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Décisions | Chambre de surveillance

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C/22430/2020

DAS/168/2021 du 02.09.2021 sur DJP/113/2021 ( AJP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 07.10.2021, rendu le 29.04.2022, CASSE, 5A_837/2021
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22430/2020 DAS/168/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 2 SEPTEMBRE 2021

 

Appel (C/22430/2020) formé le 11 mars 2021 par Monsieur A______, ______ Genève, comparant par Me Claude ABERLE, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 6 septembre 2021 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Claude ABERLE, avocat
Route de Malagnou 32, 1208 Genève.

- Madame B______
Chemin ______, ______ [GE].

- Monsieur C______
Chemin ______, ______ [GE].

- Monsieur D______
Chemin ______, ______ [VD].

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a) Le 2 novembre 2005, les époux E______ et F______, née ______ [nom de jeune fille], et leurs trois enfants B______, C______ et G______ ont passé un pacte successoral instrumenté par A______, notaire.

Dans cet acte, E______ et F______ ont tous deux désigné A______ comme exécuteur testamentaire. La clause no 11 du pacte successoral, relative à la désignation de l'exécuteur testamentaire par F______, est rédigée comme suit : "à titre de disposition testamentaire librement révocable, F______ née ______ [nom de jeune fille] déclare nommer pour son exécuteur testamentaire Me A______, notaire à Genève, avec les pouvoirs les plus étendus prévus par le droit suisse".

b) E______ est décédé le ______ 2014.

A______ a été désigné exécuteur testamentaire et a reçu le certificat ad hoc du juge de paix.

c) Fin décembre 2018, A______ a pris sa retraite de notaire et transféré ses minutes à son associé, I______, notaire. Il est depuis lors notaire honoraire et conseil de l'Etude.

d) F______ est décédée le ______ 2020.

e) Le 18 novembre 2020, I______ a informé les héritiers et A______ de ce que celui-ci avait été désigné aux fonctions d'exécuteur testamentaire.

Il a, le même jour, informé le juge de paix qu'il avait été chargé d'instrumenter le certificat d'héritiers de la succession de F______, lui a transmis copie du pacte successoral du 2 novembre 2005 en l'invitant à lui indiquer si d'autres dispositions pour cause de mort avaient été établies par la défunte.

Le juge de paix a répondu qu'aucun autre testament n'avait été déposé.

f) La succession comprend notamment un bien immobilier sis à H______ (Genève), dont la valeur est estimée à 1'500'000 fr.

g) Saisi le 19 janvier 2021 d'une requête tendant à la délivrance d'une attestation d'exécuteur testamentaire à A______, le juge de paix a, par courrier du 22 janvier 2021, répondu que dans la mesure où A______ n'exerçait plus et que le testateur n'avait pas prévu que la fonction soit reprise par le repreneur de ses minutes ou par un tiers, il considérait qu'il "n'existait dès lors pas d'exécuteur testamentaire".

h) Par courrier du 4 février 2021, A______ et I______ se sont opposés à l'interprétation donnée par le juge de paix, ont maintenu leur demande en délivrance de l'attestation d'exécuteur testamentaire à A______ et ont invité le juge de paix à rendre une décision formelle s'il devait maintenir sa position.

B. Par décision rendue le 17 février 2021, le juge de paix a rejeté la requête en délivrance du certificat d'exécuteur testamentaire déposée par A______.

Il a retenu que la défunte avait désigné ce dernier en sa qualité de notaire, qu'elle n'avait pas prévu de clause de substitution ni ne l'avait nommé "ad personam". Le fait qu'elle n'ait pas apporté la mention "à défaut son successeur" ne permettait pas de retenir qu'il avait été nommé "ad personam". Il ne pouvait ainsi être désigné en qualité d'exécuteur testamentaire puisqu'il n'exerçait plus comme notaire. Enfin, faute de clause de substitution, il convenait de retenir qu'aucun exécuteur testamentaire n'était désigné.

C. a) Par acte expédié le 11 mars 2021, A______ a appelé de cette décision, qu'il a reçue le 1er mars 2021.

b) Invités à se déterminer sur l'appel, les héritiers de feue F______ n'ont pas déposé d'observations.

c) Par avis du 6 mai 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions du juge de paix en matière successorale relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC). Elles sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

L'exécuteur testamentaire a qualité pour agir ou défendre en son propre nom et pour son propre compte dans toute procédure concernant sa propre désignation (DAS/55/2019 consid. 1.1; DAS/117/2018 consid. 1.2; schuler-buche, L'exécuteur testamentaire, l'administrateur d'office et le liquidateur officiel, étude et comparaison, thèse Lausanne 2003, p. 103).

1.2 En l'espèce, l'appelant dispose de la qualité pour contester la décision de la Justice de paix lui refusant la délivrance du certificat d'exécuteur testamentaire. Par ailleurs, la succession comprenant notamment un bien immobilier, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC) auprès de l'autorité compétente pour en connaître, l'appel est recevable (art. 120 al. 2 LOJ).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit, avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. L'appelant reproche au Juge de paix de ne pas lui avoir délivré le certificat d'exécuteur testamentaire. Il conclut au constat de la nullité de la décision attaquée, subsidiairement à son annulation.

2.1.1 Le testateur peut, par une disposition testamentaire, charger de l'exécution de ses dernières volontés une ou plusieurs personnes capables d'exercer les droits civils (art. 517 al. 1 CC). Les exécuteurs testamentaires sont avisés d'office du mandat qui leur a été conféré et ils ont quatorze jours pour déclarer s'ils entendent l'accepter; leur silence équivaut à une acceptation (art. 517 al. 1 et 2 CO).

L'attestation d'exécuteur testamentaire n'a qu'un caractère déclaratoire et sert uniquement de preuve quant à la désignation de l'exécuteur testamentaire et de l'acceptation par celui-ci de ses fonctions (arrêts du Tribunal fédéral 5A_257/2009 du 26 octobre 2009 consid. 1.4; 5A_644/2015 du 24 novembre 2015 consid. 1.3).

2.1.2 Pour interpréter un testament, le juge doit partir de son texte, qui seul exprime valablement la volonté manifestée du disposant. Si celui-ci est clair, il n'a pas à recourir à d'autres éléments d'interprétation. En revanche, si les dispositions testamentaires manquent de clarté au point qu'elles peuvent être comprises aussi bien dans un sens que dans un autre, le juge doit interpréter les termes dont le testateur s'est servi en tenant compte de la logique interne du testament, voire de circonstances extrinsèques lorsque celles-ci permettent d'éclairer la volonté exprimée dans le texte; il peut également se référer à l'expérience générale de la vie et au principe du favor testamenti, selon lequel, entre deux solutions possibles, il faut choisir la plus favorable au maintien de l'acte (ATF 131 III 106 consid. 1.1; 124 III 414 consid 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_644/2015 du 24 novembre 2015, consid. 3.3.1).

2.1.3 La nullité d'un jugement ne peut être retenue qu'à titre exceptionnel, lorsqu'il est entaché de vices particulièrement graves qui doivent être manifestes ou aisément reconnaissables, et pour autant que la sécurité juridique ne soit pas sérieusement compromise. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les principaux motifs de nullité résident dans l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité ou la violation grossière de règles de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1; arrêts 5A_667/2018 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, la défunte a désigné A______, notaire, en qualité d'exécuteur testamentaire. Ce dernier, qui a remis ses minutes à son successeur en continuant néanmoins à exercer en qualité de notaire honoraire, a déclaré accepter cette mission. La clause successorale apparaît claire en ce qu'elle exprime la volonté de la défunte de voir l'appelant chargé de l'exécution de ses dernières volontés. Elle ne contient en outre pas de clause de substitution en faveur d'un successeur notaire qui aurait pu faire naître un doute quant à la personne que le défunt entendait désigner postérieurement à la cessation d'activité du premier notaire désigné. Aucune contestation n'a enfin été émise par les héritiers quant à la désignation de l'appelant comme exécuteur testamentaire. Il n'y a, dans ces circonstances, pas place à l'interprétation. C'est en conséquence à tort que le juge de paix a procédé à l'interprétation de la clause testamentaire en considérant, par ailleurs de manière restrictive et contraire au principe favor testamenti, que la désignation de l'exécuteur testamentaire n'était plus valable en raison de la remise par l'appelant de ses minutes à son successeur.

La décision attaquée sera en conséquence annulée et la cause renvoyée au premier juge afin qu'il délivre à l'appelant le certificat d'exécuteur testamentaire sollicité.

L'appelant sera en revanche débouté de ses conclusions tendant à la constatation de la nullité de la décision entreprise, dans la mesure où cette dernière ne présente pas de vice d'une gravité justifiant une telle sanction.

3. Les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. et, au vu de l'issue du litige, ils seront laissés entièrement à la charge de l'Etat de Genève. L'avance de frais de même montant fournie par l'appelant lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 11 mars 2021 par A______ contre la décision rendue le 17 février 2021 par la Justice de paix dans la cause C/22430/2020.

Au fond :

Annule la décision attaquée en tant qu'elle refuse la délivrance du certificat d'exécuteur testamentaire à A______.

Renvoie la cause à la Justice de paix afin qu'elle délivre un certificat d'exécuteur testamentaire à A______.

Déboute ce dernier de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Service financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ la somme de 500 fr., versée à titre d'avance de frais.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.