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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16165/2016

DAS/83/2021 du 06.04.2021 sur DTAE/7608/2020 ( PAE ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

C/3432/2013

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16165/2016-CS DAS/83/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 6 AVRIL 2021

 

Recours (C/16165/2016-CS) formé en date du 8 février 2021 par Monsieur A______, domicilié ______, comparant par Me Romain AESCHMANN, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 13 avril 2021 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Romain AESCHMANN, avocat
Rue Fontaine 9, 1211 Genève 3.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 

Décision recommuniquée aux parties par plis recommandés du 11 mai 2021, à la suite de la requête de rectification datée du 3 mai 2021.

 


EN FAIT

A. Par décision DTAE/7608/2020 rendue le 11 décembre 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a constaté que la curatelle de représentation et de gestion instaurée le 16 décembre 2016 en faveur de B______, né le ______ 1928, de nationalité canadienne, a pris fin avec son décès survenu le ______ 2019 (ch. 1 du dispositif), libéré A______ de ses fonctions de curateur (ch. 2), refusé d'approuver les comptes et rapports périodiques de A______ pour la période allant du 16 décembre 2016 au ______ 2019 (ch. 3) et arrêté à 5'000 fr. les honoraires de A______ pour son activité de curateur pour cette période (ch. 4).

B. a) Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 8 février 2021, A______ recourt contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 13 janvier 2021.

Il conclut à l'annulation des chiffres 3 et 4 du dispositif de cette ordonnance et, cela fait, à l'approbation de ses comptes et rapport périodiques pour la période allant du 16 décembre 2016 au ______ 2019, à la fixation de ses honoraires pour son activité de curateur pour ladite période à 14'996 fr, dont à déduire la provision de 5'000 fr. autorisée le 1er décembre 2017, et au remboursement en sa faveur de la somme de 18 fr. de frais d'extrait de poursuites.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité revoir sa décision.

C. La décision entreprise s'inscrit dans le contexte suivant:

a) Le 16 décembre 2016, A______ a été désigné comme curateur de représentation et de gestion de B______, né le ______ 1928, décédé à Genève le ______ 2019.

b) A______ a établi un inventaire des biens et dressé un bref rapport d'entrée le 28 mars 2017, mentionnant que son protégé résidait en Suisse sans y être officiellement annoncé, qu'il ne disposait pas d'assurance-maladie, qu'il rémunérait trois personnes pour s'occuper de lui et que ses liens avec sa famille étaient conflictuels. Il a proposé de régulariser la situation de son protégé à l'égard de l'Administration fiscale et d'examiner si des économies pouvaient être faites sur ses frais d'hébergement.

Il a sollicité une autorisation d'établissement auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) le 5 juillet 2017, puis a relancé ledit office le 26 septembre 2017.

Le 1er novembre 2017, le curateur a informé le Tribunal de protection de ce que la domiciliation de son protégé à Genève n'avait pu avancer, l'OCPM ne s'étant pas encore déterminé malgré les démarches entreprises. S'agissant des personnes employées par son protégé, il n'existait pas de contrats écrits, mais le curateur s'employait à régulariser leur situation dans le cadre du programme Papyrus.

Le 1er décembre 2017, A______ a été autorisé à prélever sur les biens de son protégé un montant de 5'000 fr. à titre de provision pour sa rémunération.

Le 19 mars 2018, le curateur a informé le Tribunal de protection de ce qu'il restait dans l'attente de l'autorisation d'établissement de l'OCPM pour être en mesure de régler la situation de son protégé à l'égard de l'Administration fiscale, de l'assurance-maladie et pour la situation de ses employés, qui n'avait pas pu être régularisée. Le curateur avait entamé des discussions avec le logeur de son protégé, qui, après avoir résidé durant de nombreuses années dans des hôtels de luxe, séjournait dans un appartement meublé, en vue de négocier des frais de séjour.

c) Suite au décès de B______ le ______ 2019, A______ a, en date du 21 mars 2019, adressé au Tribunal de protection ses rapport et comptes finaux couvrant la période du 16 décembre 2016 au ______ 2019.

Son rapport comprend un compte rendu sur les plans social et financier, un compte des dépenses et recettes, ainsi que l'état des biens.

Dans son rapport social, le curateur a indiqué que l'état de santé de son protégé s'était sérieusement détérioré à l'automne 2018 en raison d'une récidive d'un cancer et qu'il avait subi une intervention chirurgicale; il avait dû être hospitalisé en décembre 2018 et était décédé à l'hôpital. Sur le plan de l'encadrement, le curateur a relevé que B______ refusait tout contact et visite de son fils C______, mais recevait des visites occasionnelles de son petit-fils D______. Son protégé vivait au E______ [appartements équipés] à Genève. Il était assisté depuis des années par F______, qui lui servait d'homme à tout faire, de chauffeur et d'homme de confiance. Le curateur avait pu constater à de nombreuses reprises que son protégé avait une confiance absolue en F______ et qu'une affection sincère et réciproque liait les deux hommes. Son protégé bénéficiait par ailleurs de l'assistance de deux dames de compagnie qui assuraient une présence permanente à ses côtés.

Dans son rapport financier, le curateur a indiqué avoir sollicité une autorisation de séjour auprès de l'OCPM le 4 juillet 2017, mais aucune suite n'y avait été donnée par ce service malgré plusieurs relances. Sans cette autorisation, les affaires de son protégé, notamment la situation de ses employés, de ses assurances et de ses avoirs bancaires, déposés au nom de [la société] G______, n'avaient pu être réglées. Sa situation fiscale demeurait incertaine. Son protégé avait, durant de nombreuses années, vécu dans des palaces genevois; depuis quelques années, il louait des appartements meublés, en refusant catégoriquement toute autre solution de logement, notamment d'établissement pour personnes âgées. Le curateur avait négocié une diminution de loyer avec E______. S'agissant des factures impayées, l'homme de confiance du protégé avait avancé un montant de l'ordre de 60'000 fr. pour les régler.

Les comptes font état de dépenses pour la période concernée de 725'666 fr., d'actifs à raison de 944'133 fr. et de passifs en 66'441 fr. 90.

Au terme de son rapport, le curateur a proposé au Tribunal de protection de le relever de son mandat et d'approuver son rapport. Il a joint sa note de frais et honoraires, s'élevant à 14'996 fr. 95, dont à déduire la provision de 5'000 fr., munie d'un time-sheet totalisant 74.05 heures, facturées selon différents tarifs horaires.

d) Le 22 mai 2020, le Tribunal de protection a informé le curateur qu'il n'était pas en mesure d'approuver les comptes finaux soumis, sous peine de risquer d'engager la responsabilité de l'Etat. Relevant que la situation des trois employés du protégé n'avait pas été régularisée, le Tribunal de protection a invité le curateur à décompter les heures et les salaires des employés et à régler les charges sociales.

e) Le 1er juillet 2020, le Tribunal de protection a entendu A______ sur la problématique des trois employés de son protégé.

f) Le 13 août 2020, A______ a demandé qu'un montant de 18 fr., correspondant aux frais d'extrait de poursuites facturés le 13 juillet 2020, soit ajouté à sa note de frais et honoraires transmise avec le rapport final.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal de protection a considéré que le curateur désigné n'avait pas procédé aux démarches en vue de domicilier son protégé à Genève, ni régularisé la situation de ses trois employés de maison. Le curateur avait ainsi agi contrairement aux intérêts de son protégé et n'avait que partiellement exécuté son mandat de curatelle, manquant ainsi gravement à son devoir de diligence. Le Tribunal de protection a en conséquence refusé d'approuver le rapport et les comptes du curateur et réduit sa rémunération à 5'000 fr., correspondant à la provision que ce dernier avait été autorisé à prélever le 1er décembre 2017.


