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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1037/2002

ATA/835/2003 du 18.11.2003 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; DEDUCTION; VILLA; fin
Normes : LCP.48 al.e
Résumé : Le propriétaire d'une villa qui ne l'a pas occupée pendant deux ans ne peut se voir appliquer la réduction de 4 % prévue par l'art. 48 litt.e LCP dès lors qu'il n'a pas habité sa maison de manière continue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 18 novembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur P. B.

représenté par la Sté Fiduciaire Bo. et B. S.A.

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

 

1. En 1990, Monsieur P. B. a acquis une villa à C. dans laquelle il a vécu avec son épouse et leurs deux enfants jusqu'au mois d'août 1998. Dès septembre 1998 et jusqu'au courant du mois de juillet 2000, les époux B. et leurs enfants ont résidé à B. pour des raisons professionnelles et leur villa de C. a été louée.

 

La famille B. est revenue s'installer à Genève le 27 juillet 2000 et elle habite depuis cette date dans sa villa.

 

2. L'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a notifié au contribuable le 18 décembre 2000 un bordereau de taxation afférent à l'année fiscale 2000. L'impôt s'élevait à CHF 1'064,40 calculé sur un revenu imposable nul et sur une fortune imposable de CHF 335'758.-. Il était calculé sans tenir compte d'aucun abattement pour la durée d'occupation de la villa.

 

3. Le 15 janvier 2001, le contribuable a élevé réclamation.

 

L'AFC n'avait pas tenu compte d'un abattement de 36% pour la durée d'occupation dans l'estimation de la valeur de la villa. L'abattement usuel était en effet de 4% avec un maximum de 40%.

 

4. Par décision du 26 juin 2001, l'AFC a partiellement admis la réclamation. Elle a tenu compte d'un abattement de 4% sur l'estimation de la villa. De 1990 à 1998, les propriétaires avaient en effet bénéficié d'un abattement de 32%. La maison ayant été louée en 1998 et 1999, il y avait eu une interruption de l'occupation par ses propriétaires de sorte que l'on "repartait" avec un abattement de 4% pour l'année 2000, considérée comme une première année d'occupation. L'AFC se référait à deux décisions de la commission (N° .. de 1994 et N° ... de 2000) où celle-ci avait tranché cette question de la même manière.

 

5. Par acte du 19 juillet 2001, le contribuable a interjeté recours contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts en réclamant un abattement de 32%, cette interruption temporaire d'occupation ne devant pas conduire à annuler les abattements antérieurs.

 

6. L'AFC a conclu au rejet du recours. Elle a fait référence à la jurisprudence de la commission.

 

La commission a communiqué au contribuable une copie "caviardée" des décisions auxquelles se référait l'AFC.

 

7. Le contribuable a déclaré maintenir son recours. Il interprétait différemment la portée des termes "par année d'occupation continue". Le législateur voulait encourager l'accession à la propriété et les autorités ne devaient pas se limiter à un interprétation littérale de l'article 48 LCP.

 

8. Par décision du 10 octobre 2002, la commission a rejeté le recours.

 

9. Par acte posté le 12 novembre 2002, M. B., représenté par une fiduciaire, a saisi le Tribunal administratif d'un recours en reprenant son argumentation. Si la loi ne prévoyait pas l'interruption temporaire de l'occupation d'un bien immobilier par son propriétaire, cette lacune devait être comblée par l'interprétation qu'il proposait, celle-ci reposant d'ailleurs sur l'analyse faite à sa requête par le professeur J. M., enseignant la linguistique à la Faculté des lettres de l'Université de Genève. Dans cette disposition, l'adjectif "continue" s'appliquait au terme année et non pas à celui d'occupation.

 

10. L'AFC a conclu au rejet du recours en se référant au texte de l'exposé des motifs qui accompagnait en 1963 l'introduction de l'article 48 LCP présentement querellé.

 

11. Dans deux courriers complémentaires des 7 janvier et 30 janvier 2003, les parties ont campé sur leur position.

 

12. Par courrier spontané du 14 mars 2003, le recourant a encore attiré l'attention du tribunal sur un récent arrêt du Tribunal fédéral relatif à l'interprétation.

 

13. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2, 53 al. l de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; 63 alinéa l let. a) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Les lois cantonales du 22 septembre 2000 relatives à l'imposition des personnes physiques (LIPP I à V - D 3 11 - D 3 13 - D 3 14 - D 3 16), adoptées en application de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14) mettent en oeuvre, dès leur entrée en vigueur le ler janvier 2001, un calcul du revenu imposable d'après le revenu acquis pendant la période fiscale (art. 2 al. l de la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 - LITPP II - D 3 12; ATA I. du 11 mars 2003; ATA AFC c/T. du 6 février 2001). Elles ne s'appliquent donc pas à la taxation 2000, objet du présent litige.

 

3. L'article 48 lettre e) de la loi sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) dans son ancienne teneur, applicable en l'espèce, prévoyait que l'estimation de la valeur d'un bien immobilier était diminuée de 4% par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier, jusqu'à concurrence de 40%.

 

Il était également tenu compte de la durée d'occupation continue par le précédent propriétaire, lorsqu'il s'agissait de son conjoint, ou, en cas d'acquisition par succession, de ses parents en ligne directe ou de ses frères et soeurs.

 

4. Le recourant a bénéficié de cette déduction pendant 8 ans, soit jusqu'en 1998, puis il est parti pendant deux ans avant de revenir en juillet 2000.

 

Il convient de déterminer si malgré une telle interruption, pendant laquelle ladite villa était louéeàun tiers, l'AFC devait considérer que ce bien immobilier faisait l'objet d'une occupation continue par son propriétaire pour permettre à celui-ci de bénéficier d'un abattement de 32, voire de 40% de l'estimation de sa maison, au lieu des 4% admis par l'AFC et la commission de recours.

 

5. Contrairement aux allégués du recourant, la loi ne comporte pas de lacune que le juge devrait combler.

 

6. Il s'agit toutefois d'interpréter la disposition existante.

 

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Toutefois, si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il faut alors rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens qu'elle prend dans son contexte est également important. En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 248, 117 Ia 331 et les arrêts cités.). Les deux récents arrêts cités par le recourant dans son courrier du 14 mars 2003 publiés in SJ 2002 I, p. 584 et ATF 127 III 444 consid. 1 b), ne disent rien d'autre.

 

Quant à l'expertise sollicitée par M. B., elle n'apparaît pas déterminante, car l'expert en linguistique - le professeur M. - a été prié de répondre à la question de savoir si l'expression "année d'occupation continue" est ambigüe linguistiquement, soit si le terme "continue" modifie année et non occupation. L'expert en conclut que la construction en cause est ambiguë !

 

L'AFC a déjà battu en brèche la thèse du recourant en se référant aux travaux préparatoires relatifs à l'article 48 aLCP dont il ressort clairement que le propriétaire doit avoir habité d'une manière continue son immeuble pour bénéficier de ce dégrèvement (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1963, pp. 2'634 à 2'636).

 

Deux ans d'interruption et d'occupation par un tiers locataire ne permettent pas de soutenir que le propriétaire a, d'une manière continue, habité dans son immeuble.

 

Dans la décision No ... du 15 décembre 1994, à laquelle l'AFC se réfère, les propriétaires avaient cessé d'habiter leur immeuble pendant 31 mois - durant lesquels ils avaient loué ledit bien à un tiers - après 8 ans d'occupation continue. Ils avaient également dû partir à l'étranger pour des raisons professionnelles. De plus, la commission avait jugé que les motifs de la non-occupation du bien par ses propriétaires étaient sans pertinence au regard de l'article 48 aLCP.

 

Le Petit Robert (édition 1969, p. 340) définit le terme continu de la manière suivante : "qui n'est pas interrompu dans le temps", ce qui correspond à l'acception courante.

 

7. Il n'existe en l'espèce aucune raison de s'écarter du raisonnement déjà effectué par la commission en 1994 dans une cause en tous points semblable. En accordant au recourant une déduction de 4% pour 2000 sans tenir compte de l'occupation du bien de 1990 à 1998, l'AFC et la commission ont correctement appliqué la loi et leur interprétation n'a rien d'arbitraire.

 

8. En conséquence, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant. Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2002 par M. P. B. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 10 octobre 2002;

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

communique le présent arrêt à la Sté Fiduciaire Bo. et B. S.A., mandataire du recourant, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega