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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/29248/2018

CAPH/125/2023 du 21.11.2023 sur JTPH/36/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29248/2018-4 CAPH/125/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 21 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 8 février 2023 (JTPH/36/2023), représenté par Me Julie VAISY, avocate, Harari Avocats, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3,

et

B______ GENEVE SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Patrick VOGEL, avocat, Walder Wyss SA, boulevard du Théâtre 3, case postale, 1211 Genève 3.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/36/2023 du 8 février 2023, notifié à A______ le 9 février 2023 et à B______ GENEVE SA le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande en paiement formée le 29 avril 2019 par A______ contre B______ GENEVE SA (ch. 1 du dispositif), débouté A______ des fins de ladite demande (ch. 2), mis les frais judiciaires – arrêtés à 1'400 fr. – à la charge de A______, compensé ces frais avec l'avance de même montant fournie par celui-ci (ch. 3 à 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 13 mars 2023, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Principalement, il conclut à ce qu'il soit constaté qu'il est lié à B______ GENEVE SA par un contrat de travail, à ce qu'il soit constaté que son licenciement immédiat est injustifié, à ce que B______ GENEVE SA soit condamnée à lui payer les sommes de EUR 2'038.- plus intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 2017 à titre de salaire du 26 au 30 septembre 2017, de EUR 15'285.- plus intérêts à 5% l'an dès le 31 octobre 2017 à titre de salaire du mois d'octobre 2017, de EUR 15'285.- plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2017 à titre de salaire du mois de novembre 2017, de EUR 15'285.- plus intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2017 à titre de salaire du mois de décembre 2017 et de EUR 91'710.- plus intérêts à 5% l'an dès le 26 septembre 2017 à titre d'indemnité pour licenciement injustifié, à ce qu'il soit ordonné à B______ GENEVE SA d'annoncer l'existence du contrat de travail aux assurances sociales et à ce que celle-ci soit condamnée à payer aux assurances sociales toutes les charges sociales dues à compter du 1er avril 2015.

Subsidiairement, il conclut à la condamnation de B______ GENEVE SA à lui payer la contrevaleur des sommes susvisées en francs suisses et persiste dans le solde de ses conclusions pour le surplus.

b. Dans sa réponse, B______ GENEVE SA conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué respectivement les 14 et 17 août 2023, persistant dans leurs conclusions.

d. A______ s'est spontanément déterminé sur la duplique de B______ GENEVE SA par courrier de son conseil du 28 août 2023, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 22 septembre 2023.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. C______ SA (ci-après : C______) était une société anonyme de droit suisse, de siège à Genève, qui avait pour but la gestion de fortune. Son capital-actions était détenu par A______, directeur.

Le 20 novembre 2015, A______ a cédé l'entier du capital-actions de C______ à la société de droit français B______, sise à Paris (ci-après : B______ PARIS). A______ a été élu membre du directoire de B______ PARIS jusqu'au printemps 2017.

Le 26 novembre 2015, C______ a été renommée B______ GENEVE SA (ci-après : B______ GENEVE). D______ en est devenu administrateur, avec signature individuelle. A______ en est demeuré administrateur jusqu'en octobre 2017.

b. E______ est une société en commandite créée le 1er mars 2015, ayant pour but les conseils financiers. A______ en est l'associé indéfiniment responsable, avec signature individuelle.

Dès sa création, E______ a fourni à C______, puis à B______ GENEVE, différents services, exécutés pour elle par A______, moyennant le paiement d'honoraires.

c. Avant que B______ PARIS ne fasse l'acquisition de C______, son conseil français s'est inquiété des conséquences que pouvaient avoir le recours aux services d'une société en commandite et le versement d'honoraires à celle-ci, estimant notamment qu'un tel "montage" pouvait présenter un risque de redressement fiscal et de charges sociales non versées.

Par le biais de son conseil, A______ a rassuré l'acquéreuse quant au "montage" invoqué, indiquant qu'il s'acquittait lui-même de la totalité des charges sociales applicables, du fait de son statut d'indépendant au regard du droit suisse. Les honoraires de E______ étant soumis à la TVA, il n'y avait selon lui aucun risque de redressement fiscal.

d. B______ GENEVE et E______ ont formalisé leur relation par contrat du 20 novembre 2015, intitulé "contrat de mandat".

d.a En qualité de mandataire, E______ s'est engagée à assumer la gestion quotidienne des activités de B______ GENEVE, soit notamment à effectuer un certain nombre de tâches énoncées par le contrat, telles que le contrôle de la conformité des activités de gestion d'actifs de B______ GENEVE avec la réglementation applicable.

E______, dont il était rappelé qu'elle avait un statut de contractant indépendant, était tenue d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées par la personne de son associé indéfiniment responsable, soit A______. Elle ne pouvait faire appel à aucun sous-traitant, ni à aucun auxiliaire, pour exécuter ses obligations. Par le biais de A______, E______ devait se consacrer à plein temps (100%) à rendre les services prévus par le contrat.

Sauf accord de B______ GENEVE, A______ ne devait pas exercer d'autres activités professionnelles pour le compte de tiers, à l'exception de la direction d'une société belge de courtage en assurances et des filiales de celle-ci, dont il était également associé.

d.b En qualité de mandante, B______ GENEVE s'est engagée à rémunérer E______ sur la base de notes d'honoraires mensuelles, qui lui seraient soumises par celle-ci.

Le montant des honoraires dus à E______ était fixé forfaitairement à EUR 183'420.- par an, TVA en sus.

B______ GENEVE s'est également engagée à rembourser à E______ les frais de déplacement, de téléphone et de représentation liés à l'exécution du contrat, sur présentation de justificatifs, ainsi qu'à mettre à la disposition de A______ un véhicule professionnel.

Pour sa part, E______ s'est engagée à supporter toutes les charges sociales, retenues à la source, impôts et taxes (à l'exception de la TVA) relatives à son activité et à celle de son associé indéfiniment responsable, A______.

d.c Le contrat prévoyait également une clause de non-concurrence, à teneur de laquelle E______ et son associé indéfiniment responsable s'engageaient, pour toute la durée du contrat et durant l'année suivant sa résiliation, à ne pas exercer d'activité concurrente à celle de B______ GENEVE, soit notamment à ne pas accepter de mandat de la part de tiers dont les activités ou le but seraient similaires à ceux de B______ GENEVE.

Cette clause de non concurrence était assortie d'une clause pénale, prévoyant le paiement d'une pénalité de 50'000 fr. pour chaque violation des obligations prévues par celle-ci.

d.d Le contrat était conclu pour une durée indéterminée. Il prévoyait que chaque partie pouvait le résilier en tout temps, moyennant un préavis de trois mois.

En cas de manquement au contrat non réparé dans les huit jours suivant mise en demeure, ou en cas de faute grave ou lourde, l'autre partie pouvait en outre résilier le contrat avec effet immédiat et sans préavis.

d.e Le contrat a été signé par A______ en qualité de représentant de E______, ainsi qu'à titre personnel "au vu de certains engagements", notamment ceux figurant dans la clause de non-concurrence.

e. Au cours de la relation contractuelle, E______ a mensuellement adressé à B______ GENEVE des notes d'horaires de EUR 15'285.- plus TVA, dont celle-ci s'est régulièrement acquittée.

f. Au mois de septembre 2016, B______ GENEVE a indiqué à E______ que l'autorité de surveillance des marchés financier, la FINMA, refusait de lui attribuer la licence de distributeur de placements collectifs pour le marché suisse, au motif que le contrat de mandat dont elle bénéficiait n'était pas considéré comme suffisant, ni conforme, pour régler le statut d'un cadre dirigeant d'une société réglementée.

Afin de satisfaire à ces exigences, B______ GENEVE a proposé à E______ de remplacer son contrat de mandat par un contrat de travail conclu entre elle-même et A______, aux mêmes conditions financières.

A______ a décliné cette proposition, indiquant que "lors des négociations, mon statut d'indépendant était une condition négociée et acceptée par [B______ GENEVE]."

g. Les relations entre A______ et D______, directeur général de B______ PARIS et administrateur de B______ GENEVE, se sont progressivement dégradées.

g.a Dans un courriel du 2 septembre 2016, D______ a notamment rappelé à A______ que le recours à des comptes personnels était soumis à des règles strictes, ajoutant: "[…] Je constate que tu méprises et discutes le bien fondé de ces règles, pourtant de bon sens, que tous nos collaborateurs respectent, associés ou pas.

[…] Le mieux et le plus sage serait que tu te conformes une bonne fois pour toutes à nos procédures, comme cela est indiqué dans ton contrat de prestation de services. Cela aurait l'avantage de ne pas nous faire perdre inutilement du temps et aurait l'avantage de te permettre d'avoir des relations apaisées avec ta hiérarchie."

g.b Dans un courriel du 7 décembre 2016, D______ a reproché à A______ de recourir aux services d'une collaboratrice de B______ GENEVE pour son usage personnel, sans passer par l'intermédiaire de l'administrateur sous la responsabilité duquel ladite collaboratrice était placée.

D______ a notamment ajouté "[…] je ne peux accepter la remise en cause ouverte et constante de ma fonction de directeur général qui, pour l'heure, s'impose à toi. De tels agissements doivent cesser immédiatement."

g.c Le 31 janvier 2017, D______ a notamment écrit à A______ "[…] que tu as une direction, c'est-à-dire un Président et un Directeur général, qui sont dans leur droit le plus légitime de demander à un collaborateur, ou prestataire, qu'il soit ou non actionnaire, de réaliser un travail, sans que ce dernier soit dans une posture de blocage ou de mauvaise volonté. Je rappelle que tu perçois une rémunération pour un travail dans le cadre d'une organisation."

D______ a par ailleurs ajouté "Je te conseille également de contacter les clients pendant les jours et heures ouvrés [plutôt] que pendant tes vacances. Les vacances sont faites pour se reposer, les jours ouvrés pour travailler…"

g.d Le 17 février 2017, D______ a prié A______ de lui remettre dans les sept jours une liste complète de ses clients, avec toutes les indications et précisions utiles, ajoutant que "cette demande n'appelle aucun commentaire, si ce n'est d'être exécutée en temps et en heure".

h. Dans un courrier du 28 mars 2017, B______ GENEVE a notamment exposé à E______ que, malgré ses mises en garde, les frais de fonctionnement de celle-ci étaient trop élevés, de sorte que les cartes bancaires remises à A______ seraient désactivées et les frais forfaitaires pour l'utilisation du véhicule plafonnés.

i. Par courrier du 26 septembre 2017, B______ GENEVE a déclaré résilier avec effet immédiat le mandat qui la liait à E______, invoquant une perte totale de confiance.

E______, soit pour elle A______, a répondu le même jour, contestant la résiliation du contrat qui liait les deux sociétés.

j. Par courrier de son conseil du 17 octobre 2017, adressé à B______ GENEVE, A______ a émis une réserve sur la nature juridique du contrat qu'il avait signé, indiquant que celui-ci s'analysait davantage comme un contrat de travail que comme un contrat de mandat.

Le 21 novembre 2017, B______ GENEVE a relevé que le contrat de mandat conclu avec E______ avait été mis en place et imposé par A______ lui-même, de sorte que celui-ci était mal venu de le remettre en cause. B______ GENEVE ajoutait que A______ avait disposé d'une grande liberté dans l'exécution de son mandat, même à l'excès, s'agissant de son organisation personnelle et emploi du temps.

k. Par demande déposée en vue de conciliation le 12 décembre 2018, déclarée non conciliée le 21 janvier 2019 et introduite devant le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) le 29 avril suivant, A______ a assigné B______ GENEVE en paiement d'une somme totale de EUR 160'625.30, plus intérêts moratoires à 5% l'an à compter de différentes dates.

Ladite somme comprenait EUR 47'893 bruts à titre de salaire durant le délai de congé, soit du 26 septembre au 31 décembre 2017, ainsi que EUR 91'710 nets à titre d'indemnité pour résiliation immédiate injustifiée, correspondant à six mois de salaire.

A______ a également conclu à ce que le Tribunal constate qu'il avait été lié à B______ GENEVE par un contrat de travail et que le licenciement immédiat qui lui avait été signifié était injustifié.

Subsidiairement, il a pris les mêmes conclusions, qu'il a chiffrées en francs suisses.

l. Dans sa réponse, B______ GENEVE a conclu à la constatation de ce que A______ n'avait pas la qualité pour agir et à son déboutement de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a également contesté la compétence matérielle du Tribunal saisi, dès lors que la demande se fondait sur un contrat de mandat.

m. Entendu par le Tribunal, A______ a notamment déclaré que lorsqu'il avait débuté pour B______ GENEVE, c'était sa société E______ qui percevait des honoraires. B______ GENEVE ne payait pas les charges sociales en lien avec son activité. Il recevait des instructions de la part de D______, qui prenait toutes les décisions et à qui il devait répondre. Il devait se plier à ses décisions, bien qu'il fût lui-même également membre du conseil d'administration durant une partie des rapports contractuels. Il n'était pas considéré, bien que faisant partie du conseil d'administration. Il avait été licencié pour avoir défendu les intérêts de ses clients, c'est-à-dire pour s'être opposé à la vente de certains fonds, en soumettant une lettre-type d'opposition aux clients, à remettre à B______ GENEVE. S'agissant des vacances, il devait les inscrire sur le système informatique de B______ GENEVE, comme tous les employés. Il ne se souvenait pas du nombre exact de jours de vacances qu'il avait par année, ni de celles qu'il avait effectivement prises, mais il pensait disposer du même droit annuel aux vacances que les autres employés. Il disposait de son propre bureau à Genève. En ce qui concernait son statut d'indépendant, son fiduciaire lui avait conseillé en 2014 d'être indépendant, afin de récupérer son capital LPP pour le réinvestir dans E______. Le contrat de mandat signé n'avait pas été respecté car B______ GENEVE le traitait comme tous les autres employés.

Pour sa part, B______ GENEVE a réitéré que A______ avait la liberté de s'organiser dans l'accomplissement de ses tâches. Il avait notamment refusé de prendre le statut de salarié, ce qui avait eu pour conséquence qu'elle n'avait pas pu obtenir la licence de distributeur de placements collectifs de la FINMA.

n. Le Tribunal a procédé à des enquêtes.

n.a Entendue comme témoin, F______, assistante de gestion auprès de B______ GENEVE, a rapporté que celle-ci avait décidé de ne plus travailler avec certains types de fonds et que A______ avait néanmoins établi des lettres-types pour que les clients puissent conserver lesdits fonds. Elle avait recueilli les propos de D______, qui lui avait fait part de son mécontentement en relation avec le comportement de A______. D______ avait un management strict et voulait que l'on fasse comme il disait. De son côté, A______ avait continué d'agir comme il le faisait quand il était patron de la société, bien qu'il se soit tout de même adapté aux règles de B______ GENEVE. La relation entre A______ et D______ était très tendue et l'épisode des lettres-type avait été "la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase". L'organisation de A______ était "assez indépendante" et elle-même ignorait s'il devait envoyer ses demandes de vacances comme le faisaient les collaborateurs.

n.b Egalement entendu comme témoin, G______, expert-comptable chargé de tenir les comptes de A______ et de C______, puis de E______, a déclaré qu'à l'époque de C______, A______ était employé de ladite société. Par la suite, lorsqu'il avait créé la société en commandite E______, il avait voulu être indépendant. En vendant C______, il avait surtout voulu encaisser une plus-value et s'affilier à un groupe plus important, dans l'espoir de développer ses affaires. Lui-même avait aidé A______ à créer E______, afin de contourner l'impossibilité juridique de s'inscrire en raison individuelle, en vertu des règles liées à l'AVS, de conserver le statut d'indépendant et d'optimiser sa fiscalité personnelle, c'est-à-dire qu'il paye moins d'impôts.

L'idée était également que A______ conserve une liberté de manœuvre et reste indépendant vis-à-vis de B______ GENEVE. Lui-même avait tenté de rassurer B______ PARIS au sujet de ce statut d'indépendant, car celle-ci se montrait inquiète à cet égard. Il avait rédigé un courrier pour la rassurer s'agissant de la conformité au régime des charges sociales. B______ PARIS était sceptique, voire mécontente de la création de E______. L'AVS et les charges sociales avaient été payées par E______ en qualité d'indépendant. Si cette indépendance n'avait pas été respectée, A______ serait devenu un salarié, avec des conséquences différentes sur sa propre fiscalité.

o. Dans leurs plaidoiries finales du 22 novembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A l'issue desdites plaidoiries, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'existence d'un contrat de travail était vraisemblable prima facie, au vu des explications de la partie demanderesse, ainsi que des pièces produites par celle-ci. En application de la théorie des faits de double pertinence, la demande devait donc être déclarée recevable et l'existence d'un contrat de travail devait être examinée au fond.

En l'occurrence, A______ avait effectivement mis son temps au service de B______ GENEVE, ce qui n'était pas contesté. Le seul fait que ses échanges avec D______ fussent très directs et que ce dernier ait pu se montrer autoritaire ne suffisait toutefois pas à démontrer l'existence d'un contrat de travail. A______ avait en effet exigé que sa société E______ soit au bénéfice d'un contrat de mandat, afin d'optimiser sa fiscalité personnelle, c'est-à-dire afin de payer moins d'impôts. B______ GENEVE avait fait part de ses inquiétudes, mais avait néanmoins accepté de se lier par un mandat. A______ avait ensuite facturé ses services par l'entremise de sa société personnelle, laquelle était soumise à l'AVS.

Aucune cotisation sociale n'avait été perçue et l'intéressé jouissait d'une grande marge de manœuvre dans l'accomplissement de ses tâches – même s'il devait rendre des comptes dans le cadre du mandat par lequel il était lié – et il n'était pas soumis à un horaire de travail. Il avait de surcroît lui-même reconnu qu'il ne connaissait pas son droit annuel aux vacances. S'agissant de la manière dont la rupture du contrat était intervenue, un contrat de mandat pouvait être résilié en tout temps et sans motif justificatif. L'immédiateté de la rupture contractuelle n'était donc pas propre au contrat de travail, mais se retrouvait également dans les règles sur le mandat.

Ces différents éléments ne permettaient pas de retenir l'existence d'un contrat de travail entre les parties. La demande se trouvait en fait à la limite de la témérité et de l'abus de droit, dès lors que l'intéressé avait lui-même exigé la relation contractuelle qu'il dénonçait aujourd'hui, ceci dans le but d'en tirer un avantage financier. Aucun contrat de travail n'ayant été conclu, et A______ n'étant pas lui-même partie au contrat de mandat, il ne disposait pas de la légitimation active en relation avec les sommes réclamées. Partant, il devait être débouté des fins de sa demande.

 

 

 

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 CPC, art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La valeur litigieuse en première instance étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC, art. 243 et art. 247 al. 2 CPC a contrario).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2.             L'appelant ne conteste pas la décision du Tribunal d'admettre la recevabilité de sa demande et de statuer sur le fond, au motif que l'existence d'un contrat de travail constituait un fait doublement pertinent (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 5.5). Il reproche au premier juge d'avoir nié l'existence d'un tel contrat et de l'avoir en conséquence débouté de ses conclusions.

2.1 Lorsqu'il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO).

Pour ce faire, le juge prendra en compte non seulement la teneur de leurs déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit aussi les circonstances et leurs déclarations antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat, le comportement ultérieur des parties établissant en particulier quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 131 III 606 consid. 4.1; 127 III 444 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2018 du 28 août 2018 consid. 3.1).

La qualification juridique d'un contrat est une question de droit (ATF 131 III 217 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.1). Le juge détermine librement la nature de la convention d'après l'aménagement objectif de la relation contractuelle, sans être lié par la qualification, même concordante, donnée par les parties (ATF 84 II 493 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 5.3). La dénomination d'un contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa nature juridique (ATF 129 III 664 consid. 3.1)

2.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche; art. 319 al. 1 CO).

Les quatre éléments constitutifs du contrat de travail sont les suivants: a) une prestation personnelle de travail, b) la mise à disposition par le travailleur de son temps pour une durée déterminée ou indéterminée, c) un rapport de subordination, et d) un salaire (cf. Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 2 ss; Meier, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 8 ss ad art. 319 CO).

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut pour en déduire un droit (art. 8 CC; ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.1.2, in JAR 2017 p. 123).

2.1.1.1 Le lien de subordination constitue le critère distinctif essentiel du contrat de travail (ATF 125 III 78 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2; Witzig, Droit du travail, Zurich, 2018, p. 86 ss; Witzig, La subordination dans le contrat de travail, in SJ 2015 II 39 ss, p. 41). Il présuppose que le travailleur soit soumis à l'autorité de l'employeur pour l'exécution du contrat, cela au triple point de vue personnel, fonctionnel (organisation et contrôle), temporel (horaire de travail), et, dans une certaine mesure, économique (ATF 125 III 78 consid. 4; 121 I 259 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_553/2008 du 9 février 2009 consid. 4.1).

La dépendance personnelle réside en ceci que le travailleur s'engage à développer une activité dont la nature, l'importance, les modalités et l'exécution ne sont souvent déterminées que de manière très générale dans le contrat de travail et doivent être précisées et concrétisées par le biais d'informations et d'instructions particulières, données au fil du temps par l'employeur. Le travailleur s'engage ainsi à respecter les instructions de l'employeur et à se soumettre aux mesures de supervision que celui-ci ordonne (SJ 1990, p. 185; Meier, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 319 CO; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 22 ss; Witzig, La subordination dans le contrat de travail, op. cit., p. 44, n. 51-52).

La notion de rapport hiérarchique ou fonctionnel implique que le travailleur est incorporé dans l'entreprise de l'employeur et se voit attribuer une position déterminée au sein de son organisation (arrêt du Tribunal fédéral 4C_276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.1). Du point de vue temporel, le travailleur doit en principe respecter l'horaire de travail fixé par l'employeur (Witzig, La subordination dans le contrat de travail, op. cit., p. 44, 51-52).

La dépendance économique – critère dont l'importance doit être relativisée selon le Tribunal fédéral – réside, quant à elle, en ceci que le salaire permet au travailleur d'assurer sa subsistance (arrêts du Tribunal fédéral 4C_276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.1 et 4.6.1; 4C.462/2004 du 20 avril 2005 consid. 4.3.3; Meier, op. cit., n. 10 ad art. 319 CO; Witzig, Droit du travail, op. cit., p. 85).

En plus des quatre critères essentiels, d'autres indices peuvent aider à distinguer le contrat de travail d'autres types de contrats, sans toutefois être décisifs. Sont des indices d'existence d'un contrat de travail la stipulation d'un délai de congé, d'une clause de prohibition de concurrence, le droit de jouir de vacances, l'existence d'un temps d'essai, la présence d'un élément de durée, le fait que les conditions de temps et de lieu dans lesquelles le travail doit être exécuté sont fixées dans le contrat, la mise à disposition des instruments de travail, ainsi que le remboursement des frais. Il en va de même de la qualification du revenu en droit fiscal ou de celle retenue par les assurances sociales (Meier, op. cit., n. 15 ad art. 319 CO).

2.1.2 A teneur de l'art. 394 al. 1 CO, le mandat est un contrat par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis.

Les règles du mandat s'appliquent aux travaux qui ne sont pas soumis aux dispositions régissant d'autres contrats. Une rémunération est due au mandataire si la convention ou l'usage lui en assure une (art. 394 al. 2 et 3 CO). Lorsque les services sont fournis à titre professionnel, le mandat est onéreux en vertu de l'usage (ATF 139 III 259 consid. 2.1).

Le mandataire qui a reçu des instructions précises ne peut s’en écarter qu’autant que les circonstances ne lui permettent pas de rechercher l’autorisation du mandant et qu’il y a lieu d’admettre que celui-ci l’aurait autorisé s’il avait été au courant de la situation (art. 397 al. 1 CO).

Le contrat de mandat se distingue avant tout du contrat de travail par l'absence de lien de subordination juridique qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel (ATF 121 I 259 consid. 3a; 107 II 430 consid. 1).

Le mandat peut être révoqué ou répudié en tout temps (art. 404 al. 1 CO).

2.1.3 Dans deux arrêts rendus dans des cas où un ancien employé avait interposé une société en commandite entre lui-même et son ancien employeur, afin de maximiser ses revenus en échappant aux charges sociales et aux impôts, le Tribunal fédéral a considéré que le contrat de travail avait été remplacé par le nouveau contrat conclu entre la société en commandite et l'employeur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_542/2020 du 3 mars 2021 consid. 3.3.2; 4A_31/2011 du 11 mars 2011 consid. 3).

Ce nouveau contrat ne pouvait pas être qualifié de contrat de travail, car seules des personnes physiques pouvaient prétendre au statut d'employé. Bien que la prestation de travail de l'ancien employé soit restée inchangée par rapport à celle fournie à l'ancien employeur, il ne s'agissait pas non plus d'un contrat mixte comprenant des éléments d'un contrat de travail, mais d'un contrat de mandat et il n'y avait pas de place pour une application par analogie des dispositions de protection du droit du travail (ibid.).

Le fait que, dans le premier cas, il se soit agi de déterminer si la juridiction du travail saisie était matériellement compétente pour statuer sur l'action n'empêchait par ailleurs pas que les considérations émises en relation avec la qualification du contrat puissent également être appliquées dans le second cas, où les conditions de résiliation du contrat étaient examinées sur le fond (ibid.).

2.2 En l'espèce, il est constant que l'appelant a fourni à l'intimée, après la conclusion du contrat du 20 novembre 2015 et contre rémunération, des prestations de travail similaires à celles qu'il fournissait à celle-ci lorsque sa raison sociale était C______ et qu'il en était formellement l'employé (étant précisé que l'existence d'un précédent contrat de travail a été confirmée par le comptable de l'appelant au cours de son témoignage).

Il est également constant que le seul fait que le contrat du 20 novembre 2015 ait été intitulé "contrat de mandat" ne permet pas d'exclure que les relations des parties aient pu se poursuivre dans le cadre d'un contrat de travail. Conformément aux considérants rappelés ci-dessus, c'est en principe l'existence ou non d'un lien de subordination, sous l'angle personnel, organisationnel et temporel, qui doit permettre de déterminer si tel était le cas.

2.2.1 En l'occurrence, le contrat du 20 novembre 2015 énonçait précisément les différentes tâches qui étaient confiées à l'appelant et celui-ci jouissait à l'évidence d'une grande autonomie dans l'accomplissement desdites tâches. L'assistante de gestion de l'intimée entendue comme témoin a notamment déclaré que l'organisation du travail de l'appelant était "assez indépendante" et que celui-ci avait continué d'agir comme lorsqu'il dirigeait la société. Bien que le ton des messages de D______ à son endroit fût assez directif et autoritaire, celui-ci invoquant notamment l'existence d'une hiérarchie et indiquant que ses demandes s'adressaient à tous les "collaborateurs", l'appelant n'avait manifestement pas besoin d'informations ni d'instructions particulières, données régulièrement par l'intimée, pour effectuer les tâches qui lui incombaient, étant observé que D______ a également utilisé les termes de "prestataire" et de "contrat de prestation de services" dans ses communications adressées à l'appelant. L'appelant échoue donc à démontrer qu'il se soit trouvé dans un rapport de dépendance personnelle vis-à-vis de l'intimée, au sens des principes rappelés ci-dessus, étant entendu que le fait qu'il fût tenu de respecter certaines instructions données par l'intimée ou de se plier à certaines règles prévues par celle-ci ne fait pas nécessairement de lui un employé, de telles instructions ou règles pouvant également être données à un mandataire (cf. art. 397 al. 1 CO). L'appelant n'allègue par ailleurs pas, ni ne démontre, que le résultat de ses activités aurait fait l'objet de contrôles réguliers de la part de l'intimée, comme dans le cas d'un employé, et le fait qu'il ait pu devoir rendre des comptes à celle-ci, à sa demande, est également caractéristique des obligations d'un mandataire (cf. art. 400 al. 1 CO).

2.2.2 Sous l'angle fonctionnel, le contrat du 20 novembre 2015 n'attribuait pas de position particulière à l'appelant dans la société intimée, mais rappelait seulement que la société en commandite au nom de laquelle il agissait avait un statut de contractant indépendant. Dans ses communications à l'appelant, D______ a certes invoqué l'existence de rapports hiérarchiques et rappelé que l'activité de l'appelant s'inscrivait dans le cadre d'une organisation. Il convient cependant d'observer que les relations de l'appelant avec l'intimée ne se limitaient pas au "contrat de mandat" litigieux, mais que l'appelant assumait également la fonction d'administrateur de celle-ci. L'appelant était dès lors tenu de se conformer à certaines obligations à ce dernier titre, sans que cela fasse de lui nécessairement un employé de l'intimée. On relèvera également que dans les communications susvisées, D______ déclarait intervenir en qualité de directeur général de la maison mère de l'intimée, plutôt qu'en qualité d'administrateur de celle-ci, et qu'à ce titre il attendait manifestement que les personnes œuvrant pour le compte de l'intimée se conforment aux décisions de ladite maison mère, et ce que ces personnes soient ou non formellement employées de l'intimée. On ne saurait dès lors déduire de telles communications l'existence d'un lien de dépendance fonctionnelle entre l'appelant et l'intimée.

2.2.3 Sous l'angle temporel enfin, le contrat du 20 novembre 2015 prévoyait que E______ devait fournir par le biais de l'appelant une activité à plein temps, mais ne contraignait pas celui-ci à respecter un horaire particulier. L'appelant était manifestement libre d'aménager son temps de travail comme il l'entendait et il n'est pas établi, ni allégué, qu'un quelconque contrôle de ses horaires ou des heures travaillées aurait été effectué par l'intimée. Le contrat ne contenait par ailleurs aucune disposition relative aux vacances. Devant le Tribunal, l'appelant a lui-même déclaré ignorer le nombre de jours de vacances dont il disposait, ainsi que la durée de celles qu'il avait prises. Dans ces conditions, l'appelant échoue à démontrer avoir été subordonné à l'intimée du point de vue temporel et le seul fait que D______ lui ait conseillé à une occasion de ne pas contacter les clients de l'intimée durant ses vacances, mais durant les jours ouvrés, ne change rien à ce qui précède. L'usage du terme "conseiller" dans le message concerné indique au contraire que l'appelant restait maître de son emploi du temps.

2.3 Le critère essentiel du lien de subordination faisant défaut dans ses principales composantes, c'est à bon droit que le Tribunal a nié l'existence d'un contrat de travail en l'espèce, et ce quand bien même d'autres "indices" pouvaient plaider en faveur d'une telle qualification, comme la mention par le contrat d'un préavis de résiliation ou d'une clause de non-concurrence.

Cette conclusion s'impose d'autant plus que, comme l'ont souligné les premiers juges, c'est en l'espèce à la demande de l'appelant lui-même que le contrat du 2 novembre 2015 a été conclu par l'intimée avec la société en commandite contrôlée par celui-ci, et que ce contrat a été intitulé "contrat de mandat". Il est en effet établi que ce faisant, l'appelant souhaitait conserver le statut d'indépendant qu'il avait obtenu en créant ladite société, et ce dans le but d'optimiser sa situation fiscale personnelle, c'est-à-dire pour payer moins d'impôts et de charges, comme l'a confirmé son comptable lors de son témoignage. Il est également établi que l'intimée n'était d'abord pas favorable au maintien dudit statut d'indépendant, mais qu'elle s'en est accommodée, et que lorsqu'elle a ultérieurement proposé à l'appelant de lui attribuer le statut d'employé pour répondre à certaines normes en vigueur dans son domaine d'activité, l'appelant s'y est opposé. Conformément aux principes rappelés sous consid. 2.1.3 ci-dessus, l'appelant ne peut dans ces conditions se prévaloir des règles relatives au contrat de travail, notamment de règles relatives aux conséquence du congé injustifié (art. 337c CO), dès lors qu'il doit se laisser opposer la construction qu'il a lui-même mise en place et que le contrat litigieux doit effectivement être considéré comme étant conclu par la société en commandite qu'il a interposée dans ses relations avec l'intimée.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la situation du cas d'espèce ne diffère pas significativement de celle ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_31/2011 susvisé, puisque comme dans ce cas, l'appelant était précédemment employé de l'intimée, ce que son comptable a confirmé, et que c'est l'appelant lui-même qui a souhaité convenir d'un mandat conclu entre l'intimée et sa propre société en commandite, le contrat litigieux du 20 novembre 2015 n'ayant fait que formaliser ce changement. S'il est vrai que dans l'arrêt susvisé, le Tribunal fédéral ne se prononçait que sur la compétence matérielle de la juridiction du travail saisie, dans l'arrêt subséquent 5A_524/2020 il a expressément relevé que son raisonnement était également applicable pour déterminer la qualification du contrat dans le cadre d'un examen au fond, comme dans le cas d'espèce. En l'occurrence, ce raisonnement aurait d'ailleurs valablement pu conduire le Tribunal à déclarer la demande irrecevable pour les motifs susvisés, s'il estimait que la demande confinait effectivement à l'abus de droit et à la témérité, sachant qu'il peut être fait exception à l'application de la théorie de la double pertinence en cas d'abus de droit de la part du demandeur (cf. ATF 141 III 294 consid. 5.3; 136 III 486 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 5.2 et les références citées). La recevabilité de la demande n'étant pas remise en cause, il n'y a cependant pas lieu d'y revenir in casu.

Dans le second arrêt susvisé, le Tribunal fédéral a par ailleurs exclu que le contrat conclu par l'entité succédant à l'employé puisse être qualifié de contrat mixte comprenant des éléments de contrat de travail, contrairement à ce qu'affirme l'appelant. Il est par ailleurs sans incidence que dans ce second cas, le procès ait été intenté par l'entité ayant succédé à l'employé, plutôt que par celui-ci, pour contester notamment la résiliation du nouveau contrat par l'ancien employeur.

2.4 Pour l'ensemble des motifs susvisés, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le contrat litigieux ne devait pas être qualifié de contrat de travail, mais de mandat, et que l'appelant n'était pas légitimé à réclamer à l'intimée le paiement de quelconques sommes en relation avec la résiliation dudit contrat. Seule la société en commandite E______, qui n'est pas partie au présent procès, dispose éventuellement d'une telle légitimation.

Le jugement entrepris, qui a débouté l'appelant de toutes ses conclusions, sera dès lors confirmé.

3.             En raison de la valeur litigieuse supérieure à 50'000 fr., des frais judiciaires doivent être perçus pour la procédure d'appel (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Ceux-ci seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 71 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La procédure d'appel ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 mars 2023 par A______ contre le jugement JTPH/36/2023 rendu le 8 février 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/29248/2018.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute A______ de toutes ses conclusions.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Fabia CURTI

 

 

 


Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.