 

EN DROIT

1. 1.1 Le recours, formé par le curateur contre la décision du Tribunal de protection refusant l'approbation de ses rapport et comptes finaux dans les délai et forme prescrit, est recevable (art. 450 al. 2 ch. 3 et al. 3, 450b al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC).

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement en fait et en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. Le recourant reproche au Tribunal de protection d'avoir refusé d'approuver ses rapport et comptes.

2.1 Au terme de ses fonctions, le curateur adresse à l'autorité de protection un rapport final et, le cas échéant, les comptes finaux (art. 425 al. 1er 1ère phr. CC). L'autorité de protection de l'adulte examine et approuve le rapport final et les comptes finaux de la même façon que les rapports et les comptes périodiques (art. 425 al. 2 CC). Elle examine les rapports du curateur et exige au besoin des compléments (art. 415 al. 2 CC). Elle approuve ou refuse les comptes; au besoin, elle exige des rectifications (art. 415 al. 1 CC).

Le rapport final a un but d'information et non de contrôle de l'exécution de la curatelle. Il doit être approuvé s'il remplit son devoir d'information (arrêts du Tribunal fédéral 5A_714/2014 du 2 décembre 2014 consid. 4.3; 5A_151/2014 du 4 avril 2014 consid. 6.1; concernant les art. 451 ss aCC: arrêts 5A_665/2013 du 23 juin 2014 consid. 4.2.3; 5A_578/2008 du 1 er octobre 2008 consid. 1).

Un rapport rédigé par un mandataire est un compte rendu subjectif des circonstances. Son approbation n'implique pas d'examiner la véracité des éléments contenus dans le rapport, ni n'emporte l'acceptation des déclarations et de l'activité du curateur (vogel/affolter, Zivilgesetzbuch I (Basler Kommentar 2018), n. 22 ad art. 425). Elle n'a pas d'effet de droit matériel direct, n'a pas valeur de décharge complète du curateur, et n'est pas une décision portant sur l'existence ou l'absence d'une prétention à l'encontre du curateur, qui est du ressort du juge civil (5A_494/2013 consid. 2.1). Elle n'exclut en particulier pas l'exercice de l'action en responsabilité à l'encontre du curateur, qui est de la compétence exclusive du juge (arrêts 5A_714/2014 précité consid. 4.3; 5A_151/2014 consid. 6.1 et les références; 5A_587/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3.2.1; ATF 70 II 77 consid. 1; 5A_274/2018 du 21 septembre 2018 consid. 4.3.1).

Dans les comptes finaux, le curateur tire un bilan de sa gestion du patrimoine et de sa représentation dans le cadre de cette gestion. Il rend compte de l'état de la fortune en vue de la transmission du patrimoine à la personne qui n'a plus besoin de protection, aux héritiers ou au nouveau mandataire (rosch, in ComFam Protection de l'adulte, 2013, n. 13 ad art. 425). Ils comprennent les comptes pour la période courant depuis le dernier contrôle, ainsi qu'un inventaire des biens gérés par le curateur. Ils renseignent la personne protégée, ses héritiers, l'autorité de protection, le curateur reprenant le mandat sur la situation patrimoniale de la personne protégée (vogel/affolter, op. cit., n. 40 ad art. 425).

L'autorité chargée de l'approbation du rapport et des comptes finaux n'a pas à se prononcer sur d'éventuels manquements du curateur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_714/2014 du 2 décembre 2014 consid. 4.3; 5A_587/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3.2.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a refusé d'approuver les rapport et comptes finaux du recourant au motif que ce dernier n'avait que partiellement exécuté son mandat de curatelle et gravement manqué à son devoir de diligence. Ce faisant, le premier juge s'est prononcé sur l'exécution du mandat de curatelle en retenant divers manquements qu'il impute au curateur, excédant ainsi le cadre de la présente procédure d'approbation, qui se limite à l'examen de son devoir d'information.

