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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/13509/2021

CAPH/127/2023 du 05.12.2023 sur JTPH/328/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13509/2021-4 CAPH/127/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 5 DECEMBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ (Genève), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 25 octobre 2022 (JTPH/328/2022), représentée par
Me Christian GROSJEAN, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12,

 

et

Madame B______, domiciliée ______ (Genève), intimée, représentée par
Me Julie DE HAYNIN, avocate, DHB Avocats, rue du Général-Dufour 22,
1204 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/328/2022 rendu le 25 octobre 2022, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 12 novembre 2021 et rectifiée le 14 décembre 2021 par B______ contre A______ SA (ch. 1 du dispositif), condamné cette dernière à verser à B______ la somme nette de 32'737 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021 (ch. 2), condamné A______ SA à remettre à B______ un certificat de travail établi sur la base de la pièce 18 produite par cette dernière dont la phrase "(…) a été libérée de son obligation de travailler dès le 8 janvier 2021 (…)" aura été supprimée (ch. 3), dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas prélevé de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 25 novembre 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ SA a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Cela fait, elle a conclu au rejet de la demande, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse du 6 janvier 2023, B______ a conclu à ce que le jugement entrepris soit confirmé et à ce que A______ SA soit condamnée en tous les frais judiciaires, ainsi qu'aux dépens à hauteur de 13'925 fr. pour la première instance et de 5'400 fr. pour la seconde instance.

c. Par réplique du 9 février 2023 et duplique du 10 mars 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 5 avril 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme inscrite à Genève, dont le but est toute activité d’administration et de gestion.

Elle est, notamment, administrée par C______ et D______, lesquels disposent de la signature collective à deux.

b. La société exerce son activité en faveur de E______ SA, société anonyme sise à Genève, dont le but est l’exploitation d’une entreprise générale.

C______ en est également administrateur. D______ et F______ font partie des directeurs. Tous ont le pouvoir de signature collective à deux.

c. Par contrat de travail à durée indéterminée signé le 20 décembre 2013, B______ a été engagée par A______ SA à temps plein en qualité d’employée de bureau à partir du 1er janvier 2014 pour le département Administration, Gestion et Finances (ci-après : "AGF"). Elle a été promue au poste d’assistante aux services AGF et Achats dès le 1er juillet 2014 pour un salaire mensuel brut de 5'400 fr. versé treize fois l’an; en 2021, son salaire mensuel brut s’élevait à 6'100 fr.

d. Au début de l'année 2020, l’équipe du service Achats était composée de B______, de G______, de H______ et de leurs supérieurs hiérarchiques, soit I______, responsable des achats, et F______, directeur du service.

L’ambiance au sein de ce service était bonne. Les collègues sortaient régulièrement ensemble. B______ était appréciée tant de ses collègues que de ses supérieurs.

Avant cette date (mais à une date indéterminée), I______ avait été en congé maternité, après une grossesse délicate ayant nécessité un congé maladie.

e. Selon la fiche d'entretien relative à l'année 2017 et, plus particulièrement, selon les appréciations faites par l’employeuse sur la qualité du travail de B______, cette dernière effectuait un travail appliqué et rigoureux, mais avait à un moment eu une attitude négative, qui avait toutefois fait l’objet d’un changement positif.

Pour l’année 2018, la fiche d’entretien relevait, en substance, que le service Achats avait retrouvé son esprit d’équipe et sa bonne humeur; étaient soulignés l’implication de B______ et la qualité de son travail.

Pour l’année 2019, la fiche d’entretien indiquait, notamment, que l’année avait été chargée, avec une nouvelle réorganisation et une forte augmentation de la charge de travail. Il était mentionné que B______ avait su prendre à sa charge de nouveaux approvisionnements, qu'elle avait appris à décortiquer les soumissions et qu'elle avait déchargé sur de nombreux sujets ses supérieurs, qui allaient continuer à s’appuyer et à compter sur elle; il convenait de poursuivre cette bonne collaboration en gardant la bonne ambiance qui caractérisait le service Achats.

Il ressort également des fiches d'entretien pour les années 2018 et 2019 que B______ avait émis le souhait de "ne plus faire les contrats de ST [sous-traitance] non gérés par les achats", tâche qui avait néanmoins été maintenue.

Entendue en qualité de témoin, I______, employée de A______ SA depuis le 1er février 2011, a déclaré qu'hormis en 2017, elle n’avait pas eu à faire de remarques spécifiques sur le travail de B______ et en était contente.

f. En janvier 2020, B______ a appris sa grossesse et l’a immédiatement annoncée à I______, ainsi qu’à F______.

g. En mars 2020, les employés du service Achats, hormis F______, ont été mis en télétravail en raison de la pandémie du COVID.

h. Le 31 mars 2020, l’ex-compagnon de B______ – avec qui elle avait rencontré d'importantes difficultés personnelles et dont elle s'était récemment séparée – a envoyé un courriel aux collègues et supérieurs de cette dernière, notamment H______, G______, I______ et F______, dans le but de se venger et de nuire à sa réputation. Ce courriel contenait des commentaires négatifs sur les collègues et supérieurs de B______, dont cette dernière aurait prétendument fait part à son ex-compagnon dans un cadre privé.

Cet email a été retransmis par I______ à B______. Sur conseil de sa supérieure hiérarchique, cette dernière a alors envoyé un email d’excuses aux différents destinataires et expliqué que son ex-compagnon n’acceptait pas leur séparation. Les destinataires n’ont pas réagi.

Selon l'employée, alors qu’elle dialoguait auparavant avec ses collègues sur WhatsApp, elle n’avait plus eu aucun contact avec eux après l’envoi de ce courriel. Lorsqu’elle avait appelé G______ pour s’excuser, cette dernière lui avait répondu que c’était trop tard et que le mal était fait.

Entendue en qualité de témoin, G______, employée de A______ SA depuis le 1er mai 2014 en qualité d'acheteur, a confirmé avoir reçu ce courriel, ce qui avait été un peu choquant et désagréable. Il y avait un passage sur chaque membre du service, dont un la concernant. Elle n’avait pas été contente. B______ lui avait téléphoné et elle avait accepté ses excuses. Mais elle avait bloqué cette dernière sur Facebook. Avant cet email, leurs relations étaient cordiales et elles partageaient des moments amicaux à l’extérieur du travail. Toutefois, leurs relations avaient évolué au fil des années et elles n'étaient déjà plus les même avant l'envoi dudit courriel.

I______ a expliqué n'avoir pas eu de sentiment particulier à l’égard de B______ suite à ce courriel. Entre 2014 et 2020, l’ambiance de travail au service Achats était bonne et il n’y avait pas eu de dégradation de cette ambiance suite à l’email de l’ex-compagnon.

Entendu comme témoin, F______, employé de la société depuis 2009, avait trouvé que ce courriel portait atteinte à son équipe. Il n’avait pas eu de sentiment spécial par rapport à cet email et essayait de faire la part des choses entre le privé et le professionnel. Les propos contenus dans cet email étaient en partie diffamatoires et certains l’avaient mal vécu. Ils en avaient discuté entre eux et étaient arrivés à la conclusion qu’il y avait des choses bien plus importantes. Il ne savait plus s’il s’était inquiété de savoir comment B______ avait vécu l’envoi de cet email, mais, selon lui, il était sûr que son contenu n’avait pas été inventé.

i. En raison de complications médicales liées à sa grossesse, B______ a dû être alitée et s’est trouvée en incapacité de travail du 6 avril au 6 juin 2020.

Il n'est pas contesté en appel que H______ a quitté le service Achats durant cette période.

j. Dans le courant du mois de mai 2020, F______ a contacté B______ et l’a priée de restituer son ordinateur et son téléphone portables. Elle a alors craint de perdre son emploi.

k. Pour pallier à l'absence de B______, le service Achats a recouru à une remplaçante en la personne de J______, laquelle travaillait au taux de 80%.

D______ a, en sa qualité de représentant de A______ SA, déclaré au premier juge que les personnes absentes pour une longue durée étaient remplacées. J______ travaillait déjà pour la société depuis de nombreuses années. Elle s'occupait des chantiers et maîtrisait les contrats de sous-traitance, ce qui faisait d'elle un profil polyvalent pouvant s'occuper des tâches que B______ n'aimait pas trop faire (les contrats de sous-traitance).

Selon F______, l'expérience de J______ dans la rédaction des contrats de sous-traitance et dans les chantiers était intéressante pour le service.

Selon I______, le service Achats avait dû s’organiser pour assurer la charge de travail de B______, qui était importante. Il était coutumier de remplacer à l'interne les collaborateurs pendant des absences de longue durée. Au sein du service Achats, il n’avait alors pas été question de licenciement.

Entendue en qualité de témoin, J______, employée depuis juillet 2012, a indiqué avoir travaillé dans le département Entreprise Générale jusqu’à fin 2019, puis au service Comptabilité par manque de travail au service Entreprise Générale, avant de connaître une période de chômage partiel. Elle était revenue au service Comptabilité vers mai-juin 2020 et sa direction lui avait demandé d’effectuer un remplacement au service Achats.

l. Le lundi 8 juin 2020, B______ est revenue travailler dans les locaux de A______ SA, après avoir été déclarée apte au travail par son gynécologue. Elle a été installée dans un bureau fermé et adjacent à l'open space dans lequel elle travaillait habituellement avec ses collègues. Ses supérieurs lui ont alors confié l’unique tâche de scanner et classer des factures en les vérifiant page par page.

B______ a déclaré au Tribunal que I______ lui avait préalablement annoncé qu'elle ne pouvait pas lui redonner son poste et qu'elle allait scanner des factures, dans la mesure où elle ne s'était pas attendue à ce qu'elle revienne travailler vu sa grossesse compliquée et où il avait fallu lui trouver quelque chose à faire.

Selon l'ancienne employée, elle avait déjà scanné des factures au début de son activité en 2014, mais depuis qu'elle avait rejoint le service des achats, cela n'était intervenu que de manière ponctuelle. On ne lui avait pas rendu son ordinateur ni les accès à sa session et à sa boîte de messagerie électronique et elle avait dû travailler sur l'ordinateur du bureau des factures. Elle avait contacté le responsable informatique qui lui avait indiqué qu’il s’agissait des instructions de F______. A la suite de cet échange, elle avait finalement récupéré accès et session le jeudi suivant, mais il ne s'agissait pas des mêmes accès qu'au service des Achats et elle avait constaté que sa messagerie électronique avait été vidée de son contenu, sans qu’elle n’en ait été préalablement informée. Elle avait eu un entretien avec F______ le vendredi matin et lui avait demandé si la tâche de scannage des factures était une punition consécutive au courriel de son ex-compagnon. Il lui avait répondu que cet email l’avait mis en colère, de même que les autres destinataires. Elle lui avait fait part de son désarroi et il lui avait répondu qu'elle n'avait pas à parler de la vie de la société chez elle. F______ lui avait également indiqué que la suppression de ses accès informatiques résultait d’une erreur, car il ne pensait pas qu’elle reviendrait travailler avant son accouchement.

B______ a allégué qu'elle s'était sentie rejetée et stigmatisée par ses collègues et que cette situation avait provoqué un état de stress.

I______ a indiqué que l'ancienne employée ne lui avait pas dit qu'elle ne pensait plus revenir au travail jusqu'à son accouchement. Cette dernière l'avait en particulier avertie de son retour au mois de juin 2020. I______ a confirmé que F______, D______ et elle-même avaient décidé d’aménager sa place de travail dans un bureau fermé, vu sa santé fragile, le service des Achats travaillant dans un open space. Elle ne savait plus si B______ avait été informée de cette démarche. Il lui avait été demandé de numériser et classer les nombreuses factures fournisseurs et sous-traitants. Elle-même effectuait aussi du scannage de documents. Elle pensait que B______ avait été déçue de ne pas retrouver son poste comme elle l’avait quitté. Il était possible qu’elle lui ait elle-même expliqué les raisons de l’organisation des tâches au sein du service Achats, mais elle n’avait pas eu d’entretien personnel avec elle à ce moment-là. Elle avait demandé à G______ de continuer à travailler avec J______ au retour de B______ afin d’assurer le suivi des dossiers. Cette dernière aurait certes pu effectuer des tâches du service Achats dans le bureau séparé, mais deux assistantes n'étaient alors pas nécessaires.

G______ a expliqué que, lorsque l'équipe était revenue dans les locaux au début du mois de mai 2020, J______ avait remplacé B______ et rejoint l’équipe. La charge de travail était telle qu’ils avaient eu besoin de ce remplacement. B______ l'assistait dans ses tâches. J______ avait pris le relais en son absence. Elle avait continué à travailler avec J______ au retour de B______, faute d’instructions différentes de la hiérarchie. Elle avait très peu échangé avec l'ancienne employée durant cette semaine. Son retour au début du mois de juin 2020 ne l'avait pas surprise. Le scannage des factures ne constituait pas la part la plus importante des tâches de B______. Il s’agissait d’une tâche annexe effectuée par tous.

F______ a déclaré que B______ l’avait prévenu qu’elle reviendrait travailler en juin 2020 quelques jours avant son retour. Il avait préparé son retour en tenant compte de son statut de personne vulnérable et du fait qu’elle revenait provisoirement, compte tenu de son accouchement en automne. Il pensait qu'elle pouvait subir un nouvel arrêt de travail vu la manière subite dont elle avait été arrêtée au mois de mars 2020, mais n’était pas au courant des antécédents médicaux liés à sa grossesse. Selon lui, le service avait besoin de continuité dans la gestion des affaires courantes, raison pour laquelle B______ n’avait pas retrouvé ses tâches habituelles à son retour. Cela lui avait été expliqué par lui-même ou I______. Elle n'en avait pas été contente et le lui avait fait comprendre. La numérisation des factures était de la responsabilité du service AGF et il avait été décidé, de concert avec K______, de lui attribuer cette tâche. B______ avait toujours travaillé au moins à 20% pour le service AGF.

Interrogée en qualité de témoin, K______, directrice du service AGF depuis septembre 2018, a indiqué que B______ avait travaillé dans son service à hauteur de 20% de son temps de travail dans un premier temps. Elle avait ensuite été débordée. B______ s’était encore occupée des leasings jusqu’à ce qu’elle parte, mais une autre assistante avait effectué la rédaction des courriers. Elle avait discuté avec F______ des tâches à attribuer à B______ à son retour d’arrêt maladie et il avait été décidé qu’elle s’occuperait de scanner les factures en retard, car ils étaient entre deux systèmes. Cette tâche avait été effectuée jusqu’en février 2020 par L______, employé de bureau au service AGF. Le nouveau système de validation de factures avait été mis en place dès cette date. Au mois de février 2020, il y avait un retard de trois ans dans le scannage des factures. Cette tâche correspondait à de l’archivage et avait par la suite été externalisée. Le scannage en fin de validation des factures faisait partie des tâches de B______. L'ancienne employée avait été placée dans un bureau à part afin d’être protégée du COVID. Elle devait se lever pour effectuer la numérisation des factures avec la machine. Elle pouvait s’assoir quand elle en avait besoin.

C______ a exposé être allé voir B______ à son retour en juin 2020 afin de prendre de ses nouvelles. Elle lui avait fait part d’inquiétudes sur le déroulement de sa grossesse et sur la tâche de scannage des documents. Elle était inquiète de sa situation professionnelle, ce qui était légitime, la réorganisation du service (à savoir l'arrivée de J______) soulevant des interrogations.

D______ a déclaré que tous les collaborateurs disposaient de leur matériel, notamment d'un ordinateur (pas forcément portable). J______ devait disposer de ses propres accès informatiques. Il avait été demandé à l'ancienne employée de restituer son matériel pour pallier à la pénurie de matériel informatique due à la période de télétravail pendant le COVID. Il ne savait pas pourquoi sa messagerie professionnelle avait été vidée par le service informatique. Il pensait qu'il s'agissait d'une question de sécurité et de confidentialité. Elle avait été placée dans un bureau fermée (de 20 m2 avec une grande fenêtre) pour la protéger du virus vu sa grossesse difficile et ses antécédents médicaux.

Il n'est pas contesté que l'entreprise a, par la suite, externalisé le scannage des factures.

La société a produit un document non daté concernant le processus informatique lors du départ d’un collaborateur, indiquant, notamment, que tout départ devait être signalé et validé par le service des Ressources Humaines, que les absences prolongées étaient considérées comme un départ et que, parmi les actions à entreprendre, figuraient le rapatriement de l’ensemble du matériel informatique de l’utilisateur, le nettoyage des configurations systèmes, l’exportation et la sauvegarde de la messagerie, l’ensemble des actions étant détaillées dans la procédure "suppression d’un utilisateur".

Elle a également produit un règlement non daté sur le harcèlement moral et sexuel, lequel prévoit la désignation de personnes de confiance à la disposition des employés.

Entendu comme témoin après avoir été délié de son secret professionnel, le docteur M______, gynécologue ayant suivi la grossesse de B______, a déclaré que les arrêts de travail étaient dus à des saignements suite à un décollement placentaire. Des douleurs abdominales et des contractions étaient survenues à partir de vingt semaines. B______ était une personne à risque, car elle avait subi deux fausses couches l’année précédente, ce qui représentait un risque physique et psychologique. Elle était fragile psychologiquement en raison de sa vie personnelle, de son travail et de ses précédentes fausses couches, ce qui avait eu une influence sur le début de sa grossesse. Elle était stressée. Début juin 2020, elle allait mieux et pouvait recommencer à travailler. Elle était toujours fragile psychologiquement à ce moment-là. Elle était revenue le consulter une semaine plus tard pour les mêmes douleurs et elle lui avait également parlé de son stress au travail, qui avait contribué à son arrêt.

m. L'employée a fait l’objet d’un nouvel arrêt de travail du 15 juin 2020 au ______ septembre 2020, date de la naissance de son enfant.

Après qu’elle a annoncé la naissance de sa fille à ses collègues, tout le monde l'a félicitée.

n. Par courriel du 23 novembre 2020, B______ a contacté F______ afin de savoir si elle récupérerait son poste d’assistante au service Achats au retour de son congé maternité prévu pour le 8 janvier 2021.

Ce dernier lui a répondu le 2 décembre 2020 qu’il lui était difficile de lui répondre précisément, qu’elle ne retrouverait pas son poste exactement à l’identique et que la forte activité qui se présentait pour 2021 laissait entrevoir la possibilité de répartir le travail entre deux assistantes, répartition qui serait précisée à son retour.

Selon I______, ils n’avaient pas besoin de deux assistantes Achats. Elle ne se souvenait pas de discussions à l’interne concernant une possible répartition des tâches entre deux assistantes.

o. Le 8 janvier 2021, B______ s’est présentée sur son lieu de travail. Elle n’a toutefois pas pu entrer seule dans les locaux de la société, son empreinte digitale ne fonctionnant plus.

A la suite d’un entretien personnel avec D______ et F______ intervenu immédiatement après son entrée dans les locaux, B______ a été licenciée pour le 31 mars 2021 avec libération de l’obligation de travailler. Lui a été remise en mains propres sa lettre de licenciement indiquant que le motif du licenciement résidait dans une réorganisation interne.

Selon B______, D______ aurait alors justifié son licenciement par une forte baisse d'activité au service Entreprise générale. Elle avait alors demandé à F______ si son congé avait un lien avec le courriel de son ex-compagnon. Il lui avait répondu par la négative, relevant qu'elle n'aimait pas établir les contrats de sous-traitance.

D______ a déclaré aux premiers juges qu'en 2020, la société avait connu une baisse d'activité et une période de RHT. Ce licenciement avait eu lieu en raison d'une réorganisation interne du service. Il a réfuté que la grossesse et/ou l'email de l'ex-compagnon aient joué un rôle dans cette décision, qui avait été prise par F______, lui-même et d'autres personnes. Il ne savait pas quand cette décision avait été prise, mais le supposait après Noël, précisant que le personnel administratif recommençait à travailler vers le 4-5 janvier. Bien qu'indiquant que F______ faisait partie du comité de direction, dans lequel la stratégie de l'entreprise était discutée, il considérait que les déclarations de ce dernier dans le courriel du 2 décembre 2020 n'engageaient que lui et son service, puisque, selon lui, F______ ne connaissait pas la situation du groupe. Ce jour-là, une autre collaboratrice (une assistante du service Entreprise générale) avait été licenciée. Six et sept collaborateurs (dont des assistantes) avaient été licenciés durant la période du COVID. Il avait été décidé de privilégier des profils polyvalents, mais plus orientés sur les aspects techniques. La libération de l'obligation de travailler était, selon lui, une pratique de l'entreprise dans 98% des cas.

A______ SA a également allégué que J______ s’était en outre montrée plus performante que l'ancienne employée, à un taux d’activité inférieur.

Selon I______, c’est F______ qui avait décidé de licencier B______, avec l’appui de D______. Elle avait donné son avis, soit que J______ avait repris le poste à son entière satisfaction et à un pourcentage inférieur à celui de l'ancienne employée. Selon elle, son profil correspondait aux attentes de la restructuration et on lui avait dit "qu'il fallait prendre une décision quant à la réorganisation du service". B______ effectuait seulement en partie les tâches de rédiger les contrats de sous-traitance et d’aider les acheteurs dans la préparation des tableaux comparatifs. La plus-value de J______ résidait notamment dans sa maîtrise de la rédaction des contrats de sous-traitance. Elle connaissait très bien les entreprises et avait une très bonne connaissance du marché. Elle avait également beaucoup d’expérience dans la préparation de "tableaux comparatifs complexes". Elle avait des années d'expérience et effectuait les tâches confiées très rapidement et à son entière satisfaction. Selon I______, le licenciement de B______ n'était pas lié à sa grossesse, au fait qu'elle soit une femme ou à ses difficultés personnelles.

J______ a déclaré qu'elle pensait n’avoir pas repris toutes les tâches effectuées par B______, mais n’avait pas vu le cahier des charges de cette dernière. Elle n’avait, notamment, pas travaillé avec N______ ni pour l’entreprise O______. Elle avait appris en janvier 2021, au retour des vacances de Noël, qu’elle resterait au service Achats, que B______ allait revenir et qu’il y aurait une réorganisation au sein du poste. Elle pensait qu’il y aurait du travail pour toutes les deux, avec une répartition différente. Il était prévu que cette dernière s’installe à côté d’elle et elle avait été surprise d’apprendre son licenciement. Il lui arrivait occasionnellement de scanner des factures et d’aider ses collègues s’il y avait un besoin particulier. Les contrats de sous-traitance étaient établis sur la base de contrats-types, qui devaient être complétés. Elle ne savait pas si B______ effectuait aussi cette tâche. Lorsqu’elle était arrivée, il y avait des contrats en cours, ce qui laissait penser que tel était le cas.

B______ a déclaré, après avoir examiné le cahier des charges de J______, que la tâche "réaliser des sourcing fournisseurs sur demande des acheteurs" était la seule tâche qu’elle-même n’effectuait pas. Elle effectuait, en revanche, toutes les autres tâches, auxquelles s'ajoutaient des tâches pour l’entreprise O______ et le service AGF. Elle donnait également des coups de main au dépôt. C______ et I______ ont confirmé que l'ancienne employée travaillait également pour l’entreprise O______, dont s’occupait C______. Ce dernier a expliqué que cette tâche consistait à relever la boîte email, rédiger deux-trois procès-verbaux et effectuer la facturation. Il était satisfait de son travail; ces tâches constituaient 10 à 20% de son temps de travail.

Entendu en qualité de témoin, N______, responsable de dépôt depuis 2013, a indiqué qu’il travaillait avec B______ en rapport avec les véhicules de fonction de l’entreprise, le leasing de ces véhicules et la vente de matériel d’occasion. Il collaborait avec elle entre quatre et cinq fois par semaine, par fréquence de 20-30 minutes. Il était satisfait de cette collaboration et avait demandé en 2017 qu'elle rejoigne son équipe. Cela ne s’était pas fait en raison de la masse de travail du service Achats. Une autre assistante du dépôt avait assuré les tâches liées au leasing et à la vente de matériel durant l’arrêt maladie de B______.

G______ a déclaré qu'entre juillet et décembre 2020, il y avait eu beaucoup de travail dans leur service, alors que d’autres services avaient été touchés par des licenciements en raison du COVID, par exemple le Génie civil.

C______ a confirmé qu’il n’y avait pas eu de restructuration du service Achats en 2020, sauf en ce qui concernait le remplacement de B______ durant son congé maladie, puis maternité. Il n’avait pas pris la décision de licencier B______ et en avait été surpris. Selon lui, il s’agissait d’une mesure rendue nécessaire par la période du COVID.

F______ a déclaré, s’agissant de l’organisation du retour du congé maternité de B______, que l’augmentation de la quantité de travail au service Achats en 2020 l’avait conduit à lui dire, en novembre 2020, que le travail du service pourrait nécessiter deux assistantes. Dès 2021, la quantité de travail avait été fluctuante. Il avait finalement été décidé fin décembre 2020 de confier la responsabilité de l’assistanat du service des Achats à 80% à J______, car elle était plus efficace que B______, accomplissait la même quantité de travail à 80% et avait plus d’expérience dans la rédaction des contrats de sous-traitance, qui constituait une partie minoritaire des tâches de B______ à l’époque, mais qui avait pris de l’ampleur par la suite. Il avait néanmoins fallu former J______ sur une partie des tâches. D______ et lui-même avaient décidé de licencier B______. Ni les licenciements, ni la situation financière des services n’étaient discutés au sein du comité de direction. Il y avait eu une réorganisation dans l’entreprise, mais dans les services Entreprise générale et Génie civil, qui ne le concernaient pas.

Entendue en qualité de témoin, P______, employée depuis septembre 2012 dans le département Entreprise générale, a confirmé que son département avait connu une baisse d’activité entre 2019 et 2021, qui avait mené à une restructuration en 2020 et à deux licenciements au sein du département.

Selon K______, à la suite des résultats de certains services (Génie civil et Entreprise générale), l’ensemble de l’entreprise (dont le dépôt et l’administration) avait dû être restructurée. Elle était informée de la réorganisation au sein de l'entreprise. En tant que directrice financière, elle était la première à savoir quand l'entreprise n'allait pas bien. K______ a indiqué faire partie du comité de direction avec F______. Selon elle, les problèmes de l’entreprise étaient discutés au sein de ce comité, notamment la situation financière. Les décisions sur les licenciements incombaient, en revanche, au chef de service et au directeur des Ressources Humaines. K______ a précisé que Q______ avait repris certaines tâches que B______ effectuait pour le service AGF et que celle-ci avait également été licenciée, sans se rappeler de la date.

Entendu comme témoin, R______, directeur du service Génie civil, a indiqué qu’une restructuration avait eu lieu dans son service au début de l'année 2020, en raison d’une baisse d’activité renforcée par la période Covid-19, qui avait conduit au licenciement d’une assistante. Il a confirmé que le comité de direction, dont il faisait partie, discutait des problèmes financiers de l’entreprise et de restructuration.

p. B______ a fait l’objet d’un nouvel arrêt de travail du 13 janvier au 30 avril 2021.

q. Dans le cadre de la correspondance intervenue entre le 13 janvier et le 14 avril 2021, elle s’est, sous la plume de son conseil, opposée à son congé et en a contesté les motifs, sollicitant, notamment, le paiement d’une indemnité pour licenciement abusif et discriminatoire de 36'600 fr. bruts, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 10'000 fr. nets, faisant état de son intention d'agir en justice sans nouvelles de son employeur d’ici au 30 avril 2021.

r. Les rapports de travail ont pris fin le 30 juin 2021.

A cette date, a été établi un certificat de travail, lequel indique, notamment, que l'ancienne employée avait réalisé les tâches qui lui avaient été confiées à l’entière satisfaction de la société et qu'elle avait été une collaboratrice consciencieuse, impliquée, volontaire et autonome. Le dernier paragraphe du certificat mentionne ce qui suit : "Madame B______ a été libérée de son obligation de travailler dès le 8 janvier 2021 et a quitté notre entreprise au 30 juin 2021".

s. B______ a retrouvé un nouvel emploi depuis le 28 mars 2022. Elle a admis avoir modifié elle-même son certificat de travail en supprimant le paragraphe relatif à sa libération de travailler. D______ a déclaré avoir eu connaissance de cette modification du fait que trois potentiels employeurs l'avaient contacté pour lui demander si le certificat que leur avait fait parvenir B______ était complet.

B______ a déclaré qu'elle avait finalement renoncé à utiliser ce certificat et qu'elle avait retrouvé cet emploi sans l'avoir produit.

t. Selon l'organigramme du service Achats au mois de février 2021, le service était alors composé de F______, de I______, de G______ et de J______.

D. a. Après avoir déposé une requête de conciliation le 9 juillet 2021 et obtenu une autorisation de procéder le 28 septembre suivant, B______ a, par demande expédiée au Tribunal des prud’hommes le 12 novembre 2021, rectifiée le 14 décembre 2021 sur interpellation du Tribunal, assigné A______ SA en paiement de la somme totale nette de 46’600 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2021, se composant comme suit :

- 36'600 fr. à titre d’indemnité pour licenciement abusif et discriminatoire, et

- 10'000 fr. titre d’indemnité pour tort moral.

B______ a fondé ses prétentions sur un licenciement abusif et discriminatoire à son retour de congé maternité, ainsi que sur une atteinte à sa personnalité pour le traitement qui lui avait été réservé entre l'envoi du courriel de son ancien compagnon et son licenciement.

Elle a également conclu à ce qu’il soit ordonné à A______ SA de lui délivrer un certificat de travail portant sur la nature et l’excellence du travail fourni par elle durant les années de collaboration. Elle a, sur ce point, motivé sa demande par le fait que A______ SA devait établir un certificat de travail complet indiquant avec précisions les différents postes occupés, faisant état de son évolution au sein de l'entreprise, de l'accroissement de ses responsabilités et de l'excellence des prestations de travail au regard de ses évaluations. Elle a également indiqué que le certificat de travail délivré apparaissait rabaissant, notamment s'agissant de la dernière phrase ("Madame B______ a été libérée de son obligation de travailler dès le 8 janvier 2021"), qui pouvait être interprétée négativement et être susceptible de porter atteinte à sa future carrière.

b. Dans sa réponse du 28 janvier 2022, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

S'agissant du certificat de travail, elle a, notamment, relevé que cette dernière avait omis de formuler de manière claire et précise le texte sollicité, de sorte que sa conclusion à cet égard était irrecevable.

c. Le Tribunal a entendu les parties lors de l'audience tenue le 28 avril 2022.

S'agissant de la conclusion relative au certificat de travail, B______ a déclaré solliciter la suppression du paragraphe relatif à la libération de l'obligation de travailler.

d. Lors des audiences des 7 et 9 juin et du 4 juillet 2022, le Tribunal a procédé à l'audition de témoins.

e. Les parties ont plaidé et confirmé leurs conclusions respectives lors de l'audience du 6 juillet 2022.

La cause a été gardée à juger à l'issue de celle-ci.

f. Aux termes du jugement entrepris, les premiers juges ont, en substance, retenu l'existence d'un congé discriminatoire, octroyé une indemnité pour congé abusif de 29'737 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021 correspondant à 4,5 mois de salaire, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 3'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021, et condamné l'ancien employeur à remettre un nouveau certificat de travail à B______.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur un litige prud'homal dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Comme le litige concerne le licenciement que l'appelante allègue avoir subi du fait de sa grossesse, il relève de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg).

La procédure simplifiée est applicable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 243 al. 2 let. a CPC). La cause est soumise aux maximes inquisitoire sociale (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 let. a CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC). Cette maxime implique notamment que le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n’ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 s. résumé in CPC Online, ad art. 247 CPC). La Chambre des prud'hommes établit donc les faits d'office (247 al. 2 let a CPC) et contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

1.3 La Chambre revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2.             L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir retenu l'existence d'un licenciement discriminatoire.

2.1 Le Tribunal a considéré que l'intimée, qui avait été licenciée immédiatement à son retour de congé maternité, alors que son travail avait donné précédemment satisfaction à son employeur, avait rendu vraisemblable le motif du congé résidant dans sa grossesse ou sa maternité. L'existence d'une discrimination était dès lors présumée et il appartenait à l'appelante de prouver qu'elle disposait d'un motif objectif justifiant le licenciement. Celle-ci invoquait deux motifs, à savoir, premièrement, la restructuration du département AGF et Achat, ainsi que, deuxièmement, la meilleure performance de J______ à taux d'activité inférieure et sa plus grande expérience dans la rédaction des contrats de sous-traitance.

S'agissant du premier motif, il ressortait de l'organigramme du service Achats au mois de février 2021 que le service était composé du même nombre d'employés occupant les mêmes fonctions que lors du départ de l'intimée en congé maladie. De plus, contrairement aux Services Entreprise générale et Génie civile, qui avaient connu un ralentissement et une réorganisation, le service Achats avait, au contraire, fait face à une charge de travail très importante. Par ailleurs, la décision de procéder à un licenciement appartenait au chef de service et au directeur des Ressources humaines en fonction des besoins du service en question. La décision de licencier B______ avait été prise, dans le cas d’espèce, par F______ et D______, de sorte que la direction du service Achats n'avait pas mené de restructuration du service, mais avait uniquement procédé à un remplacement de l'ancienne employée par sa collègue.

En ce qui concernait le second motif, il ne pouvait, selon la jurisprudence fédérale, constituer un motif objectif justifiant le licenciement d’une travailleuse de retour au travail après son congé maternité. Au demeurant, l'appelante n’avait pas démontré que J______ aurait été plus efficace avec un taux de travail de 80% que l'intimée à un taux de 100%, ni qu’elle disposait de meilleures compétences. En effet, cette dernière effectuait, en plus de ses tâches pour le service Achats, une activité pour le service AGF au moins à 20%, une activité pour l’entreprise O______ à un taux de 10-20%, ainsi qu’une activité pour le service dépôt. Or J______ avait indiqué en audience n’avoir pas repris ces différentes tâches. Pour ce qui était des contrats de sous-traitance, J______ avait déclaré en audience que les contrats de sous-traitance étaient établis sur la base de contrats-types, qui devaient être complétés, et qu’elle avait trouvé de tels contrats en cours lors de son arrivée au service Achats, ce qui laissait penser que l'intimée effectuait aussi cette tâche.

2.2 L'appelante considère que l'intimée n'a pas rendu vraisemblable l'existence d'un licenciement lié à sa grossesse ou sa maternité et que le congé - fondé sur un motif objectif et justifié, à savoir la "réelle restructuration de l'entreprise dans son ensemble", qui avait conduit à plusieurs licenciements - n'était pas discriminatoire. Le fait que cette restructuration ait peu touché le service de l'intimée n'est pas déterminant, seul étant relevant le fait que l'employeur ait dû procéder à une réorganisation de l'ensemble de l'entreprise. Dans le cadre de cette restructuration, l'appelante avait décidé de privilégier les profils plus polyvalents et plus orientés sur les aspects techniques, maîtrisant la rédaction des contrats de sous-traitance. Or, J______, qui disposait d'expérience dans la rédaction des contrats de sous-traitance, dans les chantiers et dans la préparation de "tableaux comparatifs complexes", ainsi que des compétences acquises dans le service Comptabilité, correspondait à ce profil. Quant à l'intimée, elle n'assurait qu'en partie la rédaction des contrats de sous-traitance et avait demandé à ne plus s'en occuper, de sorte qu'elle ne disposait plus des qualités suffisantes pour assurer son poste au sein du service Achats.

L'intimée souligne, pour sa part, qu'il n'y a pas eu de restructuration au sein du service Achats en 2020 – qui faisait au contraire face à une surcharge de travail – et que son poste a simplement été repris par J______, qui effectuait moins de tâches qu'elle. S'agissant des contrats de sous-traitance, il ne s'agissait pas de rédaction à proprement parler, mais de remplir des "trous" dans des contrats préexistants. Même s'il ne s'agissait pas de sa tâche favorite, elle s'en était néanmoins acquittée à satisfaction de son employeuse. Elle disposait d'un profil polyvalent et ses compétences correspondaient aux besoins du service Achats, ce que confirmaient ses évaluations.

2.3 Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.1).

Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie. Est compris dans cette définition le congé donné en raison de la grossesse de la travailleuse. Dans ce dernier cas, les prescriptions de la LEg sont pertinentes (Staehelin, Zürcher Kommentar Obligationenrecht, 2014, n. 9 ad art. 336 OR; CAPH/102/2023 du 4 septembre 2023 consid. 3.1.1).

2.4 Selon l'art. 3 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse (al. 1). L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à la résiliation des rapports de travail (al. 2).

Le licenciement notifié à une travailleuse parce qu'elle est enceinte, parce qu'elle a émis le souhait de le devenir ou encore parce qu'elle est mère de jeunes enfants constitue une discrimination directe à raison du sexe (arrêts du Tribunal fédéral 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 3; 4A_395/2010 du 25 octobre 2010 consid. 5.1).

2.5 L'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable (art. 6 LEg).

Cette disposition, qui est une règle spéciale par rapport au principe général de l'art. 8 CC, selon lequel il incombe à la partie qui déduit un droit de certains faits d'en apporter la preuve, institue un assouplissement du fardeau de la preuve d'une discrimination à raison du sexe, en ce sens qu'il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence d'une telle discrimination. La règle de l'art. 6 LEg tend à corriger l'inégalité de fait résultant de la concentration des moyens de preuve en mains de l'employeur. Si l'employeur supporte le fardeau de la preuve et donc le risque de perdre le procès au cas où il ne prouve pas l'absence de discrimination, il sera dans son intérêt d'informer complètement le juge et de lui fournir toutes pièces (ATF 130 III 145 consid. 4.2).

La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment. Le juge utilise la présomption de fait, en ce sens qu'il déduit d'indices objectifs (faits prémisses) le fait de la discrimination (fait présumé; question de fait), au degré de la simple vraisemblance. Lorsqu'une discrimination liée au sexe est ainsi présumée au degré de la vraisemblance (cf. art. 6 LEg), il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve stricte du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1; ATF 144 II 65 consid. 4.2; 142 II 49 consid. 6.2; 130 III 145 consid. 4.2).

L'art. 6 LEg in fine précise que l'allègement du fardeau de la preuve s'applique notamment à la résiliation des rapports de travail. En particulier, si l'employée parvient à rendre vraisemblable que le motif du congé réside dans sa grossesse ou sa maternité, il incombera à l'employeur de prouver que cet élément n'a pas été un facteur déterminant dans sa décision de mettre un terme au contrat, en d'autres termes, que l'employée aurait été licenciée même si elle n'avait pas été enceinte. Pour ce faire, l'employeur pourra chercher à établir que le licenciement a été donné pour un motif objectif, sans lien avec la grossesse ou la maternité, comme par exemple une réorganisation de l'entreprise ou l'insuffisance des prestations de l'intéressée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1; 4A_208/2021 du 16 juillet 2021 consid. 3.2; 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 3 et 7.2; 4A_507/2013 du 27 janvier 2014 consid. 4; 4A_395/2010 du 25 octobre 2010 consid. 5.2).

La proximité temporelle entre la fin du congé maternité et le licenciement est un élément à prendre en considération pour évaluer le caractère discriminatoire de ce dernier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.3; 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 7.2).

A été considérée victime d'un licenciement discriminatoire au sens de l'art. 3 LEg – qui est donc abusif au sens de l'art. 336 al. 1 lit. a CO – la travailleuse qui reçoit son congé quelques jours après son retour de congé maternité, alors même que l'employeur n'est pas en mesure de prouver qu'il disposait d'un motif objectif qui justifiait le licenciement, étant relevé qu'il ne suffit pas à l’employeuse de démontrer que la nouvelle titulaire du poste était objectivement plus compétente que l’employée licenciée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 7.2).

2.6 Eu égard à l'allègement du fardeau de la preuve prévu à l'art. 6 LEg, le juge doit distinguer clairement s'il se détermine sur la vraisemblance alléguée ou déjà sur la preuve principale, à savoir la preuve de l'inexistence d'une discrimination ou la preuve de la justification objective de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 8C_424/2021 du 10 mars 2022 consid. 6.3; 4C_463/1999 du 4 juillet 2000 consid. 2a, non publié à l'ATF 126 III 395).

2.7 En l'espèce, le raisonnement des premiers juges est exempt de toute critique.

En effet, l'intimée a été licenciée le jour de son retour de congé maternité le 8 janvier 2021, alors qu'il ressort tant de ses fiches d'entretiens pour les années 2018 et 2019, du certificat de travail établi le 30 juin 2021 que des déclarations de ses supérieurs I______, C______ et N______ que l'appelante était satisfaite de son travail.

A cela s'ajoute que rien ne permet de retenir que, sans sa grossesse, l'intimée aurait été mise en compétition avec sa remplaçante, de sorte que son poste de travail a bien été mis en danger en raison de sa grossesse ou de sa maternité.

C'est ainsi à raison que le Tribunal a considéré que l'intimée avait rendu vraisemblable que le motif de son congé résidait dans sa grossesse ou sa maternité, ce qui engendrait la présomption de l'existence d'une discrimination et la charge à l'employeur d'apporter la preuve stricte du contraire.

En appel, l'appelante fait valoir que le licenciement litigieux était justifié par la restructuration de l'ensemble de l'entreprise et par le fait que J______ disposait de meilleures compétences et d'un profit plus polyvalent.

S'agissant du premier motif invoqué par l'appelante, il sera, à l'instar du Tribunal, relevé qu'il ressort de l’organigramme du service Achats au mois de février 2021 que ce service était alors composé de F______, de I______, de G______ et de J______, soit du même nombre d’employés que lors du départ de B______ en congé maladie, occupant les mêmes fonctions qu’en 2020.

De plus, si les services Entreprise générale et Génie civil avaient connu un ralentissement, qui avait nécessité une réorganisation de ces services (témoins F______, K______, R______ et P______), mais également le dépôt et l'administration (témoin K______), le service Achats n'avait, en revanche, subi aucun ralentissement et avait, au contraire, fait face à une charge de travail très importante. Comme l'a indiqué F______, cette augmentation de la quantité de travail l’avait conduit à dire à l'intimée que le service pourrait être amené à faire appel à deux assistantes. Ce dernier a également déclaré qu'en 2021, la quantité de travail, en revanche, avait été fluctuante, ce dont il ne pouvait avoir connaissance au moment du licenciement litigieux intervenu le 8 janvier 2021. Selon C______, il n’y avait pas eu de restructuration du service Achats, sauf en ce qui concernait le remplacement de l'intimée. Contrairement à ce que prétend l'appelante, le fait que sa restructuration n'ait pas touché le service de l'intimée est déterminant, puisque cela implique précisément que cette réorganisation n'a pas eu de conséquence sur le service dans lequel travaillait l'intimée et qu'elle ne peut constituer un motif de licenciement.

Par ailleurs, comme l'a indiqué K______, la décision de procéder à un licenciement appartenait au chef de service et au directeur des Ressources humaines. Cette décision - prise par F______ et D______ – avait été prise en fonction des besoins du service en question.

Comme l'a à raison retenu le Tribunal, la direction du service Achats n'a donc pas mené de restructuration du service, mais a uniquement procédé à un remplacement de l'intimée par sa collègue, si bien que le premier motif avancé par l'appelante ne justifie pas le licenciement litigieux.

Quant au second motif invoqué par l'appelante, il sera, à l'instar des premiers juges, relevé qu'il ne suffit pas, selon la jurisprudence précitée, que l'employeuse démontre que la nouvelle titulaire du poste était objectivement plus compétente que l’employée licenciée. Il lui appartient d'établir que les prestations de cette dernière étaient devenues insuffisantes.

En appel, l'appelante n'invoque plus que J______ aurait été plus efficace que l'intimée, mais seulement qu'elle disposait de meilleures compétences et d'un profil plus polyvalent, l'ancienne employée ne possédant, selon elle, plus des qualités suffisantes pour le poste litigieux.

Il ressort de l'audition des témoins que la société avait décidé de privilégier les profils plus polyvalents et plus orientés sur les aspects techniques (témoin D______). J______, qui avait de l'expérience dans les chantiers, la rédaction des contrats de sous-traitance, la comptabilité et l'établissement de "tableaux comparatifs complexes", correspondait à ce profil (témoins D______, I______ et F______). Selon ce dernier, la tâche de rédiger les contrats de sous-traitance constituait une tâche minoritaire de l'intimée, mais qui avait pris de l'ampleur.

Si l'ancienne employée a admis que la rédaction des contrats de sous-traitance ne constituait pas sa tâche préférée, elle s'en acquittait néanmoins, ce qui est confirmé par J______, qui a déclaré avoir retrouvé de tels contrats en cours. Les fiches d'entretien ne comportent par ailleurs aucune indication selon laquelle l'intimée ne s'en serait pas acquittée de manière satisfaisante.

Il sera retenu que, quand bien même la remplaçante de l'intimée disposait de compétences supplémentaires, rien ne permet de retenir que les compétences de l'ancienne employée - dont le travail avait donné entière satisfaction à l'appelante jusqu'à son arrêt-maladie - ne correspondaient plus aux besoins du service et que ces prestations étaient devenues insuffisantes.

Il sera ainsi considéré, à l'instar du premier juge, que l'appelante n'a pas réussi à démontrer l’existence d’un motif objectif justifiant le licenciement de l'intimée à son retour de congé maternité et n’a pas renversé la présomption de congé discriminatoire, de sorte que le congé doit être qualifié comme tel.

2.8. L'appelante ne remet pas en cause le montant de l'indemnité pour congé abusif fixé par le Tribunal à 29'737 fr. nets avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2021 correspondant à 4,5 mois de salaire dans l'hypothèse où l'existence d'un congé discriminatoire serait confirmée par la Cour.

3. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir retenu l'existence d'une atteinte à la personnalité de l'intimée ayant conduit à sa condamnation au versement d'une indemnité pour tort moral.

3.1 Le Tribunal a considéré que l’atteinte à la personnalité et la souffrance morale de l'intimée étaient suffisamment importantes pour susciter réparation.

En effet, du fait des tensions entre l'intimée et ses collègues générées par le courriel de son ex-compagnon - tensions qui n'étaient pas réglées lors de son retour au travail le 8 juin 2020 -, du fait de son placement dans un bureau séparé, conforme à son devoir de protection, mais dont les raisons de cet isolement ne lui avaient pas été expliquées et du fait qu'elle n'avait ni téléphone ni accès informatique, elle était légitimée à ressentir cette mesure comme une exclusion physique de son équipe.

S'agissant de la suppression du contenu de sa boîte email, décidée par F______, cette mesure ne correspondait pas à une volonté de sauvegarder la sécurité et la confidentialité des données de la société, mais bien de supprimer le profil de l'utilisateur, ce qui était difficilement compréhensible au vu de l'absence temporaire et imprévisible de l'employée. Une telle mesure était de nature à susciter l'inquiétude de l'intimée quant à sa place de travail et l'appelante ne l'avait pas rassurée à ce sujet.

En ce qui concernait la tâche de scannage confiée à l'ancienne employée à son retour le 8 juin 2020, cette activité avait largement excédé ce qu'elle représentait avant son congé maladie et nécessité qu'elle se lève régulièrement pour accéder au scanner. Il s'agissait d'une mesure radicale pouvant être considérée comme une punition liée à l'email de son ex-compagnon, puisque rien ne s'opposait à tout le moins à partager les tâches avec sa remplaçante ou mettre en place une autre forme de collaboration, d'autant qu'elle avait prévenu ses supérieurs à l'avance de son retour. Cette tâche était, par ailleurs contraire au devoir de l'employeur de protéger sa santé au vu de sa grossesse. L'attribution de cette unique tâche au motif qu'elle repartirait rapidement en congé maternité constituait de surcroît une discrimination manifeste dans l'attribution des tâches, prohibée par la LEg.

Quand bien même l’employeur n’aurait pas volontairement cherché à exclure et isoler l'intimée sur son lieu de travail, celle-ci en avait manifestement souffert et a été atteinte dans sa santé, cette situation ayant contribué à son nouvel arrêt de travail.

3.2 L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que le nouvel arrêt de travail de l'intimée prescrit en juin 2020 résultait du stress qu'elle avait eu au travail. Elle considère que celui-ci résultait avant tout des douleurs dont elle souffrait précédemment.

Elle soutient également que l'envoi du courriel par l'ex-compagnon de l'intimée n'avait pas dégradé l'ambiance entre collègues et qu'au retour au travail de celle-ci le 8 juin 2020, il n'existait aucune tension. Le témoin G______ a déclaré que leur relation n'était déjà plus la même avant cet envoi. S'agissant de I______ et F______, ils n'avaient pas eu de sentiment particulier concernant cet envoi. Le bureau qui lui avait alors été attribué était bien situé et s'inscrivait dans le cadre de la protection des personnes vulnérables au COVID, ce qui lui avait été dûment expliqué. L'absence de matériel informatique était liée à la pénurie de matériel. L'application de la procédure informatique pour absence de longue durée (identique à celle prévue en cas de départ) était justifiée vu les antécédents médicaux de l'ancienne employée, sa grossesse compliquée, sa vulnérabilité au COVID et ses problèmes personnels, rendant la date de son retour imprévisible. Elle avait en tout état rapidement retrouvé son accès et sa session le 11 juin 2020. La tâche qui lui avait provisoirement été attribuée était double et consistait à numériser, puis à classer. Cette tâche faisait partie du cahier des charges de l'intimée, n'était pas dénuée d'intérêt et était essentielle pour l'entreprise. Compte tenu des facteurs précités, l'appelante avait considéré qu'un nouvel arrêt de travail apparaissait fortement probable. Ce choix s'inscrivait également dans un besoin d'assurer le bon fonctionnement du service et la continuité dans la gestion des affaires courantes, d'autant plus importante en période de COVID. L'intimée n'était en tout état demeurée au travail que cinq jours, ce qui ne suffisait pas pour retenir l'existence d'une punition, respectivement d'une atteinte objectivement et subjectivement grave aux droits de la personnalité de l'employée. Enfin, elle n'avait à aucun moment fait appel à une personne de confiance ou de référence, tel que prévu dans le règlement interne de l'entreprise et ayant pour but, notamment, de prévenir et éliminer les conflits et malaises au travail, ce qu'elle aurait pu et dû faire. Ce faisant, l'appelante considère que l'intimée a volontairement refusé de résoudre une situation dont elle prétendait souffrir et qu'elle "ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes".

3.3 En vertu de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur doit protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il doit manifester les égards voulus pour sa santé.

La violation des obligations prévues à l’art. 328 CO entraîne l’obligation pour l’employeur de réparer le préjudice matériel et le tort moral causés par sa faute ou celle d’un autre employé (ATF 126 III 395).

L'art. 328 CO instaure une protection plus étendue que celle qu'assurent les art. 27 et 28 CC. D'une part, cette disposition interdit à l'employeur de porter atteinte, par ses directives, aux droits de la personnalité du travailleur; d'autre part, elle impose à l'employeur la prise de mesures concrètes en vue de garantir la protection de la personnalité du travailleur, laquelle comprend notamment la vie et la santé, l'intégrité corporelle et intellectuelle, l'honneur professionnel et personnel, la position et la considération dont jouit le travailleur dans l'entreprise (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 391ss et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 4C_253/2001 du 18 décembre 2001 consid. 2c et la réf. cit.).

L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il doit en particulier manifester les égards voulus pour sa santé, veiller au maintien de la moralité et veiller à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement. L'employé victime d'une atteinte à sa personnalité contraire à cette disposition peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions fixées par l'art. 49 al. 1 CO (art. 97 al. 1 et 99 al. 3 CO); n'importe quelle atteinte légère ne justifie pas une telle réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 125 III 70 consid. 3a). L'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et doit être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation (ATF 129 III 715 consid. 4.4 et 120 II 97 consid. 2a et b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 6.1).

Un rapport de causalité naturelle et adéquate doit être établi entre l'atteinte à la personnalité et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal fédéral 4A_123/2020 du 30 juillet 2020 consid. 4.2; 4A_680/2012 du 7 mars 2013 consid. 5.2).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances d'espèce justifient une indemnité pour tort moral (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2).

3.4 Le harcèlement psychologique, appelé aussi communément "mobbing", se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, exclure une personne sur son lieu de travail. La personne victime est souvent placée dans une situation où chacun des actes pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 5.1; 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8.2; 4A_439/2016 du 5 décembre 2016 consid. 5.2; 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 3.1).

Quand bien même des comportements ne peuvent être qualifiés juridiquement de "mobbing", car, par exemple, lesdits comportements ne cherchaient pas nécessairement à isoler et exclure un employé en particulier, ceux-ci peuvent néanmoins constituer des atteintes à la personnalité, réprimées par les art. 97 et 328 CO et le Tribunal peut allouer une indemnité de ce chef (arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8).

3.5 L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à l'attribution des tâches et à l'aménagement des conditions de travail (al. 2).

L’art. 5 al. 5 LEg réserve les prétentions de la personne discriminée en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, de même que les prétentions découlant de dispositions contractuelles plus favorables aux travailleurs.

Une discrimination au sens de LEg représente aussi une atteinte aux droits de la personnalité; cette atteinte illicite peut donner droit à des dommages-intérêts ainsi qu'à une réparation du tort moral. Ainsi, le travailleur peut cumuler ses prétentions en réclamant une indemnité fondée sur l’art. 5 al. 1 à 4 LEg, des dommages-intérêts et une indemnité en réparation du tort moral (ATF 133 II 257 consid. 5.3 et les réf. cit.).

3.6 En l'occurrence, l'appelante ne saurait être suivie.

En effet, comme l'a retenu le Tribunal, l'ambiance au sein de l'équipe était très bonne au début de l'année 2020. Tant F______ que G______ ont confirmé que les membres de l'équipe avaient mal vécu la réception de l'email de l'ex-compagnon de l'intimée. Lors de cet envoi, l'équipe, hormis F______, était en télétravail. L'intimée a suivi les conseils de I______ et a envoyé un courriel d'excuses à ses collègues, lesquels ne lui ont pas répondu. Selon l'ancienne employée, elle n'aurait plus eu de contact avec ses collègues après cette date, alors qu'ils dialoguaient auparavant sur WhatsApp. G______ a reconnu l'avoir bloquée sur Facebook. Malgré le contenu de cet email, l'impact négatif sur l'équipe et la réaction de celle-ci, les supérieurs hiérarchiques – en particulier F______ qui n'a aucunement réagi - n'ont pris aucune mesure pour remédier aux tensions en étant résultées - ou à tout le moins pour dialoguer sur l'éventuel ressentiment engendré - et qui n'étaient pas réglées lors du retour au travail de l'intimée le 8 juin 2020. L'on ne saurait reprocher à l'intimée de n'avoir pas fait appel à une personne de confiance ou de référence dans l'entreprise, puisqu'elle a d'abord suivi les recommandations de I______, puis a été en arrêt de travail quelques jours après l'envoi dudit courriel, de même que quelques jours après son retour au travail en juin 2020.

Il n'est pas contesté que l'attribution à l'intimée d'un bureau séparé de ses collègues était conforme au devoir de protection de l'appelante à l'égard de son ancienne employée. Il convient néanmoins de relever que, bien que justifiée, cette mesure a nécessairement contribué au sentiment d'exclusion ressenti par l'intimée au vu de l'ensemble de la situation, notamment de l'éloignement relationnel avec ses collègues et de l'absence de téléphone et d'accès informatique.

S'agissant en particulier de la suppression de l'accès informatique et du contenu de la boîte email, l'application du processus interne en cas de départ ou d'absence prolongée devait être validée par le responsable des Ressources humaines, ce qui implique qu'elle a vraisemblablement été requise par F______ comme l'a allégué l'intimée. Cette démarche à l'égard d'une employée en congé maladie en raison d'une grossesse et dont la date du retour après son congé maternité était approximativement déterminable apparaît peu compréhensible et ne s'explique pas par la volonté de sauvegarder la sécurité et la confidentialité des données de la société, mais bien par la volonté de supprimer le profil utilisateur de l'ancienne employée. Rien ne permet, par ailleurs, de retenir que cette procédure aurait été appliquée aux absences pour cause de grossesse/maternité des autres employées de la société ou du service Achats, en particulier à I______. De plus, l'appelante n'explique, en tout état, pas la raison pour laquelle elle n'a pas pris les mesures pour rétablir l'accès informatique pour le 8 juin 2020 - alors que l'intimée avait prévenu F______ à l'avance de son retour -, nécessitant que cette dernière s'adresse elle-même au responsable informatique. A l'instar des premiers juges, il sera retenu que l'application dudit processus et l'absence de mesures en vue du rétablissement de l'accès étaient susceptibles d'inquiéter l'intimée quant à sa place de travail.

