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Décisions | Chambre de surveillance

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C/26163/2005

DAS/41/2022 du 14.02.2022 sur DJP/500/2020 ( AJP ) , REJETE

Normes : LDIP.88; LDIP.96.al1.leta; LDIP.27.al1; LDIP.9.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26163/2005 DAS/41/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 14 FEVRIER 2022

 

Appels (C/26163/2005) formés le 1er février 2021 par Mesdames A______ et B______, domiciliées ______ (Liban), comparant par Me Alexandre de WECK, avocat, en l'Etude duquel elles élisent domicile, d'une part, et par Monsieur C______, domicilié ______ (Liban), comparant par Me Stephan KRONBICHLER, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile, d'autre part.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 21 février 2022 à :

- Madame A______
Madame B______

c/o Me Alexandre de WECK, avocat
Rue de Jargonnant 2, 1207 Genève.

- Monsieur C______
c/o Me Stephan KRONBICHLER, avocat,
Boulevard des Philosophes 17, 1205 Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.    D______ et son épouse, tous deux de nationalités libanaise par naissance et brésilienne par naturalisation, sont décédés de mort violente le ______ 2002 à E______ (Brésil), pays dans lequel ils vivaient depuis 1996.

Ils étaient les parents de deux filles, A______, née le ______ 1995 à F______ (Liban), et B______, née le ______ 1998 à E______ (Brésil).

Par jugement du 15 mars 2002, le Tribunal d'arrondissement de G______ (Brésil) a désigné les grands-parents maternels, H______ et I______, domiciliés au Brésil, en qualité de tuteurs provisoires des mineures. H______ a été confirmé dans cette fonction, à titre définitif, par décision du 12 novembre 2003 (recte: 21 août 2003).

Le même Tribunal l'avait précédemment nommé, par jugement du 3 juin 2002, administrateur de la succession.

L'exequatur de ces deux décisions a été prononcée par le Tribunal de première instance de Genève le 27 octobre 2004.

B. D______ était propriétaire de biens au Brésil et au Liban. Il était également titulaire de la relation bancaire "J______" auprès de K______ SA à Genève.

a) La succession des époux D______ a été ouverte par les autorités brésiliennes à E______ en date du 9 mai 2002 et clôturée par décision du 6 juillet 2005. Les autorités brésiliennes ont établi que les époux D______ n'avaient pas laissé de testament au Brésil et que leurs deux filles étaient leurs seules héritières, pour moitié chacune, de la succession. Selon attestation du 22 juillet 2004, les autorités brésiliennes ont encore précisé qu'elles ne s'occupaient pas des biens laissés en Suisse par les défunts.

Compte tenu de la décision des autorités brésiliennes de dévolution de la succession ab intestat et de leur refus de s'occuper des biens sis en Suisse, L______, notaire à Genève, a établi le 19 août 2004 un certificat d'héritier en faveur des deux enfants du couple D______.

b) Au Liban, la mère du défunt, M______, et un des frères de ce dernier, C______, ont agi en exécution d'un testament rédigé par D______ le 7 janvier 1999 à E______(Brésil). Ce testament institue héritiers, d'une part, l'épouse et les enfants de D______, de tous ses biens sis au Brésil et, d'autre part, sa mère, de tous ses biens sis en dehors du Brésil.

La validité du testament est contestée et fait l'objet de plusieurs procédures au Liban.

c) La mère et le frère du défunt ont été nommés tuteurs des enfants du couple D______ par l'évêque N______ (Liban) le 17 avril 2002.

Par décision du 4 juin 2003, le juge civil unique de O______ (Liban) a rendu une décision aux termes de laquelle la dévolution, ab intestat, de la succession s'élevait à "2'400 actions" (non précisées) et était dévolue à concurrence de "400 actions" en faveur de la mère de D______ (1/6ème) et "1000 actions" à chacune de ses deux filles (5/12èmes chacune). Les filles du défunt ont recouru contre cette décision.

Par jugement du 7 septembre 2005, le Tribunal de première instance à Genève a reconnu en Suisse les décisions libanaises relatives à la désignation des tuteurs et à la dévolution des biens de la succession.

Le 22 janvier 2007, le Tribunal de première instance a rétracté le jugement du 7 septembre 2005 et, statuant sur rescisoire, a rejeté la requête en exequatur des décisions de l'évêque de N______ (Liban) et du juge civil unique de O______ (Liban).

d) S'agissant des avoirs bancaires à Genève, les filles mineures du défunt et leurs grand-mère et oncle paternels, agissant en qualité de tuteurs des enfants ont, le 4 octobre 2005, saisi la Justice de paix d'une requête en ouverture de testament, en annulation du certificat d'héritier établi par le notaire suisse et en délivrance d'un certificat d'héritier en faveur des filles du défunt et de la mère de ce dernier.

Le 15 novembre 2005, la Justice de paix, compte tenu de l'incertitude juridique quant à la personne du tuteur des enfants, a ordonné la suspension de l'instruction de la cause.

C. a) M______, mère du défunt, est elle-même décédée le ______ 2005 en laissant pour héritiers ses quatre enfants prénommés P______, Q______, R______ et C______ (à raison de 1/5ème chacun), ainsi que les deux filles de leur frère D______, prédécédé au Brésil (à raison de 1/10ème chacune).

b) Le 8 décembre 2009, P______, Q______, R______ et C______ ont sollicité la reprise de l'instruction de la cause devant la Justice de paix. Ils ont conclu à l'ouverture à Genève du testament de D______ et à l'annulation du certificat d'héritier établi par le notaire suisse aux noms de ses deux filles.

c) Par ordonnance du 13 septembre 2010, la Justice de paix a rejeté la requête du 4 octobre 2005, dans la mesure de sa recevabilité. La conclusion tendant à l'ouverture du testament était sans objet, puisque le document litigieux, outre le fait qu'il n'avait été déposé qu'en copie à Genève, n'était pas contenu dans un pli fermé. Par ailleurs, aucune voie de droit ne permettait d'annuler un certificat d'héritier, qui ne constituait pas une preuve absolue de la qualité d'héritier et n'opérait pas de transfert de droits.

d) Par décision DAS/38/11 du 28 février 2011, la Cour de justice a déclaré irrecevable la requête en ouverture du testament et en annulation du certificat d'héritier. Pour ce faire, elle s'est fondée sur le fait que la requête initiale avait été formée par la mère des "recourants" et le frère du défunt (soit P______, Q______, T______, R______ et C______), exclusivement en qualité de tuteurs des filles du défunt, alors qu'une procédure devant le Tribunal de première instance avait définitivement établi qu'ils ne les représentaient pas. Elle en a déduit que les "recourants" ne pouvaient succéder à leur mère dans ses fonctions de prétendue tutrice, ni faire valoir, dans le cadre de la procédure en cause, la prétention dont leur mère disposait éventuellement en son propre nom, puisqu'elle n'avait pas agi en cette qualité.

e) Par arrêt 5A_255/2011 du 13 septembre 2011, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par P______, Q______, R______ et C______ contre la décision précitée.

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a examiné la compétence des autorités genevoises laquelle, contestée par les filles du défunt, n'avait pas été examinée par la Cour de justice. Il a considéré que le certificat d'héritier établi à Genève avait été délivré sur la base des décisions des autorités du Brésil qui avaient considéré que le de cujus était domicilié dans ce pays au moment du décès. P______, Q______, R______ et C______ contestaient cependant ce dernier point et prétendaient que le dernier domicile aurait été au Liban, de sorte que les autorités libanaises seraient compétentes pour ouvrir le testament. Selon l'avis de droit de l'Institut suisse de droit comparé produit par ces derniers, le droit libanais connaissait le principe de l'universalité de la succession. Les autorités libanaises, pour autant qu'elles soient compétentes, semblaient donc juridiquement habilitées à s'occuper des avoirs bancaires du de cujus sis en Suisse. De surcroît les précités n'avaient pas démontré qu'ils auraient informé ces autorités de l'existence de biens situés en Suisse et que celles-ci ne s'y intéresseraient pas. La seule indication, selon laquelle lesdites autorités n'auraient procédé au partage que des actifs sis au Liban, sans établir qu'elles auraient entrepris la moindre démarche pour que soit réglé le sort des avoirs placés en Suisse, n'était pas suffisante. Qui plus est, le testament - dont les précités demandaient l'ouverture – avait déjà été ouvert au Liban; on ne pouvait donc pas considérer que les autorités étrangères (libanaises) ne s'en occupaient pas. Dans ces circonstances, les conditions de l'art. 88 LDIP n’étaient manifestement pas réunies. En tant que les recourants soutenaient que le dernier domicile du de cujus aurait été au Liban et qu'ils n'avaient pas établi qu'une procédure se révélait impossible dans ce pays, les autorités du canton de Genève ne pouvaient pas non plus fonder leur compétence sur l'art. 3 LDIP. Il s'ensuivait que, faute de compétence des autorités suisses pour statuer sur la requête en ouverture de testament, celle-ci se révélait irrecevable. Il en allait de même pour la délivrance d'un nouveau certificat d'héritier conforme au testament. S'agissant de la requête tendant à l'annulation du certificat d'héritier établi en faveur des intimées, il ne pouvait y être donné suite, indépendamment de la question de la compétence des autorités suisses, qui pouvait demeurer indécise sur ce point.

D. a) Par requête du 24 février 2020, C______ a, à nouveau, déposé à la Justice de paix une requête en ouverture du testament du 7 janvier 1999 de son frère, feu D______. Il indique que, dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 septembre 2011, il avait soutenu que le dernier domicile du défunt se situait au Liban, ce qu'il ne prétendait dorénavant plus, admettant qu’il se trouvait au Brésil. Il considérait ainsi que l'hypothétique compétence des autorités libanaises qu'avait envisagée le Tribunal fédéral sur la base d’un dernier domicile au Liban n'entrait plus en considération. Les autorités brésiliennes ne s'occupant pas des biens successoraux sis en Suisse, comme constaté explicitement par le Tribunal fédéral, les conditions de l'art. 88 al.1 LDIP étaient remplies et les autorités genevoises étaient compétentes pour procéder à l'ouverture dudit testament, lequel désignait la mère du défunt, en qualité d'héritière de tous ses biens situés hors du Brésil.

Il exposait également que le 23 février 2012, le requérant et les autres héritiers institués par le testament du 7 janvier 1999 avaient intenté une action en paiement contre K______ SA, ainsi que contre A______ et B______, par-devant le Tribunal de première instance de Genève, lequel n'était pas entré en matière sur la demande, faute du versement des sûretés demandées.

Suite à ces procédures judiciaires, les comptes ouverts auprès de la banque précitée avaient été bloqués en interne, dans un premier temps, puis, dans un second temps, la banque avait fait savoir, par courrier de ses conseils du 26 septembre 2017, qu'elle entendait donner suite à des instructions reçues de la part des deux filles du défunt. Depuis lors, la banque n'avait plus communiqué aucune information. C______ était cependant certain que des avoirs successoraux se trouvaient toujours auprès de K______ SA à Genève.

Il a déposé un chargé de six pièces et a encore fait parvenir à la Justice de paix, le 16 mars 2020, trois pièces nouvelles.

b) A______ et B______ ont déposé des observations le 31 août 2020 à la Justice de paix. Elles ont relevé qu’C______ ne mentionnait, à l’appui de sa requête, ni l'existence de la procédure au Liban relative à la validité du testament dont il se prévalait, ni la décision rendue à ce sujet par le Tribunal de première instance de S______ le 18 décembre 2018. Les autorités judiciaires libanaises avaient analysé en détail la validité du testament, tant sous l'angle du droit brésilien (dernier domicile et nationalité du défunt), que sous l'angle du droit libanais (nationalité du défunt), et avaient constaté sa nullité. Q______ et P______ avaient formé appel de ce jugement au Liban, lequel était encore pendant. C______ avait formé un "appel incident" contre ce jugement, mais après l'expiration du délai légal, s’exposant au risque de son irrecevabilité. Le Tribunal fédéral avait toutefois déjà statué sur la compétence des autorités genevoises pour ouvrir le testament de D______ et l'avait niée en 2011. Le cas de figure était exactement identique et la même conclusion devait être apportée à la nouvelle requête formée par C______. Le requérant n'avait par ailleurs pas remis le prétendu testament dont il requérait l'ouverture en original et dans une enveloppe fermée. En taisant la décision rendue par le Tribunal de première instance de S______, et en cherchant à initier une nouvelle procédure à Genève, le requérant faisait preuve de mauvaise foi.