Le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera en conséquence annulé et la cause renvoyée Tribunal de protection, afin qu'il examine si le curateur a respecté son devoir d'information en établissant ses rapport et comptes finaux. Il lui appartiendra en conséquence d'examiner si les renseignements transmis par le curateur sont complets, soit notamment s'ils lui permettent d'examiner l'opportunité d'engager une action en responsabilité à l'encontre du curateur. Il approuvera les rapport et comptes si le curateur a respecté son devoir d'information, ou invitera le curateur à les compléter ou préciser si tel ne devait pas être le cas.

3. Le recourant fait en outre grief au Tribunal de protection d'avoir arrêté ses honoraires à 5'000 fr.

3.1 Le curateur a droit à une rémunération appropriée et au remboursement des frais justifiés; ces sommes sont prélevées sur les biens de la personne concernée. L'autorité de protection de l'adulte fixe la rémunération. Elle tient compte en particulier de l'étendue et de la complexité des tâches confiées au curateur (art. 404 al. 1 et 2 CC).

A Genève, le règlement fixant la rémunération des curateurs du 27 février 2013, entré en vigueur le 6 mars 2013 (RS/GE E1 05.15 ci-après : RRC) fixe le tarif horaire d'un curateur privé professionnel à 200 fr. pour une activité de gestion et de 200 fr. à 450 fr. pour une activité juridique d'un avocat chef d'étude. Le Tribunal peut, selon les circonstances, appliquer un autre tarif; la rémunération est appréciée et définitivement arrêtée par le Tribunal sur la base d'un décompte détaillé qui précise la nature de l'activité déployée et le temps consacré (art. 9 al. 2 et 4 RRC). Le curateur a droit au remboursement de ses frais justifiés (art. 6 al. 1 RRC).

3.2 En l'espèce, la note de frais et honoraires établie par le recourant pour l'activité déployée du 16 décembre 2016 au 20 mars 2019 s'élève à 14'970 fr. 95, correspondant à 74.05 heures facturées à différents tarifs horaires.

Dans la décision attaquée, le Tribunal de protection n'a pas examiné l'activité déployée par le curateur, le temps qu'il y a consacré ni le tarif appliqué pour déterminer sa rémunération. En réduisant la rémunération du curateur à 5'000 fr. au motif qu'il n'avait pas correctement exécuté son mandat, le Tribunal de protection a, à l'instar de sa décision refusant d'approuver les rapport et comptes du curateur, excédé le cadre de la présente procédure, l'éventuelle responsabilité du curateur pour mauvaise exécution du mandat et ses conséquences sur sa rémunération n'étant pas du ressort de l'autorité de protection.

Il convient, partant, d'annuler également le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance entreprise et de renvoyer la cause au Tribunal de protection afin qu'il fixe la rémunération du curateur en examinant le temps consacré et le tarif à appliquer aux prestations fournies dans le cadre du mandat qui lui a été confié. Il se prononcera également sur les frais du curateur, notamment les frais d'extrait de poursuites dont ce dernier avait sollicité le remboursement le 13 août 2020.

4. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires de recours, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat de Genève et l'avance versée sera restituée au recourant.

* * * * *

*Rectification
(art. 334 CPC). * Seuls les frais judiciaires, par opposition aux frais qui comprennent les frais
judiciaires et les dépens, pouvant être mis à la charge du canton, si l'équité
l'exige, selon l'art. 107 al. 2 CPC, il ne sera pas alloué de dépens au recourant
(arrêt du Tribunal fédéral 5A_619/2015 consid. 3).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 8 février 2021 par A______ contre la décision DTAE/7608/2020 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 11 décembre 2020 dans la cause C/16165/2016.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 de la décision attaquée et renvoie la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à rembourser 400 fr. à A______.

*Rectification
(art. 334 CPC). * Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.