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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/11233/2021

CAPH/66/2023 du 14.06.2023 ( OO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11233/2021-1 CAPH/66/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 14 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[VD], recourant contre une ordonnance rendue par le Tribunal des prud'hommes le 27 septembre 2022, comparant par Me Marco ROSSI, avocat, SLRG Avocats, Quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

ASSOCIATION B______, domiciliée ______[GE], intimée, comparant par Me Romain FELIX, avocat, Sulmoni & Félix, Rue de Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,


EN FAIT

A.           Par ordonnance d'instruction du 27 septembre 2022, rendue à l'occasion de l'audience de débats d'instruction du même jour, le Tribunal des prud'hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a notamment renoncé à ordonner la production de l'enquête administrative ordonnée par le Conseil d'Etat à l'encontre de D______ (ch. 1), renoncé en l'état à ordonner à l'ASSOCIATION B______ de produire les rapports de contrôles de chantier à l'aéroport, à la rue 1______ et à C______ pour la période antérieure à 2017 (ch. 2), renoncé à ordonner à l'ASSOCIATION B______ de produire le décompte de vacances de A______ établi par le prestataire externe pour les années 2019 et 2020 (ch. 3), renoncé en l'état à ordonner la production des documents relatifs à l'enregistrement du temps de travail de A______ de manière quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle avec mention de l'horaire des heures de travail fourni, du travail compensatoire, des heures supplémentaires et des pauses (ch. 4). Il a également dit que plusieurs personnes seraient entendues en qualité de partie (ch. 13) et admis l'audition de plusieurs témoins, dont D______ (ch. 14). L'ordonnance prévoyait qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours conformément aux articles 319 et suivants du Code de procédure civile.

B.            a. Par acte du 7 octobre 2022, A______ dépose un recours contre les chiffres 1, 2 et 4 de l'ordonnance d'instruction, dont il conclut à l'annulation. Il conclut à ce, statuant à nouveau, il soit ordonné à D______ de produire l'enquête administrative ordonnée par le Conseil d'Etat à son encontre, à ce que l'ASSOCIATION B______ produise les rapports de contrôles de chantiers à l'aéroport, à la rue 1______ et à C______ pour la période antérieure à 2017, à ce que l'ASSOCIATION B______ produise les documents relatifs à l'enregistrement du temps de travail de A______ de manière quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, avec mention notamment de l'horaire, des heures de travail fournies, du temps compensatoire, des heures supplémentaires et des pauses, à ce que l'ordonnance de preuve soit confirmée pour le surplus et à ce que l'ASSOCIATION B______ soit condamnée aux frais et dépens.

En tant que de besoin, ses arguments seront repris ci-dessous.

b. Le 9 janvier 2023, l'ASSOCIATION B______ a répondu au recours et conclu à son rejet, avec suite de frais judiciaires. Elle a expliqué en quoi, selon elle, les documents requis ne seraient pas pertinents pour la procédure au fond. S'agissant de l'enregistrement du temps de travail du recourant, seule la période (COVID) du 23 mars 2020 au 16 mai 2020 était disponible; les données antérieures n'existaient pas.

c. Le 1er février 2023, la cause a été gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. A partir de l'automne 2008 (3 octobre 2008 selon le recourant, 1er novembre 2008 selon l'intimée), A______ a travaillé pour l'ASSOCIATION B______ en qualité d'inspecteur paritaire de chantiers. Il devait contrôler des chantiers et établir des rapports.

b. Pendant l'horaire de travail habituel, les inspecteurs devaient être joignables rapidement.

c. L'emploi du temps de A______ en tout cas le 11 juin 2020, mais éventuellement aussi à d'autres moments, est important pour la solution du fond du litige (lequel n'est cependant pas soumis à la Cour à l'occasion de la présente procédure de recours).

d. Le 16 juin 2020, A______ a été licencié avec effet au 30 septembre 2020.

e. Le 20 juin 2020, il s'est opposé à son licenciement considérant qu'il était abusif. Il a fait valoir diverses prétentions contre son ancien employeur, notamment sous l'angle salarial (heures supplémentaires, travail de nuit et du dimanche).

D.           a. Par requête de conciliation du 5 juin 2021, A______ a formulé des prétentions pécuniaires pour une valeur litigieuse de 871'564 fr. 80 à l'encontre l'ASSOCIATION B______.

b. Le 6 juillet 2021, l'autorisation de procéder a été délivrée à A______.

c. Le 3 novembre 2021, A______ a introduit sa demande en paiement. Il expose avoir travaillé à la demande de l'employeur 6 jours par semaine, de 7h du matin à minuit, voire parfois au-delà, y compris les dimanches; il allègue avoir dû se tenir à disposition de son employeur y compris pendant la pause de midi, ainsi que le soir pour effectuer des contrôles urgents. Il n'aurait bénéficié d'aucun jour de vacances en 2020 et 2021. Il prétend que son licenciement résulterait d'une discrimination et pour des motifs liés à sa personnalité. Il revendique des complément de salaire et des heures supplémentaires, une majoration pour son travail de nuit et du dimanche, une indemnité pour licenciement abusif, ainsi que le paiement de jours de vacances et de jours fériés.

d. Le 27 juin 2022, l'ASSOCIATION B______ a répondu à la demande et a conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions.

e. Le 4 juillet 2022, le greffe du Tribunal des prud'hommes a informé les parties qu'un deuxième échange d'écritures n'était pas envisagé.

f. Le 12 septembre 2022, A______ a expédié au Tribunal un bordereau de preuves. Il réclamait la production de quatre pièces (dossier de l'enquête administrative contre D______; rapports des contrôles de chantier à l'aéroport, à la rue 1______ et à C______; décompte de vacances; enregistrement de son temps de travail), l'audition des parties et de quatre témoins.

g. Lors de l'audience de débats d'instruction du 27 septembre 2022, A______ a persisté dans les termes de sa demande du 3 novembre 2021 et réclamé le versement de 585'750 fr. brut à titre de complément de salaire avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 143'387 fr. 25 brut à titre d'heures supplémentaires, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 2'665 fr. brut à titre de travail de nuit avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 83'640 fr. brut à titre de majoration des heures de travail accomplies le dimanche, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 9'493 fr. 15 brut à titre de vacances avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 1'899 fr. 40 à titre de jours fériés, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 44'730 fr. net à titre d'indemnités pour licenciement abusif, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, les frais et les dépens.

A cette occasion, l'ASSOCIATION B______ a déposé son bordereau de preuves, demandant l'audition des parties et de sept témoins. Elle a également déposé deux pièces complémentaires.

A la fin de l'audience, le Tribunal a rendu une ordonnance d'instruction et de preuves et ouvert les débats principaux. Les audiences qui avaient été fixées aux 2, 10, 17 et 30 novembre 2022 ont été annulées vu la présente procédure de recours.

E.            L'ordonnance d'instruction querellée ne comprend pas de motivation du Tribunal liée aux rejets des mesures d'instruction figurant sous chiffres 1 à 4.


 

EN DROIT

1.             Le recours est dirigé contre une ordonnance d'instruction, de sorte qu'il n'est ouvert que si celle-ci peut causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

1.1 Le délai de 10 jours prévus à compter de la communication de l'ordonnance d'instruction (art. 321 al. 2 CPC) est respecté.

1.2 Les ordonnances d’instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats; elles statuent en particulier sur l’opportunité et les modalités de l’administration des preuves, ne déploient ni autorité, ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps. Il en va ainsi notamment lorsque le tribunal émet une ordonnance de preuve (art. 154 CPC) (CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; JEANDIN, in: Commentaire romand CPC, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 art. 319 CPC; HASENBÖHLER, in: Sutter-Somm / Hasenböhler / Leuenberger (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (Zürcher Kommentar), 3ème éd., Zurich 2016, n. 29-32 ad art. 154 CPC).

La notion de préjudice difficilement réparable de l'art. 319 CPC est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ACJC/1396/2022 du 18 octobre 2022 consid. 2.1 et les références citées; CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; COLOMBINI, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, Lausanne 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; BLICKENSTORFER, in: Brunner / Gasser / Schwander (éd.), Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO] – Dike Kommentar, 2ème éd., Zurich 2016, n. 40 ad art. 319 CPC; JEANDIN [2019], n. 22 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; SPÜHLER, in: Spühler / Tenchio / Infanger (éd.), Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO (Basler Kommentar), 3ème éd., Bâle 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; HOFFMANN-NOWOTNY, in: Kunz / Hoffmann-Nowotny / Stauber (éd.), ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, Bâle 2013, n. 23-29 ad art. 319 CPC).

Le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Admettre le contraire reviendrait en effet à permettre au plaideur de contester immédiatement toute mesure d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a précisément voulu éviter. Ainsi, les ordonnances de preuve et les refus d'ordonner une preuve doivent en règle générale être contestés dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale (CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; COLOMBINI, n. 4.3.1 et 4.3.2 ad art. 319 CPC).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 13 ad art. 319 ZPO; BLICKENSTORFER [2016], n. 41 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (CAPH/102/2022 du 5 juillet 2022 consid. 1.1; par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

2.             Le recourant fait valoir que les refus du Tribunal portent atteinte à ses droits, notamment le droit de pouvoir bénéficier d'un procès équitable, de prouver les faits allégués et le droit d'être entendu. L'apport des pièces requises serait essentiel pour déterminer l'issue du litige sur les points essentiels que sont les motifs du licenciement et les jours et heures de travail. Il relève aussi que la valeur litigieuse est importante. Le recourant explique encore que "l'article 226 al. 3 CPC prévoit que lors des débats d'instruction, le Tribunal administre les preuves".

2.1 Selon la jurisprudence, en règle générale, les ordonnances concernant l'obtention de preuves ne sont pas susceptibles de causer un préjudice irréparable à la partie requise, dès lors qu'un recours contre la décision finale peut généralement conduire à l'administration de la preuve refusée à tort ou à la suppression d'une preuve indûment produite (ATF 141 III 80 consid. 1.2 avec les références; arrêt TF 5A_356/2021 du 15 juin 2021 consid. 3.3; voir aussi HASENBÖHLER [2016], n. 34 ad art. 154 CPC).

Il existe cependant des exceptions, notamment si des secrets d'affaires doivent être divulgués en vertu de l'ordonnance de preuves querellée (arrêt TF 5A_356/2021 du 15 juin 2021, consid. 3.3; arrêt TF 5A_823/2020 du 7 mai 2021 consid. 1.2.2; arrêt TF 5A_745/2014 du 16 mars 2015 consid. 1.2.2), ou si l'administration de preuves révèle des informations, alors que le litige principal au fond concerne précisément le point de savoir si ces informations doivent ou non être divulguées. Dans ces cas également, un recours ultérieur contre le jugement final n'est plus envisageable au regard des effets de l'ordonnance incidente sur la cause principale (à ce sujet : ATF 137 III 380 consid. 1.2.2; cf. aussi arrêt TF 5A_356/2021 du 15 juin 2021, consid. 3.3; arrêt TF 5A_823/2020 du 7 mai 2020 consid. 1.2.2).

Pour des raisons d'économie de procédure, la contestation d'ordonnances d'instruction en cours de procédure représente donc l'exception (voir aussi ATF 144 III 475, 479 consid. 1.2; de manière plus générale: ATF 147 III 159, 165 consid. 4.1).

Ainsi, le Tribunal, qui peut modifier ou compléter en tout temps les ordonnances de preuve (art. 154 in fine CPC), pourra ordonner l'administration de preuves complémentaires si celles administrées ne devaient pas suffire. Cela dit, même si tel ne devait pas être le cas, il reste la possibilité de valoir les griefs envisagés dans un recours immédiat contre une ordonnance de preuve dans le cadre d'un appel contre la décision finale. L'instance d'appel a alors aussi la possibilité d'administrer elle-même des preuves le cas échéant (art. 316 al. 3 CPC). Elle peut également renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC), si la loi devait avoir été violée, notamment relativement au droit à la preuve invoqué (voir aussi ACJC/220/2023 du 13 février 2023 consid. 2.2).

2.2 S'agissant de l'art. 226 al. 3 CPC, le texte légal prévoit que le tribunal "peut administrer des preuves" lors des débats d'instruction. Ce n'est donc pas une obligation, mais une possibilité pour le tribunal.

Le recourant insiste sur la valeur litigieuse très importante, de sorte qu'il conviendrait d'être spécialement attentif à l'administration des preuves offertes et demandées. En l'occurrence, il est certes exact que la valeur litigieuse des prétentions dépasse 870'000 fr.; cela n'a cependant pas d'impact concret sur l'administration des preuves, dès lors que la procédure ordinaire est applicable (art. 243 CPC a contrario). En effet, une procédure avec une faible valeur litigieuse peut impliquer un établissement de faits complexe, alors que l'établissement des faits d'une procédure avec une grande valeur litigieuse peut être facile; autrement dit, la valeur litigieuse n'a pas d'impact sur la facilité ou la difficulté de l'établissement des faits et inversement. Par conséquent, l'argument de la valeur litigieuse élevée n'influence pas la recevabilité d'un recours contre une ordonnance d'instruction refusant l'administration de certaines preuves.

Le recourant fait valoir, à tout le moins dans son recours (et sans que la Cour ne doive trancher en l'état si ce fait a été valablement allégué en première instance), qu'un tiers à la procédure, D______, qui a partagé les mêmes locaux et qui effectuait des contrôles de chantier avec lui, a fait l'objet d'une enquête administrative quant à son emploi du temps pendant les jours de travail. Le recourant a donc sollicité "l'intégralité du dossier concernant l'enquête administrative ordonnée par le Conseil d'Etat" (bordereau de preuve p. 2, ch. 1), le "rapport d'enquête" (recours p. 8, ch. 41), "l'enquête administrative ordonnée par le Conseil d'Etat" (recours p. 10, conclusion ch. 3). L'étendue de la prétention en production de pièce du recourant varie donc au fil de la procédure: en effet, l'arrêté d'ouverture d'enquête administrative n'est pas le même document que son résultat, à savoir le rapport d'enquête, qui est encore différente de "l'intégralité du dossier". Cela étant, de toute manière, aussi intéressant que la lecture d'un rapport d'enquête administrative puisse potentiellement être, on ne voit pas – et le recourant ne l'allègue pas et le démontre encore moins – quel préjudice difficilement réparable le refus actuel de sa production pourrait causer: dans le cadre de son instruction, il appartient en effet au Tribunal d'administrer les preuve sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). En l'état, le Tribunal a considéré que la production de ce rapport visant un tiers n'était pas nécessaire à l'établissement des faits; il pourra changer d'avis (cf art. 154 in fine CPC) après l'audition des parties et des témoins et, s'il l'estime nécessaire, en ordonner sa production ultérieurement. S'il devait succomber dans la procédure sans que le Tribunal n'ait ordonné ladite production, A______ pourrait toujours renouveler sa demande dans un éventuel appel à la Cour de justice contre le jugement (décision finale) du Tribunal. Le refus d'ordonner maintenant la production du rapport relatif à D______ ne cause pas un préjudice difficilement réparable au recourant.

Dans une autre conclusion, le recourant demande la production des rapports de contrôles de chantiers à l'aéroport, à la rue 1______ et à C______. Il ne motive cependant pas sa demande, ni n'explique clairement en quoi ces documents seraient pertinents pour le litige. Il n'explique pas quel rôle il aurait joué dans ces contrôles, ni quelles informations utiles pour la procédure au fond s'y trouveraient: il n'est pas contesté qu'il a procédé à des contrôles sur des chantiers. De plus, comme l'intimée l'explique de manière convaincante, la production de rapports de contrôles de chantiers ne permettrait pas de déterminer l'amplitude du temps de piquet du recourant, ni l'éventuelle compensation de ses éventuelles heures supplémentaires. Faute de toute explication, le refus du Tribunal d'ordonner leur production ne peut pas être considéré comme créant un préjudice difficilement réparable.

Dans sa dernière conclusion, le recourant demande la production des documents relatifs à l'enregistrement de son temps de travail. Il se réfère à ce sujet à l'art. 46 LTr et à l'art. 73 OLT1. Il considère qu'il serait choquant et inéquitable que l'intimée, qui est tenue de vérifier elle-même le respect de l'enregistrement du temps de travail de différentes entreprises, ne tienne pas elle-même un registre du temps de travail de ses propres employés. L'intimée a exposé lors des débats d'instruction – sans être explicitement contredite – que ces documents n'existeraient pas en-dehors de la période COVID-19 (23 mars 2020 au 16 mai 2020), pour laquelle ils ont été produits (pièce 19 déf). S'il paraît théoriquement cohérent qu'une association chargée notamment du contrôle du temps de travail dispose également de données concernant ses propres travailleurs, l'appréciation de la nécessité ou non de ces données dans la procédure revient au Tribunal. Le refus de les demander ne crée pas de préjudice difficilement réparable. A nouveau, la Cour n'est pas chargée, dans la présente procédure de recours, d'instruire le dossier à la place du Tribunal; elle doit se limiter à vérifier si le cas exceptionnel d'un préjudice difficilement réparable – qui pourrait, par exemple, résulter d'un ordre de production d'une preuve illicite – est en voie de se réaliser: en l'espèce, un refus d'ordonner la production d'une pièce (dont l'existence même est au demeurant contestée par la partie qui devrait la produire) ne présente aucune risque. Par conséquent, ce refus du Tribunal d'ordonner la production ne peut pas non plus être considéré comme créant un préjudice difficilement réparable.

Les arguments du recourant sur le droit d'être entendu et le procès équitable ne permettent pas de contourner l'exigence du préjudice difficilement réparable pour contester immédiatement devant la Cour de justice une ordonnance d'instruction ou de preuve; en effet, comme déjà mentionné, chaque partie aura le droit – à l'issue de l'instruction par le Tribunal et après la décision finale – de contester éventuellement cette décision finale si elle devait contenir une violation du droit d'être entendu ou du procès équitable. A toutes fins utiles, il sera encore rappelé que la preuve ne porte que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) et que le tribunal apprécie librement les preuves (art. 157 CPC), ce qui n'exclut pas une appréciation anticipée des preuves (ATF 138 III 374, 376 consid. 4.3.2; voir aussi arrêt TF 5A_910/2021 du 8 mars 2023, consid. 4.2).

3.             Vu l'absence de tout préjudice difficilement réparable, le recours doit être déclaré irrecevable.

4.             Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 300 fr. (art. 41 et 71 RTFMC), seront mis à la charge du recourant, qui succombe, et compensés avec l'avance du même montant fournie par celle-ci, acquise à l'Etat de Genève (art. 106 et 111 CPC).

Chaque partie gardera ses dépens à sa charge (art. 22 al. 2 LaCC).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ contre les chiffres 1, 2 et 4 de l'ordonnance d'instruction rendue le 27 septembre 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/11233/2021.

Met à la charge de A______ les frais judiciaires, arrêtés à 300 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Siégeant :

Monsieur David HOFMANN, président; Monsieur Christian PITTET; juge employeur; Monsieur Pierre-André THORIMBERT, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.