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Décisions | Chambre de surveillance

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C/2219/2017

DAS/280/2023 du 09.11.2023 sur DJP/102/2023 ( AJP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2219/2017 DAS/280/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Appel (C/2219/2017) formé le 31 mars 2023 par Madame A______, domiciliée ______ , représenté par Me Nicolas JEANDIN, avocat.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 14 novembre 2023 à :

 

- Madame A______
c/o Me Nicolas JEANDIN, avocat,
Grand-Rue 25, case postale, 1211 Genève 3

- Monsieur B______
c/o Me Nathalie HUBERT DIETRICH, avocate,
rue François-Bellot 12, 1206 Genève.

- Madame C______
c/o Me D______, avocat,
______ , ______ .

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a) E______, né le ______ 1925, de nationalité française, domicilié à l'avenue 1______ no. ______ à Genève, est décédé le ______ 2017 à F______ [GE].

b) Il a laissé pour héritiers A______, son épouse, B______, son fils né d'une précédente union, et C______, sa petite fille, fille de B______.

c) E______ était à la tête d'une fortune importante, composées notamment de biens mobiliers et immobiliers, dont un tableau de G______ intitulé "______" et de comptes bancaires.

d) Par testament et deux codicilles olographes des 23 et 27 avril 2016, ainsi qu'un pacte successoral du 8 juillet 2008 passé entre E______ et B______, les héritiers susévoqués ont été institués et MH______ nommée exécuteur testamentaire, à défaut son successeur.

e) Une demande en partage de la succession introduite par A______ est actuellement pendante devant le Tribunal de première instance de Genève (C/2______/2018).

f) En prévision de la fin du mandat de Me H______, sur le point de partir en retraite, A______ a requis, par pli du 15 décembre 2022, la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire auprès de la Justice de paix.

Se prévalant des rapports conflictuels entre les héritiers, elle a soutenu que la désignation d'un représentant était rendue nécessaire, en l'absence d'exécuteur testamentaire. Elle a conclu à ce que Me I______ assume cette tâche, car il était l'associé de Me H______.

g) C______, sous la plume de son curateur Me D______, a conclu au rejet de cette requête, car inutile.

h) B______ a lui aussi conclu au rejet de cette requête.

Il a relevé que l'exécuteur testamentaire était toujours en fonction et qu'elle avait elle-même souhaité continuer jusqu'à la mise en sécurité du tableau de G______ susmentionné.

i) Par courrier du 24 février 2023, Me H______ a informé la Justice de paix qu'elle mettait fin à son mandat d'exécuteur testamentaire pour le 28 février 2023.

Par courrier du même jour adressé aux héritiers, la notaire a souhaité "communiquer certaines informations et démarches effectuées en [sa] qualité d'exécuteur testamentaire", ce en vue de la fin annoncée de son mandat. Les ordres bancaires devaient désormais être donnés conjointement par les héritiers. Les biens situés à Genève avaient été mutés en communauté héréditaire au Registre foncier. Aucune intervention n'avait eu lieu pour les biens en France, car le notaire qu'elle avait mandaté avait été évincé par un autre notaire mandaté par B______ et Me D______. S'agissant du tableau peint par G______, un avocat avait été mandaté, à la demande de B______ et Me D______, aucune précision n'étant donnée par la notaire sur la mission de cet avocat. L'opposition constante de l'un ou l'autre des héritiers rendait impossible l'exercice de sa fonction.

j) A______ a répliqué aux écritures de ses cohéritiers, soulignant que le mandat d'exécuteur testamentaire de la précitée avait désormais pris fin.

Elle a précisé les points sur lesquels elle considérait que l'intervention d'un représentant de l'hoirie était nécessaire, soit la mise en sécurité du tableau de G______ – que les cohéritiers souhaitaient déplacer, mais qui était, selon elle, en sécurité auprès d'elle –, ses demandes de remboursement d'avances d'hoirie effectuées en faveur de B______ et le paiement de charges de copropriété, qu'elle n'entendait pas assumer seule.

k) Par courrier du 2 mars 2023, la Justice de paix a informé I______, notaire, que par testament déposé dans les minutes de la Justice de paix le 9 mai 2017, feu E______ l'avait désigné comme exécuteur testamentaire, H______, notaire, ayant mis fin à son mandat d'exécuteur testamentaire en date du 24 février 2023.

l) Par courrier du 6 mars 2023, I______ a informé la Justice de paix de ce qu'il n'entendait pas exercer la fonction d'exécuteur testamentaire dans la succession [de] E______.

