Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/11054/2022

DAS/150/2023 du 22.06.2023 sur DTAE/1232/2023 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.388; CC.389; CC.390; CC.394; CC.395
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11054/2022-CS DAS/150/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 22 JUIN 2023

 

Recours (C/11054/2022-CS) formés en date des 21 et 22 mars 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant d'abord en personne, puis par Me B______, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 27 juin 2023 à :

 

- Madame A______
c/o Me B______, avocate
______.

- Maître C______
______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Par requête du 8 juin 2022, A______, représentée par B______, alors avocate de choix, a saisi le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) d’une requête urgente de curatelle volontaire, concluant à l’instauration d’une curatelle de représentation et de gestion, sans limitation de l’exercice de ses droits civils et à ce que C______, avocat, soit désigné en qualité de curateur.

A______ avait été l’épouse, durant cinquante-quatre ans, de D______, décédé le ______ 2021; le couple n’avait pas eu d’enfant. La fortune dont A______ était la seule héritière, se composait essentiellement de biens immobiliers sis à E______ (Genève), F______ (France) et Israël, ainsi que d’avoirs bancaires auprès de nombreux établissements. Jusqu'au décès de son époux, A______ ne s’était jamais occupée de la gestion des affaires du couple. Quelques semaines après le décès de son époux, elle avait fait la connaissance de la dénommée G______, qui lui avait proposé de s’occuper de toutes ses affaires et lui avait fait signer, à tout le moins, deux procurations : une procuration générale lui permettant d’agir en son nom, de la représenter notamment devant les assurances sociales et privées, l’AVS, les avocats et notaires, ainsi que les banques et de traiter toutes questions d’ordre fiscal; une seconde procuration lui permettant de la représenter devant la centrale du 2ème pilier. Elle avait résilié le mandat de la fiduciaire qui s’occupait depuis des années des déclarations fiscales des époux A______/D______ et avait pris le contrôle des affaires d’A______. Cette dernière avait signé un ou plusieurs documents dont elle ignorait le contenu, portant sur la vente de son bien immobilier sis à E______. Elle s’était également rendue à F______ avec G______ afin de procéder à des actes auprès d’institutions bancaires, actes dont elle n’avait pas saisi la portée. A______ sollicitait l’instauration d’une curatelle de représentation et de gestion et la désignation de C______, avocat, aux fonctions de curateur, qu’elle avait déjà rencontré.

A l’appui de sa requête, A______ a notamment produit une attestation médicale du Dr H______ du 7 juin 2022. Médecin traitant de l’intéressée depuis 2017, il avait constaté qu’elle présentait, depuis environ une année, des troubles cognitifs, essentiellement sous forme de troubles de la mémoire avec des oublis fréquents. Elle était encore indépendante pour les tâches journalières de routine, mais avait de plus en plus de difficulté à gérer les affaires plus compliquées en relation avec ses finances et son patrimoine. Ses troubles s’étaient aggravés durant les derniers mois et la perte de son époux avait été très éprouvante. Elle vivait désormais seule; sa famille se trouvait en Autriche et celle de feu son époux, exception faite d’une nièce, était également à l’étranger. A______ lui avait parlé du fait que G______ gérait ses affaires. Selon le Dr H______, A______, compte tenu de sa solitude et de la baisse de ses capacités intellectuelles, risquait d’être victime d’abus de la part de personnes mal intentionnées. Il appuyait par conséquent sa démarche visant à la protéger.

b. Par ordonnance du 7 juillet 2022 rendue sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné C______, avocat, aux fonctions de curateur, celui-ci ayant pour tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en matière d’affaires administratives et juridiques, en particulier pour révoquer toute procuration ou convention au bénéfice de tiers compromettant les intérêts de la concernée et pour gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes; l’exercice des droits civils de A______ a été limité.

c. Le 31 août 2022, le curateur a adressé ses observations au Tribunal de protection, contenant un résumé de la situation financière de A______. Il avait été contacté par I______, avocate, qui s’était présentée comme étant une amie de la famille du côté de feu D______, et qui souhaitait intervenir dans la situation. Le jour même, A______ l’avait appelé afin d’annuler le rendez-vous initialement prévu, expliquant avoir reçu pour instruction de sa «nièce-avocate (sic)» de n’avoir aucun contact sans son accord. A______ avait également écarté son médecin traitant et tenu des propos négatifs sur une nièce de son époux, alors que tous deux étaient intervenus dans l’intention de la protéger. Selon ce qui ressortait du contact qu’il avait eu avec G______ et d’un document versé à la procédure, une promesse de vente portant sur l’immeuble sis à E______ avait été signée entre A______ et G______ pour la somme de 7'000'000 fr., la seconde désirant développer et commercialiser l’immeuble en question dans le cadre d’un projet de construction. A______ n’avait pas compris la teneur du contrat signé.

d. Par courrier du 1er septembre 2022 adressé au Tribunal de protection, I______ l’a informé de ce qu’elle avait été consultée par A______ et son neveu, J______, domicilié en Israël, lesquels avaient émis le souhait qu’elle puisse «se constituer» (sic) en qualité de curatrice. I______ ajoutait connaître personnellement A______ et feu son époux, «D______» (sic) D______ depuis plus de trente ans. A______ était une amie très proche de la famille de I______. Une procuration, signée par A______, était jointe au courrier.

e. Le Tribunal a sollicité du conseil de A______ ses observations concernant ce courrier.

f. Par courrier du 12 septembre 2022, A______ a informé le Tribunal de protection de ce qu’elle était mécontente du travail effectué par C______, lequel ne lui donnait aucun renseignement et n’avait rien entrepris pour annuler la vente de son bien immobilier. Le curateur voulait lui fixer un rendez-vous, mais elle l’avait déjà rencontré à trois reprises et lui avait tout expliqué.

Par courrier du 19 septembre 2022, A______ a indiqué à B______ qu’elle ne désirait plus qu’elle la représente; elle n’avait plus confiance en elle. A______ en a informé le Tribunal de protection.

g. Par courrier du 20 septembre 2022 adressé au Tribunal de protection, B______ l’a informé de ce qu’elle n’avait pas été en mesure d’atteindre A______. Elle sollicitait la tenue d’une audience.

h. Par courrier du 26 octobre 2022, I______ a informé le Tribunal de protection de ce que A______ lui avait confié la défense de ses intérêts en qualité d’avocate de choix en lieu et place de B______, «désignée d’office». Elle a produit une procuration portant la signature de A______, ainsi qu’un certificat médical du Dr K______, psychiatre. Selon celui-ci, l’intéressée ne présentait pas un trouble de la personnalité «type dépendante», ni un trouble du discernement ou de l’humeur. Elle avait «suivi l’orientation de son médecin traitant, d’où sa mise en curatelle». La levée de la curatelle était envisageable, vu son état de santé neuro-psychique.

i. Le Tribunal de protection a transmis ce courrier à B______, conseil de A______, en rappelant qu’elle était avocate de choix et non désignée d’office et en sollicitant d’éventuelles observations.

j. Selon les observations de B______ du 28 octobre 2022, A______, qu’elle connaissait depuis plusieurs mois, n’était manifestement pas en mesure de défendre seule ses intérêts, ni d’instruire quelqu’un pour la défendre et semblait être sous l’influence d’un réseau de personnes qui l’entouraient. Elle sollicitait sa nomination en qualité de curatrice de représentation de l’intéressée dans la procédure.

k. Par courrier du 28 octobre 2022, A______ a réitéré auprès du Tribunal de protection sa volonté d’être représentée par I______, n’ayant plus confiance en B______.

l. Par courrier du 31 octobre 2022, le Tribunal de protection a indiqué à I______ qu’il ne donnerait pas suite à sa requête d’assister A______ en qualité d’avocate de choix, malgré la procuration qui lui avait été remise. En effet, par ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 7 juillet 2022, l’exercice des droits civils de l’intéressée avait été limité en matière contractuelle, de sorte qu’elle n’était pas habilitée à la mandater en qualité d’avocate de choix.

m. Par décision du 31 octobre 2022, le Tribunal de protection a désigné B______ en qualité de curatrice d’office, son mandat étant limité à la représentation de A______ dans la procédure pendante devant lui.

n. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 4 novembre 2022, à laquelle A______ ne s’est pas présentée.

Le Dr H______ a indiqué ne pas avoir été délié de son secret professionnel et ne plus avoir de contacts avec A______ depuis deux mois; elle ne répondait pas lorsqu’il tentait de l’appeler. Il la connaissait depuis un peu plus de quinze ans. Il l’avait connue par l’entremise de son époux et avait noué une relation amicale avec le couple. Le décès de son époux, qui avait été malade durant trois ans, avait été un grand choc pour A______. Le Dr H______ et son épouse l’avaient beaucoup entourée; ils la voyaient en tout cas une fois par semaine. Lors du dernier entretien téléphonique qu’il avait eu avec elle, ils avaient évoqué ce qu’ils devaient faire ensemble et elle s’était montrée très enthousiaste. Pourtant, il avait ensuite reçu des messages téléphoniques provenant de l’appareil de A______, lui disant qu’il devait la laisser tranquille et qu’elle ne voulait plus le voir, messages dont une copie a été versée à la procédure. Il était quasiment certain qu’elle n’était pas la rédactrice de ces messages. Depuis lors, il n’avait plus eu de contact avec elle. Il avait constaté, en tant qu’ami, que les capacités intellectuelles de A______ avaient commencé à diminuer déjà du vivant de son mari, durant la maladie de celui-ci. Après le décès de D______, G______ avait pris possession des clés de la boîte aux lettres et elle relevait le courrier. Elle s’était rendue à F______ avec A______, laquelle avait expliqué au Dr H______ que le but du voyage était de mettre à son nom le compte bancaire de feu son époux. Bien que le Dr H______ lui ait fait remarquer qu’il n’apparaissait pas nécessaire de se déplacer pour cela, puisque ledit compte était déjà également ouvert à son nom, A______ s’était tout de même rendue à F______.

C______ a indiqué avoir rencontré cette dernière en son étude deux semaines auparavant. Elle avait exigé la présence de I______. Il avait expliqué le cadre de son intervention et de la curatelle et il s’attendait à ce qu’elle se présente à l’audience. Avant de déterminer ce qu’il convenait de faire s’agissant de la promesse de vente portant sur l’appartement de E______, il avait besoin de la collaboration de l’intéressée. Celle-ci lui avait dit vouloir annuler ladite promesse.

B______ avait beaucoup de peine à contacter A______ et ce depuis le mois d’août 2022. Elle ne répondait pas à ses appels. Elle avait annulé un rendez-vous fixé en lui demandant, par message, de la laisser tranquille.

o. Le Tribunal de protection a tenu une nouvelle audience le 13 janvier 2023. A______ s’y est présentée et a levé le secret professionnel du Dr K______.

Ce dernier, qui suivait l’intéressée depuis le mois d’août 2022 à raison d’une fois par semaine, a indiqué n’avoir constaté ni troubles psychiatriques, ni de la mémoire. Elle avait vécu un deuil mais ne souffrait pas de dépression et sa situation s’améliorait de jour en jour. Selon lui, elle était capable, en août 2022, de gérer ses affaires, mais avait simplement besoin de temps pour restructurer sa vie. Il ne pensait pas qu’elle soit influençable, car elle avait toujours été très autonome dans la gestion de sa vie.

A______ a admis que lorsqu’elle avait signé la promesse de vente, elle ignorait ce qu’elle signait. Elle avait également signé un document chez un notaire à F______; il devait s’agir d’un droit de préemption sur son appartement. N’ayant pas pu lire ce document, elle ne savait toutefois pas ce qu’elle avait signé. Elle était sans nouvelles de G______ depuis que le Tribunal de protection avait nommé C______ en tant que curateur provisoire. A l’époque, un ami, le Dr H______, lui avait dit de se méfier de cette personne. Elle allait beaucoup mieux que durant l’été 2022. Elle s’occupait de la maison et du jardin. Elle avait en outre un peu plus de contacts avec sa famille en Autriche et en Israël. Elle se sentait capable de payer seule ses factures, mais avait besoin de quelqu’un pour annuler les contrats qu’elle avait signés, soit de I______, qui était une amie. Si elle n’avait pas fait appel à I______ durant l’été 2022, c’est parce que cela la «gênait». Elle pensait qu’il était préférable d’avoir quelqu’un de moins proche. Par la suite, c’était le père de I______ qui lui avait dit que sa fille pourrait l’aider. Elle n’avait plus de contacts avec B______, car «quelqu’un» l’avait conseillée de ne pas la voir. Il s’agissait du dénommé L______, qui vivait avec elle. Il s’était occupé de son époux durant les six derniers mois, ainsi que de la maison. Selon lui, B______ n’était pas correcte, car elle voulait acheter la maison et la mettre dans une maison de retraite. Il disposait de son téléphone et de l’accès à internet. C’était lui qui avait rédigé les messages téléphoniques adressés à B______; elle n’en connaissait pas le contenu. Quelqu’un, dont elle ne parvenait pas à se souvenir, l’avait par ailleurs déconseillée de se présenter devant le Tribunal de protection.

Au terme de l’audience, C______ et B______ ont conclu au maintien de la mesure et la cause a été gardée à délibérer.

p. Le 17 avril 2023, le Tribunal de protection a autorisé le curateur à introduire les procédures civiles utiles afin d’attaquer la promesse de vente.

B.            Par ordonnance DTAE/1232/2023 du 13 janvier 2023, le Tribunal de protection a confirmé la curatelle de représentation et de gestion instituée sur mesures superprovisionnelles le 7 juillet 2022 en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), confirmé C______ aux fonctions de curateur (ch. 2), confié au curateur les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes (ch. 3), limité l’exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle (ch. 4), privé la personne concernée de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle est ayant droit économique, et révoque toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch. 5), autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat (ch. 6), arrêté les frais judiciaires à 900 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que A______ était susceptible, sous l’influence de tiers malveillants dont elle ne parvenait pas à identifier les mauvaises intentions, de prendre des décisions contraires à ses intérêts. Elle se trouvait dans une situation de grande fragilité, constitutive d’un état de faiblesse au sens de la loi. Il se justifiait dès lors de confirmer la mesure de curatelle de représentation et de gestion instaurée sur mesures superprovisionnelles. Compte tenu de la fortune de l’intéressée, un curateur privé devait être désigné. Au moment du dépôt de sa requête tendant à la mise en place d’une mesure de curatelle, A______ avait requis que C______, avocat, soit désigné curateur, ce qui avait conduit le Tribunal de protection à le nommer, sur mesures superprovisionnelles. A______ avait exposé devant le Tribunal de protection qu’il était préférable qu’elle soit assistée de quelqu’un ne faisant pas partie de son entourage proche. Bien que par la suite l’intéressée, ainsi que ses proches (soit des neveux en Israël), aient sollicité à plusieurs reprises la désignation de I______, avocate et amie de la famille, aux fonctions de curatrice, le Tribunal de protection a considéré qu’il était dans l’intérêt de A______ de désigner une personne extérieure à son entourage aux fins de la représenter et de gérer ses affaires administratives, financières et juridiques et de confirmer par conséquent C______ dans ses fonctions de curateur.

C.           a. Le 21 mars 2023, A______, agissant en personne, a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice à l’encontre de l’ordonnance du 13 janvier 2023, reçue le 20 février 2023, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’elle n’était plus sous curatelle de représentation et de gestion. Subsidiairement, si par impossible une curatelle de représentation et de gestion devait être instituée, elle a conclu à ce que I______ soit désignée aux fonctions de curatrice. A titre préalable, elle a conclu à ce que l’audition de G______ soit ordonnée, afin qu’elle puisse lui poser «les questions nécessaires à l’établissement des faits» en lien avec la signature de la promesse de vente.

A______ a exposé être contrainte d’agir seule, au motif que son conseil, B______, refusait sans justes motifs de défendre ses intérêts.

Elle a allégué présenter «un discernement normal». Elle avait uniquement été bouleversée par le décès de son époux et s’était retrouvée dans une situation de détresse. Elle a conclu à la levée de la mesure de curatelle. Pour le surplus, elle a allégué ne pas avoir confiance en C______, lequel n’avait «absolument rien fait» pour permettre l’annulation de la vente de sa maison, à laquelle elle était opposée. Le Dr H______ n’avait jamais été son médecin traitant et elle ne l’avait rencontré, en tant que patiente, qu’à une seule reprise. Il n’était pas non plus un ami mais une simple connaissance, de sorte qu’il était dans l’incapacité de déceler chez elle un changement de comportement.

La recourante a produit une attestation du Dr K______, psychiatre, du 15 mars 2023. Il en ressort qu’à l’examen clinique, A______ présentait «un tableau lié à la clinique du deuil dû au décès de son époux et de son entrée en retraite. Cette clinique du deuil démontre une crise au niveau du discernement affectif lié à le stress. A______ a signé des documents à des personnes connues : sa comptable et un ami médecin. C’est un symptôme du deuil, le fait de signer une promesse de vente et de signer sa mise en curatelle. ( ). Cliniquement, il n’y a pas la présence d’un trouble de la personnalité type dépendante, ni un trouble d’ordre psychiatrique, ni un trouble de la mémoire sans exposition à le stress. La patiente présente un discernement normal d’où l’interrogation sur la validité d’une mise en curatelle ( ), sachant les effets délétères de ce type d’aliénation dans sa vie sociale et familiale. A______ présente les capacités nécessaires pour gérer sa vie courante».

Pour le surplus, elle a allégué avoir pleinement confiance en I______, qu’elle connaissait depuis de très nombreuses années. De surcroît, celle-ci parlait le persan, de sorte qu’elle pourrait facilement communiquer avec la famille de la recourante en Israël. Si elle avait pu dire, lors de son audition devant le Tribunal de protection, qu’il était préférable d’être assistée par quelqu’un d’éloigné, c’était parce qu’elle ignorait ce que signifiait concrètement une curatelle. Or, il lui fallait une personne avec laquelle elle puisse communiquer sereinement et en qui elle avait confiance. Si elle avait initialement fait appel à C______, c’était parce qu’elle ignorait que I______, en sa qualité d’avocate, pouvait également être curatrice.

b. Le 22 mars 2023, A______, représentée cette fois par B______, avocate, a formé recours contre l’ordonnance du 13 janvier 2023, concluant à son annulation et cela fait, à la levée de la mesure de curatelle.

La recourante a exposé être parfaitement en mesure de comprendre les éléments qui l’entourent et d’agir en fonction de ses intérêts, ce qui avait été confirmé par son psychiatre. Après le décès de son époux, qui s’était toujours occupé personnellement de la gestion des affaires du couple, elle avait vécu une période de deuil compliquée et avait été amenée à prendre des décisions inopportunes et à confier la gestion de ses affaires à la dénommée G______, qui ne faisait désormais plus partie de son «cercle». Aujourd’hui, elle était mieux entourée, car, comme elle l’avait expliqué durant l’audience du 13 janvier 2023, «la personne qui pourrait m’aider à annuler ces contrats c’est Maître I______, qui est une amie». C’était dès lors à tort que le Tribunal de protection avait retenu que la recourante se trouvait dans un état de faiblesse ou qu’elle n’avait pas la capacité de discernement lui permettant d’évaluer les intentions des personnes qui l’entouraient. Elle était désormais capable de s’entourer des personnes lui permettant «de prendre des actions à l’encontre des décisions et des actes signés durant la période qui a suivi le décès de son époux». Aucun élément ne justifiait par conséquent la confirmation de la mesure de curatelle instituée sur mesures superprovisionnelles.

c. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

d. C______ a formulé des observations le 12 mai 2023. Il a relevé le comportement inconséquent de A______ et la nécessité d’une mesure de protection. Pour le surplus, il a expliqué que le contact qu’il avait avec cette dernière, lorsqu’il était direct, était toujours cordial et serein. En revanche, il avait reçu des courriers qui ne provenaient pas d’elle, ce qui renforçait son sentiment qu’elle avait besoin d’être protégée et qu’il était préférable que le curateur soit extérieur au cercle familial et amical.

e. A______ a formulé des observations le 25 mai 2023. Elle a allégué n’avoir aucun contact avec C______. Elle ne répondait pas à ses appels et ne s’était pas rendue à son étude depuis plusieurs mois. Elle a contesté être manipulée par son entourage. C______ n’avait «absolument rien fait», si ce n’était avoir envoyé des experts afin de faire évaluer sa villa pour la mettre en vente. Après une année d’attente sans aucun juste motif, il avait, sous pression, fini par déposer une action civile devant le Tribunal afin d’empêcher la vente de la villa. Pourquoi avait-il attendu si longtemps ? Cette attente lui avait causé un stress important. C______ n’avait pas su défendre ses intérêts. Alors qu’elle l’avait rencontré au mois d’octobre 2022 avec sa famille et I______ et qu’il avait promis de faire le nécessaire afin d’annuler la promesse de vente, il n’avait rien fait jusqu’au mois de mai 2023. Elle ne comprenait pas pourquoi il «s’acharnait» à demeurer son curateur, alors qu’elle avait demandé à ce que I______ soit désignée à cette fonction.

f. C______ a formulé des observations le 9 juin 2023. Il a contesté ne pas avoir de contact avec A______. En ce qui concernait l’intervention d’un expert, elle ne visait pas la vente de la villa de cette dernière, mais l’obtention d’un point de comparaison avec le prix de la promesse de vente, afin de soutenir juridiquement les actions basées sur les vices du consentement, lesquelles avaient été déposées dans les délais utiles.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l'espèce, les deux recours ont été formés dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi, devant l'autorité compétente, l’un par la personne placée sous curatelle, agissant en personne et l’autre par cette même personne, représentée par sa désormais curatrice d’office pour la procédure. Les deux recours sont recevables et ils seront traités dans une seule et même décision.

2. 2.1 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2.2 Les maximes inquisitoire et d'office sont applicables, en première et en seconde instance (art. 446 CC).

3. A titre préalable, la recourante a sollicité l’audition de la dénommée G______, au motif qu’elle souhaitait lui poser des questions relativement à «l’établissement des faits». La recourante se méprend toutefois sur la portée de la procédure diligentée par le Tribunal de protection et la Chambre de surveillance de la Cour de justice. Ladite procédure n’a en effet pas pour but d’instruire les circonstances de la signature de la promesse de vente portant sur le bien immobilier de la recourante sis à E______, ni la question de savoir si ladite promesse de vente pourrait être annulée, mais de déterminer si la recourante a besoin d’une mesure de curatelle. Pour ce faire, l’audition de G______ n’est d’aucune utilité.

La conclusion préalable de la recourante sera par conséquent rejetée.

4. La recourante conteste la nécessité de la mesure de protection.

4.1.1 Selon l'art. 390 al. 1 ch.1 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle. La loi prévoit ainsi trois causes alternatives.

L'autorité de protection de l'adulte prend alors les mesures appropriées pour garantir l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC), dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (art. 389 al. 2 CC).

L'application du principe de subsidiarité implique que l'autorité de protection de l'adulte ne peut prendre des mesures de protection que si l'aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents (art. 389 al. 1 ch. 1 CC); Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006, FF 2006 6676; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Si l'autorité de protection de l'adulte constate que l'aide apportée par ce cercle de personnes ne suffit pas ou estime qu'elle sera insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Cette mesure doit se trouver en adéquation avec le but fixé, représenter l'atteinte la plus faible possible pour être compatible avec celui-ci et rester dans un rapport raisonnable entre lui et l'atteinte engendrée (arrêts 5A_844/2017 du 15 mai 2018 consid. 3.1; 5A_1034/2015 du 2 février 2016 consid. 3.1 et la jurisprudence citée; 5A_356/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1; 5A_318/2013 du 12 juin 2013 consid. 2.4 et la doctrine citée).

4.1.2 Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).

Lorsque l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine, elle détermine les biens sur lesquels portent les pouvoirs du curateur (art. 395 al. 1 CC).

4.2 En l’espèce, il est établi que la recourante, âgée de 80 ans, ne s’est jamais occupée seule de la gestion de ses affaires administratives et financières. Du vivant de son époux, cette tâche était accomplie par ce dernier et peu après son décès, la recourante l’a confiée à la dénommée G______, en faveur de laquelle elle a signé plusieurs procurations. Il résulte de la procédure et ces faits sont admis par la recourante, que cette dernière a procédé à différents actes (notamment signature d’une promesse de vente portant sur l’immeuble de E______, déplacement à F______ pour la signature d’autres actes), dont elle n’a pas compris le contenu et la finalité. Il résulte également du recours qu’elle a formé en personne, de ses observations et des déclarations faites devant le Tribunal de protection que la recourante n’est pas en mesure d’appréhender les conséquences juridiques des actes qu’elle a signés, qui pourraient, selon elle, être simplement annulés, alors que l’issue d’une procédure judiciaire n’est pas certaine, ce d’autant plus que la recourante, soutenue par le Dr K______, allègue ne pas avoir de problèmes de discernement. Ainsi et bien que le Dr K______, qui n’a commencé à la suivre que durant le mois d’août 2022, ait soutenu le contraire, il est établi que la recourante, particulièrement influençable comme l’attestent les faits précédemment résumés, n’est pas en mesure de gérer seule ses affaires et est susceptible d’agir contrairement à ses intérêts, ce d’autant plus que sa fortune est importante et sa situation complexe, puisqu’elle est propriétaire de plusieurs biens immobiliers sis dans différents pays et de plusieurs comptes bancaires.

Compte tenu de ce qui ressort du dossier, il ne saurait être admis que la recourante a la capacité de désigner elle-même un mandataire et de surveiller son activité. La recourante est veuve et n’a pas d’enfant. Hormis une nièce qui vit en Suisse et dont elle paraît s’être éloignée, elle n’a pas de famille en Suisse, celle-ci, de même que la famille de feu son époux, vivant à l’étranger. La recourante ne peut par conséquent pas compter, au quotidien, sur l’aide régulière de proches pour gérer ses affaires. Pour le surplus, la recourante a démontré faire preuve d’inconstance dans toutes ses décisions : après avoir sollicité, assistée de B______ et soutenue par le Dr H______, une curatelle volontaire, elle y est désormais opposée; après avoir sollicité la nomination, en qualité de curateur, de C______, elle a ensuite souhaité être représentée par I______. Elle a en outre rejeté l’aide apportée par le Dr H______, B______ et C______, allant même jusqu’à refuser de répondre à leurs appels téléphoniques. Il résulte de ce qui précède que la recourante est manifestement influençable et incapable de s’en tenir aux décisions prises. Une telle attitude la rend particulièrement vulnérable. C’est dès lors à raison que le Tribunal de protection a retenu un état de faiblesse, rendant nécessaire le prononcé d’une mesure de protection.

La décision attaquée sera confirmée sur ce point, étant précisé que le contenu de la curatelle n’a, en tant que tel, fait l’objet d’aucune critique.

Reste à examiner les griefs relatifs à la personne du curateur.

5. 5.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membre d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

5.1.2 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

5.2 En l’espèce, la recourante a sollicité la nomination de I______ en qualité de curatrice de la mesure. En principe et conformément à l’art. 401 al. 1 CC, le Tribunal de protection aurait dû donner une suite favorable à cette requête, étant relevé que I______ exerce la profession d’avocate, de sorte qu’elle a, a priori, les compétences nécessaires pour être désignée curatrice.

La présente affaire a toutefois ceci de particulier que la recourante avait initialement sollicité la nomination en qualité de curateur de C______, qu’elle avait rencontré. Celui-ci a été désigné, sur mesures superprovisionnelles du 7 juillet 2022, de sorte qu’ayant débuté son activité il y a bientôt une année, il a une bonne connaissance du dossier et a allégué avoir initié, en temps et en heure, les procédures nécessaires. Bien que la recourante ait affirmé à plusieurs reprises ne pas avoir confiance en C______, elle s’est contentée de soutenir que celui-ci «n’avait rien fait» jusqu’au mois de mai 2023 pour faire annuler la promesse de vente ci-dessus mentionnée. La recourante ayant toutefois une mauvaise compréhension des questions juridiques, sa critique paraît insuffisante pour admettre que C______ aurait démérité, étant relevé qu’il a été autorisé à agir en justice par le Tribunal de protection durant le mois d’avril 2023. Il résulte en outre du dossier que la recourante a fait le choix de refuser de répondre aux appels de C______, ce qui a, selon toute vraisemblance, ralenti et compliqué sa tâche. Aucun élément objectif du dossier ne permet de retenir que le curateur désigné sur mesures superprovisionnelles ne serait pas apte à remplir la mission qui lui a été confiée. C______ n’étant pas un proche de la recourante, il n’existe par ailleurs aucun risque qu’il tente de l’influencer d’une manière ou d’une autre.

La recourante a affirmé connaître I______ depuis de nombreuses années et avoir pleinement confiance en elle. On peine dès lors à comprendre les raisons pour lesquelles elle n’a pas sollicité sa désignation en qualité de curatrice au moment où elle a formé sa requête visant le prononcé d’une curatelle volontaire, ses explications sur ce point ayant varié. L’explication selon laquelle elle n’y aurait pas pensé au motif qu’elle ignorait que I______, avocate, pouvait également être désignée curatrice n’apparaît guère crédible, dans la mesure où C______ exerce également la profession d’avocat; or, la recourante avait expressément sollicité sa nomination en qualité de curateur. Par ailleurs, la proximité entre I______ et A______ suscite quelques questionnements, la première ayant prétendu, dans un courrier adressé le 1er septembre 2022 au Tribunal de protection, que le défunt mari de l’intéressée portait le prénom de D______, alors qu’il s’appelait en réalité D______. Quant à l’utilité de parler le persan, cette qualité ne paraît pas déterminante en l’espèce, quand bien même certains membres de la famille de l’époux de la recourante parlent cette langue, la propre famille de cette dernière étant germanophone et vivant en Autriche. Il est par ailleurs relevé que les membres de la famille parlant le persan ne sont pas héritiers du défunt et n’ont dès lors pas à être consultés, pour quelque raison que ce soit.

La principale difficulté de la recourante, telle qu’elle ressort du dossier, est son caractère influençable et son inconstance, puisqu’elle a démontré rejeter sans raisons objectives les personnes auxquelles elle avait initialement accordé sa confiance et suivre, sans aucun esprit critique, l’avis exprimé par les personnes faisant partie, à un moment ou à un autre, de son cercle de proches. Il apparaît dès lors d’autant plus important que le mandat de curateur continue d’être exercé par un tiers neutre, ne faisant pas partie de ses proches, ce qu’elle avait d’ailleurs elle-même initialement admis.

Au vu de ce qui précède, les recours seront rejetés.

6. Les frais de la procédure de recours seront arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC) et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Ils seront compensés avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par A______ contre l’ordonnance DTAE/1232/2023 du 13 janvier 2023, rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/11054/2022.

Au fond :

Les rejette.

Déboute la recourante de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.