En ce qui concerne la tâche de scannage et de classement confiée à cette dernière, il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'une tâche usuelle, mais mineure de son activité. Bien qu'essentielle à l'entreprise, cette unique tâche n'en demeurait pas moins ingrate et c'est à raison que le Tribunal a considéré qu'elle constituait une mesure radicale pouvant légitimement être considérée comme une punition, alors que rien ne s'opposait à ce que les tâches de son poste soient partagées avec sa remplaçante ou à tout le moins à ce que sa hiérarchie - informée à l'avance de son retour - mette en place une autre forme de collaboration permettant le bon fonctionnement du service et la continuité dans la gestion des affaires courantes. De plus, l'attribution de cette unique tâche - qui nécessitait que l'intimée se lève systématiquement pour accéder au scanner - n'était pas adaptée à son état et était contraire au devoir de l'employeur de protéger la santé de son employée. Contrairement à ce que soutient l'appelante, elle ne pouvait compter sur la forte probabilité supposée d'un nouvel arrêt de travail pour s'épargner de prendre les mesures qui s'imposaient. De surcroît, l’attribution de cette unique tâche au motif que l'employée repartirait rapidement en congé maternité constitue une discrimination manifeste dans l’attribution des tâches, prohibée par la LEg.

L'appelante relève que le retour au travail de l'intimée en juin 2020 et son activité de scannage n'ont duré que cinq jours, ce qui ne suffirait pas pour retenir l'existence d'une punition, respectivement d'une atteinte objectivement et subjectivement grave aux droits de la personnalité de l'employée. Toutefois, ce manquement ne saurait s'examiner de manière isolée et s'inscrit dans un ensemble de circonstances.

Tout comme le Tribunal, la Cour est d’avis que cet ensemble de circonstances est constitutif d’une atteinte importante à la personnalité de l'intimée qui se trouvait alors dans une situation de grande fragilité physique et psychologique. Cette situation, dont cette dernière a manifestement souffert et qui a généré une anxiété (attestée par C______) néfaste à sa santé, a contribué à son nouvel arrêt de travail (déclarations du Dr M______).

Au vu de ce qui précède, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que l’atteinte à la personnalité et la souffrance morale de l'intimée étaient suffisamment importantes pour susciter réparation.

L'appelante ne remet pas en cause le montant de l'indemnité pour tort moral de 3'000 fr. nets avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2021 au cas où une atteinte aux droits de la personnalité de l'intimée serait confirmée par la Cour.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 330a CO en rectifiant le certificat de travail.

4.1 Le Tribunal a relevé que l'intimée avait certes conclu à la délivrance d'un certificat de travail portant sur la nature et l’excellence du travail fourni par elle durant les années de collaboration. Elle avait cependant expliqué dans sa partie En Droit qu’elle souhaitait voir supprimer le paragraphe relatif à la libération de son obligation de travailler, qui, selon elle, lui portait préjudice dans ses recherches d’emploi, ainsi qu’y voir figurer avec précision les différents postes occupés par elle, son évolution au sein de l’entreprise, l’accroissement de ses responsabilités et l’excellence de ses prestations de travail. Les premiers juges ont considéré que la mention de la libération de l’obligation de travailler n'était pas de nature à favoriser l’avenir économique de l’employée, sans que cette information revête un intérêt particulier pour un futur employeur, étant précisé que la période du 8 janvier au 30 juin 2021 était courte par comparaison avec la durée totale des rapports de service, de sorte qu'il convenait de la supprimer. Pour le surplus, le Tribunal n'a pas fait droit à la demande de l'intimée, faute pour celle-ci de n'avoir précisé ni dans ses écritures ni en audience les rectifications qu’elle souhaitait voir apporter au certificat de travail en lien avec les différents postes occupés par elle, son évolution au sein de l’entreprise, l’accroissement de ses responsabilités et l’excellence de ses prestations de travail.

4.2 L'appelante fait valoir que, bien que l'intimée ait conclu à la délivrance d'un certificat de travail, elle sollicitait en réalité la rectification du certificat de travail délivré. Le Tribunal a à raison retenu qu'elle n'avait pas précisé dans ses écritures ni en audience les rectifications qu'elle souhaitait voir apporter au certificat de travail en lien avec les différents postes occupés par elle, son évolution au sein de l'entreprise, l'accroissement de ses responsabilités et l'excellence de ses prestations de travail. Ce faisant, il aurait dû la débouter de toute conclusion relative au certificat de travail.

L'appelante fait également valoir que l'intimée a admis avoir retrouvé un travail sans avoir eu besoin de produire son certificat de travail, preuve en était que ce certificat ne lui portait aucun préjudice.

Elle considère en outre qu'en modifiant unilatéralement et sans droit ce document - et, ce faisant, en établissant un faux certificat -, elle a "vidé de son objet sa conclusion visant à rectifier ledit certificat".

L'intimée relève avoir tant dans sa demande que lors de l'audience du 28 avril 2022 précisé la modification sollicitée. Elle expose avoir décidé de renoncer à l'utiliser dans le cadre de ses recherches d'emploi, ce qui lui avait permis d'obtenir son nouvel emploi.

4.3 En vertu de l'art. 330a al. 1 CO, le travailleur peut demander en tout temps à l'employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite. On parle de certificat de travail complet ou qualifié (ATF 136 III 510 consid. 4.1).

Le travailleur a droit à un certificat portant des informations complètes. Le certificat peut et même doit contenir des faits et appréciations défavorables, pour autant que ces éléments soient fondés et pertinents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_11712007 et 4A_12712007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 525s).

Le certificat doit contenir la description précise et détaillée des activités exercées et des fonctions occupées dans l'entreprise, les dates de début et de fin de l'engagement, l'appréciation de la qualité du travail effectué ainsi que de l'attitude du travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1).

Le certificat de travail ne doit pas faire état des absences, y compris pour des motifs de santé, sauf si celles-ci sont significativement importantes par rapport à la durée totale des rapports de travail (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 523; Martin Antipas, Les certificats dans les relations de travail, 2018, p. 16 et réf. cit.). La solution devrait être encore plus nuancée s’agissant de la mention d’une libération de l’obligation de travailler, car celle-ci émane par nature de l’employeur et le travailleur n’a pas d’influence sur celle-ci. La mention d’une telle période sans activité ne favorise pas l’avenir du travailleur et devrait ainsi demeurer exceptionnelle (Martin Antipas, op. cit., p. 16 et 17).

4.4 Les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation de l'acte (ATF 137 III 617 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).

4.5 In casu, si l'intimée n'a certes pas conclu formellement à la rectification du contrat de travail par la suppression du paragraphe relatif à sa libération de son obligation de travail, sa demande en ce sens ressort, en revanche, clairement de la motivation de sa demande et de ses déclarations lors de l'audience tenue par le Tribunal le 28 avril 2022, de sorte que c'est à raison que le Tribunal est entré en matière sur ce point.

Sur le fond, il sera, à l'instar des premiers juges, considéré que la mention de la libération de l’obligation de travailler le 8 janvier 2021 - qui ne revêt pas un intérêt particulier pour un futur employeur - n’est pas de nature à favoriser l’avenir économique de l’intimée, étant, par ailleurs, relevé que la prolongation de la libération au 30 juin 2021 (engendrée par l'arrêt de travail du 13 janvier au 30 avril 2021) doit être considérée comme courte en comparaison avec la durée totale des rapports de service. De plus, le fait que l'intimée ait finalement trouvé un nouvel emploi sans avoir fourni ce document n'est pas déterminant, puisqu'elle est légitimée à détenir un certificat de travail adéquat qu'elle pourrait être amenée à utiliser dans le cadre d'autres recherches d'emploi.

C'est ainsi à raison que l'appelante a été condamnée à délivrer un certificat de travail rectifié en ce sens.

5. Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

6. Il ne sera pas perçu de frais pour l'appel, dont la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. (art. 114 let. c et 116 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

La procédure d'appel ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC), l'appelante n'ayant pas procédé de manière téméraire ou de mauvaise foi, en dépit de la faiblesse des chances de succès de son appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté le 25 novembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPH/328/2022 rendu le 25 octobre 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/13509/2021-4.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE CHAVANNE, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salariée; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.