B. Par décision DJP/102/2013 du 16 mars 2023, la Justice de paix a considéré que, certes, la succession n'avait pas fait l'objet d'un partage, ni ne se trouvait sous administration d'office, liquidation ou exécution testamentaire. Cependant, seules des factures devaient occasionnellement être payées par l'hoirie, de sorte qu'il n'y avait aucune mise en péril concrète et imminente des biens successoraux. La fin du mandat de l'exécuteur testamentaire n'avait pas non plus pour effet de justifier la nomination d'un représentant, puisque la notaire chargée de cette tâche avait assuré la sauvegarde du patrimoine successoral. Seul le partage restait en suspens, une action étant pendante à ce sujet devant le Tribunal de première instance. Il n'y avait donc pas lieu de nommer un représentant de la succession. A______ a donc été déboutée de ses conclusions, sous suite de frais.

C. a) Par acte du 31 mars 2023, A______ a formé appel contre cette décision, qui lui a été notifiée le 21 mars 2023.

Elle conclut à son annulation, cela fait, à ce que la Cour désigne un représentant de l'hoirie et lui assigne pour mission la gestion et l'administration de la succession jusqu'à droit jugé définitif sur l'action en partage pendante, sous suite de frais.

En substance, elle se prévaut des relations conflictuelles entre les héritiers, notamment en lien avec le tableau peint par G______ qu'elle détenait chez elle, en sécurité, et que B______ souhaitait entreposer, en lieu sûr, ailleurs, démarche soutenue par le curateur de C______. La notaire n'avait pas mis fin à son mandat d'exécuteur testamentaire car sa mission était terminée, mais en raison des rapports conflictuels déjà cités. Elle évoque en outre la gestion des avoirs bancaires, qui pourraient requérir d'"éventuelles" décisions et paiements "à venir", notamment fiscaux, risquant de provoquer des réalisations forcées coûteuses et nuisibles s'ils n'étaient pas exécutés à temps. Se référant à la jurisprudence, elle soutient que l'autorité précédente s'était montrée trop restrictive.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b) Le 28 avril 2023, A______ a adressé un pli complémentaire à la Chambre de céans. Elle se prévaut d'une demande de renseignement datée du 2 mars 2023 qui lui avait été adressée par les autorités fiscales genevoises concernant les comptes bancaires de feu son mari et qu'elle se trouvait dans l'incapacité d'honorer, car les établissements concernés ne lui répondaient pas. Elle produit en outre un échange intervenu dans le cadre de la procédure judiciaire de partage, dans lequel le curateur de C______ avait renvoyé une experte à s'adresser à l'exécuteur testamentaire pour des charges payées précédemment en lien avec un bien immobilier.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c) Le 2 mai 2023, A______ a adressé un nouveau pli complémentaire à la Chambre de céans et portant sur la découverte d'un nouvel actif successoral, soit un bien immobilier en France. L'administrateur de la copropriété dont faisait partie ce bien avait requis la désignation d'un représentant des trois héritiers par courriel du 6 avril 2023.

Elle a produit une pièce nouvelle.

d) Le 16 mai 2023, A______ a adressé un nouveau pli complémentaire à la Chambre de céans contenant une mise en demeure du 21 avril 2023 pour le paiement d'arriérés de frais de copropriété incombant à l'hoirie en 338.44 euros. Cette mise en demeure avait été adressée à Me H______.

Elle a produit des pièces nouvelles.

e) Par réponse du 1er juin 2023, C______, agissant par son curateur, a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais, et s'en est rapportée à justice sur la désignation d'un représentant chargé de mettre en sécurité le tableau peint par G______ déjà mentionné.

Elle a réfuté les arguments de A______ : selon elle, seule la question de la mise en sécurité du tableau pouvait être confiée à un représentant, mais aucune situation de blocage n'existait.

f) Par réponse du 5 juin 2023, B______ a, à son tour, conclut au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il se prévaut d'une évaluation du 4 avril 2023 par une maison de vente aux enchères selon laquelle le tableau de G______ valait, dans une fourchette haute, 15'000'000 d'euros. Il conteste les arguments de A______. Pour lui, il n'était même pas nécessaire de nommer un représentant pour la mise en sécurité du tableau.

Il a produit des pièces nouvelles.

g) Par courrier du 9 juin 2023, A______, soit pour elle son conseil, a produit à nouveau le même courrier de l'administration fiscale cantonale du 2 mars 2023 déjà soumis à la Cour le 28 avril 2023, rappelant qu'elle n'avait pas pu obtenir les documents bancaires correspondants et qu'elle risquait donc de se voir taxée d'office.

h) Le 22 juin 2023, A______ a répliqué aux réponses de ses cohéritiers, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit une police d'assurance choses concernant l'œuvre de G______ citée, ainsi que trois demandes d'avance de frais pour une copropriété appartenant à l'hoirie située en France pour 41.55 euros, 34.57 euros et 146.45 euros, ainsi qu'une mise en demeure du 20 juin 2023 émanant de la régie d'un appartement de l'hoirie situé à Genève pour le remplacement des vitrages sur l'une des façades, le devis étant de quelque 79'987 fr. TTC, ce en conformité avec la législation sur l'énergie. Cette même régie avait comptabilisé un retard de paiement au 31 mai 2023 pour les charges de copropriété de cet appartement en 6'795 fr. 25. Concernant un autre appartement situé à J______ [France], elle a produit un appel de fonds daté du 19 juin 2023 relatif aux charges générales de 18'127.60 euros, ainsi que, pour le même appartement, une facture d'une société de sécurité de 419.23 euros TTC du 20 janvier 2023 et d'une autre société de sécurité de 729.78 euros TTC du 2 décembre 2022.

i) B______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

Il n'avait jamais eu connaissance précédemment des factures et appels de fonds produits par A______ en appel.

j) C______, soit pour elle son curateur, a dupliqué elle aussi et persisté dans ses conclusions.

Elle a déclaré ne pas s'opposer au paiement des factures et appels de fonds produits par A______.

EN DROIT

1. 1.1
1.1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Ces décisions sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_797/2017 du 22 mars 2018 consid. 1; 5A_725/2010 du 12 mai 2011 consid. 1.2).

1.1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être écrit et motivé. Cette disposition ne régit pas expressément le contenu de l'acte. Il faut cependant admettre qu'il s'agit d'une forme de demande adressée au juge et qu'il faut donc appliquer par analogie les art. 221 et 244 CPC. On en déduit donc que l'acte d'appel doit contenir la désignation des parties (art. 221 al. 1 let. a et 244 al. 1 let. a CPC; ATF 138 III 213 consid. 2.3).

La demande d'un héritier tendant à la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au partage, au sens de l'art. 602 al. 3 CC est une mesure ordonnée dans le cadre de la dévolution successorale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.1). Le représentant de l'hoirie indivise est nommé pour la communauté des héritiers, non comme le représentant et dans l'intérêt d'un unique héritier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_241/2014 du 28 mai 2014 consid. 2.1). Il s'ensuit que l'instauration d'une mesure de représentation de la communauté héréditaire déploie ses effets pour tous les membres de l'hoirie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2 et 5D_133/2010 du 12 janvier 2011 consid. 1.4).

Dès lors que la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire aboutit à un jugement qui sortit ses effets à l'égard de tous les héritiers et que, en outre, elle touche au sort de biens dont les cohéritiers sont titulaires en commun avec le requérant (art. 602 al. 2 CC), la demande de mise en place d'un représentant de la communauté héréditaire doit être intentée contre tous les cohéritiers ("consorité passive nécessaire" : ATF 136 III 123 consid. 4.4.1 ; 100 II 440 consid. 1). L'héritier qui conteste une décision relative à la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire est donc tenu, sous peine de rejet de son recours (ATF 130 III 550 consid. 2.1.2), d'assigner tous ses cohéritiers devant l'autorité cantonale de recours, de manière à leur conférer la qualité de partie à l'instance de recours.

1.2 En l'espèce, la succession comprend des biens mobiliers et immobiliers d'importante valeur, de sorte que la valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

Cela étant, l'appel ne contient pas la désignation des cohéritiers de l'appelante, ce qui devrait conduire à son irrecevabilité, en application de la jurisprudence sus-évoquée. Cependant, étant donné que l'identité et l'adresse des autres parties ressortaient de la procédure de première instance et que la Cour a ainsi pu leur adresser l'acte d'appel pour qu'ils se déterminent, il sera exceptionnellement entré en matière sur l'appel, malgré cette absence de désignation valable.

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite par l'un des héritiers de la succession, l'appel est donc recevable.

1.3 Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire ; art. 255 let. b CPC). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles. La cognition du juge, qui revoit la cause en fait et en droit (art. 310 CPC), est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit.

2. 2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils ont été invoqués ou produits sans retard et qu'ils n'ont pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 let. a et b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire simple (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2; 138 III 625 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les parties sont recevables, de même que les allégués qui s'y rapportent, car elles ne pouvaient pas être produites en première instance, même en faisant preuve de la diligence nécessaire. Plus particulièrement, le courrier de l'administration fiscale du 2 mars 2023 produit par l'appelante le 28 avril 2023 et à nouveau le 9 juin 2023 paraît avoir été tardivement transmis. Toutefois, l'appelante se prévaut non pas du fait d'avoir reçu ce courrier, mais de ne pas parvenir à y répondre, ce qui peut expliquer le fait qu'il n'ait pas été produit immédiatement à réception.

Les trois courriers de l'appelante parvenus à la Cour après l'expiration du délai d'appel sont donc recevables, en ce qu'ils tendaient à transmettre les pièces susévoquées.

3. La question litigieuse se rapporte à la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire.

3.1 S'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (art. 602 al. 1 CC). A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

La nomination d'un représentant d'hoirie doit être faite chaque fois qu'elle paraît utile, selon l'appréciation de l'autorité, parce que les héritiers ne peuvent pas agir envers des tiers, d'une façon générale ou dans un cas particulier, en raison de leurs divergences, ou en cas de blocages survenus en raison des dissensions des héritiers ou encore lorsque la substance ou les rendements de la succession sont mis en péril. L'autorité ne peut désigner un représentant que si la communauté héréditaire dure encore et si la représentation n'est pas déjà assurée par un exécuteur testamentaire, un administrateur officiel ou un liquidateur officiel (Spahr, Commentaire Romand - CC II, 2016, n. 69 et suivantes ad art. 602 CC).

L'autorité bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour décider si elle accueille la requête favorablement ou non. Elle nommera un représentant chaque fois que les circonstances justifient une telle solution, par exemple, lorsque les héritiers sont incapables d'administrer le patrimoine successoral, lorsqu'ils n'arrivent pas à prendre une décision importante ou à choisir un représentant, lorsqu'ils sont en conflit, si certains d'entre eux sont absents ou en cas de mise en danger de la substance voire des revenus de la succession. La requête doit être admise en principe lorsque les membres de la communauté ne peuvent pas agir envers les tiers ou s'il y a rupture de leur rapport de confiance. Toutefois, de simples divergences internes sur la manière d'exploiter et de gérer le patrimoine successoral ne justifient en principe pas la désignation d'un représentant, tout comme de simples divergences d'opinion entre cohéritiers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_781/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.3 ; Spahr, op. cit., n. 69 et suivantes ad art. 602 CC ; Minnig, Basler Kommentar - ZGB II, 7ème éd. 2023, n. 50 ad art. 602 CC).

Les pouvoirs du représentant d'hoirie dépendent de la mission définie par l'autorité. Le représentant peut être désigné pour certains actes isolés sur lesquels les héritiers ne parviennent pas à s'entendre. L'autorité peut aussi donner au représentant un mandat général et lui confier toute l'administration de la succession, auquel cas son statut juridique se rapproche de celui de l'administrateur officiel de la succession, sans toutefois que ses fonctions ne portent sur le partage de la succession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2013 du 26 juillet 2013 consid. 3.1; 5P.83/2003 du 8 juillet 2003 consid. 1).

3.2 En l'espèce, l'appelante, pour requérir la nomination d'un représentant de l'hoirie, se prévaut de la mésentente existant entre elle et ses cohéritiers, qui mettrait en danger la bonne gestion des intérêts de la communauté héréditaire.

A fin février 2023, la notaire qui exerçait la fonction d'exécuteur testamentaire a renoncé à son mandat. Les dispositions pour cause de mort de feu E______ désignent, subsidiairement et en cas d'empêchement, le successeur de ladite notaire. Or, par courrier du 6 mars 2023, celui-ci, interpellé par la Justice de paix, a indiqué qu'il n'entendait pas exercer la fonction d'exécuteur testamentaire. La nomination d'un représentant de l'hoirie présuppose, conformément à la loi, qu'aucun exécuteur testamentaire ne soit en fonction. Cette condition légale est acquise mais n'est cependant pas suffisante pour qu'un représentant de l'hoirie soit désigné, au vu des considérations qui suivent.

S'agissant des rapports entre héritiers, la notaire précédemment désignée comme exécutrice testamentaire a, certes, relevé avoir été en proie à l'opposition de l'un ou l'autre d'entre eux. Il ressort en outre des échanges épistolaires et des écritures des parties que leurs relations sont tendues. Cela ne signifie pas encore que l'on se trouve dans une situation de blocage.

Encore faudrait-il pour l'admettre que des actes importants ne puissent être effectués, faute d'entente entre les cohéritiers. A cette fin, l'appelante cite deux domaines principaux dans lesquels elle entend requérir l'intervention d'un représentant de la communauté héréditaire : le tableau peint par G______ et la gestion d'intérêts financiers, soit plus particulièrement des versements en lien avec les biens de la communauté et des renseignements qu'elle souhaite obtenir d'établissements bancaires.

S'agissant du tableau, la Cour ne discerne pas en quoi l'intervention d'un représentant de l'hoirie pourrait être nécessaire, du point de vue de l'appelante, dès lors que celle-ci le détient dans un local dont elle a la maîtrise. Son raisonnement est contradictoire en ce qu'elle soutient que la mise en sécurité de cette œuvre de valeur serait une tâche devant être exécutée par le représentant tout en affirmant un peu plus loin que l'œuvre d'art est en sécurité, chez elle. Il n'existe donc pas de démarche requise par l'appelante en lien avec ce tableau qui serait empêchée par un désaccord entre héritiers.

Concernant ensuite la gestion courante des affaires de la succession, l'appelante ne remet pas en cause le fait que les actifs de l'hoirie sont en sécurité. Elle se limite à invoquer, d'une part, la mésentente existant entre les héritiers et, d'autre part, des demandes de versement ou des courriers de tiers concernant les biens susvisés. Encore eût-il fallu qu'elle décrivît une paralysie préjudiciable aux intérêts de l'hoirie. Elle n'y procède pas. En effet, elle a produit une demande de renseignement émanant du fisc, mais aucun document à l'appui de son allégué selon lequel elle ne pourrait y répondre en raison d'un refus de la banque de la renseigner. Ce refus paraît d'ailleurs, comme le soulignent les autres parties, peu crédible et en tous les cas non imputable aux autres héritiers. Elle a aussi produit des pièces démontrant que des versements, pour diverses raisons, sont nécessaires pour l'administration courante de la succession ou pour des travaux obligatoires de par la loi. Ici encore, elle n'apporte aucun élément concret tendant à démontrer que la mésentente entre les cohéritiers serait telle que ces versements, dont la légitimité n'est pas contestée par les autres parties, ne pourraient avoir lieu d'accord entre les membres de l'hoirie, voire que l'absence d'exécution immédiate mettrait en péril les biens concernés. D'ailleurs, les parties étant, chacune, représentées par un avocat, il peut être retenu, comme le suggère l'un des héritiers, que ceux-ci parviendront à trouver un terrain d'entente pour ces appels de fonds, dont la nécessité et la légitimité ne paraissent pas faire de doute. Enfin, le simple fait que des tiers demandent la désignation d'un représentant de l'hoirie pour des affaires courantes n'est pas davantage pertinent.

Par conséquent, les mésententes pouvant exister entre les parties ne mettent pas en péril la substance de la succession qui est préservée et sécurisée à satisfaction. La nomination d'un représentant de l'hoirie ne répond pas à un intérêt actuel digne de protection.

Il s'ensuit que la décision de première instance est fondée.

4. L'appel sera donc rejeté.

5. Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 26 et 35 RTFMC), mis à la charge de A______, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et partiellement compensés avec l'avance de frais versée par cette dernière, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). A______ sera condamnée à verser le solde, soit la somme de 500 fr., aux Services financiers du pouvoir judiciaire.

A______ sera également condamnée, pour les mêmes motifs, à verser des dépens de 1'000 fr. à B______, qui plaide par avocat. Des dépens ne sont pas dus à C______, qui a comparu par l'entremise de son curateur avocat et n'a pas conclu à des dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 31 mars 2023 par A______ contre la décision de la Justice de paix DJP/102/2023 du 16 mars 2023 par laquelle celle-ci a rejeté sa requête en nomination d'un représentant de l'hoirie de E______.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais qu'elle a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser le solde de ces frais, soit la somme de 500 fr., aux Services financiers du pouvoir judiciaire.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.