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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1165/2025

ACST/19/2025 du 28.04.2025 ( ELEVOT ) , ACCORDE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1165/2025-ELEVOT ACST/19/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 28 avril 2025

sur mesures provisionnelles

dans la cause

 

A______

B______

C______

D______

E______

F______
représentés par Me Steve ALDER, avocat recourants

 

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé

 



Vu l'arrêté du 26 mars 2025, déclaré exécutoire nonobstant recours et publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 28 mars 2025, par lequel le Conseil d'État a constaté les résultats de l'élection des conseils municipaux du 23 mars 2025 ;

vu le recours interjeté le 2 avril 2025 devant la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) par A______, B______, C______, D______, E______ et F______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 26 mars 2025, ces derniers concluant, sur mesures provisionnelles, à l'octroi de l'effet suspensif et à ce qu'il soit ordonné à la chancellerie d'État de conserver l'intégralité des bulletins de vote retournés dans le cadre de l'élection ;

vu l'arrêté du 9 avril 2025, publiée dans la FAO du 11 avril 2025, par lequel le Conseil d'État a validé les opérations électorales du 23 mars 2025, à l'exception de l'élection du conseil municipal de la commune de Vernier, dans l'attente du prononcé de la chambre constitutionnelle sur effet suspensif ;

vu la réponse du Conseil d'État, qui a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de ne pas détruire le matériel de l'opération électorale du 23 mars 2025 avant le prononcé des autorités judiciaires, expliquant, s'agissant du premier élément, que la commune de Vernier se trouverait privée de Conseil municipal pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, dans l'attente de l'issue de la procédure si l'effet suspensif devait être restitué, une restitution de ce dernier ne permettant pas de prolonger les mandats des conseillers municipaux actuels ;

vu la réplique des recourants, qui ont persisté dans leurs conclusions ;

vu le courrier de la chambre constitutionnelle du 25 avril 2025 informant les parties que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

attendu, en droit, que les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d’urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 8 du règlement interne de la chambre constitutionnelle du 9 octobre 2020).

que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA), ce qui est le cas en l'espèce ;

que lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/21/2024 du 11 novembre 2024 et les références citées) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

qu'elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/9/2025 du 7 février 2025 consid. 3.2). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que le Conseil d’État, au vu du procès-verbal de la récapitulation générale, constate les résultats de l’opération électorale et en ordonne, dans le plus bref délai, la publication dans la Feuille d’avis officielle. Cette publication comporte également les résultats des listes qui n’ont pas obtenu le quorum (art. 76 al. 1 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05) ;

que le Conseil d’État valide par voie d’arrêté les opérations électorales à l’expiration du délai de recours et, le cas échéant, après la liquidation des recours, à l’exception de l’élection au Grand Conseil et au Conseil national (art. 77 al. 1 LEDP) ;

que les registres, les cartes de vote et les bulletins de vote, ainsi que les données relatives au vote électronique, sont détruits, sur décision du directeur du service des votations et élections, en présence d’un délégué du service, le cas échéant, après le prononcé des autorités de recours (art. 79 al. 1 let. b ch. 1 LEDP) ;

qu'en l'espèce, le Conseil d'État a retiré l'effet suspensif au recours en raison, selon lui, de la nécessité d'assurer la continuité institutionnelle des communes genevoises et de permettre la constitution des conseils municipaux ;

que, toutefois, seule la validation des opérations électorales (art. 77 LEDP) permet l'entrée en fonction des conseils municipaux ;

que cette validation ne peut, selon la loi, avoir lieu, le cas échéant, qu'après liquidation des recours, – et non pas déjà au stade d'une décision de refus de restitution de l'effet suspensif par la chambre de céans, contrairement à ce que laisse entendre le Conseil d'État dans son arrêté du 9 avril 2025 –, et ce indépendamment de la nécessité de permettre l'entrée en fonction des conseils municipaux à la date prévue ;

que la déclaration d'exécution nonobstant recours de l'arrêté du 26 mars 2025 ne saurait dès lors permettre l'entrée en fonction du conseil municipal de Vernier avant la validation des opérations électorales et donc en l'occurrence avant la liquidation du recours déposé contre cet arrêté, pour autant du reste que le recours soit rejeté ;

que ladite déclaration n'a donc aucune portée ;

qu'en conséquence, la demande de restitution de l’effet suspensif apparaît sans objet mais sera admise en tant que de besoin, au vu également des irrégularités dénoncées par les recourants qui pourraient être sérieuses ;

que, par ailleurs, la loi interdit de détruire les bulletins de vote avant, le cas échéant, le prononcé des autorités de recours, si bien que la demande des recourants tendant à ce qu'il soit ordonné à la chancellerie de conserver l'intégralité des bulletins de vote retournés dans le cadre de l'élection apparaît également sans objet ; qu'en toute hypothèse, le Conseil d'État a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de ne pas détruire le matériel de l'opération électorale du 23 mars 2025 avant le prononcé des autorités judiciaires, ce dont il lui sera donné acte ;

que le sort des frais de la présente décision sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

 

restitue, en tant que de besoin, l’effet suspensif au recours ;

donne acte au Conseil d'État de son engagement à ne pas détruire le matériel de l'opération électorale du 23 mars 2025 avant le prononcé de l'arrêt de la chambre constitutionnelle au fond ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Steve ALDER, avocats des recourants, et au Conseil d'État.


Le président :

 

Jean-Marc VERNIORY

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :