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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/24601/2020

CAPH/24/2023 du 27.02.2023 sur JTPH/144/2022 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 17.04.2023, 4A_204/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24601/2020-1 CAPH/24/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 27 FÉVRIER 2023

 

Entre

A______ Sàrl, sise ______ [VS], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 12 mai 2022 (JTPH/144/2022), comparant par Me Nathalie BÜRGISSER SCHEURLEN, avocate, BSR Avocats Sàrl, promenade de Saint-Antoine 20, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [VD], intimé, comparant par Me Radivoje STAMENKOVIC, avocat, Banic Stamenkovic Avocats Sàrl, rue Caroline 2, Case postale 264, 1003 Lausanne , en l'Étude duquel il fait élection de domicile,


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/144/2022 rendu le 12 mai 2022, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal des prud'hommes (ci-après, le Tribunal) a, notamment, condamné A______ Sàrl à verser à B______ la somme brute de 26'087 fr. 50, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er juin 2018, ainsi que la somme brute de 10'138 fr., avec intérêts moratoires au taux de 5 % l'an dès le 31 octobre 2019, sous déduction de la somme nette de 7'085 fr. 15 (chiffre 2 du dispositif), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), condamné A______ Sàrl à verser à B______ la somme nette de 6'264 fr., avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er juin 2018 (ch. 4), dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 13 juin 2022, A______ Sàrl a formé appel de ce jugement et sollicité l'annulation des chiffres 2 à 4 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour déboute B______ de toutes ses conclusions.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ Sàrl ayant renoncé à répliquer, la Cour a informé les parties, par avis du 19 septembre 2022, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ Sàrl est inscrite au Registre du commerce du Valais et son but est : "Tous travaux, prestations de services et activités immobilières dans le domaine de la rénovation d'immeubles et l'achat, la vente et la distribution de fournitures et matériaux liés à la construction ainsi que toutes activités financières, commerciales, mobilières, immobilières et autres propres à développer son but ou s'y rapportant directement ou indirectement."

C______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle.

La société est active à Genève, où elle se considère comme une entreprise de référence dans le domaine de la rénovation.

b. B______ a été engagé par A______ SARL, à partir du 1er avril 2017, par contrat de travail oral de durée indéterminée, pour un salaire mensuel brut de 4'650 fr.

B______ a essentiellement travaillé à Genève.

La fonction occupée dans l'entreprise par B______ est litigieuse.

Il a allégué avoir été engagé comme monteur-électricien et chef de chantier. Il était chargé de veiller à la bonne réalisation des travaux ainsi que de se procurer le matériel nécessaire à l'accomplissement de ses tâches. Il a soutenu être au bénéfice d’une formation complète de monteur-électricien. Son activité était donc soumise à la Convention collective de travail pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment du canton de Genève.

A______ Sàrl a contesté ces faits et allégué que le prénommé avait été engagé en qualité de manœuvre polyvalent, puisqu'il n'avait aucune qualification attestée par un quelconque titre. Le demandeur avait été chargé d'effectuer des tâches de démolition et d'évacuation de gravas, de mise en peinture, d'aide au soumissionnement, de montage de cloisons ou encore de remplacement de câbles électriques ou autres menus travaux électriques. Il avait également été sollicité pour servir de relais sur les chantiers en cas de besoin et pour s'assurer que le matériel nécessaire était à disposition.

Le témoin D______, ancien employé de A______ Sàrl, entendu par le Tribunal, en litige avec l'entreprise et auteur d'une plainte pénale contre C______ pour "mise aux poursuites injustifiée", a déclaré avoir été engagé pour gérer des projets de rénovation, soit déterminer les contrats et organiser les travaux, et déployer son activité sur les chantiers. B______, qui avait été présent dans l'entreprise pendant toute la période durant laquelle il avait été lui-même employé, était le responsable des travaux d'électricité et faisait le lien entre les chantiers et la direction. B______ dirigeait les ouvriers sur les chantiers qui lui étaient alloués. Il était aussi amené à apporter le matériel sur les chantiers et, parfois, à les commander.

La témoin E______, ancienne employée de A______ Sàrl chargée de la comptabilité, entendue par le Tribunal, a déclaré que, lorsqu'elle avait préparé le contrat écrit de B______ - ce alors que celui-ci était déjà employé de la société depuis une année environ -, elle ne disposait pas de CV ou de diplôme. Son contrat mentionnait qu'il était "ouvrier". C'était principalement lui qui amenait les ouvriers sur les chantiers et qui les dirigeait.

c. Les rapports de travail liant les parties ont pris fin le 30 novembre 2019.

d. Par requête déposée à l'office postal le 18 novembre 2020, non conciliée le 22 janvier 2021 et introduite au Tribunal le 16 avril 2021, B______ a assigné A______ SARL en paiement de la somme totale de 47'425 fr. 50, soit 12'570 fr. brut, à titre de différence de salaire pour la période du 1er avril au 30 septembre 2019, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er juin 2018, 10'138 fr. brut, à titre de salaire pour les mois d'octobre et novembre 2019, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 31 octobre 2019, 13'517 fr. 50 brut, à titre de treizième salaire pour la période du 1er avril 2017 au 30 novembre 2019, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er juin 2018 et 11'200 fr. brut, à titre d'indemnités de repas pour la période du 1er avril 2017 au 30 novembre 2019, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er juin 2018.

Ses prétentions étaient fondées sur l'application de la Convention collective de travail pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment du canton de Genève.

d. Par mémoire de réponse déposé au greffe du Tribunal des prud'hommes le 2 juillet 2021, A______ SARL a conclu au déboutement de B______.

e. Par ordonnance de preuves communiquée en audience le 1er novembre 2021, le Tribunal a notamment dit que B______ était chargé de prouver avoir travaillé en qualité de monteur-électricien au sein de A______ Sàrl "et l'application de la convention collective de travail pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment dans le canton de Genève".

f. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties et de témoins, dont les déclarations ont été reprises dans la mesure utile ci-dessus.

g. Le 28 janvier 2022, les parties ont déposé leurs plaidoiries finales écrites et persisté dans leurs conclusions.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la Convention collective de travail du Second-Œuvre (ci-après, la CCT) était applicable, car les activités de A______ Sàrl s'inscrivaient dans les domaines couverts par cette convention. Cela étant, B______ n'avait pas prouvé avoir travaillé comme monteur-électricien, mis à part de menus travaux électriques. Bien que B______ n'ait aucun diplôme dans le domaine de l'installation électrique, il s'était occupé de la gestion des ouvriers sur les chantiers, des déplacements, du matériel nécessaire aux chantiers, de certains achats et avait participé à des réunions avec la direction. Il était donc chef d'équipe au sens de la CCT et avait droit à un salaire mensuel brut de 5'731 fr., en lieu et place de son salaire de 4'650 fr. brut convenu. La différence lui était donc due, mais B______ avait limité ses conclusions à 12'570 fr. brut. En outre, pour le salaire dû pendant le délai de congé, il était de 11'462 fr. brut, soit les mois d'octobre et novembre 2019. Cependant, un compte courant en 7'087 fr. 15 était ouvert au nom de B______ pour des dépenses privées dans les comptes de A______ Sàrl. Ce montant était dû et serait donc déduit du solde de salaire susmentionné. Le treizième salaire, dû en vertu de la CCT, n'avait pas été versé, de sorte qu'il pouvait prétendre à la somme de 15'276 fr. 55 à ce titre, mais avait limité ses conclusions à 13'517 fr. 50 brut, qui lui seraient donc alloués. Enfin, une indemnité de repas de 9 fr. par jour était due pour l'ensemble de la relation de travail, soit 6'264 fr.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est, comme en l'espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), l'appel est recevable (art., 130, 131, 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3).

Compte tenu de la valeur litigieuse d'espèce, supérieure à 30'000 fr., la maxime des débats s'applique (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC).

1.3 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

En l'espèce, la pièce "nouvelle" produite par l'appelante et concernant des paiements à des agences de placement de personnel temporaire figure déjà au dossier de première instance. Par ailleurs, la seconde pièce nouvelle date de 2020 et aurait donc pu être produite en première instance, de sorte qu'elle est irrecevable en appel, étant précisé que le grief de violation du droit d'être entendu lié à cette pièce est rejeté ci-après (cf. consid. 2.).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir qualifié à tort l'intimé de chef d'équipe et d'avoir erré dans l'application de la CCT. Ce faisant, son droit d'être entendue avait été violé.

2.1
2.1.1 Selon l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective.

En droit suisse, la rémunération du travailleur obéit en règle générale au principe de la liberté contractuelle. Le salaire convenu fait donc foi, sous réserve d'une convention collective de travail prévoyant, pour l'emploi occupé par le travailleur, un salaire supérieur au montant figurant dans le contrat. Dans ce cas-là, le salaire conventionnel prévaudra sur le salaire convenu (cf. art. 322 al. 1, art. 357 CO; ATF 122 III 110 consid. 4b).

Selon l'art. 1 CCT, celle-ci s’applique à tous les employeurs, toutes les entreprises et aux secteurs d’entreprises qui exécutent ou font exécuter, à titre principal ou accessoire, notamment des travaux de menuiserie-ébénisterie, charpenterie, vitrerie, miroiterie, techniverrerie, plâtrerie, peinture, carrelage, revêtement de sol, pose de parquets.

L'article 18 al. 1 CCT dispose que les travailleurs sont remuneres selon les classes de salaire suivantes :

- Classe CE : Travailleur qualifie possédant un brevet fédéral de contremaître, un diplôme de chef d'équipe ou travailleur étant considéré comme tel par l'employeur.

- Classe A : Travailleur qualifie titulaire d'un certificat fédéral de capacité ou d'une attestation équivalente au sens de la Loi fédérale sur la formation professionnelle.

- Classe B : Travailleur sans certificat fédéral de capacité occupe a des travaux professionnels.

- Classe C : Manœuvre et travailleur auxiliaire.

Selon l'annexe II CCT-SOR, le salaire mensuel du travailleur classe CE s'élevait, au 1er janvier 2019, à un montant brut de 5'731 fr. dans le canton de Genève, inchangé depuis 2017.

2.1.2 En matière d'interprétation des contrats, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2).

2.1.3 A teneur de l'art. 150 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (al. 1). La preuve peut également porter sur l'usage, les usages locaux et, dans les litiges patrimoniaux, le droit étranger (al. 2).

Par contre, le tribunal applique le droit d'office (art. 57 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il implique que toute partie a le droit, pour établir un fait pertinent qui n'est pas déjà prouvé, de faire administrer les moyens de preuve adéquats (ATF 140 I 99 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.1.1 non publié aux ATF 144 III 541).

Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

Le droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision ne soit prise s'applique sans restriction pour les questions de fait. Pour ce qui est de la qualification juridique des faits, ce droit ne vaut que lorsqu'une partie change inopinément son point de vue juridique ou lorsque l'autorité a l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 126 I 19 consid. 2c/aa et consid. 2d/bb; 124 I 49 consid. 3c); il faut qu'il s'agisse d'un motif juridique non évoqué, dont aucune des parties ne pouvait supputer la pertinence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_364/2015 du 13 avril 2016 consid. 2.2, non publié in ATF 142 III 355 ; ATF 114 Ia 97 consid. 2a et les réf. citées).

Par ailleurs, une violation du droit d'être entendu en instance inférieure est réparée, pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 130 II 530 consid. 7.3; 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b).

2.2
2.2.1 En l'espèce, s'agissant de la question du droit d'être entendue de l'appelante plus précisément de son droit à la preuve, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir appliqué de manière imprévue la CCT et d'avoir qualifié l'intimé de chef d'équipe, alors qu'il ne l'avait pas allégué. Aucune des parties n'avait mentionné la CCT, seule la Convention collective pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment avait été évoquée en première instance. Cela résultait d'ailleurs de l'ordonnance de preuve du Tribunal.

Il n'est plus contesté à ce stade que l'intimé n'a pas été engagé comme monteur-électricien et que la Convention collective pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment n'est pas applicable.

S'agissant de l'application de la CCT par le Tribunal, force est de constater que l'activité d'entreprise de rénovation de l'appelante a été d'emblée évoquée dans les écritures introductives d'instance de l'intimé. S'agissant d'un litige de droit du travail, il était prévisible, a fortiori par une partie assistée d'un avocat comme l'appelante, que la question des éventuelles conventions collectives applicables se poseraient, soit une question juridique. Certes, seule la Convention collective pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment a été expressément évoquée par les parties et le Tribunal durant l'instruction. Cela étant, le juge connaît le droit d'office et n'est donc pas limité à l'argumentation des parties sur ce point. De surcroît, le fait pour le Tribunal d'avoir fait figurer la Convention collective pour les métiers techniques de la métallurgie et du bâtiment dans son ordonnance de preuve constitue manifestement une inadvertance : s'agissant d'un texte juridique, il ne pouvait pas être objet de la preuve.

Il s'ensuit que l'application de la CCT n'était pas un argument juridique inattendu obligeant le Tribunal à attirer spécifiquement l'attention de l'appelante.

S'agissant de la qualité de chef d'équipe de l'intimé, il s'agit, ici encore, d'une qualification juridique résultant de l'application de la CCT. Or, les faits pertinents, soit le type d'activité déployée par l'intimé au sein de l'entreprise, ont été expressément évoqués dans les écritures des parties et lors des auditions de témoins. Il est inexact de retenir, comme le fait l'appelante, que l'intimé aurait renoncé à se prévaloir de sa qualité de chef d'équipe qu'il avait expressément mentionnée dans sa demande, puisqu'il s'est, certes, concentré durant la procédure sur son activité de monteur-électricien, mais n'a pas expressément affirmé qu'il n'occupait pas de fonction hiérarchique dans l'entreprise.

Enfin, l'appelante prétend que des témoins - dont elle ne désigne ni le nom, ni la fonction - seraient disponibles pour prouver que l'intimé n'était pas chef d'équipe. Pourtant, elle ne les a pas cités en première instance alors que la question du type d'activité de l'intimé a fait l'objet de l'instruction. Il en va de même du document, irrecevable en appel, auquel elle se réfère.

Par conséquent, l'appelant a pu dûment se prononcer sur les faits pertinents de la cause, les conséquences juridiques tirées par le Tribunal étant prévisibles. De surcroît, l'invocation du grief de violation du droit d'être entendu apparaît comme une fin en soi, dans la mesure où l'appelante ne désigne pas d'éléments objectifs recevables qui conduiraient à une décision différente de celle entreprise, pour peu que la cause soit retournée au Tribunal.

Les griefs formels de violation du droit d'être entendu seront rejetés.

2.2.2 L'appelante conteste ensuite que la rémunération fixée par la CCT pour un chef d'équipe soit due, car la CCT n'était pas applicable, car l'intimé ne travaillait pas à plein temps, ne possédait pas de diplômes faisant de lui un chef d'équipe et n'avait pas allégué avoir travaillé comme chef d'équipe.

Aucun de ces griefs ne résiste à l'examen.

S'agissant de l'application de la CCT, l'appelante admet que son activité est soumise à la CCT. Etant donné qu'il n'est plus contesté que l'intimé se trouvait occupé sur les chantiers de l'appelante, au moins comme manœuvre ou comme ouvrier selon elle, il est surprenant que l'appelante persiste à affirmer que la CCT ne serait pas applicable in casu. Le fait que d'autres ouvriers étaient engagés, même de manière temporaire, n'est pas de nature à contredire ce qui précède.

Il ressort implicitement des allégués des deux parties en première instance que l'intimé était occupé à plein temps par l'appelante, dès lors qu'aucune des deux parties n'a indiqué un taux de travail à temps partiel. L'appelante invoque pour la première fois en appel que le taux de travail de l'intimé serait inférieur à 100%, ce qui est irrecevable.

Dans sa demande au Tribunal, l'intimé a expressément allégué avoir été engagé, en plus d'être un monteur-électricien, comme "chef de chantier". Comme il a déjà été dit, il ne ressort pas de la procédure que l'intimé aurait expressément renoncé à cet allégué.

Conformément au texte de la CCT, un chef d'équipe est un "travailleur qualifie possedant un brevet federal de contremaitre, un diplome de chef d'equipe ou un travailleur etant considere comme tel par l'employeur". Les exigences listées sont alternatives en raison du l'usage du "ou", de sorte que l'employé non qualifié, non diplômé, mais considéré comme un chef d'équipe par l'employeur est un chef d'équipe au sens de la CCT. Ce critère est celui employé par le Tribunal. L'appelante concentre principalement son argumentation sur l'absence de diplômes de l'intimé, qui n'est pourtant pas pertinente. En outre, elle occulte que les deux seuls témoins entendus ont confirmé le caractère dirigeant de l'activité de l'intimé. S'agissant du témoin D______, le simple fait qu'il soit en litige avec l'appelante n'enlève pas toute crédibilité à son témoignage. Il est d'ailleurs plutôt insolite que l'appelante n'ait pas cité un seul témoin qui pouvait confirmer que l'intimé n'avait ni une activité de monteur-électricien, ni une activité rentrant dans le champ de la CCT, ni même une activité dirigeante, alors qu'elle invoque avoir employé quantité de personnel temporaire pendant la période d'emploi de l'intimé.

Pour le surplus, l'appelante ne remet pas en cause le raisonnement des premiers juges, qui sera donc confirmé.

3. Demeure la question du dies a quo des intérêts moratoires, contestée par l'appelante.

3.1 Conformément aux règles générales du droit des obligations, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire au taux de 5 % l'an (art. 104 al. 1 CO). La demeure suppose entre autres conditions que la créance soit exigible et, sauf cas spéciaux, que le créancier ait interpellé le débiteur (cf. art. 102 CO).

En droit du travail, l'art. 339 al. 1 CO prévoit qu'à la fin du contrat toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.

Selon la jurisprudence - citée d'ailleurs par l'appelante -, il va de soi que l'art. 339 CO ne modifie pas la date d'exigibilité des créances qui étaient déjà devenues exigibles avant la fin des rapports de travail. En particulier, le salaire est en principe payé au travailleur à la fin de chaque mois (art. 323 al. 1 CO) et le remboursement des frais a lieu en même temps que le paiement du salaire (art. 327c al. 1 CO). Ces créances-là portent intérêt dès la fin du mois où elles sont devenues exigibles (arrêt du Tribunal fédéral 4C.320/2005 du 20 mars 2006 consid. 6.1 publié in JAR 2007 p. 219 ; pour la doctrine récente, parmi plusieurs : Bruchez / Mangold / Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4ème éd. 2019, n. 1 ad art. 339 CO ; Classen, Arbeitsvertrag, 2021, n. 5 ad art. 339 CO).

3.2 En l'espèce, le grief de l'appelante concernant le dies a quo des intérêts moratoires doit être rejeté. Dès lors que les prétentions de l'intimé portaient sur des créances de salaire, respectivement de remboursement de frais, ces créances étaient payables et exigibles à la fin de chaque mois. L'appelante se trouvait donc en demeure dès la fin du mois concerné. La fixation par le Tribunal d'une date moyenne - dont le calcul n'est au surplus pas contesté par l'appelante - à titre de dies a quo pour le décompte des intérêts est ainsi conforme au droit et logique.

L'appelante erre donc en soutenant que les créances de salaire et les frais dus n'étaient exigibles qu'au moment de l'introduction de la demande en paiement.

Ces griefs seront rejetés.

4. Le jugement sera donc confirmé.

5. La procédure d'appel est gratuite (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; 19 al. 3 let. c LaCC; 71 RTFMC) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ Sàrl contre le jugement JTPH/144/2022 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 12 mai 2022 dans la cause C/24601/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Yves DUPRE, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.