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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/9873/2021

CAPH/15/2024 du 12.02.2024 sur JTPH/86/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9873/2021 CAPH/15/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 12 FÉVRIER 2024

 

Entre

A______, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 22 mars 2022 (JTPH/86/2022), représentée par Me Guillaume FATIO, avocat, BMG Avocats, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Audrey PION, avocate, Locca Pion & Ryser, promenade du Pin 1, Case postale, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/86/2022 du 22 mars 2022, notifié aux parties le 23 mars 2022, statuant d'office, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 11 octobre 2021 par B______ contre A______ (ch. 1 du dispositif) et réservé la suite de la procédure (ch. 2).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 9 mai 2022, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à ce que la demande formée le 11 octobre 2021 à son encontre par B______ soit déclarée irrecevable, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au déboutement de l'appelante de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 24 novembre 2022.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. A______ est un établissement bancaire sis à Genève.

b. B______ a été employée par A______ pendant plusieurs années.

c. Le 9 février 2021, A______ a licencié B______ pour le 30 juin 2021.

d. Le 8 avril 2021, B______ a élevé diverses prétentions contre A______, au motif que son congé était abusif.

e. Le 29 avril 2021, A______ a contesté le caractère abusif du licenciement et opposé une fin de non-recevoir aux prétentions de B______.

f. Par acte du 11 mai 2021, B______ a formé auprès du Tribunal des prud'hommes une requête de conciliation dirigée contre A______, dans laquelle elle a conclu préalablement à ce qu'il soit dit et constaté que le licenciement qui lui avait été signifié le 9 février 2021 était abusif et, cela fait, à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle avait le droit de participer au plan social entré en vigueur le 3 novembre 2020.

Sous la rubrique intitulée "Valeur litigieuse", elle a indiqué: "La présente action en constatation de droit n'est pas de nature pécuniaire. La valeur litigieuse peut toutefois être estimée à 150'000 fr.".

Sous la rubrique "Objet du litige", elle a précisé notamment qu'elle se voyait obligée d'agir par la voie de l'action en constatation de droit, dès lors qu'une action condamnatoire n'était pas ouverte.

g. L'autorité de conciliation a déclaré la cause non conciliée à l'audience du
10 juin 2021, lors de laquelle les deux parties ont comparu.

Elle a délivré à B______ une autorisation de procéder mentionnant les conclusions de sa requête.

h. Par acte du 11 octobre 2021, B______ a introduit devant le Tribunal des prud'hommes une demande dans laquelle elle a conclu principalement à ce que A______ soit condamnée à lui payer une somme totale de 266'110 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif, d'indemnité de participation au plan social, de gratification et d'indemnité pour tort moral.

i. Le 15 novembre 2021, le Tribunal a imparti à A______ un délai de 30 jours pour répondre à la demande, qu'il a prolongé au 28 janvier 2022 à la requête de celle-ci.

j. Par courrier adressé au Tribunal le 3 janvier 2022, A______ a contesté la recevabilité de la demande, au motif que les conclusions de celles-ci différaient de celles figurant dans l'autorisation de procéder et que la validité de cette dernière lui semblait "douteuse". Elle a sollicité que la procédure soit limitée à la recevabilité de la demande.

k. Invitée à se déterminer, B______ a contesté que sa demande soit irrecevable, indiquant notamment qu'il ne lui était pas possible de réclamer les montants dus devant l'autorité de conciliation, dès lors que ses créances n'étaient pas encore exigibles à ce moment. Elle s'est opposée à la limitation de la procédure aux questions de recevabilité.

l. Les parties se sont encore déterminées par courriers des 28 février et 15 mars 2022, persistant dans leurs conclusions.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'au moment du dépôt de la requête et de l'audience de conciliation, les prétentions de l'employée n'étaient pas exigibles, de sorte que celle-ci ne pouvait alors pas prendre de conclusions condamnatoires. Lesdites prétentions étaient devenues exigibles entre l'autorisation de procéder et l'introduction de la demande et l'employée avait pris dans celle-ci des conclusions condamnatoires, qui concernaient les mêmes parties et le même objet du litige. Ses conclusions nouvelles présentaient ainsi un lien de connexité évident avec les prétentions ayant fait l'objet de la procédure de conciliation et le but de ladite procédure avait été atteint. La demande était dès lors recevable et il était en tout état disproportionné de nier sa recevabilité en raison d'un éventuel défaut d'intérêt à agir en constatation au moment de la conciliation, alors même qu'un tel défaut n'existait plus dans la demande et que l'autorité de conciliation n'était pas habilitée à statuer sur le fond.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes non patrimoniales ou, dans les causes patrimoniales, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, la décision par laquelle le Tribunal a admis la recevabilité de la demande est une décision incidente, puisqu'une décision contraire de l'instance de recours aurait pour effet de mettre fin au procès (cf. art. 237 CPC), et la valeur litigieuse devant le premier juge s'élève à plus de 80'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte, ce qui n'est pas contesté.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours et suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen, dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent litige (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 310 CPC).

2.             L'appelante reproche notamment au Tribunal d'avoir retenu que l'intimée pouvait valablement modifier les conclusions de sa demande par rapport à celles figurant dans l'autorisation de procéder, dès lors que ses nouvelles conclusions se trouvaient dans un rapport de connexité avec ses conclusions initiales. Cette question étant susceptible de sceller le sort de l'appel, il convient de l'examiner en priorité.

2.1 Sauf exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte en l'occurrence (cf. art. 198 et 199 CPC), la loi prévoit que la procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC), dont la tâche consiste avant tout à tenter de trouver un accord entre les parties de manière informelle (art. 201 al. 1 CPC).

2.1.1 La procédure est introduite par la requête de conciliation, laquelle contient la désignation de la partie adverse, les conclusions et la description de l'objet du litige (art. 202 al. 1 et 2 CPC). Ces deux dernières exigences permettent de circonscrire le litige et d'assurer une certaine prévisibilité au processus de conciliation et à ses éventuelles suites procédurales (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 du 8 mai 2018 consid. 4.1.1 et les réf. citées).

Lorsque la tentative de conciliation n'aboutit pas, l'autorité de conciliation délivre une autorisation de procéder qui, dans le cas général régi par l'art. 209 al. 1 let. b et al. 3 CPC, permet au demandeur de porter l'action devant le tribunal dans un délai de trois mois. L'autorisation de procéder contient notamment les conclusions du demandeur et la description de l'objet du litige (art. 209 al. 2 let. b CPC).

2.1.2 Par la suite, la procédure ordinaire est introduite par le dépôt de la demande (art. 220 CPC). Celle-ci contient notamment les conclusions, l'indication de la valeur litigieuse et les allégations de fait (art. 221 al. 1 let. b à d CPC).

L'objet du litige est déterminé par les conclusions de la demande et par les faits invoqués à l'appui de celle-ci, à savoir par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 142 III 210 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 cité consid. 4.1.1 avec réf.). La litispendance – qui, le cas échéant, intervient lors du dépôt de la requête de conciliation (cf. art. 62 CPC) – fixe l'objet du litige, mais le CPC apporte d'importantes exceptions à ce principe. A certaines conditions, qui dépendront du stade du procès, les conclusions peuvent ainsi être modifiées après la création de la litispendance – avec ou sans modification de l'objet du litige – par la production d'une prétention nouvelle ou amplifiée; la réduction des conclusions est toujours possible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 cité consid. 4.1.1 avec réf.).

2.1.3 Dans la procédure au fond, entre l'échange d'écritures et les débats principaux en première instance (art. 220 ss CPC), l'art. 227 al. 1 CPC prévoit que la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie: la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a); la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

Il est notamment admis que, par application analogique de cette disposition, les conclusions peuvent également être modifiées ou complétées lors de la phase de conciliation, soit entre le dépôt de la requête et la remise de l'autorisation de procéder. Cette dernière doit alors mentionner les modifications opérées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 cité consid. 4.1.1 avec réf.).

2.1.4 Les conclusions de la demande doivent en principe correspondre à celles reproduites dans l'autorisation de procéder (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 cité consid. 4.1.1 avec réf.).

Dans l'arrêt 4A_222/2017 cité ci-dessus, le Tribunal fédéral a admis que les conclusions de la demande peuvent cependant s'écarter de celles figurant dans l'autorisation de procéder, aux conditions de l'art. 227 CPC. En effet, si une nouvelle conclusion peut être ajoutée sans préalable de conciliation après le dépôt de la demande, conformément à l'art. 227 al. 1 CPC, il doit en aller de même lorsque la modification intervient après la délivrance de l'autorisation de procéder, dans la demande. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, par son emplacement dans la loi, cette disposition s'applique à la modification des conclusions au cours de la procédure de première instance proprement dite. Seule une application par analogie ("sinngemäss") entre en ligne de compte entre la délivrance de l'autorisation de procéder et le dépôt de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2017 cité consid. 4.1.1. et 4.1.2, avec réf.).

Les auteurs cités par le Tribunal fédéral précisent notamment que tout changement de conclusions constitue de facto une modification de la demande au sens de l'art. 227 CPC, qu'il s'agisse d'une amplification, d'une réduction, d'un changement de nature ou d'un abandon. De nouvelles prétentions sont ainsi admissibles aux conditions fixées par cette disposition, soit notamment le remplacement d'une action en constatation par une action en exécution (p. ex. pour réclamer la restitution de ce qui a été payé entre-temps dans une procédure de poursuite) ou la transformation d'une action en constatation en une action formatrice (p. ex. prononcer la dissolution d'une société simple pour justes motif, au lieu de constater sa dissolution ensuite de dénonciation du contrat; Schweizer, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 14 ad art. 227 CPC; Willisegger, in Basler Kommentar, Zivilprozessordnung, 3ème éd, 2017, n. 33 ad art. 227 CPC et les réf. citées).

2.1.5 Dans un arrêt 4A_235/2016 du 7 mars 2017, le Tribunal fédéral a considéré que le fait pour une partie de chiffrer dans un second temps des conclusions en paiement visant une partie appelée en cause, alors qu'elle était en mesure de chiffrer d'emblée ses éventuelles prétentions contre celle-ci, ne constituait pas une modification desdites conclusions, au sens de l'art. 227 CPC, puisque ces dernières n'étaient en réalité ni augmentées, ni réduites. Compte tenu de l'art. 84 al. 2 CPC, qui imposait de chiffrer d'entrée de cause les conclusions en paiement, ceci entraînait l'irrecevabilité de l'action, soit dans ce cas celle de l'appel en cause (arrêt du Tribunal fédérant 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.3 et 2.4).

2.2 En l'espèce, il est constant que l'intimée a pris dans sa demande des conclusions condamnatoires tendant au paiement d'une somme totale de 266'110 fr., alors qu'elle avait initialement pris dans sa requête de conciliation des conclusions constatatoires concernant le caractère abusif de son licenciement et son droit de participer à un plan social. Seules ces dernières ont été consignées dans l'autorisation de procéder qui lui a été délivrée.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'intimée n'a ce faisant pas chiffré des conclusions en paiement qu'elle aurait initialement omis de chiffrer, ce qui n'est pas admissible au regard de l'art. 84 al. 2 CPC. Elle a pris des conclusions nouvelles, dont la nature diffère de celle de ses conclusions initiales et dont l'étendue va au-delà de celles-ci, puisque qu'elles supposent non seulement d'examiner, à titre préjudiciel, la licéité du congé et l'éventuelle participation de l'intimée à un plan social, mais également et surtout de déterminer les montants susceptibles d'être dus à celle-ci à ces différents titres. Dans sa demande, l'intimée conclut également au paiement de diverses sommes à titre de gratification et de réparation du tort moral, prétentions qui ne figuraient pas dans sa requête. Ces conclusions nouvelles et/ou augmentées constituent ainsi une modification de la demande au sens de l'art. 227 al. 1 CPC.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, une telle modification est admissible, pour autant que les conditions prévues par cette disposition, appliquées par analogie, soient respectées. Il serait en effet inconséquent que l'intimée soit admise à modifier sa demande au cours de la procédure au fond, entre le premier échange d'écritures et les débats principaux, aux conditions de l'art. 227 al. 1 CPC et sans conciliation préalable, mais qu'elle ne soit pas admise à le faire entre l'autorisation de procéder et l'introduction de sa demande au fond. En l'occurrence, les prétentions nouvelles de l'intimée sont dirigées contre la même partie et concernent le même complexe de fait que ses conclusions initiales, à savoir son licenciement par l'appelante et les conséquences dudit licenciement. Les premières sont donc en relation de connexité avec les secondes et les conditions prévues à l'art. 227 al. 1 let a CPC sont donc réalisées, ce qui n'est pas réellement contesté.

La modification des conclusions de l'intimée ne fait donc pas obstacle à la recevabilité de sa demande. Comme l'a relevé le Tribunal, le comportement de l'intimée n'apparaît par ailleurs pas critiquable, dès lors que ses prétentions en paiement n'étaient vraisemblablement pas exigibles à l'époque de la conciliation, puisque les rapports de travail n'avaient pas encore formellement pris fin (cf. art. 339 al. 1 CO). Il eût été notamment excessif d'exiger de l'intimée qu'elle attende la fin de son délai de congé pour entamer contre l'appelante une procédure de conciliation, aux seules fins que ses prétentions en paiement soient d'emblée exigibles, alors que les deux parties savaient que le bien-fondé du congé était contesté.