Elles ont produit un chargé de six pièces, dont le jugement du Tribunal de S______ du 18 décembre 2018 et sa traduction conforme ainsi qu'une attestation de la Cour d'appel civile de S______, indiquant qu'un recours avait été déposé contre ce jugement, et sa traduction conforme.

c) Les parties ont encore répliqué et dupliqué, respectivement les 9 octobre et 27 octobre 2020, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ et B______ ont produit un avis de droit libanais relatif aux conditions de validité d'un testament selon le droit libanais, lequel concluait à la nullité du testament du 7 janvier 1999.

d) La cause a été gardée à juger le 29 octobre 2020.

E. Par décision du 12 janvier 2021 (DJP/500/2020), la Justice de paix a ordonné la suspension de la procédure concernant la succession de D______ (ch. 1 du dispositif), invité la partie la plus diligente à informer le tribunal de la clôture de l'instance ouverte devant les autorités libanaises (ch. 2) et mis à la charge de C______ un émolument de décision de 800 fr. (ch. 3).

En substance, elle a retenu que le de cujus était domicilié au Brésil à son décès, et que des avoirs dépendant de sa succession, pour une valeur supérieure à dix millions, se situaient à Genève, notamment auprès de K______ SA. Les autorités brésiliennes s'étaient déclarées incompétentes pour s'occuper des biens successoraux en Suisse. Une procédure relative à l'ouverture du testament, respectivement à sa validité, était pendante auprès des juridictions libanaises, de sorte qu'on ne pouvait pas conclure que l'autorité étrangère ne s'occuperait pas de la succession au sens de l'art. 88 al. 1 LDIP. La Justice de paix a toutefois estimé qu'il était nécessaire d'examiner si la décision étrangère pourrait être reconnue en Suisse en vertu de l'art. 96 al. 1 LDIP, dans la mesure où le Liban ne constituait pas le dernier domicile du de cujus. Elle a retenu que le défunt, de nationalité libanaise mais domicilié au Brésil, avait rédigé de manière manuscrite son testament en langue arabe et entrepris des démarches auprès du consul libanais de Sao Paolo, alors qu'il était déjà naturalisé à cette époque, de sorte qu'il semblait, avec une vraisemblance suffisante, que le défunt avait à l'esprit de régulariser ses dernières volontés selon le droit libanais en vigueur. La décision libanaise qui serait rendue devrait pouvoir être reconnue en Suisse, puisqu'elle émanait de l'un des pays d'origine du défunt, auquel il avait tacitement soumis sa succession. Pour le surplus, l'action pendante au Liban portait sur le même objet et regroupait les mêmes parties et rien ne laissait penser qu'une décision ne serait pas rendue dans un délai convenable, de sorte qu'il y avait lieu de suspendre la procédure devant la Justice de paix conformément à l'art. 9 al. 1 LDIP, dans l'attente de déterminer si les autorités libanaises se déclaraient ou non définitivement compétentes.

F. a) Par acte expédié le 1er février 2021 à la Cour de Justice, C______ a formé appel contre cette décision, dont il a sollicité l'annulation et, cela fait, a conclu à ce qu'il soit ordonné à la Justice de paix de poursuivre la procédure et de procéder à l'ouverture du testament de feu D______, sous suite de frais et dépens.

Il a tout d'abord contesté le fait que le testament contiendrait une élection de droit en faveur du droit libanais, aucune des parties ne l'ayant allégué. Au contraire, il avait explicitement affirmé qu'il n'y avait pas d'élection de droit en faveur du droit libanais (déterminations de l'appelant du 9 octobre 2020). A______ et B______ n'avaient, quant à elles, jamais avancé l'hypothèse d'une élection de droit mais soutenaient que la compétence des autorités libanaises était fondée sur la nationalité du défunt (observations de A______ et B______ du 9 octobre 2020, paragraphe B.3). Il ne pouvait ainsi en aucun cas être déduit du testament que le défunt avait l'intention de soumettre sa succession au droit libanais. Le défunt avait fait légaliser son testament par un notaire brésilien à E______ le 8 janvier 1999, mais ce n'était qu'un an et demi plus tard, soit le 10 juillet 2000, qu'il avait fait légaliser sa signature sur le testament déjà notarié au consulat du Liban à E______ (pièce 3 appelant). Le raisonnement du premier juge selon lequel cette légalisation ultérieure constituait une élection de droit implicite ne pouvait être suivi.

Dans la procédure libanaise 310/2009, qui était la raison de la suspension de la procédure par la Justice de paix, A______ et B______ avaient elles-mêmes affirmé que le droit brésilien était applicable au testament du défunt (observations du 15 septembre 2020, p. 6). Il découlait de ce qui précède que, contrairement à ce qu'avait retenu le premier juge, il n'y avait pas de jugement étranger susceptible d'être reconnu, faute de compétence indirecte au sens de l'art. 96 LDIP, de sorte que la décision de suspension violait l'art. 9 al. 1 LDIP.

Il était par ailleurs erroné de considérer que rien ne laissait penser qu'une décision ne serait pas rendue dans un délai convenable. Ce raisonnement ne tenait pas compte du fait que le jugement de première instance du 18 décembre 2018 produit par A______ et B______ était le résultat d'une demande déposée le 16 janvier 2009, soit pratiquement dix ans plus tôt (pièce 5 de A______ et B______). Il ressortait de la confirmation de la Cour d'Appel Civile de S______ que l'appel était en cours par-devant ladite instance depuis le 18 décembre 2018. Aucun pronostic ne pouvait être fait quant à la question de savoir dans quel délai un jugement serait rendu. Les pièces déposées par A______ et B______ faisaient également état d'une autre procédure en nullité qui était pendante en première instance devant le Tribunal civil de Première instance de Mont Liban (pièce 1 de A______ et B______). Cette procédure engagée en 2005 était toujours en cours en première instance depuis quinze ans, selon l'attestation produite. La lenteur des procédures judiciaires au Liban devait être pour le surplus qualifiée de fait notoire. On ne voyait donc pas sur quelle base le premier juge pouvait s'appuyer pour soutenir qu’une décision dans la procédure d'appel en cours au Liban pouvait être attendue dans un délai convenable. La décision querellée ne contenait aucune motivation à l'appui de cette affirmation et n'indiquait en particulier pas si, et cas échéant, de quelle manière, il avait été tenu compte de l'historique des procédures en cours au Liban, tel qu'évoqué par l'appelant. De ce fait, la décision rendue violait le droit d'être entendu de l'appelant. En outre, la constatation factuelle selon laquelle des procédures civiles au Liban aboutissaient dans un délai convenable était manifestement erronée.

