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Décisions | Chambre de surveillance

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C/11882/2023

DAS/52/2024 du 29.02.2024 sur DAS/281/2023 ( CLAH )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11882/2023 DAS/52/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 29 FEVRIER 2024

Requête (C/11882/2023) en reconsidération de la décision DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 concernant le retour de l'enfant A______, née le ______ 2013, formée en date du 23 février 2024 par Madame B______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Lisa LOCCA, avocate.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 1er mars 2024 à :

- Madame B______

c/o Me Lisa LOCCA, avocate

Promenade du Pin 1, case postale, 1211 Genève 3.

- Monsieur C______
c/o Me Chloé AUDIGIER, avocate
Rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4.

- Maître D______
______, ______.

- SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75, 1211 Genève 8.

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.


Attendu, EN FAIT, que B______ et C______ sont les parents non mariés de A______, née le ______ 2013 à Genève ;

Que B______ et C______ se sont séparés et réconciliés à plusieurs reprises ;

Que plusieurs procédures judiciaires les ont opposés ;

Que suite à une séparation des parents, domiciliés précédemment en France, la Cour d'appel de E______ (France), saisie par l'un d'eux, a réglé les droits parentaux sur l'enfant par arrêt du 23 mai 2016, fixant notamment la résidence habituelle de celle-ci chez sa mère et réservant un droit de visite et d'hébergement au père ;

Qu'à cette occasion, B______ s'était installée avec l'enfant dans un appartement sis à F______ (Genève/Suisse), dont elle était propriétaire depuis 2009 ;

Que, nouvellement réconciliés, les parents se sont installés avec l'enfant en 2019 dans une maison acquise en commun à G______ (France) ;

Que nonobstant ce domicile français, l'enfant a été scolarisée à F______;

Que les parties exercent leurs activités professionnelles à Genève.

Que l'enfant est suivie médicalement à Genève ;

Que B______ et C______ se sont à nouveau séparés à une date et dans des circonstances non précisées ;

Que par requête déposée le 14 février 2023 auprès du Tribunal judiciaire de H______ (France), C______ a sollicité la mise en place d'une résidence alternée hebdomadaire de l'enfant ;

Que depuis mars 2023, l'enfant vit à nouveau avec sa mère dans l'appartement de F______ dont elle est propriétaire;

Que B______ a de son côté saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de Genève (ci-après : le Tribunal de protection) le 16 mai 2023 d'une requête en suspension des relations personnelles entre l'enfant et son père, au motif que celle-ci ne souhaitait plus se rendre chez lui, subissant des violences psychologiques ;

Que B______ a invoqué, dans la procédure française d'instauration de la résidence alternée, l'incompétence des autorités judiciaires françaises, l'enfant ayant sa résidence à Genève, raison pour laquelle elle avait saisi le Tribunal de protection en vue de régler les relations personnelles entre l'enfant et son père ;

Que C______ a soutenu, dans la procédure française en instauration de la résidence alternée, que le déplacement de l'enfant à Genève par sa mère était illicite, car il n'y avait pas acquiescé, de sorte que les autorités judiciaires françaises étaient compétentes pour statuer sur les droits parentaux ;

Que le tribunal de H______ (France), par jugement du 19 décembre 2023, s'est déclaré compétent pour statuer sur le sort des droits parentaux de l'enfant, retenant notamment que le transfert de l'enfant en Suisse était illicite ;

Qu'il a déterminé, à titre provisoire, dans l'attente d'un rapport d'évaluation sociale, la résidence de l'enfant chez sa mère et fixé des relations personnelles avec le père en milieu protégé (Point Rencontre) ;

Que cette décision est exécutoire par provision ;

Que parallèlement, C______ a déposé, le 8 juin 2023, devant la Cour de justice de Genève (ci-après : la Cour), une requête en retour de l'enfant fondée sur la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après : CLaH80) et la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (ci-après : LF-EEA) ;

Que par décision DAS/281/2023 du 14 novembre 2023, la Cour a constaté le déplacement illicite de l'enfant au sens de l'art. 3 CLaH80 et ordonné son retour en France au sens des art. 8 et ss CLaH80, auprès de son père, même si l'enfant avait manifesté un souhait contraire, de telles circonstances ne justifiant pas une exception au retour au sens de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80 ;

Que le Tribunal fédéral a confirmé cette décision par arrêt 5A_903/2023 du 31 janvier 2024, ordonnant à B______ d'assurer le retour de l'enfant en France d'ici au dimanche 25 février 2024 au plus tard, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) étant instruit, à défaut, d'organiser le retour, au besoin en recourant à l'aide de la force publique.

Que le Tribunal fédéral a écarté de sa procédure le jugement du tribunal de H______ (France) du 19 décembre 2023, produit par devant lui, s'agissant d'un élément nouveau irrecevable, pouvant être invoqué, cas échéant, par le biais d'une demande en reconsidération de l'arrêt de la Cour DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 ;

Que par acte déposé le 23 février 2024 auprès de la Cour, B______ a formé une telle demande, concluant en substance à ce que la Cour annule son arrêt DAS/281/2023 et annule l'ordre de retour de l'enfant en France ;

Qu'elle concluait préalablement à ce que l'effet suspensif soit octroyé à sa demande de reconsidération, à titre superprovisionnel et provisionnel ;

Que par décision DAS/42/2024 du 26 février 2024, la Cour a suspendu, superprovisionnellement, le caractère exécutoire de l'arrêt DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 dans la cause C/11882/2023, ainsi que les modalités d'exécution ordonnées par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 5A_903/2023 du 31 janvier 2024, jusqu'à droit jugé sur effet suspensif, après audition des parties ;

Vu les déterminations du 28 février 2024 de la mineure, par la voix de sa curatrice désignée, concluant qu’elle s’en rapporte à justice concernant l’octroi de l’effet suspensif ;

Vu la réponse du père de l'enfant du 29 février 2024, déclarant également s’en rapporter à justice s’agissant de la demande d’effet suspensif ;

Considérant, EN DROIT, qu'en application de l'art. 13 al. 1 LF-EEA, la Cour peut, sur requête, modifier la décision ordonnant le retour de l'enfant lorsque des circonstances qui s'y opposent ont changé de manière déterminante ;

Que cette reconsidération ne doit toutefois pas sortir des limites posées par la convention; en effet, les motifs qui pourraient s'opposer à un retour sont identiques à ceux qui valent dans toute autre procédure conduite en cas d'enlèvement international d'enfants; que la nouvelle procédure se déroule ainsi conformément aux dispositions ad hoc de la CLaH80 et de la LF-EEA (arrêts du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.1; 5A_847/2012 du 17 décembre 2012 consid. 2; FF 2007 2433 n° 6.12) ;

Que la procédure concernant le retour de l'enfant et celle relative au fond portent sur deux objets distincts, de sorte qu'une décision du juge du fond, qu'elle soit provisoire ou finale, attribuant la garde au parent qui a illicitement déplacé l'enfant, ne saurait rendre ce déplacement licite et provoquer de ce seul fait l'annulation de la décision de retour (cf. art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4; 131 III 334 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.4) ;

Qu'en revanche, lorsque la juridiction de l'État de provenance de l'enfant, saisie du litige opposant les parties au fond, dont la compétence pour statuer sur les prérogatives parentales n'est pas contestée, attribue la garde de l'enfant au parent ravisseur, à l'étranger, elle renonce explicitement à la nécessité de la présence de l'enfant sur son territoire dans l'attente de la décision à rendre au fond, objectif auquel tend en définitive la CLaH80. Qu'ordonner le retour ne se justifie donc plus (arrêt du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.4) ;

Que la procédure judiciaire visant à ordonner le retour de l'enfant est soumise à "une procédure sommaire" (art. 8 al. 2 LF-EEA) ;

Que l'art. 13 LF-EEA ne précise pas les modalités de la procédure de reconsidération. Qu'ainsi, la question de l'effet suspensif de la demande de reconsidération sur la décision entreprise n'est pas expressément traitée dans la LF-EEA ;

Que le message du Conseil fédéral à l'appui du projet de la LF-EEA, dans le commentaire relatif à l'art. 13 LF-EEA, précise toutefois que "devant de telles situations, il importe tout d’abord que le tribunal suspende l’exécution de la décision de retour initialement prononcée" (FF 2007 2433 n° 6.12), de sorte qu'il y a lieu de retenir que le législateur entendait autoriser l'autorité judiciaire chargée de statuer sur la reconsidération d'une décision de retour à assortir la demande de reconsidération de l'effet suspensif, à l'instar de ce qui prévaut en matière de révision (art. 331 CPC), d'appel (art. 315 CPC) ou de recours (art. 325 CPC), y compris à titre superprovisionnel, avant l'audition des parties adverses (cf. art. 265 al. 1 CPC; ATF 137 III 475 consid. 2) ;

Qu'en l'espèce, l'effet suspensif a été prononcé à titre superprovisionnel à l'exécution de retour de l'enfant ;

Que les parties se sont déterminées sur la requête, suite à cette décision, et s'en sont toutes rapportées à justice ;

Que de ce fait et pour les motifs retenus dans la précédente décision, il se justifie de confirmer l'octroi de l'effet suspensif à la demande de reconsidération ;

Que se pose cependant la question de savoir d'une part, si une décision judiciaire du pays de provenance est per se une circonstance qui s'oppose au retour et d'autre part, si une telle décision implique ipso facto l'existence d'un changement déterminant desdites circonstances au sens de l'art 13 LF-EEA ;

Que ces questions seront tranchées le cas échéant dans le cadre de l'examen du fond de la requête ;

Que la question des frais judiciaires sera également tranchée avec le fond ;

Que cela étant, la Cour envisage de suspendre la procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pendante en France (art. 126 al.1 CPC) ;

Qu'il sera imparti aux parties un délai au 15 mars 2024 pour se déterminer succinctement sur suspension.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant sur requête d'effet suspensif :

Suspend le caractère exécutoire de l'arrêt DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 dans la cause C/11882/2023 ainsi que les modalités d'exécution ordonnées par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 5A_903/2023 du 31 janvier 2024.

Réserve le règlement des frais judiciaires.

Et statuant préparatoirement :

Impartit aux parties un délai au 15 mars 2024 pour se déterminer sur éventuelle suspension de la procédure.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 cons. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué (art. 100 al.2 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.