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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/21314/2019

CAPH/120/2023 du 06.11.2023 sur JTPH/12/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21314/2019-4 CAPH/120/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 6 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 18 janvier 2022 (JTPH/12/2022), représenté par Me Raphaël QUINODOZ, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3,

et


B
______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me François CANONICA, avocat, rue François-Bellot 2, 1206 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement du 18 janvier 2022 communiqué pour notification le même jour et reçu par les parties le 19 janvier 2022, le Tribunal des Prud'hommes a (i) à la forme, renoncé à ordonner à B______ SA de produire diverses documentations et informations requises de la part du demandeur (chiffres 3 à 6 du dispositif), (ii) au fond, condamné B______ SA à remettre à A______ un certificat de travail complet conforme à l'article 330a CO (chiffre 7 du dispositif), condamné A______ à restituer à B______ SA [la tablette tactile] C______/1______ [marque, modèle], le [clavier pour tablette] D______ et [le téléphone portable] E______/2______ [marque, modèle] (chiffre 8 du dispositif), tout en déboutant les parties de toute autre conclusion (chiffre 9 du dispositif) et (iii) sur les frais, arrêté les frais de la procédure à 7'720 fr. en les mettant totalement à la charge de A______ tout en les compensant totalement avec l'avance de frais effectuée par ce dernier à hauteur du même montant (chiffres 10 à 12 du dispositif), dit qu'il n'est pas alloué de dépens (chiffre 13 du dispositif), et débouté pour le surplus les parties de toute autre conclusion (chiffre 14 du dispositif).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 18 février 2022, A______ appelle de ce jugement, sollicitant son annulation. Il conclut à l'annulation des chiffres 3 à 6 et 10 à 14 du dispositif du jugement puis (i) principalement, à la condamnation de B______ SA à lui payer – avec suite d'intérêts de 5% dès le 1er avril 2019 – les sommes de 390'000 fr. (bonus pour l'année 2018), de 90'000 fr. (bonus pro rata temporis pour l'année 2019) et de 187'752 fr. (indemnité pour licenciement abusif), au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ SA au commandement de payer poursuite n° 3______, lui ayant été notifié le 3 octobre 2019, et à la condamnation de B______ SA aux frais des procédures de première et seconde instance, (ii) subsidiairement, à ce qu'il soit préalablement ordonné à B______ SA de produire toute documentation et/ou information permettant d'établir le chiffre d'affaires généré à titre individuel pour les années 2015 à 2018 par lui-même ainsi que par tous les autres collaborateurs (en particulier F______, G______, H______ et I______), attestant les bonus versés aux collaborateurs pour les années 2015 à 2019 et permettant d'établir le chiffre d'affaires global de B______ SA pour les années 2015 à 2019 puis, au fond à la condamnation de celle-ci conformément aux conclusions prises à titre principal, (iii) plus subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal des Prud'hommes pour qu'il statue dans le sens des considérants avec suite de frais.

b. Par réponse du 31 mars 2022, B______ SA a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais assortie d'une amende pour plaideur téméraire à l'égard de A______.

c. Les parties ont respectivement répliqué le 8 avril 2022 et dupliqué le 12 avril 2022, persistant chacun dans leurs conclusions respectives.

d. La cause a été gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 20 avril 2022.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.      B______ SA est une société anonyme de droit suisse avec siège à Genève, ayant pour but le négoce en valeurs mobilières. Elle a été fondée par J______. F______ (ou F______ [prénom diminutif]) (fils du fondateur) en est le Chief Executive Officer (CEO), G______ (autre fils du fondateur) est Directeur et membre du comité de direction alors que K______, lui aussi membre du comité de direction, en est le Chief Financial Officer (CFO). Ces quatre personnes disposent d'une signature collective à deux, tout comme L______, président du conseil d'administration.

b.      Les parties ont signé un contrat de travail le 24 juillet 2015 prenant effet au 1er septembre 2015 en vertu duquel A______ était engagé en qualité de Senior Fixed Income Sales. Son salaire annuel était de 200'200 fr. (salaire mensuel de 15'400 fr. payé 13 fois), le 13e salaire étant payé pour moitié en juin et pour moitié en décembre, tandis qu'une contribution à l'assurance maladie mensuelle de 180 fr. (soit 2'160 fr. par an) était versée en sus du salaire. Le taux d'occupation est de 100% et le droit aux vacances fixé à 25 jours par an. Le contrat stipulait par ailleurs (i) que "le salaire annuel comprend les frais de représentation forfaitaires admis par l'autorité fiscale du lieu de résidence", (ii) que "en fonction de votre performance et des résultats de l'entreprise vous aurez droit à un bonus de nature discrétionnaire et non garanti, payable en principe en mars de chaque année" et enfin (iii) que "les autres éléments généraux de la relation de travail sont réglés par le règlement du personnel de B______ SA". Ce règlement, édité le 8 février 2002, est complété par trois annexes qui en font partie intégrante. Il a par ailleurs été complété par divers avenants parmi lesquels l'avenant N° 4 du 23 décembre 2008 emportant modification de l'art. 16, dont la teneur demeurait inchangée, seul l'intitulé de l'article 16 étant modifié, passant de "Gratification" à "Gratifications – Bonus". La teneur de cette disposition réglementaire est la suivante:

"1. C'est la direction qui détermine si elle entend octroyer des gratifications, versées éventuellement sous forme de participation au résultat en tenant compte d'un ensemble d'éléments tels que: marche générale des affaires, nombre d'années de service, position occupée par chacun dans l'entreprise, comportement, etc.; les gratifications sont versées à bien plaire; elles ne sont en aucun cas garanties même si elles ont été versées plusieurs années de suite.

2. La gratification n'est pas due aux personnes dont le contrat est résilié au moment de son versement.

La gratification est soumise aux déductions légales obligatoires."

c.       A______ a résidé à M______ [VD] durant les quatre premiers mois de son activité au sein de B______ SA, à savoir de septembre à décembre 2015, avant de s'établir à Genève dès le mois de janvier 2016. Ainsi que cela ressort de la notice d'information N° 6/2005 émise par l'administration fiscale cantonale genevoise, celle-ci admet que les frais effectifs de représentation engagés par les employés qui exercent un fort devoir de représentation soient pris en charge par l'entreprise sous forme d'allocation forfaitaire ne faisant pas partie du revenu imposable, pour autant qu'elle n'excède pas les 5% du salaire total brut jusqu'à 250'000 fr., puis le 10% pour toute tranche de salaire dépassant ce montant, ceci avec un plafond annuel de 100'000 fr.. C'est en fonction de cette pratique qu'à compter du mois de janvier 2016, cette allocation a été forfaitisée à un montant mensuel de 843 fr., si bien qu'au montant du salaire brut et fiscalisé annoncé au titre de rémunération annuelle payable en 13 salaires venait s'ajouter ce montant net non imposable. A noter qu'en décembre un montant de forfait supplémentaire était calculé en référence au bonus qui avait été touché en mars de sorte à ce que l'allocation forfaitaire soit en adéquation avec la rémunération effectivement touchée durant l'année en cause: le montant d'ajustement ainsi calculé était alors déduit du salaire brut de décembre et venait s'ajouter au montant forfaitaire précité de 843 fr., dû pour le même mois. Cette pratique était inconnue de l'administration fiscale vaudoise, raison pour laquelle elle n'a pas été mise en œuvre pour les mois de septembre à décembre 2015.

d.      Des lettres de confirmation de rémunération ont été adressées par B______ SA à son employé (i) le 25 avril 2016 confirmant une rémunération pour 2016 de 190'082 fr. payée en 13 salaires de 14'621.70 fr., (ii) le 22 août 2017 confirmant une rémunération pour 2017 de 190'082 fr. payée en 13 salaires de 14'621.70 fr. et (iii) le 29 mai 2018 confirmant une rémunération pour 2018 de 210'082 fr. payée en 13 salaires de 16'160.15 fr.. Chacune de ces lettres de confirmation mentionnait par ailleurs ce qui suit: "En outre vous aurez droit à une participation à votre caisse maladie de CHF 180.-, ainsi qu'aux frais de représentation forfaitaires de CHF 843.- par mois". A noter que le 20 juillet 2018, les parties ont signé un avenant valant modification au 1er janvier 2018 du contrat de travail du 24 juillet 2015: A______ occupait désormais la fonction de Head of Fixed Income Sales, recevait un salaire annuel de 220'200 fr. (salaire mensuel de 16'938 fr. payé 13 fois) et avait droit à 30 jours de vacances par an, avec la précision que "les autres conditions du contrat signé le 24 juillet 2015 restent inchangées".

e.       Les fiches de salaires figurant à la procédure démontrent que le montant de 180 fr. relatif à la contribution mensuelle à l'assurance maladie a été ajouté au montant brut du salaire pendant toute la durée des relations contractuelles; quant aux frais de représentation, ils ont été forfaitisés dès janvier 2016 à hauteur de 843 fr. par mois, passant à 926.50 fr. dès janvier 2019, et mentionnés comme tels sur les fiches de salaire en conformité avec la pratique fiscale genevoise. A______ a par ailleurs perçu un bonus (i) en mars 2016 à hauteur de 10'000 fr., (ii) en mars 2017 à hauteur de 210'000 fr. et (iii) en mars 2018 à hauteur de 180'000 fr., ce qui donna lieu à la comptabilisation d'un supplément au forfait de frais de représentation (i) de 501.90 fr. en décembre 2016, (ii) de 18'619.80 fr. en décembre 2017 et (iii) de 17'619.80 fr. en décembre 2018, ces montants étant portés en déduction du salaire brut et ajoutés au forfait mensuel de 843 fr. de la fiche de salaire de décembre.

f.       A______ a touché, sans tenir compte de la contribution à la caisse maladie et du bonus, (i) en 2015, un salaire mensuel de 15'400 fr. sur les quatre derniers mois augmenté d'un treizième salaire pro rata temporis de 5'133.35 fr., soit 66'733.35 fr. au total (à savoir le tiers de 200'200 fr.), (ii) en 2016 et en 2017, treize salaires mensuels de 14'621.70 fr. (à savoir 190'082.10 fr.) augmentés de douze forfaits de représentation de 843 fr. (à savoir 10'116 fr.), soit 200'198.10 fr. au total, (iii) en 2018, treize salaires mensuels de 16'160.15 fr. (à savoir 210'081.95 fr.) augmentés de douze forfaits de représentation de 843 fr. (à savoir 10'116 fr.), soit 220'197.95 fr. au total, et (iv) en 2019, un salaire mensuel de 16'083 fr. sur les trois premiers mois augmenté d'un treizième salaire pro rata temporis de 4'020.75 fr. (réparti sur deux versements) et de trois forfaits de représentation de 926.50 fr., soit 55'049.25 fr. au total (à savoir le quart de 220'197 fr.).

g.      La direction de B______ SA a eu accès à des échanges ayant eu lieu entre le 26 novembre et le 14 décembre 2018 sur la plateforme chat de Bloomberg utilisée par les employés pour exécuter les transactions financières entrant dans l'exercice de leurs fonctions, lesquels font ressortir que A______ nourrissait des sentiments emplis de rancœur à l'égard de son employeur et de certains de ses collègues ainsi qu'en témoignent des propos, parfois agressifs, du type "quelle conne elle aussi", "quelle plaie ce type", "j'en peux plus de cette truie", "j'en ai marre de tous ces connards", "les doigts dans le c…", "je ne les supporte plus en peinture", "je les déteste", "c'est vraiment à chaque instant je peux disjoncter", "en fait j'ai juste plus envie donc tout me gonfle", "je la conchie", "j'avoue que si ça default je dirais pas que j'aurais pas un petit sourire en coin".

h.      B______ SA a mis fin au contrat de travail de A______ par pli du 27 décembre 2018 (courrier recommandé, courrier simple et courrier électronique) avec dispense immédiate de travailler et prière de restituer immédiatement par courrier tout objet ou document qui serait en sa possession en lien avec l'entreprise. Le congé, avec effet au 28 février 2019, était motivé comme suit: "En sus d'une réorganisation interne, cette résiliation est également motivée par la violation de votre devoir de diligence et de fidélité en lien notamment avec les propos dégradants et insultants que vous avez tenu [sic] à l'égard de vos collègues et des membres de la Direction". Parallèlement à cette résiliation, B______ SA a adressé le message électronique suivant à sa clientèle: "Madame, Monsieur, Nous vous remercions de bien vouloir prendre note que dès ce jour Monsieur A______ n'est plus autorisé à représenter B______ SA. Toute question peut être adressés à Monsieur F______ (CEO) ou Monsieur K______ (CFO). Nous vous remercions de votre confiance et de l'attention portée à ce courrier électronique. Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en nos salutations distinguées".

i.        Par courrier recommandé de son assurance juridique du 30 janvier 2019, A______ fit savoir à son employeur qu'il considérait le congé comme abusif et qu'il formait opposition (art. 336 al. 1 lit c et 336b CO). Il contestait les allégations portées à son encontre et demandait que lui soient versées les sommes lui restant dues à l'instar du bonus 2018, du solde de vacances non prises et des "expenses décembre 2018". Il fit part de son refus de restituer [la tablette tactile] C______/1______, le [clavier pour tablette] D______ et [le téléphone portable] E______/2______ que lui avait réclamés son employeur par pli du 23 janvier 2019, annonçant en revanche son intention de restituer "les autres objets" dans les meilleurs délais. Il rappelait en outre n'avoir pas pu récupérer toutes ses affaires personnelles et souhaitant en conséquence qu'elles lui soient immédiatement expédiées par poste. Il sollicitait enfin la délivrance d'un certificat de travail complet qui soit conforme aux principes juridiques et jurisprudentiels applicables. B______ SA a répondu par pli du 5 février 2019 auquel était annexé un certificat de travail intérimaire du même jour: elle contesta le caractère abusif du congé tout en persistant à réclamer la restitution de [la tablette] C______/1______, du [clavier] D______ et [du téléphone portable] E______/2______ qu'elle avait intégralement payés "au moyen d'expenses".

j.        Des échanges de courriers suivirent, chaque partie ayant finalement pris avocat et campant sur ses positions. A______ ayant été momentanément en incapacité de travail, le contrat a pris fin au 31 mars 2019.

k.      Le 3 octobre 2019 et à l'initiative de A______, un commandement de payer poursuite n° 3______ a été notifié à B______ SA pour les sommes (i) de 74'120 fr. assortie d'un taux d'intérêt de 5% à compter du 1er avril 2019 (indemnité pour congé abusif) et (ii) de 400'000 fr. assortie d'un taux d'intérêt de 5% à compter du 1er avril 2019 (bonus 2018), auquel la prétendue débitrice a fait opposition totale.

l.        Au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée le 18 novembre 2019, A______ a introduit une action en paiement le 28 février 2020 par demande reçue le 3 mars 2020 au greffe du Tribunal des Prud'hommes. Il a conclu (i) à ce qu'il soit ordonné à B______ SA de produire l'intégralité de son dossier personnel, toute documentation et/ou information permettant d'établir le chiffre d'affaires généré à titre individuel pour les années 2015 à 2018 par lui-même ainsi que par tous les autres collaborateurs (en particulier F______, G______, H______ et I______), attestant les bonus versés aux collaborateurs pour les années 2015 à 2019 et permettant d'établir le chiffre d'affaires global de B______ SA pour les années 2015 à 2019, (ii) à la condamnation de B______ SA à lui payer – avec suite d'intérêts de 5% dès le 1er avril 2019 – les sommes de 3'372 fr. nets (frais de représentation impayés pour 2015), de 9'334.20 fr. (arriéré de salaire 2018), de 31'800.85 fr. (complément de treizième salaire 2018), de 2'565 fr. (arriéré de salaire 2019), de 7'970.40 fr. (complément de treizième salaire 2019), de 390'000 fr. (bonus 2018), de 90'000 fr. (bonus 2019 pro rata temporis) et de 192'178 fr. (indemnité pour licenciement abusif), (iii) au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 3______ notifié le 3 octobre 2019, (iv) à la condamnation de B______ SA – l'exécution devant intervenir dans les dix jours dès l'entrée en force du jugement et sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. au plus pour chaque jour d'inexécution sur requête de A______ – à lui remettre un certificat de travail complet, à lui restituer l'intégralité de ses effets personnels (soit notamment la boîte qui se trouvait dans le tiroir fermé sous clé de son bureau contenant des carte de visite ainsi que le fichier informatique qui figurait sur son poste de travail intitulé "perso") et à supprimer sans délai sa boîte électronique (A______@B______.ch) de manière à ce que celle-ci soit inactive, (v) à ce qu'il lui soit réservé le droit de modifier et/ou amplifier ses conclusions dès obtention des pièces requises préalablement, (vi) à la condamnation de B______ SA "aux frais et dépens de la présente procédure, lesquels comprendront le défraiement intégral du Conseil soussigné" et (vii) au déboutement de B______ SA de toutes autres ou contraires conclusions.

En substance, A______ fonde ses prétentions de la manière suivante:

-         Les fiches de salaire de 2015 ne mentionnent pas le montant forfaitaire de 843 fr. alors que le contrat prévoit que ce montant forfaitaire fait partie intégrante du salaire d'où une insuffisance de salaire de 3'372 fr. (843 x 4).

-         Le salaire annuel applicable pour 2018 et pour 2019 est de 220'200 fr. payable en treize salaires mensuels de 16'938 fr.. Or les fiches de salaires 2018 font mention d'un salaire mensuel de 16'160.15 fr. d'où une insuffisance de salaire versé de 9'334 fr. 20 (12 x 777.85) et celles de 2019 d'un salaire mensuel de 16'083 fr. d'où une insuffisance de salaire versé de 2'565 fr. (3 x 855).

-         Le treizième salaire 2018 (i) ne prend en compte que le montant versé treize fois, à savoir 16'160.15 fr., en lieu et place du montant de 16'938 fr. correspondant au salaire annuel de 220'200 fr. dû selon l'avenant signé le 20 juillet 2018, (ii) ne prend pas en compte la contribution mensuelle à l'assurance maladie de 180 fr. et (iii) ne prend pas en compte le bonus à considérer comme un élément du salaire et qui devrait se monter à 390'000 fr. pour 2018, soit une insuffisance de treizième salaire versé de 31'800.85 fr.. Les mêmes considérations devraient être prises en compte mutatis mutandis pour le treizième salaire 2019, menant à une insuffisance de treizième salaire versé de 7'970.40 fr..

-         A______ avait droit à un bonus pour les années 2018 (390'000 fr.) et 2019 (90'000 fr. [pro rata temporis]) en dépit de la résiliation de son contrat survenue en décembre 2018, son bonus faisant partie intégrante de sa rémunération qui (salaire + bonus) devrait correspondre au 40% du chiffre d'affaires généré par ses soins qui a été de l'ordre de 1'500'000 fr. en 2018.

-         A______ s'est rapidement distingué par ses performances au sein de l'entreprise, ce qui explique qu'il ait été promu Chef des ventes. Les relations de travail se sont toutefois dégradées en automne 2018 lorsque le demandeur fit état auprès de K______, CFO, de divers dysfonctionnements et incohérences parmi lesquels la rémunération excessive de F______ et de G______ par comparaison avec celle d'autres collaborateurs dont les performances étaient meilleures. Le demandeur estimait par ailleurs avoir droit à un bonus de l'ordre de 400'000 fr. compte tenu de ses performances. Ces remarques ont été mal prises tandis que F______ a été surpris, le 18 décembre 2018, en train de fouiller l'ordinateur de travail du A______.

-         Le congé donné en décembre 2018 doit être qualifié d'abusif et justifie une indemnité équivalente à quatre salaires mensuels 2018, soit 192'178 fr. (le salaire mensuel, englobant notamment le bonus, étant en réalité de 48'044.50 fr.).

m.    Dans son mémoire de réponse et demande reconventionnelle du 29 mai 2020, B______ SA a conclu (i) à l'irrecevabilité des conclusions 7 à 11, 13, 15 à 23 de la demande en paiement qui ne figuraient pas dans la requête de conciliation, (ii) au déboutement de A______ à raison de ses conclusions en production de pièces, faute de pertinence et par souci de protéger le secret des affaires tout comme la personnalité d'autres employés, (iii) à la production par le demandeur de ses conclusions prises en procédure de conciliation, (iv) à la mise hors procédure de la pièce 14 produite par le demandeur, à savoir un tableau de type excel intitulé "11 – Rentabilité client mensuelle avant rétro. 30.11.2018.xls", dépourvue de pertinence et portant atteinte au secret des affaires, (v) au déboutement du demandeur avec suite de frais. Elle a en outre conclu, sur demande reconventionnelle, à la condamnation de A______ à lui restituer [la tablette tactile] C______/1______, le [clavier pour tablette] D______ et [le téléphone portable] E______/2______d'une valeur totale de 2'925.65 fr. dès l'entrée en force du jugement sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP, avec suite de frais.

En substance, B______ SA appuie ses conclusions de la manière suivante:

-          En 2015, le demandeur était domicilié dans le canton de Vaud et ne pouvait en conséquence être mis au bénéfice des directives de l'administration fiscale genevoises, ce qui explique que les frais de représentation – compris dans le salaire – ne figurent pas dans les fiches de salaire de cette année-là. Il en est allé différemment à compter du 1er janvier 2016, A______ s'étant constitué domicile à Genève, ce qui lui permettait alors de bénéficier desdites directives en profitant de la défiscalisation à hauteur d'un montant forfaitaire mensuel de 843 fr. déduit du salaire brut avant d'être ajouté au salaire net (solde après déduction des charges sociales) en qualité de frais de représentation, ce montant ayant été porté à 926.50 fr. en 2019, tous éléments qui ressortent à la fois des fiches de salaire concernées et de courriers reçus par le demandeur sans que cela ne suscite de réactions ou questions de sa part.

-          Le versement d'un bonus revêt un caractère discrétionnaire ainsi que cela ressort de la documentation contractuelle et ainsi que cela a été rappelé à l'occasion de chaque versement de ce type. A______ est arrivé pratiquement sans clientèle personnelle et a toujours travaillé sur la clientèle existante. De plus, 2018 avait été une année compliquée nonobstant la promotion du demandeur au point qu'il avait fallu réorganiser la structure de la société. Enfin, tout versement d'un bonus pour l'année 2019 était exclu dès lors que, ayant été libéré de son obligation de travailler au jour de son licenciement, il n'avait pas travaillé en 2019 pour B______ SA.

-          Ayant pris connaissance de tchats échangés par A______ par le biais d'un système de communication communément appelé Bloomberg utilisé sur les marchés financiers et soumis au devoir d'enregistrement conformément aux directives de la FINMA (enregistrements dont elle avait sollicité la remise auprès de Bloomberg), B______ SA s'est rendu compte que le demandeur tenait "des propos dégradants, insultants et dénotant une infidélité crasse à l'égard de son employeur", ce qui avait mené à la rupture du lien de confiance nécessaire à la poursuite du contrat de travail. Le licenciement était justifié à double titre – restructuration rendue nécessaire par le contexte économique et violation grave des devoirs de confiance et de fidélité – et ne saurait en conséquence être qualifié d'abusif, ce qui excluait toute indemnité en faveur de A______.

-          Les acquisitions [du téléphone portable] E______/2______, de [la tablette tactile] C______/1______ et du [clavier pour tablette] D______ ont été opérées par A______ directement, lequel en a toutefois obtenu le remboursement de la part de son employeur pour un montant total de 2'925.65 fr.: il en est bel et bien tenu à restitution d'où la demande reconventionnelle.

n.      Par mémoire de réplique et de réponse sur demande reconventionnelle du 13 juillet 2020, A______ a (i) persisté dans ses conclusions à l'exception du paiement de la somme de 3'372 fr. nets au titre de frais de représentation impayés pour 2015, (ii) pris une conclusion supplémentaire en production de toute documentation et/ou information attestant de la demande de remise des tchats auprès de Bloomberg ainsi que de l'auteur de ladite demande et du processus d'examen des données ainsi recueillies, (iii) demandé que la pièce 12 Défenderesse soit écartée de la procédure et (iv) conclu au déboutement de B______ SA à raison de ses conclusions reconventionnelles.

En substance, A______ a persisté dans les allégués et considérations présentés à l'appui de son mémoire de demande du 28 février 2020 tout en se prévalant des éléments supplémentaires suivants:

-          Les objets dont la restitution est réclamée par B______ SA ont été offerts au titre de cadeau et n'appartiennent dès lors pas à cette dernière.

-          A______ n'a jamais été informé de mesures de restructuration internes alors qu'il faisait partie du conseil de direction, ce qui accréditerait la thèse selon laquelle il s'agirait d'un prétexte utilisé par B______ SA pour justifier son licenciement.

-          Les données recueillies en relation avec les tchats constituent une atteinte illicite aux droits de la personnalité de A______.

-          La pratique de la société voulait que les clients soient attribués et suivis par un vendeur individuellement.

-          Les conclusions supplémentaires prises dans la demande du 28 février 2020 par rapport à la requête en conciliation sont conformes aux exigences de l'art. 227 CPC et sont en conséquence recevables.

-          Les documents et informations visés par les conclusions en production formulées par A______ sont pertinents puisque ces éléments permettraient de comparer les chiffres d'affaires des collaborateurs respectifs eu égard aux performances "inégalables" du demandeur, sans que le secret des affaires ne s'y oppose.

o.      Dans sa duplique du 20 août 2020, B______ SA a persisté intégralement dans ses conclusions du 29 mai 2020. Elle souligne en particulier ce qui suit:

-          Les tableaux de monitoring mensuels démontrent que la clientèle appartenait à la société et non à l'employé en charge des transactions y relatives.

-          Les conclusions relatives à la remise d'un certificat de travail complet, à la restitution de ses effets personnels et à la suppression de la boîte électronique du demandeur sont irrecevables dans la mesure où A______ n'a formulé aucun allégué s'y rapportant, en violation des exigences de la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC). En tout état de cause, voudrait-on les prendre en considération qu'elles devraient être rejetées ([i] le certificat de travail est complet, [ii] ses effets personnels lui ont été restitués par pli recommandé adressé à la N______, son premier mandataire et [iii] la suppression de son adresse email violerait les directives de la FINMA qui en impose la conservation pour une durée de cinq ans).

-          La pièce 12 Défenderesse relatant les tchats recueillis auprès de Bloomberg contient des données parvenues à la connaissance de l'employeur de manière licite et conformes aux procédures mises en place sur le plan interne chez B______ SA.

-          La rémunération touchée par A______ constitue de "très hauts revenus" au sens de la jurisprudence ce qui exclut l'application du critère de l'accessoriété au cas d'espèce.

p.      Le 25 novembre 2020, le tribunal de Prud'hommes a rendu une ordonnance d'instruction par laquelle il statue sur un certain nombre de points demeurés litigieux à la suite de l'audience de débats d'instruction du 27 octobre 2020, parmi lesquels la conclusion prise à titre préalable par A______ à l'appui de sa réplique du 13 juillet 2020 tendant à écarter la pièce 12 défenderesse de la procédure, que les premiers juges ont rejetée (point 4 du dispositif de l'ordonnance du 25 novembre 2020).

q.      Les premiers juges ont procédé à l'audition des témoins et des parties:

aa. Les parties ont été entendues le 28 juin 2021 "à la suite des thèmes abordés dans les écritures", et ont en substance confirmé, voire précisé le contenu de leurs écritures respectives. En particulier, A______ a indiqué (i) qu'une rémunération équivalente à 35% de ses performances lui avait été promise lors de son engagement, promesse sans laquelle il n'aurait jamais accepté de travailler chez B______ SA, (ii) qu'il avait été notamment chargé d'organiser l'attribution et le suivi des comptes par vendeur tout en mettant en place un monitoring individuel et mensuel pour chaque vendeur avec des objectifs de rentabilité définis en accord avec le comité de direction, (iii) qu'il s'était ouvert auprès de K______ et de F______ à propos de la politique de rémunération qu'il jugeait injuste (en particulier celle – exagérément élevée à ses yeux – de G______) et de son refus d'entrer dans l'actionnariat de la société comme on le lui avait proposé, (iv) qu'il avait émis des prétentions en termes de salaire à compter du 1er janvier 2019, à savoir 250'000 fr. augmentés de 400'000 fr. au titre de bonus pour 2018, (v) que le chat Bloomberg était utilisé indistinctement pour des collègues et pour des clients, mais qu'il n'avait "jamais mis des ordres de clients sur le chat interne", ceci "pour des questions d'efficacité et d'optimisation de la marge/commission", (vi) qu'il avait reçu des appels de clients à la suite de son licenciement, auxquels l'employeur avait indiqué qu'il s'agissait de motifs graves, (vii) que le remboursement du matériel personnel litigieux avait été accepté par le comité de direction "soit pour lui F______ et K______" et (viii) qu'il n'avait jamais reçu le moindre reproche, rappel ou avertissement avant son licenciement.

bb. Lors de cette même audience, la défenderesse comparaissait par l'entremise de ses organes K______ et F______. Ces derniers ont indiqué (i) que le demandeur ne s'était jamais plaint du non-paiement de frais de représentation pendant toute la durée des rapports de travail, (ii) qu'il n'y a pas de système d'évaluation formel ni d'objectifs fixés aux collaborateurs (même si un monitoring et un suivi individuel existaient pour assurer l'efficience de la vente), l'évaluation de la performance personnelle prenant en compte le comportement, l'implication au sein de l'équipe, la proactivité, les années de collaboration et le service fourni aux clients sans que n'existe de formule pour le calcul des bonus, (iii) que seuls les chiffres de la société sont pris en compte sans que n'existent des documents reflétant la rentabilité individuelle des collaborateurs, (iv) que des déjeuners ont eu lieu avec A______ au cours desquels des points d'amélioration au sein de la société ont été discutés mais pas dans le sens décrit par le demandeur, lequel ne se serait par ailleurs jamais plaint de ce que F______ et G______ étaient trop payés, (v) que le refus du demandeur d'entrer dans le capital-actions de la société familiale ne constituait pas un problème en soi, (vi) que l'épisode du 18 décembre 2018 – F______ rectifiera cette date à l'occasion de l'audience d'administration de preuves du lendemain en indiquant qu'il s'agissant en réalité du 13 décembre 2018 (ce que l'appelant a contesté [mémoire d'appel, p. 29 § 4]) – au cours duquel les propos tenus par le demandeur sur Bloomberg ont été découverts fortuitement sur son écran d'ordinateur est survenu dans le cadre normal de ce qui se passe dans une salle de trading, en ce sens que F______, dont le poste se trouvait à côté de celui de A______ qui s'était momentanément absenté, avait tenu à s'assurer du suivi d'un ordre en cours, (vii) qu'à cette occasion F______ a découvert les propos échangés "sur Bloomberg qui était ouvert sur son écran" desquels ils ressortait que l'appelant cachait systématiquement de l'information sur des clients (vii) que les monitorings mensuels mis en place par le demandeur avaient pour finalité d'améliorer l'efficacité collective de la force de vente sans qu'il n'ait été question de s'en servir pour fixer la rémunération et les bonus, avec la précision qu'ils ont été abandonnés peu après le départ de A______, tout comme la fonction de head of sales non repourvue après le départ de ce dernier et reprise comme auparavant dans le cahier des charges de F______, (viii) que l'attitude de A______ s'était "progressivement dégradée" en 2018 au point que l'ambiance au sein de l'équipe de vente "était devenue insoutenable", (ix) qu'à la demande de celui-ci la possibilité lui a été donnée de choisir lui-même son matériel sans qu'il n'ait été question de le lui offrir, (x) que A______ disposait d'une liste de clients importante mais qu'aucun d'eux n'avait intégré B______ SA et (xi) que le licenciement était intervenu pour protéger à la fois les collaborateurs et les intérêts de la société au vu du contenu des chats Bloomberg.

cc. I______, qui travaille pour B______ SA depuis juin 2015 en qualité d'analyste financier et de fixed income sales, a été entendu comme témoin le 29 juin 2021. Le bonus est calculé "en fonction de la performance individuelle et de l'entreprise peut-être également en fonction de l'ancienneté et de la hiérarchie"; il le perçoit chaque année et lui est annoncé oralement par F______ et K______. Il connaît "plus ou moins" son chiffre d'affaires qu'il a commencé à écrire chaque mois après le départ de A______; les vendeurs devaient toutefois fournir mensuellement des documents au demandeur (à l'instar du tableau produit par ce dernier [pièce 27] qui intègre l'ensemble des comptes dont s'occupait le témoin "totalement, partiellement ou conjointement") et des réunions trimestrielles avaient lieu avec F______, K______ et le reste de l'équipe. Il y a des comptes qui sont partagés entre plusieurs vendeurs ce qui rend difficile le calcul de la performance individuelle, ce d'autant que d'autres paramètres entrent en ligne de compte, le témoin précisant que la question du bonus n'est pas en lien avec cette performance-là, même si le bon sens veut que cet aspect soit aussi pris en considération. A______ avait été le supérieur hiérarchique du témoin pendant une période, ce dernier ayant eu une bonne impression de la qualité de son travail. Un conflit a toutefois éclaté entre le demandeur et la direction au cours de l'année 2018, A______ ayant fait état de désaccords concernant sa propre rémunération. A son souvenir c'est le demandeur lui-même qui l'aurait informé de son départ avant l'annonce officielle faite par F______ et K______; les motifs du licenciement (mauvais comportement, excès, insultes) ont été évoqués par la suite. La nomination de A______ en qualité de head of sales n'a pas modifié le principe de l'attribution des clients aux vendeurs à l'exception de la désignation de certains vendeurs comme première relation, le principe de la cogestion demeurant de mise. Enfin, selon le souvenir du témoin, 2018 "n'a pas été la meilleure des années" même si, à sa connaissance, aucune mesure de restructuration n'a été prise en 2018.

dd. O______, retraité ayant travaillé chez B______ SA de 1997 à 2020 en tant que trader et chef du trading, a été entendu comme témoin le 29 juin 2021. Il percevait un bonus "très très fluctuant" (sic) qui lui était communiqué chaque année oralement par la direction, lequel évoluait en fonction des résultats de l'entreprise et de son travail. Ne faisant pas partie des sales, il n'avait par définition aucun objectif chiffré; il ignorait toutefois si de tels objectifs étaient fixés pour les sales. A______ avait une bonne performance qui était notamment liée à un client important qui était déjà chez B______ SA au moment de son arrivée et dont il avait dynamisé le compte. Le licenciement du demandeur a eu lieu en décembre 2018 pour des propos déplacés. Le témoin a eu l'occasion de prendre connaissance des échanges survenus sur le chat Bloomberg entre A______ et deux de ses collègues, qui ne l'ont pas surpris dès lors que celui-ci avait tendance à boire pendant les repas de midi avec les clients et retournait au travail à 16 heures, moment où "tout le monde en prenait pour son grade". Il ignore si une restructuration a eu lieu en 2018 non sans souligner qu'il l'aurait normalement su le cas échéant; F______ et G______ ont repris conjointement la fonction de head of sales au départ du demandeur dont les clients ont été réattribués. A son souvenir tous les sales ont perçu un bonus entre 2015 et 2018; selon lui, A______ a perçu un bonus important pour avoir développé un gros client. Enfin, le témoin indique qu'en cas d'absence momentanée de son poste, le sale ou le trader concerné doit expliquer ce qui est en cours pour que d'autres collaborateurs puissent prendre le relais "sachant qu'un ordre doit être traité".

ee. L______, président du conseil d'administration de B______ SA sans en avoir jamais été collaborateur, a été entendu le 8 juillet 2021 au titre de comparution personnelle de la défenderesse. Il indique que l'octroi de bonus – toujours discrétionnaire, ce que le comité de direction était prié de rappeler au récipiendaire – présuppose que la société soit profitable et s'opère uniquement en fonction d'appréciations qualitatives sans qu'il ne soit question d'user de formules en vue de la fixation du bonus: il s'agissait de favoriser le travail collectif au sein de l'entreprise. Le conseil d'administration a dérogé une seule fois au principe de l'absence de formule, mais cela ne concernait pas A______.

ff. H______, ayant travaillé pour B______ SA en qualité de sales and dealing de décembre 2006 à septembre 2019, a été entendue comme témoin le 12 octobre 2021. Elle indique qu'il n'y avait pas de formule pour déterminer les bonus, lesquels étaient fixés en fonction de la marche des affaires de l'entreprise, des clients qui rapportaient des bénéfices, de l'ancienneté, de la manière générale de travailler et de la motivation. Elle estime toutefois qu'il y avait une corrélation directe entre les clients qu'elle gérait, les revenus de la société et son bonus, tout en précisant qu'il n'y avait "en ce qui me concerne aucun ratio entre ce que je ramenais et mon bonus". Elle a perçu un bonus chaque année à l'exception du bonus à recevoir en 2019, année au cours de laquelle elle a quitté son emploi. Interrogée sur la notion "de nature discrétionnaire et non garanti" relative au bonus telle que mentionné dans le contrat de travail de A______ (pièce 3 demandeur), à son souvenir identique à ce qui prévalait pour son propre contrat, H______ déclare que "ces deux derniers termes sont parfaitement clairs et je les comprends", le même constat prévalant à ses yeux quant à la première phrase de l'art. 16 du Règlement du personnel de B______ SA (supra, lit C § b). Elle faisait partie de l'équipe que dirigeait A______, lequel était un bon chef et insufflait du dynamisme. Selon elle, le licenciement du demandeur était la conséquence de la découverte de discussions entre elle-même, le demandeur et d'autres collègues. A______ n'a pas été remplacé à son départ et les clients dont il s'occupait ont été redistribués entre les autres collaborateurs. H______ se souvient d'une altercation ayant eu lien entre F______ et A______ quelques mois avant le départ de ce dernier, à propos de la remise à celui-là du numéro de téléphone d'un client. Elle se souvient également de l'épisode au cours duquel F______, alors que le demandeur s'était provisoirement absenté de son poste, a regardé l'écran de A______ sur lequel devaient être affichés les mails, le chat Bloomberg et les informations sur la bourse.

gg. Le 12 octobre également, P______, investment advisor ayant travaillé de mi-octobre 2016 à fin octobre 2018 au sein de B______ SA en qualité de sales trader, a été entendu en qualité de témoin. Il se souvient d'avoir eu plusieurs discussions avec A______ sur la nécessité pour chaque sale de générer des revenus propres à couvrir ses propres coûts, sans que cela n'ait jamais figuré comme objectif par écrit. Les bonus ayant été octroyés au témoin l'ont été à titre d'encouragement "dans la mesure où je n'arrivais pas à couvrir mes coûts, mais mon travail était toutefois apprécié". Il lui arrivait de s'occuper de clients de ses collègues et vice versa; c'est un esprit d'équipe qui prévalait et le témoin n'a pas souvenir d'un document d'attribution des clients pour chacun des sales. En revanche, il confirme l'existence de documents mis en place par le demandeur lorsqu'il a pris ses fonctions de head of sales dans lesquels étaient récapitulés les données mensuelles, l'idée étant de structurer les activités de l'ensemble des sales, à l'instar de la pièce 24 demandeur concernant le témoin. Il a perçu des tensions entre A______ et la direction sans avoir toutefois assisté à un incident particulier.

hh. Enfin, G______, membre de la direction de B______ SA, a été entendu le 21 octobre 2021 au titre de comparution personnelle de la défenderesse. Depuis 1987, chaque sale utilise un cahier de trading (blotter) pour y inscrire quotidiennement les trades et les transactions effectués pour chaque client. Aucun sale n'avait vraiment de client attitré et chacun d'eux était habilité à effectuer des trades pour n'importe quel client de B______ SA. Grâce au blotter, celle-ci disposait de l'ensemble des revenus générés pour chacun des clients durant toute l'année. En revanche, il était difficile d'attribuer le résultat final annuel d'un client à l'un ou l'autre sale dès lors que chaque client était traité par plusieurs sales; il n'était donc pas possible pour l'entreprise de produire le chiffre d'affaires individuel généré par chaque sale. G______ a par ailleurs indiqué que le rappel du caractère discrétionnaire du bonus se faisait oralement à l'occasion de l'annonce de son bonus faite à chaque collaborateur. Seul un petit client parmi ceux dont avait fait état A______ lors de son engagement est devenu client chez B______ SA. Le témoin indique que l'année 2018 avait été une mauvaise année au point que des mesures de restructuration avaient été envisagées. A son souvenir, l'information faite aux clients du départ du demandeur "ne mentionnait que le fait que nous nous étions séparés".

D.           Dans son jugement, le Tribunal des Prud'hommes a tout d'abord rejeté la requête de productions de pièces du demandeur destinée à établir les chiffres d'affaires générés par lui-même et par les autres sales tout comme à établir les bonus versés aux collaborateurs de l'entreprise pour les années 2015 à 2019, ceci (i) en application du principe de l'appréciation anticipée des preuves et (ii) vu l'absence de pertinence de ces pièces et informations. Il a débouté A______ de ses conclusions en versement d'un bonus (390'000 fr. pour 2018 et 90'000 fr. pour 2019): en l'espèce le bonus prévu dans le contrat de travail qui liait les parties doit être qualifié de "gratification facultative" à mettre en relation avec de "très hauts revenus" au vu de la rémunération du demandeur, si bien que le principe de l'accessoriété ne s'applique pas et que le versement du bonus litigieux demeure purement discrétionnaire. Les premiers juges ont par ailleurs débouté le demandeur de ses conclusions en paiement du solde de son salaire pour les années 2018 et 2019 (9'334.20 fr. et 2'565 fr. avec suite d'intérêts): ayant touché (i) 220'197.75 fr. pour 2018 et (ii) 55'049.25 fr. sur trois mois (janvier à mars) pour 2019 (soit 220'197 fr. pour une année), il a touché ce qui était prévu par l'avenant au contrat du 20 juillet 2018 si bien qu'aucun solde ne lui est dû. Quant au treizième salaire pour ces deux années, c'est à raison qu'il a été déterminé par la défenderesse sur la base du salaire fixe et sans tenir compte du bonus, dès lors que ce dernier est à considérer comme une gratification et non comme un élément du salaire: A______ doit dès lors être débouté de ses prétentions sur ce point (31'800.85 fr. pour 2018 et 7'970.40 fr. pour 2019, avec suite d'intérêts). Le demandeur a été débouté de ses conclusions en versement d'une indemnité de 192'178 fr. avec suite d'intérêts au titre d'indemnité pour licenciement abusif tout comme de ses conclusions accessoires en mainlevée définitive de l'opposition. Le Tribunal des Prud'hommes a en revanche condamné B______ SA à remettre un certificat de travail complet conforme à l'art. 330a CO. Il a par ailleurs débouté le demandeur de ses conclusions (i) en restitution de certaines effets personnels tout comme d'un fichier informatique intitulé "perso" et (ii) en suppression de sa boîte électronique au sein de l'entreprise. Enfin, A______ a été condamné, sur demande reconventionnelle, à restituer à B______ SA [la tablette tactile] C______/1______, le [clavier pour tablette] D______ et [le téléphone portable] E______/2______dès lors que ce matériel a été payé par cette dernière. Enfin, les premiers juges ont arrêté les frais judiciaires à 7'270 fr. pour les mettre à la charge de A______ qui les avait avancés tout en renonçant à allouer des dépens "bien que les prétentions du demandeur sont à la limite de la témérité".

EN DROIT

1.             1.1 A teneur de l'art. 308 let. a CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance pour autant que, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions soit de 10'000 fr. au moins. En l'occurrence, le jugement querellé est une décision finale (art. 236 CPC) portant sur une valeur litigieuse largement supérieure à 10'000 fr., ce que les parties ne contestent pas.

1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée. A Genève, l'instance d'appel s'agissant des jugements rendus par le Tribunal des Prud'hommes est la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (art. 124 let. a LOJ).

En l'occurrence, l'appel a été déposé dans le délai et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est formellement recevable.

1.3 Au vu de l'objet de l'appel et de l'absence d'appel interjeté par B______ SA, le jugement du 18 janvier 2022 est entré en force (i) s'agissant du déboutement de l'appelant à raison des soldes de salaire pour les années 2018 et 2019, (ii) s'agissant du déboutement de l'appelant à raison des soldes de treizième salaire pour les années 2018 et 2019, (iii) s'agissant de la condamnation de B______ SA à remettre un certificat de travail complet conforme à l'art. 330a CO, (iv) s'agissant du déboutement de l'appelant à raison de la restitution de ses effets personnels et d'un fichier informatique intitulé "perso" figurant sur son poste de travail, (v) s'agissant du déboutement de l'appelant à raison de la suppression de sa boîte électronique au sein de l'entreprise et (vi) s'agissant de la condamnation de l'appelant à restituer [la tablette tactile] C______/1______, le [clavier pour tablette] D______ et [le téléphone portable] E______/2______.

1.4 La Cour de céans dispose d'un pouvoir de cognition complet tant en fait qu'en droit (art. 310 CPC). Elle revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen, dans les limites posées par les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) applicables à la présente procédure si bien que les griefs développés par l'appelant sont recevables.

2.             Dans un premier grief, l'appelant se prévaut de la violation de son droit d'être entendu (i) en relation avec le refus de rendre une décision à propos de sa conclusion préalable n° 8 prise à l'appui de sa réplique du 13 juillet 2020 tendant à écarter la pièce 12 Défenderesse de la procédure et (ii) en relation avec le refus de donner suite à ses réquisitions de preuves visant à obtenir la production par B______ SA de toute documentation et information attestant des bonus versés aux collaborateurs de la société pour les années 2015 à 2019.

2.1 L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinente pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst (TF, arrêt du 25 février 2019, 5A_998/2018, consid. 5.1 et arrêts cités parmi lesquels l'ATF 136 I 6, consid. 2.1). La jurisprudence déduit du droit d'être entendu l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 I 135, consid. 2.1). La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement, sans que l'autorité ne doive se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (TF, arrêt du 25 février 2019, 5A_998/2018, consid. 5.1 et arrêts cités parmi lesquels l'ATF 143 III 65, consid. 5.2). Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218, consid. 2.8.1). Toutefois, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation de ce droit a pu avoir sur la procédure: le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait alors une vaine formalité et conduirait à prolonger inutilement la procédure (TF, arrêt du 25 février 2019, 5A_998/2018, consid. 5.1).

Le droit d'être entendu tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst comprend aussi le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et d'offrir des preuves pertinentes (ATF 135 II 286, consid. 5.1). Cette garantie constitutionnelle impose à l'autorité de donner suite à une offre de preuve formulée en temps utile, dans les formes prescrites et qui apparaît de nature à influer sur le sort de la décision à rendre. Il n'y a toutefois pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (TF, arrêt du 6 décembre 2016, 5A_741/2016, consid. 3.2.1; ATF 134 I 140, consid. 5.3). L'ancrage de ces principes au sein du CPC s'opère par l'art. 152 al. 1 CPC qui instaure le droit à la preuve et à teneur duquel "toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile"; cette norme s'inscrit dans la ligne des exigences propres à un procès équitable au sens de l'art. 6 CEDH et découle de l'art. 8 CC qui répartit le fardeau de la preuve objectif entre les parties à la procédure (CPC – P. Schweizer, art. 152 N 1). Le droit à la preuve consacré à l'art. 152 CPC octroie à toute personne à laquelle incombe le fardeau de la preuve le droit, pour établir un fait à la fois pertinent et contesté (art. 150 al. 1 CPC), de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 143 III 297, consid. 9.3.2). Toutefois, il ne saurait y avoir une atteinte à ce droit lorsque le juge, par une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (TF, arrêt du 27 septembre 2022, 4A_226/2022, consid. 4.1, se référant à l'ATF 143 III 297, consid. 9.3.2).

2.2 L'appelant fait tout d'abord grief au jugement entrepris de ne contenir "aucun développement, aucune motivation et aucune décision à propos de la conclusion préalable n° 8 réitérée". Cette conclusion, prise à l'appui du mémoire de réplique et de réponse sur demande reconventionnelle du 13 juillet 2020, tend à faire écarter la pièce 12 produite par B______ SA à l'appui de sa réponse couplée d'une demande reconventionnelle du 29 mai 2020. Cette pièce consiste en des relevés de chats extraits du système Bloomberg utilisé par les sales œuvrant au sein de B______ SA, survenus (i) entre A______ et I______ (les 26 et 27 novembre 2018) d'une part, (ii) entre A______ et H______ (entre les 10 et 13 décembre 2018) d'autre part. Selon l'appelant, cette pièce était susceptible de constituer un moyen de preuve obtenu de manière illicite au sens de l'art. 152 al. 2 CPC, si bien qu'il convenait d'inviter B______ SA à "produire toute documentation et/ou information attestant de la demande de remise des tchats de M. A______ auprès de Bloomberg, ainsi que de toute documentation et/ou information relative à l'auteur et au processus d'examen des données" (conclusion préalable n° 7 prise par A______ à l'appui de son mémoire de réplique et de réponse sur demande reconventionnelle du 13 juillet 2020).

L'ordonnance d'instruction du 25 novembre 2020 statue sur ce point:

"Que A______ a quant à lui conclu à ce que la pièce 12 déf. produite par B______ SA et figurant dans le bordereau de pièces à l'appui de la réponse et demande reconventionnelle du 29 mai 2020 soit écartée au motif que, en l'état du dossier, selon lui, elle aurait été obtenue de manière illicite, soit en violation de l'article 152 al. 2 CPC;

Que pour établir ce qui précède, A______ a requis qu'il soit ordonné à B______ SA de produire toute documentation et/ou information attestant de la demande de remise des tchats le concernant auprès de BLOOMBERG ainsi que toute documentation et/ou information relative à l'auteur et au processus d'examen des données;

Que s'agissant de cette pièce 12 déf., A______, après avoir pris connaissance des pièces 22 et 23 déf. requises par lui dans sa réplique et réponse sur demande reconventionnelle du 13 juillet 2020 et produite par la défenderesse avec sa duplique du 20 août 2020, n'a pas réitéré que celle-ci aurait été effectivement obtenue de manière illicite;

Qu'il s'est tout au plus borné à indiquer, lors de l'audience de débats d'instruction du 27 octobre 2020, que les pièces 22 et 23 déf. démontreraient la volonté de B______ SA de trouver les motifs d'un futur licenciement;

Que par conséquent, faute d'avoir rendu vraisemblable que la pièce 12 déf., avait été obtenue de manière illicite, ladite pièce sera admise aux débats".

La Cour constate que cette décision est motivée de manière conforme aux exigences imposées par la garantie du droit d'être entendu. A sa lecture, A______ comprend les motifs pour lesquels les premiers juges ont décidé de ne pas écarter la pièce 12 défenderesse des débats si bien qu'on ne saurait considérer que la motivation ainsi proposée "est quasiment inexistante" (appel du 18 février 2022, p. 25). L'ordonnance du 25 novembre 2020 ne saurait dès lors être remise en cause pour des raisons d'ordre formel tirées de la violation du droit d'être entendu de l'appelant qui, par ailleurs, est en mesure de soumettre la question litigieuse à la Cour de céans, ainsi qu'il l'a fait dans son mémoire d'appel en contestant ce point de l'ordonnance du 25 novembre 2020 (voir infra, consid. 3): en tout état de cause son droit d'être entendu aura été respecté. Enfin, A______ se prévaut du fait qu'il aurait à nouveau soulevé la question lors de l'audience de plaidoiries finales du 13 octobre 2021, sans toutefois indiquer les raisons pour lesquelles le Tribunal des Prud'hommes aurait dû reconsidérer son ordonnance du 25 novembre 2020 en se prononçant à nouveau sur une question qu'il avait déjà tranchée.

2.3 L'appelant se plaint par ailleurs de ce que le jugement querellé consacre une violation de son droit à la preuve, une composante du droit d'être entendu, dans la mesure où le Tribunal des Prud'hommes a refusé de donner suite à sa réquisition de preuve visant à obtenir la production par B______ SA de toute documentation et/ou information attestant des bonus versés aux collaborateurs de cette entreprise pour les années 2015 à 2019. A l'appui de ce refus, les premiers juges indiquent avoir procédé à une appréciation anticipée des preuves dans la mesure où ils s'estimaient suffisamment renseignés sur les principes mis en œuvre par l'intimée en matière d'octroi de bonus par les nombreuses auditions auxquels ils ont procédé durant la phase d'administration des preuves.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Il ressort en effet de la procédure que neuf personnes ont été entendues (parties comprises) et ont eu l'occasion de s'exprimer sur cette question. Au terme de ces auditions le Tribunal des Prud'hommes est parvenu à la conclusion que le bonus n'était pas directement corrélé aux résultats générés par l'employé concerné ni même aux résultats de l'entreprise, mais dépendait de toute une série de critères discrétionnaires (voir infra, consid. 4.2). Au vu de ces constats, le Tribunal des Prud'hommes était fondé à procéder à une appréciation anticipée des preuves en renonçant à obtenir l'apport des pièces et informations sollicitées de la part de B______ SA, ce d'autant qu'en vertu de ces mêmes constats, ces éléments de preuves supplémentaires étaient devenus non pertinents s'agissant de déterminer le montant du bonus versé à chaque employé de l'entreprise ou encore d'établir qu'un bonus avait été versé à tous les collaborateurs de la société entre 2015 à 2019, ce qui n'est ni pertinent ni contesté.

2.4 Le grief tenant à la violation du droit d'être entendu tombe à faux et doit être rejeté.

3.             Dans un deuxième grief, l'appelant se plaint de ce que la pièce 12 défenderesse – comprenant en particulier des relevés de chats échangés entre A______ et H______ et extraits du système Bloomberg (supra, ch. 2.2) – aurait dû être écartée des débats dans la mesure où elle constituerait un moyen de preuve illicite.

3.1 A teneur de l'art. 152 al. 2 CPC, le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant. La licéité de l'obtention d'un moyen de preuve – à distinguer de la preuve irrégulière recueillie en violation d'une règle de procédure –s'apprécie eu égard au constat de la violation d'une norme de droit matériel ayant pour finalité de protéger le bien juridique lésé contre une telle atteinte (ATF 140 III 6, consid. 3.1). Ainsi que cela découle de l'art. 152 al. 2 CPC, la preuve obtenue illicitement n'est utilisable que dans la mesure où le permet une pesée des intérêts entre la nécessité de protéger le bien lésé et l'intérêt procédural à la manifestation de la vérité (ATF 140 III 6, ibidem). La personnalité du travailleur est protégée par l'art. 328 CO et comprend l'ensemble des valeurs essentielles physiques, sociales et affectives liées à la personne humaine, parmi lesquelles le respect de la vie privée et familiale (CR CO I – K. Lempen, art. 328 N 1). De son côté, le travailleur se doit d'observer trois devoirs fondamentaux, à savoir la diligence, la loyauté et la confidentialité (art. 321a CO); la loyauté est un accessoire de l'obligation d'exécuter le travail et implique que le travailleur œuvre à la sauvegarde des intérêts de son employeur et s'abstienne de tout comportement qui pourrait causer un dommage à ce dernier (CR CO I – A. Witzig, art. 321a N 10ss). Le tribunal fédéral retient comme corollaire du devoir de loyauté le droit pour l'employeur d'avoir accès à la correspondance électronique professionnelle de l'employé, ce qui est aussi valable lorsque cette correspondance est protégée par un mot de passe dans la mesure où ce dernier, dans un tel contexte, n'a pas pour finalité d'empêcher l'accès de cette correspondance à l'employeur lui-même mais à toute personne non autorisée (TF, arrêt du 24 juin 2021, 4A_633/2020, consid. 2.4.3). L'accès ainsi donné à l'employeur à des correspondances figurant dans une boîte email professionnelle doit être distingué du cas dans lequel l'employeur se procure le mot de passe d'une boîte email privée avec l'aide de son informaticien en vue d'accéder à des données relevant de la vie privée de l'employé et portant de la sorte atteinte à sa sphère intime, notamment sexuelle (TF, arrêt du 25 août 2021, 4A_518/2020, consid. 4.1 et 4.2.3). Les critères permettant de trancher la question de la licéité de l'atteinte à la personnalité du travailleur en relation avec le traitement de données le concernant résultent de l'art. 328b CO à teneur duquel de telles données ne peuvent être traitées que dans la mesure où elles portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail (CRCO I – K. Lempen, art. 328b N 5). Ce sont les principes de proportionnalité et de finalité qui doivent prévaloir dans ce domaine, le Tribunal fédéral tenant pour licite le traitement de telles données lorsque celles-ci sont en relation directe avec la conclusion ou l'exécution d'un contrat (TF, arrêt du 25 août 2021, 4A_518/2020, consid. 4.2.4), au contraire de l'accès à des conversations privées échangées par un employé sur le portable mis à sa disposition par l'employeur qui, en l'occurrence consistaient en des courriels intimes échangés avec une collègue de travail intimement liée à lui (TF, arrêt du 25 août 2021, 4A_518/2020, consid. 5.2.1.1).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté (i) que les données contenues dans la pièce 12 défenderesse ont été extraites des chats menés par A______ au sein du système Bloomberg par lequel son employeur opère l'ensemble de ses transactions financières inhérentes à son activité de négoce en valeurs mobilières, (ii) que B______ SA est soumise au devoir d'enregistrement de la correspondance conformément aux directives émises par la FINMA et (iii) que B______ SA dispose d'un système de communication "Entreprise IB chat" précisément appelé "Bloomberg", utilisé sur les marchés à des fins professionnelles et qui est soumis au devoir d'enregistrement. Ce devoir d'enregistrement est mentionné aux chiffres 59 à 61 de la Circulaire 2013/8 émise par la FINMA (Règles de conduite sur le marché concernant le négoce de valeurs mobilières) et prévoit (i) l'enregistrement de tous les entretiens téléphoniques internes et externes des collaborateurs travaillant dans le négoce sur valeurs mobilières ainsi (ii) que le devoir de conserver "la correspondance électronique (e-mail, communication via Bloomberg ou Reuters, etc.) et les relevés de toutes les connexions établies avec les téléphones professionnels de tous les collaborateurs qui travaillent dans le négoce de valeurs mobilières…" pendant au moins deux ans tout en en garantissant l'accès, sans modification, à la FINMA (chiffres 60 et 61, étant précisé qu'en l'espèce ces données sont conservées pendant cinq ans [pièce 24 défenderesse, p. 5 dernier §]).

A______ a reçu, à l'instar de tous les collaborateurs de l'intimée, un courriel de K______ (Chief Financial Officer) du 27 septembre 2018 destiné à "vous rappeler que vos entretiens téléphoniques sont enregistrés conformément au devoir d'enregistrement stipulé dans la circulaire FINMA 2013/008 'règles de conduite sur le marché' dont vous trouverez le lien ci-après…" tout en renvoyant expressément aux chiffres 60 à 62. Il a en outre signé le "Règlement intérieur du réseau informatique B______" dans sa teneur au 26 novembre 2014 qui réserve la possibilité pour le responsable sécurité, l'administrateur du réseau et le "responsable télécom" la possibilité d'examiner des fichiers privés ou des courriers à des fins de diagnostic et d'enquête, la décision d'examen de données privées devant être donnée avec l'accord de la direction (chiffre 5).

Les conversations litigieuses, à savoir principalement les échanges opérés par l'appelant avec une autre collaboratrice de B______ SA, l'ont été dans le cadre rigide, formel et spécifiquement réglementé du chat Bloomberg ayant pour vocation première de conduire et de documenter des transactions sur valeurs mobilières, et non sur une boîte email privée ou sur la plateforme WhatsApp du téléphone portable mis à la disposition par l'employeur à son employé (à l'instar du cas visé par l'arrêt rendu le 25 août 2021 par le Tribunal fédéral dans la cause 4A_518/2020). La Cour considère dès lors que, dans le cas d'espèce, l'employeur était en droit de partir du principe que les données litigieuses étaient issues de processus en relation avec l'exécution par A______ de ses obligations de travailleur. Du reste, les échanges ainsi mis à jour par l'intimée constituent dans leur quasi-intégralité (i) des considérations en relation avec les perspectives des marchés voire du positionnement futur de B______ SA dans ce contexte, (ii) des critiques sur le fonctionnement de la société ou encore (iii) des appréciations sur certains des organes ou employés de celle-ci, toutes données dont on peut certes imaginer que l'appelant n'en souhaite pas l'apport à la procédure mais qui ne relèvent pas de sa sphère intime au sens de la jurisprudence: leur extraction du chat Bloomberg s'inscrit dès lors dans la marge de manœuvre conférée à l'employeur dans ce domaine par l'art. 328b CO, s'agissant plus particulièrement de l'aptitude de A______ à remplir les fonctions de Head of Sales devenues les siennes en 2018 et à en assumer les responsabilités, en particulier eu égard à son devoir de loyauté vis-à-vis de B______ SA.

Cette dernière a fait état de ce qu'elle avait accumulé des doutes "sur la probité et les véritables intentions" de l'appelant (allégué 534 de la réponse), ce qui l'a menée à intervenir le 17 décembre 2018 auprès des instances compétentes (Compliance) chez Bloomberg en vue d'obtenir l'extraction des données du chat de l'appelant relatives à ses échanges avec H______, autre employée chez l'intimée, survenus le 13 décembre 2018. Il semble finalement que B______ SA ait étendu ses démarches concernant le chat de l'appelant (i) à d'autres périodes (les 10 à 12 et 14 décembre s'agissant de H______) et (ii) à d'autres collaborateurs (I______) ainsi que l'allègue l'appelant (mémoire d'appel p. 30 § 3) et ainsi que cela ressort du contenu de la pièce 12 défenderesse.

Les parties divergent quant aux circonstances ayant mené à la dégradation de leurs relations en automne 2018 sur la décision de B______ SA d'extraire ces données, cette dernière faisant essentiellement état de l'épisode du refus de son employé de lui transmettre les coordonnées d'un prénommé "Q______" tandis que l'appelant se prévaut de l'incident du 18 décembre 2018 (B______ SA le situant finalement au 13 décembre: supra, en fait, partie C, lit p § bb) au cours duquel son ordinateur aurait été fouillé en son absence. Indépendamment du déroulement exact de ces circonstances (cumulées avec d'autres à l'instar des désaccords issus de discussions ayant eu lieu à la même époque entre l'appelant et ses dirigeants sur des mesures à prendre selon le premier nommé en vue de mettre un terme à ce qu'il considérait comme des dysfonctionnements importants), la Cour retient que les rapports entre les parties se sont suffisamment dégradés dès novembre 2018 pour que naissent chez l'employeur certains doutes quant à la loyauté de son employé. L'extraction des données – obtenue conformément aux processus mis en place par Bloomberg et au droit réservé dans ce sens en faveur de l'administrateur réseau, du responsable télécom et de la direction par l'art. 5 du "Règlement intérieur du réseau informatique B______" que A______ a signé – ne procède pas d'une violation du droit matériel, à savoir des dispositions régissant le contrat de travail sus-évoquées. Le fait que K______ ait insisté pour que ces recherches et extractions demeurent confidentielles et qu'elles n'alertent pas l'appelant, une précaution somme toute compréhensible dès lors que la décision de le licencier n'avait pas encore été prise à ce stade, demeure sans incidence sur ce constat.

3.3 Le grief tenant à la violation de l'art. 152 al. 2 CPC n'est pas fondé si bien que la pièce 12 défenderesse ne sera pas écartée de la procédure.

4.             Dans un troisième grief, A______ se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves en ce qui concerne le droit au bonus, le caractère abusif de son licenciement et l'illicéité de la pièce 12 défenderesse.

4.1 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l’autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Si elle souhaite obtenir un complètement de l’état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu’elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). En matière d’appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables, étant rappelé que l’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution serait envisageable, voire préférable (TF, arrêt du 7 juin 2023, 4A_230/2023, consid. 2.2 et références).

Contrairement à l'instance de recours qui dispose d'un pouvoir de cognition limité à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 lit b CPC), la juridiction d'appel les revoit sans restriction ainsi que le prévoit l'art. 310 lit b CPC. Cela signifie que la Cour de céans n'est nullement liée par les constats factuels auxquels se sont livrés les premiers juges et qu'elle peut en outre apprécier les preuves différemment sans avoir nécessairement à les ré-administrer (CR CPC – N. Jeandin, art. 310 N 6). Dès lors que l'on se trouve ici dans le cadre d'un appel (art. 308ss CPC), A______ n'est pas confiné à se plaindre de constatations de fait ou d'appréciations de preuves arbitraires; il doit néanmoins expliquer en quoi les premiers juges ont mal exercé (voire abusé de) leur pouvoir d'appréciation.

4.2 Les premiers juges ont retenu que le bonus n'était ni garanti ni dans son principe ni dans sa quotité, qu'il n'existait pas de formule de calcul du bonus et que son versement était tributaire de l'appréciation subjective de l'employeur. Le versement d'un bonus dépendait de critères objectivement non déterminables et le principe-même de son versement était laissé à l'entière discrétion de la société. Pour parvenir à de tels constats, les premiers juges se sont tout d'abord appuyés sur la teneur à la fois claire et dépourvue de toute ambigüité du contrat de travail du 24 juillet 2015 et de l'article 16 du Règlement du personnel: ces dispositions expriment conjointement la nature discrétionnaire et non garantie du bonus tout comme les critères – tout aussi discrétionnaires et laissés à l'entière appréciation de la direction – s'agissant d'en déterminer la quotité, lesquels sont énumérés de manière exemplative à l'instar de la marche générale des affaires, du nombre d'années de service, de la position occupée dans l'entreprise et du comportement de l'employé (supra, en fait, partie C lit b).

Les premiers juges se sont en outre référés aux diverses déclarations recueillies au cours de l'administration des preuves (supra, partie C lit p):

-          K______ et F______ (entendus en comparution personnelle pour l'intimée) indiquent que seuls les chiffres de l'entreprise (sans qu'il ne soit question de se servir à ces fins des monitorings mensuels et du suivi individuel des collaborateurs) entrent en ligne de compte pour verser un bonus aux employés en fonction de l'évaluation personnelle de chacun qui est fonction de son comportement, de son implication au sein de l'équipe, de sa proactivité, de ses années de collaboration et du service fourni aux clients (§ bb).

-          I______, qui connaît plus ou moins son chiffre d'affaires, a indiqué que son bonus – perçu chaque année et annoncé oralement par F______ et K______ – dépendait à la fois de sa propre performance et de celle de l'entreprise mais aussi "peut-être également" de l'ancienneté et de la hiérarchie (§ cc).

-          O______, retraité, a indiqué avoir perçu des bonus "très très fluctuants", annoncés chaque année oralement par la direction et qui évoluaient on fonction des résultats de l'entreprise et de son travail (§ dd).

-          L______, président du conseil d'administration entendu au titre de comparution personnelle, fait état de ce que le bonus, toujours octroyé à titre discrétionnaire (ce que le comité de direction était prié de rappeler au moment de la communication du bonus), présupposait que l'entreprise soit profitable et avait pour but de favoriser le travail collectif au sein de l'entreprise: seuls des critères d'ordre qualitatif entraient en ligne de compte à l'exclusion de toute formule mathématique (§ ee).

-          H______ a fait état d'absence de formule en vue de déterminer les bonus qui étaient fixés en fonction de la marche des affaires de l'entreprise, de l'ancienneté, de la manière de travailler et de la motivation du collaborateur concerné. Elle relève l'absence de "ratio entre ce que je ramenais et mon bonus" même si une corrélation directe existait entre les clients qu'elle gérait, les revenus de la société et son bonus. Les dispositions contractuelles faisant état du caractère discrétionnaire et non garanti du bonus, contenues à la fois dans le contrat de travail et dans le Règlement du personnel, sont parfaitement claires à ses yeux (§ ff).

-          P______, ancien collaborateur, a fait état de ce que les bonus lui ayant été octroyés l'ont été à titre d'encouragement car son travail était apprécié, même si ses performances n'arrivaient pas à couvrir des coûts (§ gg).

-          G______, membre de la direction entendu au titre de comparution personnelle de l'intimée, a indiqué qu'il n'était pas possible pour la société d'établir le chiffre d'affaires individuel généré par chaque sale, tout en précisant que le caractère discrétionnaire du bonus était rappelé oralement à chaque annonce de son bonus au collaborateur concerné (§ hh).

On ne voit pas en quoi la prise en compte par les premiers juges de l'ensemble de ces éléments issus des titres produits et de l'administration des preuves prêterait le flanc à la critique. A l'appui de son grief de constatation inexacte des faits, A______ relève tout d'abord que les bonus étaient versés de manière systématique à l'ensemble des employés de l'intimée, au mois de mars de chaque année, ce qui en remettrait en question le caractère discrétionnaire; de plus, ces versements n'étaient pas accompagnés d'une lettre destinée à en rappeler le caractère facultatif et discrétionnaire ce qui aurait été forcément de mise si tel avait été le cas.

A vrai dire, on ne discerne pas en quoi le fait qu'un bonus était régulièrement versé ne serait pas compatible avec son caractère facultatif et discrétionnaire, lequel ressortait clairement des documents contractuels signés par l'employé dont la clarté à ce propos a été relevée par le témoin H______. Du reste, à l'exception de l'appelant lui-même, aucun employé de B______ SA n'est venu indiquer qu'il considérait être en droit d'exiger le versement d'un bonus, en dépit de l'absence d'une lettre accompagnant ledit versement afin d'en rappeler le caractère facultatif et discrétionnaire, G______ ayant en outre indiqué que le caractère discrétionnaire du bonus était rappelé oralement à l'occasion de sa communication à son récipiendaire.

Quant à l'affirmation de A______ selon laquelle la teneur des clauses contractuelles stipulées lors de son engagement – qui excluent clairement tout droit au bonus – ne lui était pas opposable dans la mesure où, pour ce qui le concerne, les parties avaient décidé d'y déroger par actes concluants, elle est contredite par les déclarations des divers organes de B______ SA entendus en comparution personnelle et ne trouve aucun appui dans les pièces du dossier. Il en va de même de l'allégation selon laquelle le montant du bonus n'était pas discrétionnaire mais serait fixé sur la base de l'individualisation des performances de son récipiendaire (le témoin I______ ayant souligné que le calcul de la performance individuelle était rendu difficile du fait que certains comptes clients sont partagés entre plusieurs vendeurs): les quatre employés entendus en qualité de témoins – trois d'entre eux ne travaillant plus pour B______ SA – sont venus tour à tour affirmer le contraire en indiquant que le montant du bonus était fonction de sa propre performance, de celle de l'entreprise, de l'ancienneté, de la qualité du travail de l'intéressé, de sa motivation et de la volonté d'encourager un travail dont la qualité était appréciée, ces affirmations étant venues par ailleurs confirmer les dires des organes de l'intimée entendus en comparution personnelle, à savoir K______, F______, L______ et G______. En d'autres termes, le dossier fait ressortir que la performance du collaborateur concerné était un critère parmi d'autres dont les dirigeants de B______ SA se servaient pour déterminer le montant d'un bonus, sans qu'il ne soit question d'appliquer à ces fins une formule mathématique ou un système d'évaluation formel ayant vocation à fixer ce montant.

La Cour de céans fait siens les constats auxquels sont parvenus les premiers juges: le bonus n'était garanti ni dans son principe ni dans sa quotité, il n'existait pas de formule de calcul du bonus et son versement était tributaire de l'appréciation subjective de l'employeur à l'exclusion de tout système d'évaluation issu de la mise en œuvre de formules mathématiques.

4.3 Les premiers juges ont retenu que le licenciement de l'appelant n'était (i) ni la conséquence des critiques formulées par ce dernier auprès de sa hiérarchie sur ce qu'il considérait comme des dysfonctionnements de la société (ii) ni une mesure de rétorsion donnant suite au refus de A______ d'acquérir des actions de B______ SA (iii) ni motivé par les revendications de celui-ci quant à sa propre rémunération, le caractère avéré de ces allégations n'ayant pas été établi. Le Tribunal des Prud'hommes a par ailleurs retenu que l'ambiance de travail s'était progressivement dégradée en 2018 à la suite du comportement de l'appelant et que le motif du licenciement invoqué, à savoir la restructuration de l'entreprise, était bien réel.

L'appréciation à laquelle se sont livrés les premiers juges est corroborée par les diverses déclarations recueillies lors de l'administration des preuves (supra, partie C lit p):

-          K______ et F______ (entendus en comparution personnelle pour l'intimée) ont confirmé que des déjeuners avaient eu lieu avec A______ au cours desquels avaient été discutés de points d'amélioration sans que ne soit toutefois évoquée la rémunération de F______ et G______; ils avaient en outre pris acte du refus de l'appelant d'entrer dans le capital-actions de la société sans que cela ne constitue un problème à leurs yeux; enfin, l'attitude de A______ s'était progressivement dégradée en 2018 au point que l'ambiance au sein de l'équipe de vente était devenue délétère.

-          Le témoin I______ relate qu'un conflit a éclaté entre l'appelant et sa direction au cours de l'année 2018 à la suite de désaccords concernant la rémunération de celui-là.

-          O______ se souvient de ce que le licenciement litigieux était la résultante de propos déplacés tenus par A______; il ne se souvient pas d'une restructuration à la suite du départ de ce dernier mais précise que la fonction de head of sales a alors été reprise conjointement par F______ et G______; il a enfin évoqué la tendance de A______ à boire durant les repas de midi si bien qu'à son retour au travail à 16 heures "chacun en prenait pour son grade".

-          H______ indique que l'appelant était un bon chef et que son licenciement était lié à la découverte des discussions qu'il avait eues avec elle-même et d'autres collègues. Elle se souvient d'une altercation entre F______ et A______ ayant eu lieu quelques mois avant le licenciement à propos de la remise du numéro de téléphone d'un client, tout comme du fait que ce dernier n'a pas été remplacé à son départ.

-          P______ a quant à lui perçu des tensions entre l'appelant et sa hiérarchie.

-          Entendu lui aussi en comparution personnelle pour B______ SA, G______ indique que l'année 2018 avait été mauvaise au point que des mesures de restructuration avaient été envisagées.

A______ se prévaut de ce que son employeur était très satisfait de la qualité de son travail tout comme de ses performances, ce dont témoignent (i) la proposition lui ayant été faite de rentrer dans le capital-actions, (ii) sa promotion à la fonction de head of sales et (iii) l'augmentation de son salaire toutes deux survenues avec effet au 1er janvier 2018. Il admet aussi que la situation "s'est dégradée" à compter de l'automne 2018 (mémoire d'appel, p. 40 § 8) pour aboutir finalement à la résiliation de son contrat de travail, ce qu'il met toutefois sur le compte (i) des observations formulées auprès de sa direction sur certains dysfonctionnements qu'il a pu constater à la suite de ses nouvelles fonctions, (ii) de son refus d'entrer dans le capital-actions et (iii) des prétentions salariales qu'il avait formulées lors d'un déjeuner s'étant déroulé le 5 décembre avec F______.

D'après l'appelant, c'est pour tenter de justifier son licenciement que B______ SA s'est prévalue d'une "prétendue réorganisation interne" n'ayant jamais eu lieu, et c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un tel motif, clairement contredite à ses yeux par les témoignages de O______, I______ et H______.

La Cour de céans fait siens les constats auxquels sont parvenus les premiers juges quant à l'existence d'une restructuration constituant l'un des motifs de la résiliation des rapports de travail litigieux. Les dépositions recueillies au cours de l'administration des preuves font ressortir que l'année 2018 a été financièrement difficile (déclarations G______ et I______) et que A______ n'a pas été remplacé à la suite de son départ, ses fonctions de head of sales ayant été intégrées dans le cahier des charges de F______ et G______. L'appelant fait grand cas de ce que les témoins I______, H______ et O______ ont indiqué ne pas se souvenir d'une restructuration. Toutefois, ce dernier a confirmé que les fonctions de head of sales exercées par A______ avaient été reprises conjointement par F______ et G______, H______ ayant indiqué, quant à elle, que personne n'avait été engagé pour succéder à l'appelant. On peut certes discuter de ce que recouvre précisément le terme "restructuration": il n'en demeure pas moins que l'absence de remplacement de A______ et la répartition de ses responsabilités de head of sales entre deux organes dirigeants préexistants équivaut – qu'on le veuille ou non – à des mesures de réorganisation internes ayant pour effet de diminuer substantiellement la masse salariale de l'entreprise, ce qui paraît d'autant plus significatif eu égard à une société familiale de petite taille. La Cour de céans retiendra par conséquent que le licenciement de A______ est – notamment – lié à des mesures de réorganisation internes au sein de la société, lesquelles sont assimilables à une "restructuration" telle que retenue par les premiers juges.

4.4 Le grief tenant à une appréciation inexacte des faits n'est pas fondé.

5.             Dans un quatrième grief, A______ reproche aux premiers juges d'avoir violé l'art. 322d CO en ne retenant pas qu'il avait un droit au bonus et que ce dernier constituait un élément variable du salaire, avec pour conséquence que l'appelant se retrouvait injustement débouté de ses prétentions en versement d'un bonus de 390'000 fr. pour l'année 2018 et de 90'000 fr. pour l'année 2019.

5.1 L'art. 322d al. 1 CO prévoit que "si l'employeur accorde en sus du salaire une rétribution spéciale à certaines occasions, telles que Noël ou la fin de l'exercice annuel, le travailleur y a droit lorsqu'il en a été convenu ainsi". La jurisprudence a été amenée à préciser la portée de cette disposition en regard de la question de la qualification du bonus: s'agit-il d'un élément du salaire (art. 322 CO) ou d'une gratification au sens de l'art. 322d CO ?

La question relève avant tout de l'interprétation de la volonté des parties au contrat (art. 1 CO). Il faut déterminer dans chaque cas concret si le bonus est à considérer comme un élément du salaire ou comme une gratification, ce que le juge fait en tenant compte de la teneur du contrat et du comportement ultérieur des parties au cours des rapports de travail (TF, arrêt du 4 mai 2018, cause 4A_463/2017, consid. 3.1). Il convient à ces fins, dans un premier temps, d'établir si le bonus est déterminé (ou déterminable) – cas dans lequel l'employé dispose d'une prétention à l'octroi du bonus – ou s'il dépend exclusivement du bon vouloir de l'employeur (bonus discrétionnaire) – cas dans lequel le travailleur "ne dispose en règle générale d'aucune prétention", le bonus étant alors qualifié de gratification (ATF 141 III 407, consid. 4.2). Encore faut-il s'assurer, dans cette seconde hypothèse, que l'importance de la gratification permette de considérer celle-ci comme accessoire par rapport à la rémunération globale de l'employé: à défaut d'une telle accessoriété, le bonus perd en effet son caractère de gratification et doit être assimilé à la part variable du salaire, même s'il est facultatif et discrétionnaire. Il importe en effet que la gratification au sens de l'art. 322d CO conserve une importance secondaire dans la rétribution du travailleur (ATF 141 III 407, consid. 4.3.1).

Dans son arrêt du 4 mai 2018 précité (cause 4A_463/2017), le Tribunal fédéral a été amené à rappeler, voire à préciser ces principes:

-          Lorsqu'une partie de la rémunération du travailleur, même qualifiée de "bonus" ou de "gratification", est déterminée ou objectivement déterminable sur la base de critères objectifs tels que le chiffre d'affaires ou le bénéfice d'exploitation, elle ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur et doit être considérée comme un élément du salaire que l'employeur est tenu de verser (consid. 3.1.2.1).

-          Lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, à savoir qu'il dépend du bon vouloir de l'employeur et que sa quotité dépend de l'appréciation subjective de la prestation du travailleur, il doit être qualifié de gratification (consid. 3.1.2.2). A ce titre, le fait de soumettre l'octroi du bonus à la condition que l'employé soit toujours dans les effectifs de la société ou qu'il n'ait pas été mis fins aux rapports de travail relève typiquement d'une gratification et non d'un salaire (consid. 3.1.3.1 et 3.2; voir en outre l'art. 322d al. 2 CO a contrario).

-          Dès lors que la qualification de gratification est admise, encore faut-il déterminer si le principe de son octroi est facultatif, ou si au contraire l'employeur est tenu de verser ladite gratification (Anspruch auf Gratifikation) tout en conservant une marge de manœuvre dans la fixation de celle-ci (consid. 3.1.3.1). Lorsque les parties ont réservé par contrat "tant le principe que le montant du bonus" c'est la qualification de gratification facultative qui prévaut, à moins d'un engagement tacite contraire lequel "peut se déduire du paiement répété de la gratification pendant des décennies (jahrzehntelang), lorsque l'employeur n'a jamais fait usage de la réserve émise, alors même qu'il aurait eu des motifs de l'invoquer, tels qu'une mauvaise marche des affaires ou de mauvaises prestations de certains collaborateurs" (consid. 3.1.3.2).

-          Une qualification de gratification facultative ne peut déployer d'effet que dans la mesure où le bonus conserve un caractère accessoire par rapport au salaire de base, la gratification devant conserver un caractère secondaire dans la rétribution du travailleur. La mise en œuvre du critère de l'accessoriété – qui ne s'applique que pour les salaires modestes ainsi que pour les salaires moyens et supérieurs à l'exclusion des "très hauts revenus" – peut ainsi aboutir à une requalification du bonus en salaire (consid. 3.1.4, 3.1.4.1 et 3.1.4.2).

Encore faut-il déterminer ce qu'on entend par "très hauts revenus": à la suite d'une analyse détaillée de la question, le Tribunal fédéral a posé le principe en vertu duquel il convenait de faire application d'un critère essentiellement objectif en vertu duquel une rémunération totale – calculée en tenant compte de la totalité de la rémunération perçue par l'employé "au cours d'une année donnée, à savoir le salaire de base et le bonus versé et calculé sur la base des données de l'exercice précédent" – équivalant ou dépassant cinq fois le salaire médian suisse revêt la qualification de "très haut revenu" ce qui exclut une requalification du bonus en salaire (ATF 141 III 407, consid. 5.3.1, 5.3.4 et 5.4).

5.2 En l'espèce, les premiers juges ont retenu – à la suite de constatations que la Cour de céans a fait siennes après avoir rejeté les griefs formulés à cet égard par A______ qui se prévalait de constatations inexactes au sens de l'art. 310 lit b CPC – que le bonus dont se prévaut l'appelant était à la fois facultatif et discrétionnaire (supra, consid. 4.2). Ainsi, les montants de 10'000 fr., 210'000 fr. et 180'000 fr. successivement perçus par A______ aux mois de mars 2016, 1017 et 2018 doivent être qualifiés de gratification pour les années 2015 à 2017 au sens de l'article 322d CO, sans que d'autres moyens de preuve ne soient nécessaires pour apprécier la question (supra, consid. 2.3), ce qui a pour conséquence que l'appelant – qui se prévaut à tort d'un droit au bonus calculé en fonction de son prétendu chiffre d'affaires en 2018 – doit être débouté de ses conclusions tendant à la condamnation de B______ SA à lui verser un montant de 390'000 fr. en capital au titre de bonus pour l'année 2018, tout comme d'un montant de 90'000 fr. en capital au titre de bonus pro rata temporis pour l'exercice 2019. Aucune violation de l'article 322d CO ne saurait être reprochée aux premiers juges.

Ces derniers ont en outre relevé à juste titre qu'en tout état de cause, en application de l'article 16 chiffre 2 du Règlement du personnel, aucune gratification n'est due aux personnes dont le contrat est résilié au moment de son versement (supra, en fait, chap. C lit b). Or, le contrat de travail liant A______ à son employeur a été résilié le 27 décembre 2018 (supra, en fait, chap. C lit g) si bien que – comme l'a relevé à juste titre le Tribunal des Prud'hommes – l'appelant ne peut prétendre au versement d'un bonus en mars 2019, qu'il s'agisse du bonus en relation avec l'exercice 2018 ou d'un bonus pro rata temporis pour l'exercice 2019. A cela s'ajoute qu'à teneur de l'art. 322d al. 2 CO, applicable au cas d'espèce, la loi prévoit que l'extinction des rapports de travail avant l'occasion donnant lieu à une gratification (i.e. le mois de mars en l'occurrence) exclut toute attribution pro rata temporis, sauf convention contraire inexistante en l'espèce. Ici aussi les premiers juges ont correctement appliqué la loi, à savoir les art. 1 CO (pacta sunt servanda) et 322d CO (gratification).