A cela s'ajoutait qu'il ne serait pas possible de reconnaître un jugement libanais qui ne respectait pas les droits fondamentaux de l'appelant. En effet, la justice libanaise ne présentait pas les garanties minimales d'indépendance requises du point de vue de l'ordre public suisse. L'appelant indiquait qu'il serait pleinement en mesure de prouver ce point lorsque le jugement définitif libanais aurait été rendu. L'influence des personnes proches de A______ et B______ était illustrée par une intervention du gouvernement libanais concernant la présente procédure. En effet, par lettre du 15 décembre 2020, l'ambassadeur du Liban en Suisse, agissant sur demande du Ministère libanais des Affaires étrangères, avait déposé une plainte contre le conseil de l'appelant auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Genève, en raison des propos critiques tenus à l'égard de la justice libanaise dans les écritures de première instance. Il y avait ainsi eu une tentative d'influencer des procédures judiciaires en Suisse en passant par les canaux diplomatiques.

Il a produit un chargé de pièces contenant l'échange de correspondance entre l'ambassadeur du Liban à Genève et le Bâtonnier genevois, respectivement des 15 décembre 2020 et 13 janvier 2021.

b) Dans leur réponse du 22 mars 2021, A______ et B______ ont conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions.

Elles considèrent également que le premier juge a violé l'art. 9 al. 1 LDIP mais pour des motifs différents, cette disposition n'étant pas applicable selon elles, faute de compétence des autorités genevoises. L'art. 88 LDIP ne trouvait application que lorsqu'aucune autorité étrangère ne s'occupait de la part de succession en Suisse - que ce soit celle de l'Etat du domicile ou celle d'autres Etats étrangers, en particulier celle de l'Etat national - mais à partir du moment où une autorité étrangère s'occupait de la succession, la compétence des autorités suisses était exclue. L'appelant prétendait que les conditions de la litispendance au Liban n'étaient pas remplies en raison de la supposée lenteur des juridictions libanaises, de sorte qu'il devait être considéré que celles-ci ne s'occupaient pas de la succession sise en Suisse. Cependant, aucun élément de la procédure de première instance ou apporté par l'appelant dans son appel ne permettait d'établir que la Cour d'appel de S______, qui était amenée à statuer sur l'appel formé contre le jugement du Tribunal de première instance du 18 décembre 2018, ne rendrait pas sa décision dans un délai convenable. L'appelant ne pouvait par ailleurs pas se plaindre de la longueur de ladite procédure qui s'expliquait par son activisme judiciaire. L'enjeu n'était cependant pas de savoir si les tribunaux libanais étaient en mesure de rendre une décision dans un délai convenable, et donc pour les tribunaux genevois de constater une litispendance et d'appliquer l'art. 9 al. 1 LDIP, mais de savoir si les autorités libanaises s'occupaient de la succession au sens de l'art. 88 al. 1 LDIP. Tel était bien le cas, de sorte que les juridictions genevoises n'étaient pas compétentes pour connaître de la requête.

S'agissant de la reconnaissance de la future décision rendue au Liban, l'appelant ne démontrait absolument pas, ni n'expliquait, comment, dans le cas d'espèce, les procès tenus au Liban en relation avec la succession du de cujus auraient méconnu les principes fondamentaux protégés par l'ordre public suisse. Il ne démontrait pas plus que les juges des différentes procédures en relation avec ladite succession auraient manqué d'indépendance ou d'impartialité. Rien, ni dans ses écritures, ni dans le jugement libanais du 18 décembre 2018, ne permettait d'établir que les décisions rendues portaient atteinte à l'ordre public suisse, ce qui n'était pas le cas. Les remarques générales formulées à l'encontre de la justice libanaise n'étaient pas étayées. La plainte formulée par l'avocate libanaise de A______ et B______, relayée par l'Ambassadeur du Liban en Suisse auprès du Bâtonnier genevois, démarche effectuée par ledit conseil en son nom propre, ne permettait pas de soutenir que les tribunaux libanais n'avaient pas été dans le cas d'espèce indépendants et neutres.

G. a) A______ et B______ont également formé appel, par acte expédié le 1er février 2021 au greffe de la Cour, contre la décision de la Justice de paix du 20 janvier 2021. Elles ont conclu à son annulation et, cela fait, principalement, à ce que la Cour dise et constate que la Justice de paix n'est pas compétente pour se prononcer sur les conclusions de la requête en ouverture de testament du 24 février 2020 de C______ et que la requête est en conséquence irrecevable. Subsidiairement, elles ont conclu au rejet de la requête en ouverture de testament du 24 février 2020 de C______ et au déboutement de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

S'agissant des faits retenus par la Justice de paix, ils comportaient certaines imprécisions. En effet, le consul libanais à E______ s'était borné à constater la signature de feu D______ (sur le testament) sans s'assurer que les autres exigences de forme prévues par le droit libanais étaient remplies, tandis que le notaire brésilien s'était contenté d'effectuer une comparaison entre la signature apposée sur la photocopie du prétendu testament et un modèle de la signature du de cujus dont il disposait à son Etude. Le jugement libanais du 18 décembre 2018 confirmait que les démarches effectuées par le notaire brésilien et le consul libanais ne respectaient pas les conditions de forme exigées par le droit libanais – que les appelantes avaient exposé dans leur duplique du 27 octobre 2020 devant le juge de paix et qui ressortaient clairement de l'avis de droit produit.

C'est à tort que la Justice de paix avait suspendu la procédure alors qu'elle aurait dû se déclarer incompétente. En effet, le de cujus avait la nationalité libanaise et les autorités brésiliennes ne se considéraient pas compétentes pour s'occuper des biens successoraux éventuellement sis en Suisse. Partant, les autorités libanaises étaient compétentes pour s'occuper des biens sis en Suisse - le droit libanais connaissant le principe d'universalité de la succession, comme l'avait retenu le Tribunal fédéral dans son arrêt de 2011 dans la présente cause -, et s'en occupaient - comme le démontraient les procédures pendantes au Liban - de sorte que le for subsidiaire du lieu de situation des biens en Suisse de l'art. 88 al. 1 LDIP ne trouvait pas application. La Justice de paix avait convenablement retenu qu'une procédure avait été intentée au Liban, de sorte qu'on ne pouvait conclure que l'autorité étrangère ne s'occupait pas de la succession mais avait, de manière inexpliquée, décidé de suspendre la procédure pour cause de litispendance dans l'attente de déterminer si les autorités libanaises se déclaraient ou non définitivement compétentes, au lieu de déclarer la requête irrecevable sur la base de l'art. 88 LDIP, étant précisé que la compétence des autorités libanaises n'était pas disputée par les parties, et notamment pas par C______ qui avait lui-même saisi le juge de S______ en vue d'ordonner l'exécution du testament litigieux, et que les tribunaux libanais s'étaient toujours déclarés compétents pour examiner la validité dudit testament. Il ne pouvait donc y avoir de litispendance entre les procédures libanaises en cours et celle que C______ souhaitait intenter en Suisse, dès lors que cette dernière était irrecevable, comme l'avait au demeurant constaté en 2011 déjà le Tribunal fédéral, le cas de figure étant rigoureusement identique. La décision querellée consacrait une violation des art. 88 al. 1 LDIP et 9 al. 1 LDIP et devait, en conséquence être réformée, et la requête en ouverture de testament déclarée irrecevable.

b) Dans sa réponse du 21 mars 2021, C______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

S'agissant de l'établissement des faits, il indique que le testament du 7 janvier 1999 avait été valablement dressé devant notaire, l'intervention des notaires ne s'étant pas limitée à une simple légalisation de la signature du de cujus. L'institut de droit comparé avait, dans son avis de droit du 13 octobre 2009, constaté que ledit testament devait "être considéré comme valable dans l'ordre juridique suisse en tant que testament olographe remplissant les formalités prévues par le droit matériel libanais, et notamment par la jurisprudence libanaise".

Il soutient, en droit, que la compétence au sens de l'art. 88 al. 1 LDIP n'est pas exclue du seul fait qu'une autorité étrangère quelconque s'occupe de la succession, y compris s'il s'agit de l'Etat de la nationalité du de cujus. Une exclusion de la compétence subsidiaire entrait uniquement en ligne de compte si une décision de l'autorité étrangère était susceptible d'être reconnue en Suisse en vertu de l'art. 96 LDIP. En ce qui concerne la reconnaissance selon l'art. 96 al. 1 LDIP, il ne suffisait pas que l'Etat du dernier domicile du de cujus ne revendique pas de compétence concurrente mais il était nécessaire que l'Etat du dernier domicile du défunt reconnaisse la décision de l'Etat tiers. Or, les appelantes n'alléguaient aucunement que cette exigence serait remplie. Il contestait, quant à lui, le fait que des décisions libanaises concernant des comptes bancaires en Suisse puissent être reconnues au Brésil. Par ailleurs, il mettait en doute le fait que les jugements rendus au Liban soient exécutoires, respectivement puissent être reconnus, en Suisse, et n'avait ainsi pas d'autre moyen que de solliciter l'ouverture du testament à Genève afin de faire valoir ses droits et d'avoir accès aux biens situés en Suisse. L'arrêt du Tribunal fédéral de 2011 n'était d'aucune utilité; il ne s'était pas prononcé sur la question de savoir si les décisions du pays de nationalité (et non du pays du dernier domicile) faisaient obstacle à l'application de l'art. 88 al. 1 LDIP. Il n'était par conséquent pas non plus pertinent de savoir si les autorités libanaises s'occuperaient d'un compte bancaire en Suisse. Il estimait qu'elles n'étaient pas compétentes pour les biens situés en Suisse si le défunt avait son dernier domicile au Brésil. Les conclusions de la Justice de paix étaient fondées sur l'hypothèse que le défunt avait fait une élection de droit en faveur du droit libanais, ce qui était faux, les appelantes n'invoquant d'ailleurs pas que le de cujus aurait fait un tel choix. De plus, la procédure à Genève ne portait pas sur la compétence des autorités libanaises concernant les avoirs au Liban, mais sur la compétence concernant des avoirs situés en Suisse qui, selon l'art. 88 al. 1 LDIP, revenait aux autorités suisses. Selon lui, l'activité de l'Etat de nationalité du de cujus ne faisait pas obstacle à la compétence subsidiaire fondée sur l'art. 88 LDIP. Les appelantes n'avaient pas démontré en quoi les autorités libanaises seraient des autorités compétentes au sens de l'art. 96 LDIP; il contestait qu'elles le soient. En résumé, les autorités libanaises n'étaient pas des autorités indirectement compétentes au sens de l'art. 96 LDIP, de sorte que la compétence subsidiaire de la Justice de paix était acquise. Elle s'était d'ailleurs considérée compétente, puisqu'elle avait, certes à tort, suspendu la procédure.

c) A______ et B______ ont répliqué en date du 6 avril 2021, persistant dans leurs conclusions.

Le jugement libanais du 18 décembre 2018 indiquait, à juste titre, que le de cujus n'avait laissé aucun testament valable à son décès, que ce soit selon le droit brésilien ou selon le droit libanais. Le testament que C______ cherchait à faire ouvrir à Genève ne respectait pas les conditions imposées par le droit libanais, pas plus d'ailleurs que celles imposées par le droit brésilien. C______  ne démontrait pas que les jugements rendus au Liban entre les parties seraient arbitraires ou contradictoires. Le Tribunal de première instance du Mont Liban avait rendu une décision interdisant de se prévaloir du testament litigieux au Liban et à l'étranger (pièce a appelantes). La problématique d'éventuels jugements contradictoires pourrait se poser dans le cadre de l'examen des règles relatives à la litispendance (art. 9 LDIP), mais ne relevait pas de l'ordre public (art. 27 LDIP). Pour le surplus, C______ n'avait jamais, au cours des procédures au Liban, reproché aux tribunaux de rendre des jugements arbitraires ou contradictoires. Ce dernier prétendait que le Tribunal fédéral ne s'était pas explicitement prononcé dans l'arrêt du 13 septembre 2011 sur la question de savoir si les décisions libanaises, en tant que pays de nationalité du de cujus, empêchaient l'application de l'art. 88 al. 1 LDIP, ce qu'il contestait, estimant que les autorités libanaises n'étaient pas compétentes pour s'occuper des biens du de cujus sis en Suisse dans la mesure où ce dernier avait son dernier domicile au Brésil. Or, la jurisprudence retenait que l'autorité étrangère mentionnée à l'art. 88 al. 1 LDIP comprenait également les autorités nationales du de cujus. En l'espèce, les autorités libanaises étaient compétentes pour s'occuper des avoirs bancaires en Suisse, en raison du principe de l'universalité de la succession. Le Tribunal fédéral avait déjà jugé que la Justice de paix genevoise n'était pas compétente pour ouvrir le testament de feu D______, puisque les autorités libanaises s'occupaient de la succession. Rien n'avait changé depuis le prononcé de cet arrêt, mis à part que C______ avait échoué dans ses démarches visant à faire reconnaître le prétendu testament au Liban, seule raison pour laquelle il tentait d'introduire une nouvelle requête devant la Justice de paix genevoise. La Justice de paix demeurait incompétente pour ouvrir le testament dont se prévalait C______. Par ailleurs et bien que l'examen des conditions de l'art. 96 LDIP ne soit pas nécessaire, C______ prétendait, sans apporter la moindre source juridique ou pièce à l'appui de son affirmation, que les autorités brésiliennes ne reconnaîtraient pas les jugements libanais rendus dans le cadre de la succession du de cujus.

d) C______ a renoncé à dupliquer.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 En l’espèce, les biens sis à Genève, objet de la succession litigieuse, se trouvent sur un compte bancaire ouvert au nom du de cujus auprès de K______ (SUISSE) SA. La valeur exacte n’est pas connue mais il ressort de la procédure qu’elle était de plus de dix millions de francs au décès du de cujus, ce qui n’est pas contesté, de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

Interjetés en temps utile et selon la forme prescrite (art. 311 al. 1 CPC), d’une part par les filles du défunt et, d’autre part, par son frère, tous prétendus héritiers du de cujus, les deux appels seront déclarés recevables.

Les deux appels, déposés le même jour contre la décision attaquée, seront traités dans le même arrêt, C______ étant désigné comme étant l'appelant n° 1, et A______ et B______ comme étant les appelantes n° 2.

1.3 Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. b CPC). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (HOHL, op. cit., n. 1556, p. 283). La cognition du juge, qui revoit la cause en fait et en droit (art. 310 CPC), est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1072 et 1554 et ss, p. 198 et 282).

1.4 L'appelant n° 1 a produit des pièces nouvelles.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte au stade de l'appel que s'ils sont produits sans retard (let. a) et qu'ils ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

1.4.2 En l'espèce, l'appelant n° 1 a produit deux courriers du 15 décembre 2020 et du 13 janvier 2021, soit l'échange de correspondance entre l'Ambassadeur du Liban à Genève et le Bâtonnier genevois, qui est postérieur à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par la Justice de paix, de sorte qu'ils sont recevables.

2.             L’appelant n° 1 se plaint d’une violation du droit d’être entendu pour motivation insuffisante de la décision.

 

2.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend pour l'intéressé celui de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b). Le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1). Il sert à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.3).

Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2).

Ce droit - dont le respect doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid.1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 140 III 1 consid. 3.1.1) - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1).

Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, l’appelant n° 1 soutient que la Justice de paix n’a pas exposé les motifs qui l’ont conduits à retenir que rien ne laissait penser qu’une décision libanaise ne serait pas rendue dans un délai convenable, ce qui constitue selon lui une absence de motivation constitutive d’une violation du droit d’être entendu. Il considère qu’au contraire l’historique de la procédure libanaise, soit un jugement de première instance rendu en 2018, alors que la procédure avait été initiée en 2009, respectivement en 2005, permettait de penser le contraire. Ce nonobstant, même si l’on devait retenir une violation pour défaut de motivation de la décision sur ce point, ce qui est douteux puisqu’il s’agit d’une appréciation de l’instance inférieure qui ne soutient pas à elle seule la décision rendue, l’appelant n’expose pas quelle influence la violation alléguée de ce droit d'être entendu aurait pu avoir sur la procédure et n’en tire aucune conséquence.

Le grief sera rejeté.

3.                  Les appelantes n° 2 contestent la compétence de la Justice de paix pour connaître de la requête d'ouverture du testament litigieux. Il convient d'examiner cette question en premier lieu.

3.1.1 La présente cause présente des liens d'extranéité au vu notamment du lieu du décès du de cujus et de ses nationalités étrangères. Partant, la Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP-RS 291) s'applique, sous réserve des traités internationaux.

Le juge suisse saisi examine d'office sa compétence, sur la base du droit international privé suisse en tant que lex fori (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 259 consid. 2.1; 133 III 37 consid. 2).

En l'absence d'une convention entre la Suisse et le Brésil, respectivement entre la Suisse et le Liban, en matière successorale, il y a lieu de se référer à la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP).

3.1.2 Si un étranger domicilié à l'étranger à son décès, laisse des biens en Suisse, les autorités judiciaires ou administratives suisses du lieu de situation sont compétentes pour régler la part de succession sise en Suisse, dans la mesure où les autorités étrangères ne s'en occupent pas (art. 88 al. 1 LDIP).

L'art. 88 al. 1 LDIP porte sur les cas d'étrangers domiciliés à l'étranger à leur décès. Cette règle prévoit une compétence suisse subsidiaire dans l'hypothèse où les autorités étrangères – non seulement celles de l'Etat du domicile, mais également celles d'autres Etats étrangers, en particulier celles de l'Etat national – ne s'occupent pas de la part de succession sise en Suisse (BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé (LDIP) - Convention de Lugano (CL) 2011, nos 1 et 3 ad art. 88 LDIP), c'est-à-dire lorsqu'aucune autorité étrangère ne s'en occupe (HANS RAINER KÜNZLE, in Zürcher Kommentar zum IPRG, tome I, 3ème éd. 2018, n° 8 ad art. 88 LDIP). Lorsque la cause de l'inaction est de nature juridique, il n'est pas nécessaire de vérifier si cette impossibilité se double, dans les faits, d'une inaction de l'autorité étrangère (arrêts du Tribunal fédéral 5A_124/2020 du 15 juillet 2020 consid. 3.4.1; 5A_754/2009 du 28 juin 2010 consid. 3.2).

Les motifs d'inaction de l'autorité étrangère peuvent être de nature juridique ou purement factuelle (SCHNYDER/LIATOWITCH, Basler Kommentar, 2007, n° 4 ad art. 88 LDIP). Le motif d'inaction est de nature juridique lorsque l'autorité du pays du domicile n'est compétente que pour des biens situés sur son territoire; cette question est résolue par le droit que désignent les règles de droit international privé du dernier domicile du défunt (art. 91 al. 1 LDIP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_754/2009 du 28 juin 2010 consid. 3.1).

Les motifs sont factuels lorsque les autorités étrangères seraient certes compétentes d'après leur droit, mais en fait restent inactives, alors que les parties ont entrepris les démarches nécessaires, le cas échéant conformément au droit applicable de cet état: elles ont par exemple requis la délivrance d'un certificat d'héritier ou l'établissement d'un inventaire, intenté une action en réduction ou en partage (arrêts du Tribunal fédéral 5A_255/2011 consid. 4.1;5A_171/2010 du 19 avril 2010 consid. 4.3).

3.2.1 En l'espèce, il n'est plus contesté par l'appelant n° 1 que le de cujus avait son dernier domicile au Brésil, pays qui ne s'occupe pas des biens du défunt sis en Suisse. Il convient d'examiner si cet état de fait, non envisagé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 13 septembre 2011, permet de retenir que la Justice de paix serait compétente pour connaître de la nouvelle requête en ouverture de testament déposée par l'appelant.

La compétence subsidiaire de la Suisse n'est acquise en vertu de l'art. 88 al. 1 LDIP que lorsqu'aucune autorité étrangère ne s'occupe des biens laissés en Suisse par un étranger domicilié à l'étranger à son décès. L'autorité étrangère visée par cette disposition n'est pas seulement celle du pays du dernier domicile du de cujus, comme le soutient à tort l'appelant n° 1, mais toute autre autorité, dont notamment l'autorité de l'Etat national du de cujus, comme l'a retenu le Tribunal fédéral dans un arrêt récent du 15 juillet 2020 cité supra. En l'espèce, les autorités judiciaires libanaises de l'Etat national du de cujus s'occupent de sa succession, puisque non seulement elles ont procédé à l'ouverture du testament litigieux, dont l'original est en leur possession, mais sont également en charge de l'examen de sa validité dans le cadre de la procédure civile opposant les parties devant elles. A cet égard, le fait que le de cujus ait ou non fait une élection de droit en faveur du droit libanais dans le testament litigieux n'est pas relevant, puisqu'aucune des parties ne conteste la compétence des autorités judiciaires libanaises de l'Etat d'origine du de cujus pour ouvrir le testament litigieux et examiner sa validité dans le cadre des procédures pendantes devant elles, la nullité du testament auquel se réfère l'appelant n° 1 ayant été constatée en première instance en l'état. Par ailleurs, comme l'a retenu le Tribunal fédéral dans l'arrêt du 13 septembre 2011 rendu dans la présente cause, le droit libanais connaît le principe de l'universalité de la succession, de sorte que les autorités libanaises sont juridiquement habilitées à s'occuper des avoirs bancaires du de cujus sis en Suisse. L'appelant n° 1 ne prétend pas le contraire dans le cadre de son appel contre la décision de la Justice de paix du 12 janvier 2021, ni ne soutient que les autorités libanaises n'auraient pas connaissance des biens sis en Suisse. Le fait que les autorités libanaises aient procédé au partage des actifs sis au Liban, comme l'appelant n° 1 l'a précédemment plaidé, est la démonstration que la procédure se poursuit dans ce pays précisément en lien avec les biens sis à l'étranger, dont la mère du de cujus se prétendait seule héritière, sur la base du testament contesté devant lesdites autorités. La compétence subsidiaire du lieu de situation des biens en Suisse ne trouve pas place lorsque les autorités étrangères de l'Etat d'origine du défunt s'occupent de la succession, ce qui est le cas. La solution ne diffère ainsi pas de celle retenue par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 13 septembre 2011, le fait d'admettre que le de cujus était domicilié au Brésil, au lieu du Liban, au moment de son décès, ce qui était le cas, n'y changeant rien.

3.3 L'appelant n° 1 se plaint de la prétendue inaction des tribunaux libanais, soit d'une inaction factuelle, qui reviendrait à considérer que les autorités étrangères ne s'occupent pas de la succession. Si certes, comme le relève l'appelant n° 1, la procédure débutée en 2009 devant le Tribunal de première instance libanais s'est terminée par un jugement du 18 décembre 2018, la durée de cette procédure de nature successorale, eu égard au nombre de plaideurs, ne semble pas inusuelle et dépend des actes de procédure sollicités par les parties, lesquels sont en l'état ignorés de la Cour. Quoi qu'il en soit, toutes les parties prenantes sont actives devant les tribunaux libanais et une première décision a été rendue le 18 décembre 2018, laquelle fait actuellement l'objet d'un appel. Il n'est ainsi pas possible de retenir que les tribunaux libanais sont inactifs - bien que la procédure paraisse longue aux yeux de l'appelant n° 1 - mais au contraire que les autorités libanaises s'occupent de la succession. La compétence subsidiaire des autorités genevoises ne peut être retenue sur cette base, étant précisé que le grief de l'inaction des autorités a été soulevé par l'appelant n° 1 dans le cadre de l'application de l'art. 9 al. 1 LDIP, disposition qui ne trouve pas application en cas de constat d'incompétence des autorités genevoises, comme le relève à juste titre les appelantes n° 2.

3.4 L'appelant n° 1 soutient encore que la décision rendue par les tribunaux libanais ne pourrait être reconnue en Suisse, d'une part parce qu'elle serait contraire à l'ordre public suisse (art. 27 LDIP), et d'autre part, faute de compétence indirecte au sens de l'art. 96 al. 1 LDIP.

3.4.1 La reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (art. 27 al. 1 LDIP).

En vertu de l'art. 96 al. 1 let. a LDIP, les décisions, les mesures ou les documents relatifs à une succession, de même que les droits qui dérivent d'une succession ouverte à l'étranger, sont reconnus en Suisse, lorsqu'ils ont été rendus, pris, dressés ou constatés dans l'Etat du dernier domicile du défunt ou dans l'Etat au droit duquel le défunt a soumis sa succession ou s'ils sont reconnus dans l'un de ces Etats.

3.4.2 Bien que la question de la reconnaissance de la décision étrangère semble dépasser le cadre de l'examen de la compétence subsidiaire des tribunaux genevois au regard de l'art. 88 LDIP, les décisions ou mesures prises à l'étranger doivent cependant pouvoir être reconnues en Suisse.

S'agissant de l'application de l'art. 27 al. 1 LDIP, force est de constater que l'appelant n° 1, qui émet des critiques toutes générales sur l'impartialité de la justice libanaise, ne s'appuie sur aucun élément factuel - outre le transfert de la plainte de l'avocate libanaise des filles du de cujus par le biais de l'Ambassade du Liban en Suisse au Bâtonnier genevois, qui est sans rapport avec l'activité judiciaire libanaise - qui permettrait de considérer que les décisions rendues par les autorités judiciaires de ce pays ne respecteraient pas les règles de l'ordre public suisse, étant précisé que chaque partie à la présente procédure semble avoir pu faire valoir ses moyens de fait et de droit devant lesdites autorités, aucune ne prétendant le contraire. L'appelant n° 1 lui-même renvoie au prononcé de la décision finale le développement d'arguments précis sur l'impossibilité de reconnaissance de la décision en Suisse de la future décision en raison de sa contrariété avec l'ordre public suisse. Il est ainsi inutile de s'attarder plus avant cette question que l'appelant n° 1 n'a pas développée, n'indiquant en particulier pas quels droits fondamentaux auraient été bafoués.

S'agissant de la reconnaissance indirecte de la future décision libanaise rendue, si certes l'art. 96 al. 1 let. a LDIP précise que les décisions relatives à une succession sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été rendues dans l'Etat du dernier domicile du défunt ou dans l'Etat au droit duquel le défunt a soumis sa succession ou si elles sont reconnues dans l'un de ces Etats, l'appelant n° 1 n'apporte aucun élément permettant de retenir que la décision rendue au Liban ne serait pas reconnue au Brésil, pays du dernier domicile du défunt. Par ailleurs, le Tribunal fédéral ayant admis dans sa jurisprudence que l'Etat étranger qui s'occupe de la succession des biens sis en Suisse peut être celui de l'Etat d'origine, les décisions étrangères provenant de cet Etat d'origine devraient pouvoir également être reconnues en Suisse, même si elles ne proviennent ni de l'Etat du dernier domicile, ni de celui de l'élection de droit.

Il sera finalement relevé que le Tribunal fédéral, dans l'arrêt du 13 septembre 2011 rendu dans la présente cause, n'a pas lié l'examen de l'art. 88 al. 1 LDIP à celui de l'art. 96 al. 1 LDIP, mais s'est limité aux seules conditions de l'art. 88 al. 1 LDIP pour examiner la compétence des autorités genevoises, qu'il a déniée, pour s'occuper de la succession des biens du de cujus sis en Suisse.

3.5 Au vu de ce qui précède, l'art. 88 al. 1 LDIP ne trouve pas plus application en effectuant l'exercice de l'examen du dernier domicile du de cujus au Brésil, la Justice de paix étant également incompétente dans ce cas de figure pour connaître de la nouvelle requête en ouverture du testament litigieux à Genève, dont l'original se trouve au demeurant auprès des autorités libanaises qui ont procédé à son ouverture.

En conséquence, c'est à tort que la Justice de paix a suspendu la procédure pendante devant elle selon l'art. 9 al. 1 LDIP, puisque cela présupposait qu'elle soit compétente. Point n'est donc besoin d'examiner les autres griefs soulevés concernant l'application de l'art. 9 al. 1 LDIP, au vu du résultat de la procédure.

La décision de la Justice de paix sera donc annulée et la requête en ouverture de testament déclarée irrecevable.

3.6 La question de la mauvaise foi de l'appelant n° 1, qui a soutenu dans une première procédure jusqu'au Tribunal fédéral que le de cujus était domicilié au Liban à son décès, pour soutenir dans une seconde action identique, qu'il était en définitive domicilié au Brésil, peut se poser. Les appelantes n° 2 n'ayant pas repris ce grief en seconde instance et n'en ayant tiré aucune conclusion, il ne sera pas abordé par la Cour de céans.

4.                  Compte tenu de l'issue de la procédure, C______ sera condamné à payer un émolument de décision de 3'000 fr. (art. 26 RTFMC) aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, qui sera partiellement compensé avec l'avance de frais effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève. Il sera condamné à verser la somme de 2'500 fr. à titre de solde d'émolument aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il sera également condamné à payer des dépens à hauteur de 2'500 fr. en faveur de A______ et B______, prises conjointement et solidairement.

L'avance de frais effectuée par A______ et B______ leur sera restituée, conjointement et solidairement.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 1er février 2021 par A______ et B______ contre la décision DJP/500/2020 rendue par la Justice de paix le 12 janvier 2021 dans la cause C/26163/2005.

Déclare recevable l'appel formé le 1er février 2021 par C______ contre la décision DJP/500/2020 rendue par la Justice de paix le 12 janvier 2021 dans la cause C/26163/2005.

Au fond :

Annule cette décision.

Et, statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la requête de C______ en ouverture du testament du 4 octobre 2005 de D______ et en annulation du certificat d'héritier.

Met un émolument de décision de 3'000 fr. à la charge de C______ et le compense partiellement avec l'avance de frais versée par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à payer le solde de cet émolument en 2'500 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 500 fr., versée à titre d'avance de frais, à A______ et B______, conjointement et solidairement.

Condamne C______ à payer des dépens de 2'500 fr. en faveur de A______  et B______, prises conjointement et solidairement.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.