFC-GE ne pouvait plus revenir en arrière, quelles que soient les circonstances. L’immeuble avait été occupé de manière continue, ce jusqu’à l’octroi d’un abattement de 40 %. Celui-ci étant acquis, il ne pouvait pas être retiré rétroactivement.

14.         Dans sa duplique du 5 octobre 2020, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions, relevant que la recourante n’avançait aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle de l'art. 49 LPFisc.

3.             A titre liminaire, et en tant que de besoin, il convient de relever que, selon l’art. 43 al. 1 LPFisc, dans le cadre de la procédure de réclamation, l’AFC-GE peut déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation au désavantage de celui-ci, étant par ailleurs précisé qu’elle ne peut donner aucune suite au retrait de la réclamation s’il apparaît, au vu des circonstances, que la taxation était inexacte (art. 42 al. 2 LPFisc). En l'occurrence, cette règle de procédure a été respectée, si bien que, sous cet angle, la décision sur réclamation contestée et le bordereau y relatif sont conformes au droit.

4.             Les immeubles sont soumis à l'impôt sur la fortune (art. 47 LIPP) à la valeur qu'ils ont au 31 décembre de l'année pour laquelle cet impôt est dû (cf. art. 49 al. 1 et 2 LIPP).

5.             L'art. 50 LIPP pose les principes d'estimation de la valeur des immeubles, dont notamment les villas, parcs, jardins d'agrément, ainsi que les immeubles en copropriété par étage (let. e), qui sont « estimés en tenant compte du coût de leur construction, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, des nuisances éventuelles, de leur situation, des servitudes et autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attribution ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature, qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif. Cette estimation est diminuée de 4 % par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier, jusqu'à concurrence de 40 % ».

6.             L'art. 50 let. e LIPP a repris l'art. 7 let. e de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP-III - D 3 13), lequel avait, à son tour, repris pour l'essentiel le texte de l'ancien art. 48 let. e de la loi générale sur les contributions publiques (aLCP - D 3 05), de sorte que la jurisprudence rendue sous l'empire de cette dernière disposition demeure encore valable.

Il ressort clairement des travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption à l'art. 48 aLCP que le propriétaire doit avoir habité d'une manière continue son immeuble pour bénéficier d'un abattement sur la valeur de ce dernier. Il est tenu compte de ce dégrèvement pour fixer la valeur locative imposable, celle-ci étant déterminée sur la base de la valeur d'estimation réduite de l'immeuble en fonction du nombre d'années d'occupation. La valeur locative et le taux d'abattement sont donc intimement liés (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1963, p. 2634-2636 ; cf. ATA/835/2003 du 18 novembre 2003 consid. 6).

En se fondant sur cette volonté du législateur, la jurisprudence a retenu que l'abattement de 4 % ne s'applique que lorsque l'immeuble est occupé par le propriétaire de manière continue. L'abattement trouve sa justification dans le fait qu'en occupant l'immeuble, le propriétaire ne réalise aucun revenu en espèces lui permettant d'acquitter l'impôt y relatif. Ainsi, par exemple, dès que le propriétaire décide de mettre l'immeuble en location, il ne peut plus faire valoir l'abattement pour la durée d'occupation dont il bénéficiait auparavant. L'abattement ne subsiste pas lorsque le bien immobilier n'est plus occupé par le propriétaire qui le met en location et si le propriétaire revient vivre dans son immeuble, l'abattement minimum de 4 % lui est alors appliqué (cf. ATA/377/2009 du 29 juillet 2009 ; ATA/835/2003 du 18 novembre 2003 ; cf. aussi JTAPI/882/2019 du 24 juin 2019 ; JTAPI/1304/2017 du 11 décembre 2017 ; JTAPI/1062/2016 du 17 octobre 2016).

Les motifs de la non-occupation du bien par ses propriétaires sont sans pertinence (ATA/835/2003 du 18 novembre 2003 consid. 6 et 7 et la référence).

7.             En l’espèce, il n'y a pas lieu de s'écarter du principe précité, tout à fait clair. Il n’est en effet pas contesté par la recourante qu’en 2018, elle n’a pas occupé son immeuble. Ayant interrompu son occupation, elle ne peut plus bénéficier de l'abattement qui lui avait été accordé jusqu’alors. Le fait qu’elle n’avait tiré aucun revenu de son immeuble en 2018, ce qui correspond à l’hypothèse où elle l’aurait occupé, n’y change rien, dans la mesure où l’AFC-GE a - à juste titre (cf. not. ATA/795/2019 du 16 avril 2019 consid. 6b) - renoncé à l’imposer sur la valeur locative de son bien, ce qui n’aurait pas pu être le cas si elle y avait habité (cf. art. 24 al. 1 let. b et al. 2 LIPP). La recourante perd de vue que l’abattement de 40 % dont elle avait bénéficié auparavant n'est pas acquis (comme le seraient, par exemple, des amortissements antérieurs de son immeuble), la jurisprudence susmentionnée précisant que lorsque le propriétaire revient vivre dans son immeuble, l'abattement minimum de 4 % lui est alors appliqué. Enfin, dans le cadre de la procédure de réclamation, l’AFC-GE était parfaitement en droit de revenir sur l’abattement qu’elle lui avait accordé - à tort - lors de la taxation initiale (cf. art. 43 al. 1 LPFisc).

Il s’ensuit que, matériellement également, la décision sur réclamation et le bordereau y relatif sont conformes au droit.

8.             Partant, le recours, mal fondé, sera rejeté.

9.             Vu cette issue, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 52 al. 1 LPFisc).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2020 par Madame A______ contre la décision sur réclamation prise à son égard par l'administration fiscale cantonale le 17 juin 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 700.- à la charge de Madame A______, lequel est couvert par son avance de frais du même montant ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Yves JOLIAT, président, Alia CHAKER MANGEAT et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière