Décisions | Chambre Constitutionnelle
ACST/11/2021 du 15.04.2021 ( ABST ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2232/2020-ABST ACST/11/2021 COUR DE JUSTICE Chambre constitutionnelle Arrêt du 15 avril 2021 |
| ||
dans la cause
A______ SA
et
B______ AG
et
C______ SA
représentées par Me Stephan Kronbichler, avocat
contre
GRAND CONSEIL
1) En février 2019, à la suite d'une mise aux enchères par la Confédération, A______ SA (ci-après : A______), B______ AG (ci-après : B______) et C______ SA (ci-après : C______), soit les trois sociétés opératrices de téléphonie mobile autorisées en Suisse, ont acquis, pour une durée de quinze ans, de nouvelles fréquences de radiocommunication mobile en vue du développement de la technologie rapide de radiocommunication mobile de 5e génération (ci-après : 5G), qui permet notamment d'augmenter les capacités de transmission des données.
2) Dès le printemps 2019, plusieurs cantons romands, dont Vaud, Jura ou Neuchâtel, ont décrété un moratoire sur les antennes 5G, retenant les dossiers d'installation de telles antennes ou ne délivrant plus d'autorisations dans ce sens.
3) a. Le 29 mars 2019, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil une proposition de motion (ci-après : M), enregistrée sous n° 2'538 et intitulée « pour un moratoire de la mise en place de la 5G sur le territoire de la République et canton de Genève », qui invitait le Conseil d'État à mettre en place un moratoire concernant l'installation d'antennes 5G sur le territoire cantonal aussi longtemps que des études scientifiques indépendantes ne démontreraient pas l'absence de nocivité de cette technologie sur le corps humain.
b. Le 10 avril 2019, le Grand Conseil a renvoyé cette proposition au Conseil d'État, lequel a rendu son rapport le 16 octobre 2019.
Selon ce rapport, en matière de téléphonie mobile, les autorités cantonales avaient pour mission de s'assurer que tout équipement installé par les opérateurs respectait scrupuleusement le cadre légal fédéral prévu par l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710). Le déploiement de la 5G pouvait se faire de trois manières, soit en implantant une nouvelle antenne, en modifiant un site existant de manière significative ou en modifiant légèrement un tel site. Tandis que les deux premiers cas étaient traités par une demande d'autorisation de construire, instruite de manière standard par l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) et requérant un préavis obligatoire du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), le dernier cas ne nécessitait pas une telle autorisation, mais seulement le préavis du SABRA pour la vérification des critères de conformité en matière d'exposition au rayonnement non ionisant (p. 4).
En application du principe de précaution, le département du territoire (ci-après : DT) avait décidé de suspendre provisoirement, dès le mois d'avril 2019, toutes les autorisations de construire pour l'extension du réseau de téléphonie mobile, indépendamment de la technologie utilisée, en vue de permettre un débat public autour de la 5G et des objets connectés. Cette suspension ne concernait toutefois pas les équipements déjà autorisés et répondant aux exigences légales en vigueur, de sorte que des antennes existantes et dûment autorisées pouvaient être légèrement modifiées par les opérateurs en vue du déploiement de la 5G. Ces cas n'étaient acceptés que s'ils entraient dans les critères des modifications dites mineures établies par la Confédération (p. 5 s).
c. Lors de sa séance du 1er novembre 2019, le Grand Conseil a pris acte du rapport du Conseil d'État sur la M 2'538.
4) Le 4 février 2020, treize députés au Grand Conseil ont déposé conjointement un projet de loi (ci-après : PL), enregistré sous le numéro 12'644 et intitulé « Pour la mise en application immédiate du moratoire sur la 5G », qui prévoyait de modifier la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) en soumettant à autorisation à compter du 24 avril 2019 toute élévation, adaptation ou modification, sur le plan physique ou logiciel, des stations émettrices selon l'ORNI.
Selon l'exposé des motifs y relatif, le PL visait à rendre le dépôt d'une demande de permis de construire obligatoire pour toutes les nouvelles adaptations, même mineures, d'antennes de téléphonie mobile à la 5G, étant donné que de telles modifications avaient été acceptées par le Conseil d'État, malgré le moratoire institué par la M 2'538 (p. 2). En l'absence de tout contrôle, les opérateurs de téléphonie mobile installaient l'infrastructure nécessaire au déploiement de la 5G, au moyen de modifications mineures des antennes existantes ou de leur reprogrammation logicielle (p. 3, p. 8). Une publication officielle de la demande de permis de construire permettrait à la population d'être informée, de s'opposer à la demande et de faire recours. Des moyens supplémentaires seraient également donnés au Conseil d'État afin qu'il mette en application la M 2'538 et rétablisse la situation telle qu'elle était avant son dépôt (p. 2).
5) a. Le PL 12'644 a été examiné lors de la séance plénière du Grand Conseil du 27 février 2020, sans avoir fait l'objet d'un renvoi en commission.
b. Lors des débats, le conseiller d'État en charge du DT (ci-après : le conseiller d'État) a indiqué que le moratoire institué par la M 2'538 avait bien été mis en oeuvre, puisqu'aucune autorisation de construire n'avait été délivrée en lien avec la pose d'antennes de téléphonie mobile. Il n'en demeurait pas moins que les opérateurs de téléphonie, comme le prévoyait la loi, avaient essentiellement modifié les antennes existantes sur des logiciels, ce qui n'avait pas d'effet sur la fréquence utilisée ou sur la puissance desdites antennes. Il comprenait des diverses interventions des députés que le Grand Conseil souhaitait interdire toute autorisation de modification ou de construction d'une antenne, ce qui ne ressortait toutefois pas du texte du PL, qui se limitait à imposer à l'opérateur de demander à l'administration une autorisation à cette fin, sans pour autant préciser ce qu'elle devait répondre. Au regard du texte du PL, il souhaitait dès lors recevoir un mandat clair de la part du Grand Conseil sur ce que l'État devait autoriser ou non, ce qui ne ressortait pas du texte de la novelle mais de l'exposé des motifs relatif au PL en cause, dont il comprenait que le Conseil d'État devait soumettre à autorisation de construire toute transformation et adaptation des antennes existantes et les refuser pendant la période considérée. Ces refus se feraient toutefois sans base légale, puisqu'ils ne se fondaient sur aucune réflexion scientifique ni analyse, en l'absence de tout renvoi en commission, et risquaient d'être annulés en cas de contestation judiciaire.
c. À l'issue des débats, le Grand Conseil a adopté la loi 12'644, dont la teneur est la suivante :
« Art. 1 Modifications |
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), est modifiée comme suit : |
Art. 1, al. 1, lettre h (nouvelle) |
h) élever, adapter ou modifier, en tout ou partie, sur le plan physique ou logiciel, des stations émettrices soumises à l'ordonnance fédérale sur la protection contre le rayonnement non ionisant, du 23 décembre 1999. |
Art. 156, al. 4 (nouveau) |
Modification du 27 février 2020 |
4 L'article 1, alinéa 1, lettre h, de la présente loi s'applique dès le 24 avril 2019 pour une durée de 3 ans. |
Art. 2 Entrée en vigueur |
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle. » |
6) La loi 12'644 a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 6 mars 2020.
7) Le délai référendaire est venu à échéance le 15 avril 2020 sans avoir été utilisé.
8) Par arrêté du 1er juillet 2020, publié dans la FAO du 3 juillet 2020, le Conseil d'État a promulgué la loi 12'644, laquelle est entrée en vigueur le 4 juillet 2020.
9) Par acte expédié le 23 juillet 2020, A______, B______ et C______ (ci-après : les recourantes) ont conjointement interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la loi 12'644, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et principalement à l'annulation des deux dispositions introduites par ladite loi, le tout « sous suite de frais et dépens ».
La novelle était contraire au droit supérieur, la protection contre les rayonnements non ionisants étant assurée par le droit fédéral. Celui-ci prévoyait des valeurs limites qui respectaient largement le principe de précaution, et ne laissait aucune compétence aux cantons pour édicter des dispositions plus restrictives allant au-delà de celles figurant dans l'ORNI et qui visaient à protéger la population des rayonnements émis par les antennes de téléphonie mobile. L'inclusion des modifications dites logicielles dans la disposition contestée était également contraire à l'ORNI, qui définissait de manière exhaustive la notion de modification de l'installation, dont elles ne faisaient pas partie et qui n'avaient du reste aucun impact sur le rayonnement ou sur le visuel de l'antenne.
La loi en cause portait également atteinte à la liberté économique et à la garantie de la propriété, puisqu'elle aboutissait, dans les faits, à une interdiction absolue de toute modification d'une antenne, sans qu'elle réponde à un intérêt public ni ne respecte le principe de proportionnalité. En particulier, les modifications logicielles n'avaient aucun impact sur le rayonnement, si bien que le fait de les soumettre à autorisation ne contribuait pas à la protection recherchée par le législateur. S'agissant des modifications mineures, la mise en place d'une procédure simplifiée permettait d'atteindre un tel but, sans qu'il soit nécessaire de les soumettre à une procédure d'autorisation de construire complète, sauf à vouloir inutilement soumettre les opérateurs à une charge administrative et financière très importante.
De plus, cette loi introduisait un principe de rétroactivité qui les obligerait à déposer un nombre extrêmement élevé de demandes d'autorisation déjà au cours de la procédure afin de régulariser les modifications mineures effectuées depuis le 24 avril 2019, y compris les modifications logicielles qui pouvaient être apportées plusieurs fois par jour. De plus, il était dans de très nombreux cas impossible de réinstaller un équipement désuet désormais introuvable sur le marché, et il était encore moins envisageable de supprimer des corrections d'erreurs découvertes dans les logiciels, comme des failles de sécurité ou d'autres dysfonctionnements, qui risquaient de mettre en péril le bon fonctionnement et la stabilité du réseau mobile à Genève.
10) Le 13 août 2020, le Grand Conseil a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif au recours.
11) Le 8 septembre 2020, la présidence de la chambre constitutionnelle a octroyé l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.
12) Le 9 septembre 2020, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.
La loi 12'644 n'était pas contraire au droit supérieur, puisqu'en rendant obligatoire le dépôt d'une demande d'autorisation de construire pour toute nouvelle adaptation, même mineure, des antennes de téléphonie mobile, elle s'inscrivait dans une réglementation qui visait à assurer la sécurité publique dans le domaine des constructions, ce qui relevait du droit cantonal. Elle ne fixait au demeurant aucune valeur d'émission de rayonnement mais se limitait à préciser les modalités de la procédure de notification prévue par l'art. 11 ORNI. Même si l'objectif avancé par les auteurs du PL 12'644 était l'introduction d'un moratoire sur les antennes 5G, la disposition en cause ne le permettait pas, puisqu'elle ne prévoyait aucun refus systématique de la part de l'administration sur les demandes d'autorisation de construire déposées. Au contraire, la LCI imposait au département de délivrer l'autorisation sollicitée dès que les conditions en étaient réunies. La seule modification générée par la loi attaquée consistait à soumettre les modifications mineures des antennes à une procédure d'autorisation de construire en bonne et due forme, qui ne pouvait faire l'objet d'un recours que si le rayonnement de l'antenne était modifié.
La novelle ne portait pas non plus atteinte aux libertés invoquées par les recourantes et, au vu des enjeux en matière de rayonnement non ionisant, il n'était pas excessif de demander aux opérateurs de se soumettre au dépôt d'une demande d'autorisation de construire, même pour les modifications d'installations qu'ils jugeaient minimes. En l'absence de véritable procédure d'autorisation de construire, il existait un risque que des installations non conformes soient mises en service de manière dissimulée.
Le principe de non-rétroactivité n'était pas davantage violé, puisque l'obligation de régularisation ne portait que sur les installations encore existantes au moment de l'entrée en vigueur de la loi, laquelle cherchait à s'assurer que les modifications intervenues depuis lors étaient conformes à l'ORNI et aux prescriptions applicables du droit des autorisations de construire, ce qui n'entraînait pas non plus de démarches administratives disproportionnées.
13) Le 28 octobre 2020, le juge délégué a demandé au Conseil d'État de lui indiquer d'une part si des demandes d'autorisation avaient été traitées entre le 4 juillet et le 8 septembre 2020, avec leur sort le cas échéant, et, d'autre part, comment il entendait appliquer l'art. 1 al. 1 let. h LCI au cas où cette norme serait maintenue.
14) Le 12 novembre 2020, le conseiller d'État lui a répondu que ses services n'avaient émis aucune décision entre le 4 juillet et le 8 septembre 2020 s'agissant du traitement des demandes d'autorisation de construire liées à des projets de téléphonie mobile. En revanche, à la suite de la mise en demeure des opérateurs actifs dans ce domaine, plus d'une centaine de décisions de refus avaient été rendues par son département entre la fin du mois d'octobre et le début du mois de novembre 2020. S'agissant de l'application de l'art. 1 al. 1 let. h LCI, son texte n'était pas sujet à interprétation, si bien que le département soumettrait à la procédure d'autorisation de construire les éléments visés par cette disposition.
15) Le 12 janvier 2021, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 12 février 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
16) a. Le 5 février 2021, les recourantes ont persisté dans les termes et conclusions de leur recours.
Les explications laconiques du Conseil d'État passaient sous silence le fait qu'il pratiquait bien un moratoire sur la 5G, et ce depuis deux ans. Ainsi, la centaine de demandes d'autorisation déposées en lien avec des antennes de téléphonie mobile avaient été dans un premier temps suspendues par l'OAC, puis fait l'objet de décisions de refus, qui étaient pendantes devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Le but de la loi contestée allait dès lors au-delà de ce que le Grand Conseil voulait admettre, et ce en violation du droit fédéral.
b. Elles ont versé au dossier :
- un courrier de l'OAC à C______ du 27 août 2020 l'informant de la suspension de la demande d'autorisation n° DD 1______ à la suite du préavis du SABRA ;
- un préavis du SABRA du 13 juillet 2020 dans le même dossier, selon lequel l'instruction était à poursuivre, en raison de pièces complémentaires à fournir. En particulier, les travaux dirigés par l'office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) sur le déploiement de nouvelles antennes liées à la 5G de type adaptatif et sur la méthodologie de contrôle in situ du rayonnement étaient en cours, si bien que le canton réservait sa position sur la conformité de ce type d'installations à l'ORNI, dans l'attente du résultat desdits travaux, en application du principe de prévention ;
- un courrier de C______ du 11 septembre 2020 invitant l'OAC à solliciter le préavis du SABRA à brève échéance aux fins de la délivrance de l'autorisation sollicitée et à rendre une décision sujette à recours dans la DD 1______, ainsi qu'un autre courrier de même teneur du 6 octobre 2020 en lien avec plusieurs autres demandes d'autorisation ;
- une décision de l'OAC du 29 octobre 2020 refusant la demande d'autorisation n° DD 2______ requise par B______. Au vu des incertitudes liées aux risques de la 5G, le Conseil d'État avait décidé, au début du mois de décembre 2019 et à défaut de recommandations claires à ce sujet, de prolonger le moratoire instauré en avril et confirmé en octobre. En l'absence de la transparence nécessaire concernant l'exposition effective de la population due à ces antennes et d'indications précises de la Confédération nécessaires à évaluer le respect de l'ORNI, le projet devait être refusé, en vertu du principe de prévention ;
- un courrier du TAPI au conseil des recourantes du 14 janvier 2021 au sujet de l'organisation de la procédure, à la suite des quelque cent recours interjetés par les opérateurs contre les décisions de refus d'autorisation de construire prononcés par l'OAC en fin d'année 2020.
17) Le Grand Conseil ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1) a. La chambre constitutionnelle est l'autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE). Selon la législation d'application de cette disposition, il s'agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d'État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).
b. En l'espèce, le recours est formellement dirigé contre une loi cantonale, à savoir la loi 12'644 du 27 février 2020 modifiant la LCI, et ce en l'absence de cas d'application (ACST/31/2020 du 2 octobre 2020 consid. 2a).
2) Le recours a été interjeté dans le délai légal à compter de la promulgation de la loi 12'644 dans la FAO, qui a eu lieu le 3 juillet 2020 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il respecte également les conditions générales de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA. Il est dès lors recevable aussi sous cet angle.
3) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L'art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l'action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu'il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/25/2020 du 27 août 2020 consid. 4a).
Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n'est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l'acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 145 I 26 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 1.3).