5.3 L'appelant se prévaut aussi de ce que, même dans l'hypothèse d'une qualification de gratification, sa rémunération globale ne saurait être assimilée à de "très hauts revenus" si bien qu'en application du principe de l'accessoriété la part "gratification" de sa rémunération doit être requalifiée en salaire, avec pour conséquence qu'il a droit en tout état de cause à ce que son salaire 2018 et son salaire (pro rata temporis) 2019 soient augmentés à raison de cette part.

Les premiers juges ont retenu que le seuil du "très haut revenu" pour 2018 au sens de la jurisprudence, à savoir cinq fois le salaire médian suisse (i.e. 6'358 fr. par mois, soit un salaire annuel de 78'456, selon l'Office fédéral de la statistique), devait être arrêté à 392'280 fr. (5 x 78'456), un chiffre que l'appelant ne conteste pas. Les premiers juges ont retenu que A______ avait touché un salaire annuel de 220'200 fr. en 2018, chiffre auquel ils ont ajouté le bonus de 180'000 fr. perçu en mars 2018 (i.e. 180'000 fr.), et sont parvenus à la conclusion que l'appelant avait perçu une rémunération de 400'200 fr. en 2018, soit un montant supérieur au seuil de 392'280 fr. applicable à des "très hauts revenus". A______ conteste que ce chiffre ne soit atteint dans la mesure où, selon lui, les frais de représentation mensuels forfaitaires (i.e. 843 fr., représentant pour 2018 un total de 10'116 fr. auquel viennent s'ajouter 17'619.80 fr [supra, en fait, chap. C lit e et f]) totalisant 27'735.80 fr. (arrondi à 27'736 fr.) n'auraient pas à être pris en considération ce qui ramène le montant de la rémunération salariale 2018 aux alentours de 373'000 fr., lequel n'atteint pas le seuil des "très hauts revenus". Or, les termes du contrat de travail signé le 24 juillet 2015 par les parties sont clairs en ce sens que le salaire annuel comprend les frais de représentation forfaitaires admis par l'administration fiscale du lieu de résidence, lesquels ont été comptabilisés de la sorte au gré d'une tolérance de l'administration fiscale genevoise grâce à laquelle cette partie du salaire est soustraite du revenu imposable (supra, en fait, chap. C lit b et lit c). C'est dès lors à raison que le Tribunal des Prud'hommes a inclus ces montants dans la rémunération salariale (ce qu'il n'a pas fait – à juste titre également – s'agissant du montant mensuel de 180 fr. versé au titre de contribution à l'assurance maladie (supra, en fait, chap. C lit b) – pour parvenir à un total à prendre en considération de 400'200 fr. pour 2018.

Ainsi, les revenus 2018 touchés au titre de rémunération par l'appelant dépassent le seuil minimum de 392'280 fr au-delà duquel le principe de l'accessoriété ne s'applique plus si bien qu'il ne peut se prévaloir d'aucun droit à la requalification de sa gratification à l'appui de ses conclusions en paiement relatives au versement d'un bonus pour 2018 et pour 2019.

5.4 Le grief d'une violation de l'article 322d CO tombe à faux et l'appelant doit être débouté de ses conclusions en paiement des montants de 390'000 fr. et de 90'000 fr., tous deux avec suite d'intérêts à compter du 1er avril 2019, le jugement querellé étant confirmé sur ce point.

6.             Dans un dernier grief, l'appelant se prévaut d'une violation de l'art. 336 CO du fait que les premiers juges n'ont pas retenu le caractère prétendument abusif de son licenciement et l'ont débouté de ses conclusions en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif.

6.1 Les parties sont en principe libres de mettre unilatéralement fin au contrat en application de l'art. 335 al. 1 CO, sans avoir à se prévaloir d'un motif particulier. Toutefois, ce droit est limité par les dispositions sur le congé abusif au sens des articles 336 et suivants CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3).  

Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise. La maladie est une raison inhérente à la personnalité au sens de la disposition précitée. Toutefois, si elle porte atteinte à la capacité de travail, la maladie n'est pas considérée comme une cause abusive de résiliation. Ainsi, la résiliation des rapports de travail en raison d'une incapacité prolongée perdurant au-delà du délai de protection de l'art. 336c CO n'est pas abusive, à moins que l'incapacité ne trouve sa cause dans une violation de ses obligations par l'employeur (TF, arrêt du 23 août 2022, cause 4A_215/2022, consid. 4.1 et références).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables, par leur gravité, aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO (ATF 136 III 513, consid. 2.3 et références). Ainsi, un congé peut être abusif en raison de la manière dont il est donné, parce que la partie qui donne le congé se livre à un double jeu contrevenant de manière caractéristique au principe de la bonne foi, lorsqu'il est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur, quand il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but (ATF 136 III 513, ibidem). C'est le motif réel qui est pertinent s'agissant de déterminer si un congé est abusif (TF, arrêt du 1er mars 2007, cause 4C_282/2006, consid. 4.3).

Au titre de congé abusif spécialement prévu par la loi, l'article 336 al. 1 lit d CO prévoit le cas où le congé est donné parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (ATF 136 III 513, consid. 2.4). Encore faut-il que l'autre partie ait eu la volonté d'exercer un droit et qu'elle l'ait fait de bonne foi, même si la prétention en cause n'existait pas (TF, arrêt du 27 octobre 2005, cause 4C_237/2005, consid. 2.3), avec la précision que cette norme ne doit pas permettre à un travailleur de bloquer un congé en soi admissible ou de faire valoir des prétentions totalement injustifiées (ATF 136 III 513, consid. 2.4 et références). Quant à l'article 336 al. 1 lit a CO, il déclare abusif le congé donné pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise. Ainsi, cette disposition ne s'applique pas lorsque le travailleur présente des manquements ou des défauts de caractère qui nuisent au travail en commun, sans qu'il y ait à se demander si de telles caractéristiques constituent ou non une "raison inhérente à la personnalité" au sens de l'article 336 al. 1 lit a CO (TF, arrêt du 18 décembre 2011, cause 4C_253/2001, consid. 2a et b). Ainsi, il a été jugé que le congé n'était pas abusif lorsqu'il était donné au travailleur qui, en raison de son caractère difficile, crée une situation conflictuelle qui nuit notablement au travail en commun (ATF 136 III 513, consid. 2.5).

Enfin, pour qu'un congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre le motif répréhensible et le licenciement. En d'autres termes, il faut que le motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de l'employeur de résilier le contrat. Lorsque plusieurs motifs de congé entrent en jeu et que l'un d'eux n'est pas digne de protection, il convient de déterminer si, sans le motif illicite, le contrat aurait tout de même été résilié: si tel est le cas, le congé n'est pas abusif (TF, arrêt du 23 août 2022, cause 4A_215/2022, ibidem).

6.2 Comme retenu précédemment (supra, consid. 4.3), il ressort de la procédure que l'un des motifs de la résiliation des rapports de travail est liée à des mesures de restructuration ayant été prises à la suite d'un exercice 2018 s'étant avéré délicat pour l'entreprise sur le plan financier.

La procédure fait par ailleurs ressortir que les rapports entre les parties se sont progressivement dégradés en automne 2018 au point que l'ambiance au sein de l'équipe de vente était devenue délétère (dépositions K______ et F______): (i) un conflit s'est fait jour entre l'appelant et sa direction à la suite d'un désaccord concernant la rémunération de A______ (témoin I______), (ii) lequel avait tendance à revenir en milieu d'après-midi de déjeuners arrosés pour s'en prendre à ses collègues (témoin O______), (iii) une altercation avait eu lieu entre l'appelant et F______ au sujet d'un client (témoin H______) et (iv) des tensions opposant A______ à sa hiérarchie ont été perçues par d'autres employés (témoin P______).

De plus, il ressort de certains propos tenus par A______ sur la plateforme chat de Bloomberg – dont la teneur a été valablement apportée à la procédure par l'intimée (supra, consid. 3.2) – que celui-ci nourrissait une profonde rancœur à l'égard de son employeur duquel il s'était complètement distancé au point de tenir des propos parfois virulents voire déplacés (supra, en fait, chap. C lit g): la tenue de tels propos pouvait légitimement porter atteinte à la relation de confiance qui doit prévaloir entre en employeur et son employé, a fortiori du fait que ce dernier exerçait des fonctions dirigeantes puisque A______ avait été promus aux fonctions de head of sales avec effet au 1er janvier 2018.

La cour de céans retiendra en conséquence, à l'instar de ce qu'ont fait les premiers juges, que le licenciement de A______ est lié à une restructuration faisant suite aux mauvais résultats survenus en 2018, à la dégradation des rapports de travail intervenue dans le courant de l'automne 2018 ainsi qu'à la prise de connaissance par l'employeur de certains des propos de A______ tels que ténorisés sur les extraits du chat Bloomberg. L'appelant expose en vain sa vision des causes ayant abouti à cette dégradation de ses relations avec son employeur (prétentions salariales, "un certain franc parler", divergences de vision quant au management de la société notamment) dès lors qu'au vu de l'ensemble des circonstances ainsi mises en lumière il apparaissait à tout le moins logique – voire inéluctable – que B______ SA mette un terme au contrat de travail de l'appelant tout en respectant le délai légal ainsi qu'elle l'a fait.

Ainsi, A______ n'apporte pas la preuve (art. 8 CC) du caractère abusif du congé dont les motifs tels que retenus par la Cour ne permettent pas de retenir (i) qu'il serait contraire à la bonne foi, (ii) qu'il aurait pour finalité de sanctionner l'appelant pour avoir formulé de bonne foi ses prétentions salariales (art. 336 al. 1 lit d CO) ou encore (iii) pour empêcher la naissance de prétentions juridiques (art. 336 al. 1 lit c CO). De plus, et comme déjà relevé (supra, consid. 6.1), un congé donné en lien avec les traits de personnalité de l'autre partie (art. 336 al. 1 lit a CO) n'est pas abusif lorsque le travailleur présente des attitudes ou des défauts de caractère propres à nuire au travail en commun, ce qui était devenu progressivement le cas dans le courant de l'automne 2018 compte tenu en particulier des rapports conflictuels entre les parties et de la rupture du lien de confiance qui doit prévaloir entre une entreprise et l'un de ses organes dirigeants. Le fait que A______ ait fait preuve de compétence et ait donné satisfaction à son employeur – ainsi qu'en témoignent sa nomination en qualité de head of sales et l'augmentation de sa rémunération avec effet au 1er janvier 2018 – ne change rien aux constats d'une grave détérioration subséquente des rapports entre les parties (qui fait suite à des désaccords sans qu'il n'ait été établi ni même allégué qu'ils trouveraient leur source dans une attitude abusive de B______ SA) qui constitue parmi d'autres un réel motif de la résiliation litigieuse.

Le congé n'est pas abusif et ne saurait dès lors donner lieu au versement d'une indemnité.

6.3 Le grief tenant à une violation de l'article 336 CO n'est pas fondé et A______ doit en conséquence être débouté de ses conclusions tendant au paiement d'un montant de 187'752 fr. avec suite d'intérêts à compter du 1er avril 2019 au titre d'indemnité pour licenciement abusif.

7.             7.1 Au vu de ce qui précède, l'appelant sera débouté des fins de son appel et le jugement du 18 janvier 2022 intégralement confirmé.

7.2 L'appelant, qui succombe entièrement, sera condamné aux frais (art. 106 al. 1 CPC). Les frais judiciaires d'appel (art. 95 al. 2 CPC) seront arrêtés à 4'500 fr. et entièrement compensés avec l'avance effectuée.

Il n'est pas alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des Prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4:


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPH/12/2022 rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal des Prud'hommes dans la cause C/21314/2019 – 4.

Au fond:

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais:

Arrêt les frais judiciaires de la procédure d'appel à 4'500 fr.

Les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant:

Monsieur Nicolas JEANDIN, président; Madame Nadia FAVRE, juge employeur;
Madame Ana ROUX, juge salarié; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

Le président :

Nicolas JEANDIN

 

La greffière:

Fabia CURTI

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.