Il n'y a dès lors pas lieu d'annuler le jugement entrepris pour ces motifs.

3.             L'appelante soutient également que l'autorisation de procéder délivrée à l'intimée ne serait pas valable, indépendamment des conclusions prises ensuite par celle-ci, dès lors que l'intimée ne disposait selon elle d'aucun intérêt digne de protection à agir en constatation de droit. Ne reposant pas sur une autorisation de procéder valable, la demande ne serait dès lors pas recevable.

3.1 En vertu de l'art. 59 al. 1 CPC, il n'est entré en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action.

3.1.1 Parmi les conditions de recevabilité de l'action figure le fait que la partie demanderesse possède un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC).

L'action en constatation de droit n'est ainsi ouverte que si le demandeur a un intérêt - de fait ou de droit - digne de protection à la constatation immédiate de la situation de droit. L'action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à une action condamnatoire ou une action formatrice. Un litige doit en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet (ATF 135 III 378 consid. 2.2 arrêt 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1). 

3.1.2 Dans la procédure ordinaire soumise à l'essai préalable de conciliation, la partie demanderesse ne peut déposer sa demande qu'après avoir reçu du juge conciliateur l'autorisation de procéder (cf. art. 209 CPC; Schweizer, op. cit., n. 63 ad art. 59 CPC). Cette condition de recevabilité de la demande n'est pas inscrite à l'art. 59 CPC. Elle est cependant mentionnée dans le message (FF 2006 p. 6941) et reconnue par la jurisprudence (ATF 139 III 273 consid. 2.1 et les réf.; Schweizer, op. cit., n. 64 ad art. 59 CPC).

L'autorisation de procéder doit être valable. Elle ne doit notamment pas être périmée et doit porter sur le même objet du litige et les mêmes parties principales que la demande. Elle ne doit pas être entachée d'un vice, par exemple l'incompétence manifeste de l'autorité qui l'a prononcée, le doute objectif quant à l'impartialité de l'autorité, ou encore le défaut du demandeur sans motif de dispense. Le juge doit s'assurer d'office du respect du préalable de conciliation lorsque la loi l'impose (ATF 139 III 273 consid. 2.1; Schweizer, op. cit., n. 65 ad art. 59 CPC).

3.2 En l'espèce, l'autorité de conciliation saisie était compétente pour concilier les parties en matière prud'homale, l'impartialité du juge conciliateur n'est nullement remise en cause par celles-ci et l'intimée a dûment comparu au stade de la conciliation. Aucun des vices envisagés dans les principes rappelés ci-dessus n'affecte donc l'autorisation de procéder litigieuse.

Le seul fait que l'autorisation de conciliation ait été saisie de conclusions constatatoires qui auraient par hypothèse été déclarées irrecevables si elles avaient été portées devant le Tribunal, mais qui ne l'étaient pas encore nécessairement au stade de la conciliation, puisque les prétentions en paiement de l'intimée n'étaient alors vraisemblablement pas exigibles (cf. art. 339 al. 1 CO), ne saurait quant à lui entraîner l'invalidité de ladite autorisation de procéder. Une telle conséquence aurait notamment pour effet de priver la partie requérante de la possibilité de modifier ses conclusions dans sa demande, aux conditions de l'art. 227 al. 1 CPC, alors qu'une telle modification est en principe admissible, ainsi qu'il a été retenu ci-dessus (consid. 2.2). Plus généralement, il est douteux qu'une demande dont les conclusions sont irrecevables puisse ou doive (également) être déclarée irrecevable parce que l'autorisation de procéder reprenant lesdites conclusions serait invalide du fait de cette irrecevabilité, plutôt qu'en raison (seulement) de cette irrecevabilité elle-même, telle que constatée d'office par le juge du fond. En effet, le juge conciliateur n'a pas pour mission de contrôler le bien-fondé ni la recevabilité des conclusions qui lui sont soumises et ledit juge n'est pas habilité à rendre une décision sur ces questions, ainsi que l'a justement relevé le Tribunal. Il n'appartient pas davantage au juge du fond d'examiner la validité de l'autorisation de procéder sous ces aspects spécifiques.

L'autorisation de procéder litigieuse est ainsi valable et la recevabilité de la demande ne saurait davantage être remise en cause pour ce motif. Le jugement entrepris sera donc confirmé.

4.             En raison de la valeur litigieuse supérieure à 50'000 fr., des frais judiciaires doivent être perçus pour la procédure d'appel (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Ceux-ci seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 71 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La procédure d'appel ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 mai 2022 par A______ contre le jugement JTPH/86/2022 rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/9873/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.