La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_682/2019 du 2 septembre 2020 consid. 6.2.2 ; ACST/22/2019 du 8 mai 2019 consid. 3b).
b. En l'espèce, les recourantes disposent de la qualité pour recourir, dès lors qu'en leur qualité de sociétés opératrices de téléphonie mobile autorisées en Suisse, elles sont directement concernées par la loi litigieuse, qui soumet à autorisation toute installation, adaptation ou modification physique ou logicielle des antennes de téléphonie mobile sises sur le territoire cantonal. Le recours est par conséquent également recevable de ce point de vue.
4) À l'instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu'elle se prononce dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, s'impose une certaine retenue et n'annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme - ou non - au droit supérieur. Les explications de l'autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 146 I 70 consid. 4 ; 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2 ; ACST/26/2020 du 27 août 2020 consid. 5).
5) a. Les recourantes contestent la loi litigieuse, au motif qu'elle serait contraire au droit fédéral.
b. En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 146 II 309 consid. 4.1). Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 145 IV 10 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_425/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1).
6) a. À teneur de l'art. 92 Cst., les services postaux et les télécommunications relèvent de la compétence de la Confédération (al. 1). Celle-ci veille à ce qu'un service universel suffisant en matière de services postaux et de télécommunications soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays (al. 2).
b. En application de cette disposition, la loi sur les télécommunications du 30 avril 1997 (LTC - RS 784.10) garantit qu'un service de télécommunication universel sûr et d'un prix abordable soit fourni à toutes les catégories de la population et dans tout le pays (art. 1 al. 2 let. a LTC), notamment en permettant une concurrence efficace en la matière (art. 1 al. 2 let. c LTC). Les opérateurs téléphoniques qui se voient accorder une concession ont ainsi, conformément aux dispositions constitutionnelles et légales, une obligation de fournir de tels services (art. 14 al. 2 LTC).
7) a. Selon l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (al. 1) et veille à prévenir ces atteintes (al. 2). L'exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi (al. 3). Cette disposition ménage à la Confédération une compétence « globale » concurrente, non limitée aux principes, dotée d'un effet dérogatoire subséquent et lui donne un mandat de légiférer (ACST/25/2020 précité consid. 10a et les références citées).
b. La Confédération a concrétisé ce mandat législatif en adoptant la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01), dont le but est de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1 LPE). Elle prévoit que les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes doivent être réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). L'art. 11 LPE consacre ce principe et prévoit qu'indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions des pollutions atmosphériques, du bruit, des vibrations et des rayons (al. 1) dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (al. 2). Les émissions sont notamment limitées par l'application des valeurs limites d'émissions (art. 12 al. 1 let. a LPE). L'exécution de la LPE incombe aux cantons, sous réserve de l'art. 41 LPE (art. 36 LPE).
c. Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - fait l'objet d'une réglementation détaillée, par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI, à son annexe 1, qui fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils, des valeurs limites de l'installation (ch. 64 annexe 1 ORNI). Ces valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 et les références citées).
Si, après sa mise en service, une nouvelle installation est modifiée, les prescriptions relatives aux limitations d'émissions concernant les nouvelles installations sont applicables (art. 6 ORNI). Lorsqu'une ancienne installation est modifiée, les dispositions relatives à la limitation des émissions pour les nouvelles installations lui sont en principe applicables (art. 9 ORNI). Le ch. 62 al. 5 de l'annexe 1 ORNI précise la notion de modification d'une installation au sens de ces dispositions, soit : la modification de l'emplacement d'antennes émettrices (let. a) ; le remplacement d'antennes émettrices par d'autres ayant un diagramme d'antenne différent (let. b) ; l'extension par ajout d'antennes émettrices (let. c) ; l'augmentation de la puissance apparente rayonnée au-delà de la valeur maximale autorisée (let. d), ou la modification des directions d'émission au-delà du domaine angulaire autorisé (let. e). Les nouvelles et les anciennes installations ne doivent pas dépasser la valeur limite de l'installation dans les lieux à utilisation sensible dans le mode d'exploitation déterminant (ch. 65 de l'annexe 1 ORNI).
Selon l'art. 11 ORNI, avant qu'une installation pour laquelle des limitations d'émissions figurent à l'annexe 1 soit construite, réinstallée sur un autre site, remplacée sur son site ou modifiée, le détenteur doit remettre à l'autorité compétente en matière d'autorisations une fiche de données spécifiques au site (al. 1), qui doit contenir (al. 2) : les données actuelles et planifiées relatives à la technique et à l'exploitation de l'installation dans la mesure où elles sont déterminantes pour l'émission de rayonnement (let. a) ; le mode d'exploitation déterminant au sens de l'annexe 1 (let. b) ; des informations concernant le rayonnement émis par l'installation (let. c) ; un plan (let. d).
De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de respect de la valeur limite de l'installation dans les lieux à utilisation sensible où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c). Il appartient toutefois à l'autorité fédérale spécialisée, soit l'OFEV, de suivre l'évolution de la recherche et des connaissances en la matière. Cela étant, vu la marge de manoeuvre dont dispose le Conseil fédéral s'agissant de l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs. Le Tribunal fédéral a à cet égard encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances actuelles, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1 et les références citées).
Dès lors que l'ORNI règle exhaustivement la limitation préventive des valeurs limites d'émissions, il ne peut être imposé aux opérateurs des mesures supplémentaires, même si elles permettraient d'aller en-dessous desdites valeurs limites, sous réserve de nouvelles connaissances scientifiques (ATF 126 II 399 consid. 3c).
8) a. En vertu du droit fédéral, les installations de téléphonie mobile n'ont en principe pas à faire l'objet d'une planification spéciale ; elles doivent en priorité être érigées en zone constructible (ATF 138 II 173 consid. 5). Lorsque l'autorité cantonale ou communale décide d'établir une planification pour ce type d'installations, cette planification peut être positive, négative ou en cascade (ATF 141 II 245 consid 2.1). Les installations de téléphonie mobile peuvent en outre être soumises aux dispositions cantonales ou communales d'esthétique ou d'intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_371/2020 du 9 février 2021 consid. 3.2 et les références citées).
Ces normes doivent toutefois être appliquées dans les limites du droit supérieur, en particulier du droit fédéral de l'environnement d'une part et des télécommunications d'autre part : elles ne peuvent notamment pas violer les intérêts publics que consacre la législation sur les télécommunications et doivent tenir compte de l'intérêt à disposer d'un réseau de téléphonie mobile de bonne qualité et d'une concurrence efficace entre les fournisseurs de téléphonie mobile. En particulier, l'application des normes d'esthétique ou de protection des sites ne peut rendre impossible ou compliquer à l'excès la réalisation de l'obligation de couverture qui incombe à l'opérateur en vertu du droit fédéral (ATF 141 II 245 consid. 7.1 et 7.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_371/2020 précité consid. 3.2 et les références citées).
b. Amené à statuer sur la validité d'une initiative populaire communale qui prévoyait l'interdiction de toute installation de stations et d'antennes de communication mobile dans le village de D______, ne la rendant possible que dans la zone agricole entourant ledit village à une certaine distance de celui-ci, le Tribunal fédéral a considéré qu'un tel texte n'était pas admissible au regard des principes du droit fédéral et en l'absence de raisons techniques particulières. Le texte clair de ladite initiative apparaissait en outre particulièrement catégorique et ne conférait pas à l'autorité de marge de manoeuvre lui permettant d'accorder des dérogations. À cela s'ajoutait que la planification locale devait permettre à l'ensemble des opérateurs d'offrir leurs prestations et tenir compte des besoins futurs, en prévoyant une marge suffisante pour les développements des techniques de télécommunications et pour satisfaire à l'évolution de la demande dans ce domaine, afin de permettre aux opérateurs d'adapter leur réseau aux changements de circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 1C_371/2020 précité consid. 3.3 et 3.4).
c. Par ailleurs, le 3 mai 2019, l'OFEV et l'office fédéral de la communication (ci-après : OFCOM) ont publié, sur le site internet de l'OFEV (https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home.html), une prise de position commune intitulée « moratoires cantonaux sur les antennes de téléphonie mobile 5G et droit fédéral », aux termes de laquelle ils indiquaient que la Confédération avait exercé ses compétences en matière de rayonnement non ionisant en édictant la LPE et l'ORNI, si bien que les autorités cantonales et communales ne disposaient d'aucune marge de manoeuvre leur permettant d'élaborer des dispositions destinées à protéger la population contre le rayonnement des installations de téléphonie mobile sans outrepasser leurs compétences. Les cantons étaient en revanche responsables de l'octroi des autorisations pour les installations de téléphonie mobile, dans le respect de la procédure cantonale d'autorisation de construire. Pour déterminer si les conditions d'octroi d'un permis de construire étaient remplies, les cantons appliquaient non seulement le droit fédéral de l'environnement, mais aussi les dispositions cantonales du droit de la construction et de l'urbanisme. De telles dispositions n'étaient toutefois admissibles que si elles ne visaient pas à protéger la population contre le rayonnement non ionisant et qu'elles n'entraînaient pas une restriction illicite des émissions des installations de téléphonie mobile ou une violation des intérêts publics définis dans la législation sur les télécommunications. Si un moratoire sur la 5G adopté par un parlement cantonal devait être mis en oeuvre par les autorités dudit canton au moyen d'un acte législatif, les opérateurs de téléphonie mobile seraient en droit de contester ce dernier et de déposer un recours contre tout refus ou tout report d'autorisation pour une antenne. Il incomberait alors aux tribunaux compétents de décider si et dans quelle mesure ce moratoire violait le droit fédéral.
9) À Genève, à teneur de l'art. 1 al. 1 let. a LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation. Au sens de l'art. 1 let. d du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les ascenseurs et monte-charges, les installations de chauffage, de distribution d'eau, de gaz ou d'électricité et les antennes électromagnétiques. L'art. 14 al. 1 LCI prévoit que le département peut refuser les autorisations prévues à l'art. 1 lorsqu'une construction ou installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu'exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d), peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).
10) a. En l'espèce, la loi 12'644 vise à soumettre à la LCI, et donc à autorisation, toute élévation, adaptation ou modification, en tout ou en partie, sur le plan physique ou logiciel, des antennes de téléphonie mobile, et ce à compter du 24 avril 2019. Elle va dès lors au-delà de l'art. 1 al. 1 let. a LCI, qui soumet à autorisation uniquement l'élévation de telles antennes, en tant qu'elles constituent des installations au sens de cette disposition.
Elle va également au-delà de l'ORNI, qui définit, au ch. 62 al. 5 de l'annexe 1, la notion de modification d'une installation, qui comprend la modification de l'emplacement de l'antenne, son remplacement, son extension, l'augmentation de la puissance apparente rayonnée et la modification des directions d'émission, et pour laquelle une fiche de données spécifiques au site doit alors être remise à l'autorité selon l'art. 11 ORNI. Il en résulte que, pour toutes les modifications qui ne répondent pas à cette définition, comme une modification, tant sur le plan physique que logiciel, qui n'aurait pas de conséquence sur le rayonnement ou le modifierait en-dessous des valeurs limites fixées, aucune fiche ne doit être établie.
Or, en soumettant d'emblée toutes les modifications et adaptations d'antennes à autorisation de construire, même celles qui ne constituent pas des modifications au sens de l'ORNI, la disposition litigieuse vise, dans les faits, à remettre en cause les valeurs préventives des émissions fixées par l'ORNI, qui sont réglementées de manière exhaustive et qui ne permettent pas d'imposer des exigences supplémentaires aux opérateurs, même si elles ont pour effet de rester en-deçà desdites valeurs limites et même si elles sont dictées par le principe de prévention, lequel est réputé respecté par ces valeurs limites en l'état des connaissances actuelles.
De ce point de vue déjà, l'art. 1 al. 1 let. h LCI revient à compliquer, sinon à rendre impossible l'application du droit fédéral, si bien qu'il lui est contraire.
b. La loi litigieuse contrevient au droit fédéral également d'un autre point de vue, puisqu'elle ne se limite pas à soumettre à autorisation toute élévation, adaptation ou modification d'antennes de téléphonie mobile, en tout ou en partie, sur plan physique ou logiciel, mais vise en réalité à les empêcher, en application du principe de prévention.
En effet, il ressort de l'exposé des motifs relatif au PL 12'644 qu'à la suite de l'invite de la M 2'538 faite au Conseil d'État, seules les autorisations de construire pour l'extension du réseau de téléphonie mobile ont été suspendues dès le mois d'avril 2019, mais pas les modifications légères des antennes existantes ni celles portant sur les logiciels, ce qui a permis aux opérateurs de procéder auxdites modifications en vue du déploiement de la 5G. La novelle vise ainsi à conférer au Conseil d'État des moyens supplémentaires pour mettre en application cette motion, laquelle l'invitait à mettre en place un moratoire concernant les antennes 5G.
C'est d'ailleurs dans ce sens que le Conseil d'État a compris le texte du PL 12'644. En effet, lors de la séance plénière ayant vu l'adoption de la loi sans renvoi en commission, le conseiller d'État a indiqué qu'il comprenait devoir soumettre à autorisation de construire toute transformation et adaptation des antennes existantes et les refuser pendant la période considérée. C'est également dans ce sens que ladite loi, une fois entrée en vigueur, a été appliquée, contrairement à ce que soutient l'intimé. Il ressort en particulier des explications du conseiller d'État du 12 novembre 2020 ainsi que des pièces versées au dossier par les recourantes qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la loi litigieuse et ce jusqu'à la décision sur effet suspensif, les demandes d'autorisation de construire déposées par les recourantes ont été suspendues, en application du principe de prévention, dans l'attente du résultat des travaux dirigés par l'OFEV sur le déploiement des nouvelles antennes 5G et sur la méthodologie de contrôle du rayonnement, ce qui constitue à l'évidence un moratoire sur toutes les modifications relatives auxdites antennes de téléphonie mobile. Après la décision sur effet suspensif, à la suite de l'invite visant à mettre un terme à ladite suspension, l'OAC a rendu une centaine de décisions refusant les demandes d'autorisation de construire déposées par les recourantes, pour les mêmes motifs, les recours contre lesdites décisions étant actuellement pendants devant le TAPI.
Ce faisant, la loi litigieuse, sous le couvert de normes du droit des constructions, tend, dans les faits, à protéger la population contre le rayonnement des installations de téléphonie mobile, soit un autre but que celui visé par la LCI, alors même que ce domaine relève du droit fédéral. Le but réel de ladite loi et l'application qui en a été faite par l'autorité compétente, laquelle a d'abord suspendu toutes les demandes d'autorisation de construire avant de les refuser, a ainsi pour effet de rendre impossible, pour les recourantes, la réalisation de leur obligation de couverture, qui leur incombe en vertu du droit fédéral, si bien qu'elle lui est contraire. Elle ne permet ainsi plus aux sociétés opératrices de téléphonie mobile d'offrir leurs prestations en tenant notamment compte des besoins futurs et des développements des techniques de télécommunications, ni d'adapter leur réseau aux changements de circonstances, ce qui n'est pas admissible au regard des exigences posées par le droit fédéral des télécommunications et de l'environnement.
c. Il s'ensuit que le recours sera admis. La loi litigieuse sera annulée dans son intégralité, tant s'agissant de l'art. 1 al. 1 let. h LCI, qui soumet à autorisation toute élévation, adaptation ou modification, en totalité ou en partie, sur le plan physique ou logiciel, des antennes de téléphonie mobile, que de l'art. 156 al. 4 LCI, qui arrête la durée de validité de ladite mesure et qui en est la conséquence. Au regard de ce qui précède, il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les autres griefs des recourantes en lien avec la loi litigieuse.
11) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera accordée à chacune des recourantes, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 23 juillet 2020 par A______ SA, B______ AG et C______ SA contre la loi 12'644 « Pour la mise en application immédiate du moratoire sur la 5G » du 27 février 2020, promulguée par arrêté du 1er juillet 2020, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 3 juillet 2020 ;
au fond :
l'admet ;
annule la loi 12'644 précitée ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;
alloue trois indemnités de procédure de CHF 500.-, respectivement à A______ SA, B______ AG et C______ SA, à la charge de l'État de Genève ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Stephan Kronbichler, avocat des recourantes, au Grand Conseil ainsi que, pour information, au Conseil d'État, au Tribunal administratif de première et à l'office fédéral de l'environnement.
Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mmes Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.
Au nom de la chambre constitutionnelle :
la greffière-juriste :
C. Gutzwiller |
| le président siégeant :
J.-M. Verniory |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|