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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3811/2021

ACST/38/2021 du 17.11.2021 ( ELEVOT ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3811/2021-ELEVOT ACST/38/2021

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 17 novembre 2021

sur mesures provisionnelles

dans la cause

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

FONDATION IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE VEYRIER (FIVV)
représentée par Me Sidonie Morvan, avocate

et

ASSOCIATION POUR UN DÉVELOPPEMENT COHÉRENT DES CIRSES
représentée par Me Tobias Zellweger, avocat

et

COMMUNE DE VEYRIER
représentée par Mes Patrick Hunziker et François Rod, avocats


Attendu, en fait, que :

1) La Fondation immobilière de la ville de Veyrier (ci-après : FIVV) est une fondation d’intérêt public communal inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) et placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de Veyrier (ci-après : respectivement le conseil municipal et la commune ; art. 1 des statuts de la FIVV du 23 janvier 2004 [ci-après : statuts FIVV – PA 569.01]). Elle a pour but de mettre à disposition de la population de Veyrier des logements de tous types (art. 2 statuts FIVV). Elle peut, seule ou conjointement avec des collectivités ou personnes de droit public ou privé, effectuer toutes opérations en rapport avec son but (art. 3 statuts FIVV). Elle est administrée par un conseil de fondation ; les membres de celui-ci sont désignés de la manière suivante : le Conseil administratif de la commune (ci-après : le conseil administratif) nomme trois membres, dont un pris en son sein ; le conseil municipal élit un membre par parti représenté en son sein (art. 9 statuts FIVV). Les décisions du conseil de fondation sont prises à la majorité des voix exprimées (art. 17 al. 2 statuts FIVV).

2) L’Association pour un développement cohérent des Cirses (ci-après : l’association) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui a pour buts, selon ses statuts adoptés le 1er septembre 2021, de promouvoir le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) « Cirses », de présenter à la population veyrite les avantages à réaliser ledit PLQ dans une temporalité parallèle à celle des PLQ « Beaux-Champs », « Maison de Vessy » et « Ferme », de favoriser l’intégration du projet dans la commune et de lui donner de la qualité de vie et de l’harmonie, de mettre à disposition des habitants, des familles et des enfants de Veyrier des logements de qualité, respectueux de l’environnement et des installations communes pour la pratique du sport et des loisirs et de mener toutes autres actions en faveur de l’intérêt et du bien général. Ses membres fondateurs sont notamment Monsieur B______, président de la FIVV, ainsi que Messieurs C______ et D______, membres du conseil municipal.

3) Selon le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn) 2015, le lieu-dit « Les Grands Esserts », situé au nord de la commune, sur le plateau de Vessy, constituait un site envisagé pour l’extension urbaine dans la zone agricole, à moyen ou long terme.

4) En 2004, l’État de Genève (ci-après : l’État) a piloté une étude qui a conclu au caractère réalisable de l’urbanisation de ce quartier, avec un potentiel de plus de mille logements.

5) Le 3 mai 2012, l’État et la commune ont conclu un accord relatif au phasage, à la planification financière, à la mobilité, au gabarit des constructions et à la destination des futurs logements (environ mille deux cent) prévus dans le périmètre des Grands Esserts. L’État a, par la suite, engagé une étude de mise en œuvre du projet en concertation avec la commune et les deux principaux constructeurs, à savoir la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : CPEG) et la FIVV.

6) Le 14 septembre 2012, le Grand Conseil a adopté la loi 10'925 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune, créant une zone de développement 3 et deux zones de bois et forêts au lieu-dit « Vessy, Les Grands-Esserts ».

Le projet devait comporter quatre PLQ distincts portant sur huit pièces urbaines, à savoir le PLQ n° 29'983-542 « Maison de Vessy » (deux cent trente logements), le PLQ n° 30'038-542 « Beaux-Champs » (un centre commercial et quatre-vingt logements), le PLQ n° 30'008-542 « Ferme » (cent vingt logements) et le PLQ n° 30'082-542 « Cirses », comportant les pièces urbaines « Salève » (cent nonante logements), « Nant » (cent quatre-vingts et cent vingt logements), « Arve » (cent soixante logements), « Lisière » (cent vingt logements) et « École ».

7) Le 27 avril 2016, le Conseil d’État a adopté le PLQ « Maison de Vessy », lequel est entré en force à la suite du rejet des recours interjetés à son encontre. Le 17 avril 2019, il a adopté les PLQ « Ferme » et « Beaux-Champs », le premier étant en force tandis que le deuxième faisait l’objet d’un recours pendant au Tribunal fédéral.

