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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14750/2014

DAS/295/2023 du 30.11.2023 sur CTAE/2153/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14750/2014-CS DAS/295/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 30 NOVEMBRE 2023

 

Recours (C/14750/2014-CS) formé en date du 27 septembre 2023 par Madame A______, Monsieur B______ et Monsieur C______, p.a. M. C______, ______.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 1er décembre 2023 à :

- Madame A______
Monsieur B______
Monsieur C______
______, ______.

- Maître D______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Par décision CTAE/2153/2023 du 13 septembre 2023, communiquée le même jour aux parties, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a approuvé les rapport et comptes finaux de D______, curateur de E______, décédé le ______ 2021, couvrant la période du 31 décembre 2018 au 30 avril 2021, arrêté ses honoraires pour la période du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2020 à 19'401,35 fr., sous déduction d'une provision de 16'000 fr. (94h55 min. à 200 fr./h + 418 fr. de frais divers), dont un solde de 3'401 fr. 35, arrêté ses honoraires à 4'500 fr. pour la période du 31 décembre 2020 au décès (19h45 à 200 fr./h + 100 fr. de frais), fixé l'émolument de contrôle concernant les rapport et comptes finaux du 31 décembre 2018 au décès à 3'717 fr., et rendu attentives les personnes intéressées aux dispositions des art. 454 et suivants CC, relatives aux actions en responsabilité.

La décision indiquait qu'elle était communiquée par pli recommandé à B______, à A______ et au curateur relevé.

B.            Par courrier intitulé recours, à l'en-tête Hoirie A______/B______/C______, adressé le 27 septembre 2023 à la Chambre de surveillance de la Cour de Justice, C______, B______ et A______ ont conclu à ce que le solde des honoraires du curateur soit laissé à sa charge et à ce que l'émolument de contrôle du Tribunal de protection soit supprimé.

En substance, ils reprochent au Tribunal de protection, outre le fait de ne pas avoir notifié sa décision à C______, de ne pas avoir pris en compte le fait que le curateur avait, d'une part, laissé le défunt dresser un testament public chez un notaire, alors qu'il était sous une mesure de curatelle de portée générale, testament pour lequel ils avaient dû introduire une action en annulation, et d'autre part, d'avoir omis de requérir l'approbation du Tribunal de protection pour ce testament. Ils reprochent en conséquence au Tribunal de protection d'avoir "failli à sa mission de contrôle des comptes", en ayant validé les frais de dépôt du testament du défunt en 2018 et en outre, de ce fait, d'avoir approuvé à tort les comptes et rapport finaux du curateur.

Ils produisent un procès-verbal de conciliation (ACTPI/196/2022) du 5 septembre 2022 dans la cause C/1______/2022 les ayant opposés comme demandeurs à F______, sœur du défunt, défenderesse, par devant le Tribunal de première instance, à teneur duquel celle-ci déclare renoncer à tout droit dans la succession du défunt, son frère, les parties "reconnaissant" que le testament de ce dernier par devant notaire était "nul".

Par déterminations du 20 octobre 2023, le curateur a conclu au rejet du recours, constatant d'emblée que ni son activité ni le montant de ses honoraires n'étaient contestés. Il relève que le seul reproche qui lui est fait est de ne pas avoir recueilli l'approbation du Tribunal de protection pour le testament du défunt, ce qui n'avait pas de sens puisque d'une part, une telle approbation n'était pas nécessaire et d'autre part, le testament avait été contesté et ses effets annulés. Il expose pour le surplus que la rédaction d'un testament étant un droit strictement personnel, le défunt, même sous curatelle de portée générale, pouvait y procéder seul, étant précisé qu'il avait au préalable requis un avis médical du médecin traitant de son protégé pour s'assurer de sa capacité de discernement pour ce faire, ce qui avait été confirmé. Le testament était valable et aucune autorisation n'était nécessaire.

Quant au Tribunal de protection, il n'a pas souhaité revoir sa décision.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) E______, de nationalité française, est né le ______ 1932 et décédé le ______ 2021. Il était marié à A______ et avait deux fils, C______ et B______. Il avait une sœur, F______.

b) Par ordonnance du 17 septembre 2014, le Tribunal de protection a prononcé à son égard, dans la mesure où il souffrait d'un trouble délirant persistant avec des idées persécutoires depuis un AVC survenu en 2011, une curatelle de portée générale et institué son fils C______ aux fonctions de curateur.

c) Suite à une demande de mainlevée de la mesure de la part de la personne concernée, respectivement de changement de curateur, le Tribunal de protection a, par ordonnance du 16 février 2015, maintenu la mesure de protection, relevé le curateur désigné, et nommé un nouveau curateur en la personne de D______, avocat.

d) Par certificat médical du 6 mars 2018, le médecin traitant du défunt a attesté le connaître, le suivre et considérer qu'il était "en possession de toute sa capacité de discernement pour établir un testament".

e) En date du 23 avril 2018, le défunt a fait dresser un testament public devant notaire, par lequel il déclarait notamment léguer la quotité disponible de sa succession à sa sœur F______ ou à défaut à la G______ [Organisme à but non lucratif].

f) Le curateur a rendu ses rapport et comptes finaux suite au décès de son protégé le 30 avril 2021, desquels il ressort que les actifs du défunt se montaient à la date du décès à plus d'un million deux-cents mille francs, suite à quoi la décision querellée a été prononcée.


 

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; art. 53 al. 1 LaCC; art. 126 let. b LOJ). Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC; art. 53 al. 2 LaCC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé par des personnes habilitées à le faire, dans le délai prescrit. Il est en conséquence recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.             Les recourants font d'abord grief au Tribunal de protection de ne pas avoir notifié sa décision à C______.

Indépendamment de la question de savoir si tel est le cas ou non, celui-ci en a manifestement eu connaissance dans le délai de recours qui courait pour les membres de l'hoirie auxquels la décision a été notifiée, puisqu'il s'est associé au recours déposé dans ledit délai par l'hoirie. Il ne subit aucun dommage de ce fait. Par ailleurs, les recourants ne tirent rien de ce grief, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'examiner plus avant.

3. Les recourants concluent en outre à ce que le solde des honoraires du curateur, fixés par le Tribunal de protection, soit laissé à sa charge et que les émoluments de contrôle dudit Tribunal des rapport et comptes finaux du curateur soient "supprimés". Ils invoquent à l'appui de ces conclusions des manquements du curateur, qui auraient dû conduire le Tribunal de protection à une décision conforme à leurs conclusions, celui-ci ayant en outre "failli" dans son contrôle en acceptant des frais d'enregistrement du testament qu'ils estiment nul.

3.1 Conformément à l'art. 404 al. 1 CC, le curateur a droit à une rémunération appropriée et au remboursement des frais justifiés. L'autorité de protection fixe la rémunération, en tenant compte en particulier de l'étendue et de la complexité des tâches confiées au curateur (art. 404 al. 1, 1ère phr., et al. 2 CC; REUSSER, Basler Kommentar Zivilgesetzbuch I, 2014, n. 7 ad art. 404 CC).

3.1.1 Le curateur doit exécuter les tâches qui lui sont confiées avec diligence et d'une manière conforme à l'intérêt de la personne qu'il représente, les règles générales du mandat s'appliquant par analogie (art. 413 al. 1 CC).

Selon la jurisprudence et une partie de la doctrine, lorsque le mandataire n'exécute pas correctement son contrat, le mandant n'est tenu de payer les honoraires que pour les services rendus, pour autant que ces services ne soient pas complètement inutilisables (ATF 124 III 423 consid. 3b et les référence citées; arrêts du Tribunal fédéral 4A_287/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2.1: 4A_267/2010 du 28 juillet 2010, consid. 3). Le critère de l'utilité est toutefois contestable. L'absence de résultat étant étranger au fondement de la rémunération, seule la violation de l'obligation de diligence par le mandataire doit déterminer la réduction de la rémunération (Werro, Commentaire romand, Code des obligations I, 3e édition, 2021, n. 35 ad art. 398 CO).

3.1.2 A Genève, le règlement fixant la rémunération des curateurs du 27 février 2013, entré en vigueur le 6 mars 2013 (RS/GE E1 05.15, ci-après : RRC), prévoit que la rémunération du curateur privé professionnel est prélevée sur les biens de la personne concernée (art. 9 al. 1 RRC). Il soumet la rémunération d'un curateur privé professionnel au tarif horaire suivant: pour un avocat chef d'étude, 200 fr. pour la gestion courante et de 200 fr. à 450 fr. pour son activité juridique; pour un avocat collaborateur, 150 fr. pour la gestion courante et 300 fr. au maximum pour l'activité juridique; pour un stagiaire, 120 fr. pour la gestion courante et 120 fr. au maximum pour l'activité juridique (art. 9 al. 2 RRC).

La rémunération est appréciée et définitivement arrêtée par le Tribunal de protection sur la base d'un décompte détaillé, qui précise la nature de l'activité déployée et le temps consacré (art. 9 al. 3 et 4 RRC). Outre le temps consacré, d'autres critères entrent en ligne de compte, tels l'importance et les difficultés du mandat confié, ainsi que la situation de fortune et de revenus de la personne représentée (ATF 116 II 399 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5C_2/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.1.4; 5A_342/2017 du 4 mai 2018 consid. 3).

3.2 Au terme de ses fonctions, le curateur adresse à l'autorité de protection un rapport final et, le cas échéant, les comptes finaux (art. 425 al. 1er 1ère phr. CC). L'autorité de protection de l'adulte examine et approuve le rapport final et les comptes finaux de la même façon que les rapports et les comptes périodiques (art. 425 al. 2 CC). Elle examine les rapports du curateur et exige au besoin des compléments (art. 415 al. 2 CC). Elle approuve ou refuse les comptes; au besoin, elle exige des rectifications (art. 415 al. 1 CC).

Le rapport final a un but d'information et non de contrôle de l'exécution de la curatelle. Il doit être approuvé s'il remplit son devoir d'information (arrêts du Tribunal fédéral 5A_714/2014 c. 3; 5A_151/2014 c. 6.1). Il est un compte-rendu subjectif des circonstances. Son approbation n'implique pas d'examiner la véracité des éléments contenus dans le rapport, ni n'emporte l'acceptation des déclarations et de l'activité du curateur (Vogel/Affolter, Zivilgesetzbuch I, Basler Kommentar, 2018, n. 22 ad art. 425). L'approbation n'a pas d'effet de droit matériel direct, n'a pas valeur de décharge complète du curateur, et n'est pas une décision portant sur l'existence ou l'absence d'une prétention à l'encontre du curateur, qui est du ressort du juge civil (arrêt du Tribunal fédéral 5A_494/2013 c. 2.1).

3.3 Selon l'art. 416 al. 1 ch. 1 à 9 CC, lorsqu'il agit au nom de la personne concernée, le curateur doit requérir le consentement de l'autorité de protection de l'adulte pour effectuer divers actes listés par cette disposition.

Au sens de l'art. 467 CC, toute personne capable de discernement âgée de 18 ans révolus a la faculté de disposer de ses biens par testament, dans les limites et selon les formes établies par la loi.

Selon l'art 19 al. 1 CC les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal. Selon l'art. 19c al. 1 CC, elles exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome; les cas dans lesquels la loi exige le consentement du représentant légal sont réservés.

Est notamment un droit strictement personnel, la confection d'un testament (FRANKHAUSER, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2022, no 5 ad 19c); WERRO/SCHMIDLIN, CR-CC, 2010 no 34 ad art. 19)

3.4 Selon l'art. 53 du règlement sur le tarif des frais en matière civile (RTFMC), l'émolument forfaitaire de décision pour l'examen des comptes de curatelle est fixé à 100 fr., majoré d'un émolument complémentaire de 3 ‰ si la fortune nette dépasse 300'000 fr.

Aux termes de l'al. 2 de cette disposition, la personne insolvable ou sans revenu peut être dispensée d'émolument.

3.5 En l'espèce, il convient d'entrée de cause de relever avec le curateur, que son activité (hormis le seul point soulevé qui sera examiné ci-dessous), de même que le montant de ses honoraires, arrêtés par le Tribunal de protection, ne sont pas remis en cause. Le rapport final du curateur a été rendu en temps et heure, suite au décès du défunt sous protection, et sa note d'honoraire établie conformément aux principes qui en guident la confection.

Il en découle que les honoraires sont dus et que, conformément aux principes rappelés plus haut, le protégé, respectivement son hoirie, sont en principe responsables de leur paiement. Comme rappelé plus haut également, il n'appartient pas à l'autorité de contrôle du rapport d'examiner la responsabilité éventuelle découlant de l'activité du curateur, cette tâche étant celle du juge civil, le cas échéant. Cela étant et avec le curateur, l'on constate d'emblée que le reproche élevé par les recourants à l'encontre du curateur relativement à la confection du testament du défunt apparaît infondé, celui-ci ayant exercé, capable de discernement, un droit strictement personnel, ne requérant pas l'approbation du curateur, et encore moins celle de l'autorité de protection.

Par conséquent, tant le reproche fait au curateur que celui, par ricochet, formulé à l'égard du Tribunal de protection à ce propos tombent à faux.

Quant à l'émolument de contrôle du Tribunal de protection, dont les recourants ne prétendent pas, à raison, qu'il aurait été faussement calculé, il ne peut être que confirmé, les conditions à son abandon n'étant, au vu de la disposition légale topique rappelée ci-dessus, pas réalisées.

4. En définitive, le recours ne peut qu'être rejeté en totalité, sous suite de frais qui seront arrêtés à 800 fr., à charge des recourants conjointement et solidairement (art. 106 al. 1 CPC) et partiellement compensés avec l'avance de frais de 400 fr. d'ores et déjà versée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2023 par A______, B______ et C______ contre la décision CTAE/2153/2023 rendue le 12 septembre 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/14750/2014.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr., les met à la charge des recourants conjointement et solidairement.

Les compense partiellement avec l'avance de frais versée par eux en 400 fr., qui demeure acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______, B______ et C______, conjointement et solidairement, au versement à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pourvoir judiciaire, du solde des frais en 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.