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Décisions | Chambre de surveillance

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C/13465/2012

DAS/12/2022 du 05.01.2022 sur DTAE/5526/2021 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13465/2012-CS DAS/12/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 5 JANVIER 2022

 

Recours (C/13465/2012-CS) formé en date du 3 novembre 2021 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Andrea VON FLÜE, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 janvier 2022 à :

- Monsieur A______
c/o Me Andrea VON FLÜE, avocat.
Rue de la Terrassière 9, 1207 Genève.

- Monsieur B______
Madame C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. a) A______, né en 1954, originaire de Genève, est célibataire sans enfant.

Victime d'un grave accident de voiture en 1984, il souffre d'une paralysie complète du bras gauche. Il n'a plus exercé d'activité lucrative depuis cette époque. En 1995 il a reçu une indemnisation de l'ordre d'un million de francs, dont il ne reste rien en raison d'investissements hasardeux.

Il bénéficie actuellement de prestations du Service des prestations complémentaires pour un montant inférieur à 3'000 fr. par mois selon ce qui ressort du dossier.

b) La situation de A______ a été signalée le 3 juillet 2012 au Tribunal tutélaire (désormais le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, ci-après: le Tribunal de protection) par le Service social de la Ville de Genève, puis à nouveau le 14 janvier 2016 par l'Hospice général. L'intéressé avait notamment entassé dans son appartement des objets hétéroclites dont il refusait de se séparer; il se retrouvait par ailleurs sans ressources financières et son loyer, ainsi que son assurance maladie, n'étaient plus payés. Des actes de défaut de biens avaient été délivrés à ses créanciers et sa collaboration avec l'Hospice général était insatisfaisante. Son état de santé était fragile et il tenait parfois des discours incohérents.

c) Par ordonnance du 13 juin 2018, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné deux intervenants en protection de l'adulte aux fonctions de curateurs et leur a confié les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre. Le Tribunal de protection a par ailleurs ordonné l'expertise psychiatrique de l'intéressé.

d) Par ordonnance du 26 juin 2019, le Tribunal de protection a confirmé la mesure de curatelle de représentation et de gestion instituée sur mesures provisionnelles le 13 juin 2018 en faveur de A______, confirmé deux intervenants en protection de l'adulte aux fonctions de curateurs, rappelé que les tâches de la curatelle étaient les suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques; gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes; veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre.

e) Par décision DAS/231/2019 du 4 décembre 2019, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a rejeté le recours formé par A______ contre l'ordonnance du 26 juin 2019.

B. a) Par courrier du 27 août 2021, les curateurs de A______ ont informé le Tribunal de protection de ce que la Brigade des armes avait mis sous séquestre des armes à feu qui se trouvaient en possession de la personne protégée. Les frais de séquestre s'élevaient à 200 fr. par arme, soit à 1'800 fr. au total en l'état. La vente desdites armes était possible, mais leur évaluation s'élevait à 1'600 fr., ce qui ne suffirait pas à couvrir en totalité les frais de séquestre. Afin d'éviter ces frais, la Brigade des armes proposait de détruire les armes en cause, ce qui aurait évité à A______ de devoir s'acquitter de la somme de 1'800 fr. L'intéressé ne s'était au demeurant pas manifesté pour les récupérer. Il était désormais locataire d'un appartement dans un immeuble avec encadrement pour personnes âgées et à l'origine de nuisances dénoncées par la gérance, avec laquelle la communication demeurait délicate. La restitution des armes à A______ ne ferait qu'amplifier la conflictualité de ses relations avec la gérance sociale. Les curateurs sollicitaient par conséquent l'autorisation de procéder à la destruction des armes en cause, ce qui apparaissait d'autant plus justifié que A______ souffrait d'une paralysie à un bras.

b) Par apposition d'un timbre humide sur le courrier du Service de protection de l'adulte, le Tribunal de protection a autorisé la destruction des armes, en mentionnant l'art. 417 CC, sans autre motivation (décision DTAE/5526/2021 du 29 septembre 2021).

Cette décision a été notifiée à A______ le 4 octobre 2021.

c) Le 3 novembre 2021, A______ a formé recours contre la décision du 29 septembre 2021, dont il a conclu à l'annulation et à ce qu'une indemnité de procédure lui soit allouée.

Il a allégué être propriétaire de différentes armes, toutes acquises et détenues légalement. Sa collection aurait, selon lui, une valeur nettement supérieure à celle mentionnée dans le courrier de ses curateurs du 27 août 2021. Il était opposé à la destruction de ses armes, mais acceptait en revanche qu'elles soient stockées chez un armurier, souhaitant les mettre en vente. Pour le surplus, il a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir motivé sa décision et a allégué que la paralysie dont il souffrait remontait à l'accident de voiture dont il avait été victime et était sans rapport aucun avec la question des armes.

d) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

e) L'un des curateurs de A______ a indiqué persister dans les termes de son courrier au Tribunal de protection du 27 août 2021.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Interjeté en temps utile, selon la forme prescrite, par la personne directement concernée par la mesure de protection, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de céans établit les faits d'office, applique le droit d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. 2.1.1 Le curateur sauvegarde les intérêts de la personne concernée, tient compte, dans la mesure du possible, de son avis et respecte sa volonté d'organiser son existence comme elle l'entend (art. 406 al. 1 CC).

Dans la mesure du possible, le curateur s'abstient d'aliéner tout bien qui revêt une valeur particulière pour la personne concernée ou pour sa famille (art. 412 al. 2 CC).

En interdisant, dans la mesure du possible et quelle que soit leur valeur économique, la vente des biens qui ont une valeur affective pour la personne concernée et pour sa famille, le législateur obéit à l'impératif du respect de la personne à protéger. L'injonction est relativisée par la précision "dans la mesure du possible", qui implique que la vente est permise si l'opération est indispensable pour assurer la couverture des besoins courants de la personne (Häfeli, CommFam, Protection de l'adulte, 2013, ad art. 412 n. 6).

L'article 416 al. 1 CC énonce les actes pour lesquels le curateur doit requérir le consentement de l'autorité de protection, soit notamment pour acquérir, aliéner ou mettre en gage d'autres biens (autres que des immeubles) ou les grever d'usufruit si ces actes vont au-delà de l'administration ou de l'exploitation ordinaires.

L'article 417 CC mentionne en outre le fait qu'en cas de justes motifs, l'autorité de protection de l'adulte peut décider que d'autres actes (que ceux mentionnés à l'art. 416 CC) lui seront soumis pour approbation.

2.1.2 Le droit d'être entendu impose au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1; 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 consid. 6.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, RDAF 2009 II p. 434).

2.2 En l'espèce, la décision litigieuse a été prise par l'apposition d'un timbre humide sur le courrier du Service de protection de l'adulte du 27 août 2021, sans autre motivation que la référence à l'art. 417 CC. Il y a toutefois lieu de considérer qu'implicitement le Tribunal de protection a faite sienne la motivation des curateurs du recourant.

La Chambre de surveillance relève toutefois que le dossier est, quoiqu'il en soit, incomplet et ne permettait pas au Tribunal de protection d'autoriser la destruction des neuf armes du recourant sur la seule base des explications lacunaires et non documentées fournies par le Service de protection de l'adulte.

Le dossier ne contient en effet aucun document utile concernant le séquestre des armes par la Brigade des armes, permettant notamment de déterminer le type d'armes, la date de leur mise sous séquestre et les motifs de la décision de saisie. La Chambre de surveillance ne parvient pas non plus à déterminer sur quelle base ont été calculés les frais de séquestre mentionnés par le Service de protection de l'adulte, ni les raisons pour lesquelles lesdits frais ne seraient pas dus en cas de destruction des armes en cause, alors qu'ils le seraient en cas de vente. Il conviendra en conséquence que les curateurs obtiennent toutes explications utiles et documentées sur ces différents points de la Brigade des armes. Il se justifie en outre d'inviter les curateurs à déterminer s'il existe une solution autre que celle envisagée, qui permettrait de procéder conformément au souhait exprimé par le recourant, à savoir stocker ses armes chez un armurier et procéder à leur vente; le coût d'un tel stockage devra être déterminé et il conviendra d'examiner s'il est compatible avec les ressources dont dispose le recourant.

Au vu de ce qui précède, la décision attaquée sera annulée et la cause retournée au Tribunal de protection pour instruction et nouvelle décision.

3.             Les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat, vu l'issue de la procédure. L'avance de frais versée sera restituée au recourant.

Il ne sera pas alloué de dépens au recourant. En effet, l'art. 107 al. 2 CPC, qui prévoit que les frais judiciaires peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige, ne prévoit rien de tel s'agissant des dépens (Tappy, CR CPC, 2019, ad art. 107 n. 34 et 35).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision DTAE/5526/2021 rendue le 29 septembre 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/13465/2012.

Au fond :

Annule la décision attaquée.

Retourne la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour instruction et nouvelle décision.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure de recours à 400 fr., les laisse à la charge de l'Etat et invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance de frais versée en 400 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.