8) Lors de sa séance du 13 avril 2021, le conseil municipal a décidé, à la majorité simple de vingt-deux « oui » sur les vingt-quatre membres présents, de donner un préavis favorable au PLQ « Cirses », sous conditions.

9) La demande de référendum communal lancée contre cette délibération ayant abouti, la date de la votation a été fixée au 28 novembre 2021.

10) En vue de ce scrutin, le matériel de vote envoyé aux électeurs de la commune contenait une brochure explicative qui comportait le texte de la délibération, le plan, le commentaire des autorités communales, le commentaire des référendaires ainsi que les prises de position des partis politiques, autre association ou groupements, dont celui de l’association, qui recommandait de voter « oui ».

11) Des affiches concernant le scrutin ont été posées sur les panneaux communaux et des affichettes sur différents supports, qui indiquaient « Oui au projet des Cirses, Oui aux logements pour les Veyrites, Oui à l’école et à la crèche pour nos enfants, Oui aux locaux associatifs et à une aula pour l’intégration et la convivialité, Votons pour notre qualité de vie ». Sur un bandeau en bas des affiches et affichettes étaient alignés, dans l’ordre, les logos suivants : « FC Veyrier Sports 1908, Veyrier Salève Basket, CTT Veyrier tennis de table, coopérative d’habitation Latitude, coopérative d’habitation Copac, coopérative d’habitation MPF-Loge, coopérative d’habitation Équilibre, FIVV, CPEG Caisse de prévoyance de l’État de Genève ». Sous ces logos figuraient en outre le nom de l’association avec son adresse.

12) Des « tous ménages » en lien avec le scrutin, distribués aux habitants de la commune, portaient l’intitulé « Oui au projet des Cirses, le 28 novembre nous votons pour notre qualité de vie » et indiquaient notamment, dans un encadré, « Votons OUI, au projet des Cirses, Suscitons chez les Veyrites un vote positif pour la commune », sous lequel était mentionné l’association ainsi que son adresse. Sous « nos soutiens », étaient mentionnés, dans l’ordre, la CPEG, la FIVV, les coopératives d’habitation Latitude, Équilibre, Copac, MPF-Loge, FC Veyrier Sports 1908, Veyrier Salève Basket, CTT-Veyrier tennis de table. Un autre encadré intitulé « projet soumis au référendum », indiquait en outre que dans le quartier de la Lisière, les trois corps de bâtiment étaient destinés à la FIVV, dans une disposition pavillonnaire comprenant cent vingt logements destinés en grande partie à la vente.

13) Par acte posté le 8 novembre 2021, Monsieur A______, ressortissant suisse domicilié à Veyrier où il exerce les droits politiques, a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre « le scrutin devant se tenir dans la commune de Veyrier et les actes matériels illicites commis par la FIVV et l’association ». Il concluait, à titre de mesures provisionnelles, au retrait immédiat des affiches présentes sur les panneaux d’affichage communaux et des affichettes disposées sur le territoire communal au nom de l’association et portant la mention et le logo de la FIVV. Sur le fond, il concluait préalablement à la production de la liste des membres de l’association et de ses donateurs, ainsi que ses relevés bancaires depuis le 1er avril 2021, principalement au constat de l’illicéité desdites affiches et affichettes et à l’annulation du scrutin communal du 28 novembre 2021, le tout sous suite de frais et dépens.

Le 3 novembre 2021, il avait remarqué que des affiches et affichettes avaient été posées respectivement sur les panneaux communaux officiels et sur d’autres supports sur le territoire de la commune et avait été surpris d’y découvrir, outre la mention de l’association, le logo de la FIVV. Le 5 novembre 2021, il avait en outre reçu un « tous ménages » dans sa boîte aux lettres, qui comportait les mêmes informations.

Selon le recourant, il apparaissait que la commune, par le biais de la FIVV et sous le couvert de l’association dont on ignorait tout, faisait campagne au moyen de slogans et affirmations subjectives dans le cadre de la votation à venir. Il n’était en particulier pas admissible que la mention de la FIVV, dont le logo se confondait avec les armoiries officielles de la commune, figure sur des « tous ménages », des affichettes et des affiches, au demeurant sur des panneaux officiels ou dans l’espace public communal sous le couvert d’une association créée pour les besoins de la cause. La mention de la FIVV était d’autant plus problématique qu’elle figurait aussi aux côté d’associations locales, laissant entendre de manière trompeuse qu’il existait une grande coalition des acteurs publics et privés sur le sujet. Plus encore, par le biais du « tous ménages », la commune, par l’intermédiaire de la FIVV, soutenait ouvertement l’association, ce qu’elle n’était pas autorisée à faire. Tant la commune que la FIVV avaient un intérêt direct à ce que la votation communale emporte un résultat positif, dès lors que trois corps de bâtiment seraient destinés à cette dernière, dans une disposition pavillonaire comprenant cent vingt logements voués en grande partie à la vente. Dans une telle situation, la libre formation de l’opinion des citoyens se trouvait possiblement faussée.

14) Le 12 novembre 2021 est paru dans la Tribune de Genève (ci-après : TdG) un article intitulé « un recours demande le report du scrutin sur les Grands Esserts à Veyrier ». Il y était indiqué que le recourant estimait qu’un « tous ménages », des affiches officielles et des affichettes disposées dans l’espace public menaçait la libre formation du vote des citoyens car la commune et la FIVV étaient trop directement impliquées en faveur du « oui » au PLQ. Le recourant s’étonnait en particulier de voir sur les affiches et affichettes le logo de la FIVV, qui était une émanation de la commune. Il en résultait que sous le couvert de l’association, les autorités communales battaient en réalité campagne. Selon l’avocat du recourant, la commune et la FIVV avaient un intérêt direct à ce scrutin, dès lors que trois corps de bâtiments seraient destinés à cette dernière. Il s’agissait d’un « couac » aussi grave que regrettable, de nombreuses décisions de justice ayant été rendues à ce sujet et ayant mené à l’annulation des scrutins communaux. Les autorités ne devaient pas intervenir dans le débat politique, à plus forte raison mettre à disposition des fonds publics pour ce faire. Il existait également un enjeu de transparence, car la provenance du financement de cette campagne politique était, en l’état, en tout point obscur.

15) Le 15 novembre 2021, la FIVV a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet des mesures provisionnelles.

Le retrait des affiches et affichettes entraînerait une anticipation du procès au fond, ce qui n’était pas admissible et ne pourrait plus être corrigé par la suite. À cela s’ajoutait que M. A______ ne prenait aucune conclusion au fond s’agissant desdites affiches et affichettes ni n’émettait de critique concernant le déroulement de la campagne, se limitant de faire état de sa surprise à la vue de ces supports.

Conformément à son but statutaire, elle disposait d’un intérêt évident à l’adoption du PLQ « Cirses » afin qu’elle puisse construire des logements, si bien qu’elle pouvait intervenir dans la campagne référendaire. Au vu de sa taille et de son emplacement sur les affiches et affichettes, son logo n’était pas de nature à perturber ou influencer le scrutin, M. A______ ne prétendant au demeurant pas que les informations figurant sur ces affiches et affichettes seraient erronées ou fausses.

16) Le même jour, l’association a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet des mesures provisionnelles.

Elle reprenait les mêmes arguments que la FIVV, précisant que, parmi ses soutiens, l’on trouvait le FC Veyrier-Sports, le Veyrier Salève Basket Club, le CTT Veyrier, les coopératives d’habitation Latitude, Copac, MPF-Loge et Équilibre, la FIVV et la CPEG. Étant donné qu’elle avait déposé une prise de position au service des votations et élections (ci-après : SVE), elle pouvait apparaître dans la brochure explicative et bénéficier d’un emplacement officiel pour y poser ses affiches. Si celles-ci devaient être supprimées, la liberté d’expression de ses membres, de même que celle de ses soutiens, serait atteinte, étant précisé que l’opposition de M. A______ au PLQ « Cirses » ne lui conférait pas le droit d’interdire aux soutiens dudit PLQ de s’exprimer.

17) Le 15 novembre 2021 également, la commune a conclu au rejet des mesures provisionnelles.

Elle n’avait employé aucun moyen financier en vue du scrutin et ne se confondait ni avec l’association ni avec la FIVV, cette dernière étant une personne morale distincte, habilitée par ses statuts à apporter son soutien à la campagne.

18) Sur quoi, ces observations ont été transmises, pour information, à M. A______.

 

Considérant, en droit, que :

19) L’examen de la recevabilité du recours sera reporté à l’arrêt au fond, étant précisé qu’il n’apparaît pas prima facie que les conditions n’en seraient pas remplies, soient celles d’un recours pour violation des droits politiques au sens des art. 130B al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et de l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

20) La présidence de la chambre constitutionnelle est compétente pour prononcer des mesures provisionnelles, d’office ou, comme en l’espèce, sur requête (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

21) L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, condition ici remplie, dès lors que le recourant demande le retrait des affiches et affichettes litigieuses posées en vue du scrutin communal du 28 novembre 2021 concernant le référendum demandé à l’encontre de la délibération du conseil municipal du 13 avril 2021.


 

22) Selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1047/2021 du 6 octobre 2021 et les références citées). Le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence et éviter, dans toute la mesure du possible, de préjuger de l’issue à donner au recours, l’issue prévisible pouvant néanmoins être prise en considération lorsqu’elle est probable, voire manifeste. En particulier, en matière de votations et d’élections, le juge peut être amené à devoir remédier à temps, même à titre provisionnel, à d’éventuels vices susceptibles d’affecter la validité du scrutin (ACST/18/2021 du 28 avril 2021 ; ACST/31/2019 du 25 octobre 2019).

23) La garantie des droits politiques, ancrée à l’art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), et, dans une même mesure, à l’art. 44 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté.

Selon une formule couramment utilisée par le Tribunal fédéral, aucun résultat de votation ou d’élection ne doit être reconnu s’il ne traduit pas de manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral, chaque citoyen devant pouvoir exercer ses droits politiques conformément à sa volonté, à l’abri de toute influence extérieure, en fondant sa décision sur un processus de formation de la volonté le plus complet et le plus libre possible (ATF 146 I 129 consid. 5.1 ; ATF 145 I 207 consid. 2.1).

L’art. 34 al. 2 Cst. impose notamment aux autorités le devoir de donner une information correcte et retenue dans le contexte de votations (ATF 145 I 282 consid. 4.1). Lors de scrutins de leur propre collectivité, un rôle de conseil leur incombe. Les collectivités assument ce rôle principalement par la rédaction d’un message explicatif préalable au vote. Elles ne sont pas astreintes à un devoir de neutralité et peuvent diffuser une recommandation. Elles sont en revanche tenues à un devoir d’objectivité, de transparence et de proportionnalité. Les informations qu’elles apportent doivent prendre place dans un processus ouvert de formation de l’opinion, ce qui exclut les interventions excessives et disproportionnées s’apparentant à de la propagande et propres à empêcher la formation de l’opinion (ATF 146 I 129 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_321/2020 du 13 novembre 2020 consid. 4.1).

Les entreprises directement ou indirectement soumises à l’influence décisive d’une collectivité publique, indépendamment de leur organisation, sont en principe tenues à un devoir de neutralité politique. Une prise de position est admissible lorsqu’une entreprise est particulièrement concernée par la votation, notamment en rapport avec sa mission légale ou statutaire, et qu’elle est touchée dans ses intérêts économiques comme pourrait l’être une entreprise privée. En pareil cas, l’entreprise peut en principe avoir recours aux moyens d’information habituellement utilisés dans les campagnes politiques ; elle doit toutefois s’imposer une certaine retenue. Elle est autorisée à faire valoir son propre point de vue et peut défendre ses intérêts avec objectivité et impartialité, sans user de moyens proscrits ou répréhensibles. Cela implique aussi que l’entreprise n’engage pas de deniers publics de manière disproportionnée. La retenue à observer s’apprécie de la même façon que celle attendue des communes lorsqu’elles sont touchées de manière particulière et, par conséquent, exceptionnellement autorisées à intervenir (ATF 145 I 282 consid. 6.1 et les références citées).

Par ailleurs, les membres individuels des autorités peuvent jouer un rôle plus actif encore. À la fois titulaires de la liberté d’expression et membres du corps électoral, il ne leur est pas interdit de prendre position dans la campagne référendaire à titre individuel en mentionnant leur nom et position pour conférer un poids particulier à leur engagement politique. Ce qui doit en revanche être évité est de donner une touche officielle à ces interventions privées pour créer l’impression qu’il s’agit d’un acte d’autorité (Giorgio MALINVERI/Michel HOTTELIER/ Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. I : l’État, 4e édition, Berne 2021, n. 959 p. 346).

24) En l’espèce, le recourant demande, sur mesures provisionnelles, le retrait immédiat des affiches et affichettes, à savoir des actes entrant dans le cadre des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP (ACST/12/2020 du 1er avril 2020 consid. 1a et les références citées), posées sur le territoire communal, au motif qu’elles portent la mention et le logo de la fondation et que, dès lors, il s’agirait d’un acte de propagande contraire à la liberté de vote de la part de la commune, laquelle agirait également par le biais de l’association.

Tel ne semble, à première vue, pas être le cas. En effet, bien que la FIVV constitue une émanation de la commune, elle n’en est pas moins une entité indépendante, inscrite au RC et disposant de la personnalité juridique. Par ailleurs, même si les membres du conseil de fondation sont désignés par le conseil administratif et le conseil municipal, seul un membre du conseil administratif est représenté au sein dudit conseil, dont les décisions sont prises à la majorité des voix exprimées. L’on ne saurait dès lors a priori considérer que la FIVV serait un instrument aux mains de la commune en vue d’une campagne en faveur du « oui », étant précisé qu’au regard du préavis favorable donné au PLQ « Cirses », la position de la commune était largement connue.

Il en va de même du rôle de la FIVV dans le cadre du projet des Grands Esserts, dont elle est l’un des principaux constructeurs. À ce titre, dans la mesure où l’un des PLQ dudit projet est directement en cause, elle est particulièrement concernée par le scrutin, ce qui lui permet, dans les limites fixées par la jurisprudence précitée, d’intervenir dans la campagne référendaire. À première vue, ces conditions semblent réalisées. Ainsi, si les affiches et affichettes comportent certes le logo de la FIVV, elles comptent également d’autres symboles graphiques, comme ceux de différentes coopératives d’habitation, des clubs de sport ou encore de la CPEG. Ces logos sont alignés en bas de l’affiche, celui de la FIVV apparaissant en avant-dernière position en partant depuis la gauche, avant celui de la CPEG. Le symbole graphique de la FIVV se confond dès lors largement avec celui des autres soutiens au PLQ « Cirses ». S’agissant de la ressemblance alléguée entre le logo de la FIVV et celui des armoiries de la commune, elle n’atteint pas un degré tel que l’on puisse les confondre l’un avec l’autre. En outre, l’on ne saurait, toujours prima facie, voir dans le texte des affiches et affichettes – libellé comme suit : « Oui au projet des Cirses, Oui aux logements pour les Veyrites, Oui à l’école et à la crèche pour nos enfants, Oui aux locaux associatifs et à une aula pour l’intégration et la convivialité, Votons pour notre qualité de vie » – d’éléments subjectifs ou trompeurs, puisque le PLQ en cause prévoit effectivement des logements, une école et une crèche ainsi que des locaux associatifs, notamment. Enfin, s’agissant du financement desdites affiches et affichettes, rien ne permet à première vue de penser qu’il serait, de la part de la FIVV, disproportionné, au regard en particulier du nombre des autres « soutiens » au « oui » figurant sur lesdits supports.

S’agissant de l’association, qui a déposé une prise de position au sens de l’art. 23 LEDP, elle bénéficie, aux termes de l’art. 30 LEDP, parmi les partis politiques, autres associations ou groupement ayant déposé une telle prise de position d’emplacements d’affichages mis à disposition par la commune. Rien ne permet d’affirmer, prima facie, que celle-ci participerait, directement ou indirectement, à son financement. Le fait qu’elle ait été fondée par deux membres du conseil municipal et le président de la FIVV ne saurait conduire à une autre conclusion, l’association ayant du reste indiqué la diversité de ses soutiens.

Par conséquent, contrairement à ce que prétend le recourant, rien ne permet de présager a priori l’existence d’une intervention occulte de la commune dans le processus de formation de la volonté des citoyens en vue de la fausser dans le cadre du scrutin du 28 novembre 2021.

À ces éléments s’ajoute qu’au regard de l’article de la TdG paru le 12 novembre 2021, le recourant a activement participé à la diffusion des arguments qu’il critique, si bien qu’en tout état de cause, on peut se demander si le retrait des affiches et affichettes serait encore adéquat, dès lors que les citoyens en ont déjà largement été informés par voie de presse.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner les mesures provisionnelles sollicitées.

 


 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette la demande de mesures provisionnelles sollicitée par Monsieur A______ ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, à Me Sidonie Morvan, avocate de la Fondation immobilière de la ville de Veyrier, à Me Tobias Zellweger, avocat de l’Association pour un développement cohérent des Cirses, ainsi qu’à Mes Patrick Hunziker et François Rod, avocats de la commune de Veyrier et au service des votations et élection, pour information.


Le président :

 

Jean-Marc Verniory

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :