Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/28515/2019

CAPH/137/2022 du 29.08.2022 sur JTPH/432/2021 ( OO ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28515/2019-1 CAPH/137/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 29 aoÛt 2022

 

Entre

A______ SA, c/o B______ SARL, C______, ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 novembre 2021 (JTPH/432/2021) et intimée, comparant en personne,

et

Monsieur D______, domicilié ______, appelant et intimé, représenté par le Syndicat E______, ______, en les bureaux duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement du 11 novembre 2021, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ SA à verser à D______ la somme brute de 27'178 fr. 75 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019 ainsi que la somme brute de 9'809 fr. 85 avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 1er décembre 2019, sous déduction de la somme nette de 31'655 fr. (ch. 2 du dispositif), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), condamné A______ SA à verser à D______ la somme nette de 2’890 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019 (ch. 4), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a.a Par acte expédié à la Cour de justice le 13 décembre 2021, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation, à ce qu'il soit considéré que le licenciement de D______ était justifié, à ce qu'elle soit exemptée de tous frais ou indemnité et à ce que D______ soit débouté de ses prétentions en indemnisations qu'elle jugeait abusives.

a.b D______ a conclu au rejet de cet appel et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

b.a D______ a également formé appel contre le jugement du 11 novembre 2021. Il a conclu à l'annulation partielle des ch. 2 à 4 de son dispositif et, cela fait, à ce que A______ SA soit condamnée à lui verser les sommes brutes de 41'046 fr. 20 bruts à titre de salaire pour la période travaillée, soit du 7 janvier au 10 octobre 2019 sous déduction de 31'655 fr. nets déjà versés, 1'325 fr. 90 bruts à titre de salaire pour six jours fériés tombant durant la période travaillée, 4'544 fr. 95 bruts à titre de salaire-vacances, 3'936 fr. 80 bruts à titre de 13ème salaire et 3'096 fr. nets à titre de paiement des indemnités forfaitaires pour 172 jours de travail effectués, le tout avec avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2019.

Il a précisé ne pas faire appel des postes afférents au travail excédentaire ainsi qu'aux heures effectuées le dimanche ainsi que des postes relatifs au paiement du délai de congé et de l'indemnité pour licenciement avec effet immédiat.

b.b A______ SA n'a pas répondu à l'appel dans le délai qui lui avait été imparti.

c. Les parties ont été informées le 4 avril 2022 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ SA est une société de droit suisse dont le but est notamment l’exploitation d’entreprise générale de construction ; son siège est à Genève. F______ en était "responsable commercial".

A______ SA a travaillé avec G______ Sàrl, à laquelle elle sous-traitait une partie de ses mandats. F______ en était également "responsable commercial".

b. La date d’engagement de D______ par A______ SA est litigieuse entre les parties.

Figure à la procédure un contrat de travail signé le 21 décembre 2018 selon lequel D______ est engagé par A______ SA en qualité de manœuvre polyvalent, à partir du 2 janvier 2019, pour une durée indéterminée, et qui prévoit le versement d’un salaire mensuel brut de 4'500 fr. La précitée a contesté que ce contrat comporte la signature de son représentant, H______, dont le nom est indiqué.

Un deuxième contrat de durée indéterminée, daté du 13 mai 2019, prévoit que D______ est engagé par A______ SA à partir de cette date en qualité de manœuvre polyvalent pour un salaire horaire brut de 25 fr. 15.

Le 17 juillet 2019, les parties ont signé un troisième contrat de travail, semblable au premier, sous réserve de la date du début du contrat, qui était fixée au 15 juillet 2019, et du salaire mensuel brut qui était de 4'500 fr., augmenté de 375 fr. à titre de participation au treizième salaire.

Ces trois contrats se réfèrent tous à la Convention collective du Second-Œuvre (ci-après « CCT-SOR »).

Il ressort par ailleurs de l'attestation de salaires 2019 concernant G______ Sàrl destinée à l'Office cantonal des assurances sociales que D______ a été salarié de la précitée de janvier à avril 2019.

Le certificat de salaire 2019 émis par A______ SA concernant D______ porte quant à lui sur la période du 13 mai 2019 au 10 octobre 2019.

c. Le 8 octobre 2019, D______ a créé une société en nom collectif avec I______, sous la raison sociale D______/I______ SNC, qui a été inscrite au Registre du commerce le 1______ octobre 2019. Le but de la société est tous travaux du second œuvre, spécialement la peinture, les papiers peints, le carrelage et la petite maçonnerie.

d. Par courrier du 1______ octobre 2019 adressé à A______ SA, D______ s’est plaint d’avoir dû effectuer des heures supplémentaires, d’avoir dû travailler certains samedis sans compensation, de n’avoir jamais reçu l’indemnité panier prévue par la Convention Collective du Second-Œuvre, de n’avoir pas perçu de part au treizième salaire, de n’avoir pu bénéficier entièrement de son droit aux vacances et de n’avoir pas perçu l’intégralité de ses salaires.

D______ mettait donc son employeur en demeure de lui verser son dû d’ici au 3______ octobre 2019.

e. Par courrier daté du 1______ octobre 2019, expédié le 2______ octobre 2019, A______ SA a licencié D______ avec effet immédiat au motif que celui-ci aurait abandonné son poste de travail, d’une part, et en raison de plaintes de clients, d’autres part.

f. Par courrier du 12 novembre 2019, D______, qui a précisé avoir été engagé en qualité de manœuvre polyvalent le 2 janvier 2019, a réclamé à A______ SA la somme totale brute de 63'709 fr. 60 et nette de 17'463 fr. 05, sous déduction d’un montant net de 31'655 fr. reçu en main propre.

g. Par demande déposée au greffe de l'autorité de conciliation des prud’hommes le 10 décembre 2019, puis au greffe du Tribunal des prud’hommes le 7 septembre 2020 à la suite de l'échec de la tentative de conciliation, D______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 49'527 fr. 65.

Il a également demandé à ce qu’il soit ordonné à la Commission paritaire du Second-Œuvre de produire l’intégralité des rapports de contrôle de chantier le concernant effectués sur les chantiers de A______ SA entre les mois de janvier et d’octobre 2019.

La somme requise se décompose comme suit :

-     41'046 fr. 20 brut, à titre de salaire pour la période du 7 janvier 2019 au 10 octobre 2019, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019 sous déduction de la somme nette de 31'655 fr.;

-     1'581 fr. 60 brut, à titre de salaire pour le travail excédentaire avec une majoration à 25% avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     808 fr. 50 brut, à titre de salaire pour quinze heures effectuées le dimanche avec une majoration de 100%, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     1'325 fr. 95 brut, à titre de salaire pour six jours fériés tombant dans la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     4'544 fr. 95 brut, à titre d’indemnité pour jours de vacances non pris en nature pendant la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     3'936 fr. 80 brut, à titre de treizième salaire pour la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     3'096 fr. net, à titre d’indemnités forfaitaires pour 172 jours de travail, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     8'731 fr. 80 brut, à titre de salaire afférent au délai de congé du 11 octobre 2019 au 30 novembre 2019, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     929 fr. 05 brut, à titre d’indemnité pour jours de vacances non pris en nature durant le délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     804 fr. 75 brut, à titre de treizième salaire afférent au délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     14'367 fr. 05 net, à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019.

A l'appui de ses conclusions, D______ a allégué qu’il avait été engagé par A______ SA le 7 janvier 2019 après avoir été engagé par G______ Sàrl. Il avait fréquemment effectué 10 à 12 heures de travail par jour en ne prenant que 30 minutes de pause à midi. Il avait travaillé 1'585 heures entre les mois de janvier et d’octobre 2019 dont 93,5 heures le samedi et 15 heures le dimanche. Pour cette activité, il avait perçu une somme nette de 31'655 fr. Il n’avait toutefois pas été payé pour le mois d’octobre 2019. Ne pouvant plus travailler dans ces conditions, il avait interpellé son employeur, qui l’avait alors licencié avec effet immédiat pour des motifs fallacieux. Il n’avait, en effet, pas abandonné son poste puisqu’il avait travaillé jusqu’au 10 octobre 2019. Il n’avait pas non plus développé une activité concurrente puisque sa société n’avait été créée que le 1______ octobre 2019.

D______ a notamment produit des fiches de salaires établies par A______ SA pour la période du mois de mars à août 2019 ainsi qu’un extrait de son compte individuel auprès de l’AVS duquel il ressort que durant les mois de janvier à avril 2019, il a été rémunéré par G______ Sàrl.

h. Par réponse du 9 novembre 2020, A______ SA a conclu à ce que D______ soit débouté des fins de sa demande.

Elle a notamment allégué que D______ avait travaillé pour G______ Sàrl jusqu’à la fin du mois de mars 2019. Elle l'avait engagé à partir du 13 mai 2019, sur la base d’une rémunération horaire, car elle avait besoin de main d’œuvre pour travailler sur un important chantier. D______ n’avait pas travaillé à temps plein durant les mois de mai et de juin 2019. En juillet 2019, elle avait décidé de mensualiser sa rémunération. A partir de là, les relations avec ce dernier s’étaient dégradées. Elle avait reçu des plaintes de la part de clients et certains avaient même mis un terme à leur contrat. Le 1______ octobre 2019, elle avait appris que D______ avait œuvré sur un autre chantier durant l’été. Elle avait également constaté qu’il avait constitué sa propre société. Elle avait donc décidé de le licencier avec effet immédiat. Elle contestait tant les fiches de salaire produites que ses décomptes manuscrits.

i. A l’audience de débats d'instruction du 25 janvier 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

j. Le 3 février 2021, le Tribunal a adressé une demande de renseignements écrits à la Commission paritaire du Second-œuvre pour obtenir une copie de l’intégralité des rapports de contrôle de chantier effectués sur les chantiers de A______ SA entre les mois de mai et octobre 2019 concernant D______ ainsi que tous les documents le concernant qui lui auraient été remis.

Ladite Commission a transmis le 9 février 2021 le certificat de salaire de D______ pour l’année 2019 ainsi que ses fiches de salaire des mois de mai à octobre 2019.

k. Plusieurs témoins ont été entendus par le Tribunal.

k.a I______, a indiqué qu’il avait rencontré D______ le 13 mai 2019, soit le jour où il avait été engagé, sur un chantier à 4______ [GE]. Celui-ci lui avait expliqué qu'il avait commencé à travailler pour une entreprise, différente de A______ SA, qui était dirigée F______, et ce, dès la fin de 2018. Quand il avait commencé à travailler sur le chantier, il avait été choqué par les horaires constatant que ses collègues continuaient à travailler après 18h car l'appartement en travaux devait être terminé dans les plus brefs délais. Sur le chantier de 5______ [GE], il lui était arrivé de travailler jusqu'à 21h parfois. Ils avaient une pause de 30 minutes ou d’une heure pour déjeuner. Il avait travaillé avec D______ au mois d’août 2019. Il avait discuté avec ce dernier de comment faire pour que leur droit au salaire soit respecté. Le 9 ou le 10 octobre 2019, il se trouvait avec D______ sur le chantier 6______ [GE]. F______ avait appelé la police au motif qu’il prétendait qu'il bloquait le chantier.

Au mois de septembre 2019, il avait parlé, avec D______, de créer une société et ils avaient déposé les papiers pour se faire le 9 ou le 10 octobre 2019. Le 15 ou le 20 octobre 2019, le neveu de F______ avait indiqué à D______ qu'il avait des travaux à effectuer et cela avait été le premier chantier qui leur avait été confié. D______ était logé dans un appartement qui appartenait à F______ et ce dernier déduisait le montant du loyer de son salaire. Il avait certainement dû travailler un samedi ou deux avec D______ et un dimanche sur un chantier à 7______ [GE], selon les ordres de F______, qui se trouvait souvent sur ses chantiers.

k.b J______, agent immobilier, a indiqué qu’il connaissait D______, lequel avait travaillé pour A______ SA sur le chantier qu’il avait codirigé à l'adresse [avenue] 6______ no. ______. Seuls I______ et D______ avaient travaillé pour A______ SA sur ce chantier. Celui-ci avait duré de mai à octobre 2019. F______ était le sous-traitant de sa société K______ Sàrl. Les travaux de démolition s’étaient bien passés, mais lorsque la rénovation des appartements avait débuté, il y avait eu des problèmes. Les délais n'étaient pas respectés. Comme les appartements étaient habités, il avait fallu gérer appartement par appartement, ce qui n'avait pas été une tâche facile. Trois appartements devaient être aménagés dans les combles. Il devait y avoir deux employés en permanence sur le chantier. Souvent, à partir du mois d'août 2019, lorsqu’il venait sur le chantier, il n'y avait personne. L'architecte, L______, l’avait également appelé pour le prévenir de ce fait. Il avait alors contacté F______ qui lui avait dit qu'il allait s'en occuper. La colonne de chauffage devait être changée dans tous les étages et il y avait eu des malfaçons dans les travaux effectués sur celle-ci à la fin août, début septembre 2019. Il avait prévenu A______ SA que si cela continuait, il risquait de perdre le chantier par sa faute. Des discussions avaient eu lieu avec I______ et D______ pour essayer d'améliorer les choses mais cela n'avait pas donné de résultats. Il leur avait fait des remarques sur la qualité de leur travail. Il était arrivé plusieurs fois que D______ et I______ montent des murs qui n’étaient pas droit, ce dont l’architecte s’était plaint. Il avait été remercié par le maître d'ouvrage, soit M______ Sàrl au début du mois d'octobre 2019. Une réunion entre lui-même, F______ et L______ avait eu lieu dans les locaux de M______ Sàrl. L______ leur avait expliqué qu'il n'était pas du tout content du travail qui avait été effectué et qu'il y avait trop de problèmes entre A______ SA et ses employés, ce qui se ressentait sur le chantier. L______ était allé sur le chantier et il avait vu une inscription anonyme dans les combles selon laquelle K______ Sàrl et A______ SA étaient des mauvais payeurs. A ce moment-là, il avait mis un terme au contrat de cette dernière. Il avait entendu dire qu'il y avait eu des discussions assez fortes entre les employés de A______ SA et F______ et que la police était intervenue, mais il n’était pas présent. Il se rendait au moins deux fois par semaine sur le chantier. Il était parti en vacances au mois d'août 2019.

k.c L______, architecte, a indiqué qu’il avait mandaté A______ SA pour la réalisation de travaux de platerie et peinture sur un chantier à l'avenue 6______ no. ______. Celui-ci avait débuté en avril ou en mai 2019 et ne s'était pas très bien passé. Certains locataires étaient difficiles et le fait qu'I______ et D______ n'étaient pas précautionneux avaient créé des tensions. Le temps de travail était clairement défini, à savoir du lundi au vendredi, pas avant 8h du matin et pas après 17h. Il passait tous les deux ou trois jours sur le chantier. Il lui était arrivé plusieurs fois de ne pas y trouver I______ et D______.

k.d N______, agent immobilier, a indiqué qu’il connaissait F______ ainsi que A______ SA. Il avait rencontré les deux premiers cités sur les chantiers de 8______ [France] et 6______ [GE]. Chaque fois que F______ avait un problème sur ce chantier, il l'appelait pour intervenir. Un prénommé Didier, qui avait le mandat pour rénover l'immeuble, s’était plaint de l'absence des ouvriers en juin ou juillet 2019. L'architecte n’était également pas satisfait des travaux effectués.

Au mois d'août 2019, alors qu’il était en train de boire un thé vers 11h30, il avait vu I______, en tenue de travail, sortir d'un chantier 9______, à la rue 9______ [GE]. Celui-ci était venu lui dire bonjour. Il ne s’agissait pas d’un chantier de A______ SA. Il n’avait pas demandé à I______ ce qu'il faisait là, mais il avait été étonné car il aurait dû être sur un chantier de A______ SA. Il avait tout de suite appelé F______ pour lui dire qu’il avait vu son employé sur un chantier. Il n’avait pas vu D______, mais il y avait la voiture de A______ SA garée devant la pizzeria, laquelle était sous la responsabilité de ce dernier. Mécontent, F______ avait alors interrompu son voyage. Au mois de septembre 2019, il y avait eu des réunions entre F______ et I______. Il avait essayé de réconcilier les deux parties mais ce dernier n'avait rien voulu savoir. O______, fonctionnaire de l'Organisation [internationale] P______, lui avait dit que I______ et D______ avaient refait la cuisine chez lui et qu’il n’avait pas été satisfait de leurs services, étant précisé qu’à chaque fois que F______ les appelait, ils quittaient son chantier.

k.e Q______, menuisier, a indiqué qu’il avait été employé de A______ SA du mois de janvier 2018 jusqu'au 13 février 2018 et qu’il avait recommencé à travailler pour cette dernière en décembre 2020. Il connaissait I______ et D______ avec lequel il avait travaillé pour G______ Sàrl de septembre à décembre 2017. En octobre 2019, il avait réalisé un petit comptoir pour la pizzeria R______ [rue 9______]. Il avait travaillé avec I______ et D______. Ceux-ci avaient exécuté un plafond et réparé un mur. Il avait vu I______ et D______ quatre ou cinq soirs. Selon lui, ceux-cine travaillaient que pour 9______.

k.f S______, mécanicien, a expliqué qu’il s’occupait des réparations des véhicules de A______ SA. Il connaissait I______ ainsi que D______. Ceux-ci avaient effectué des travaux dans son garage au mois d'août 2019. D______ lui avait dit qu'il travaillait pour son compte. Quand il était venu travailler chez lui en août et septembre 2019 avec I______, il utilisait la camionnette de A______ SA. Ils venaient parfois à 10h, parfois à 14h, parfois à 17h et une fois à 18h. Il leur avait laissé les clés. Lorsque D______ avait commencé à travailler, il lui avait dit qu'il était en train de créer une entreprise. D______ ne lui avait pas présenté de facture; il lui avait versé 10'000 fr. en espèces.

D______ lui avait confié une voiture pour des réparations. Comme il n'avait pas été payé et que D______ lui avait indiqué qu'il travaillait dans une pizzeria à la rue 9______, il s'était rendu sur place, à la fin du mois de septembre 2019. Il avait dû y retourner une dizaine de fois avant que D______ ne paie son dû.

Interrogé à cet égard, D______ a indiqué qu’il n’avait jamais travaillé pour S______.

k.g T______ a expliqué que F______ lui avait présenté I______ et D______. Ces derniers lui avaient proposé de travailler directement avec eux. Ils lui avaient indiqué qu'ils envisageaient de quitter A______ SA et de créer leur propre société.

k.h U______ a exposé que A______ SA travaillait pour lui dans le cadre des mandats qu’il lui confiait, en particulier pour tout ce qui touchait à la construction. Il avait rencontré I______ et D______ sur les chantiers dont il s’occupait et qui étaient confiés à A______ SA. Il avait dû mettre fin au mandat de la rue 10______ no. ______ [GE] qui avait été confié à cette dernière, et sur lequel I______ et D______ avaient travaillé, car le travail avait mal été effectué. Sur ses chantiers, les ouvriers commençaient à 8h et terminaient à 18h avec une pause de deux heures. A plusieurs reprises, il avait dû demander à A______ SA de respecter les horaires car il s’était rendu de temps en temps vers 8h sur le chantier et il n'y avait ni ouvriers ni F______.

k.i V______, peintre, a indiqué qu’il avait été employé par G______ Sàrl de septembre 2018 à mai 2019. Il avait travaillé avec D______ de novembre ou décembre 2018 jusqu'à avril 2019. Celui-ci travaillait tous les jours et ils avaient œuvré ensemble sur certains chantiers. G______ Sàrl était sous-traitante de A______ SA. Il était payé par F______ en espèces.

k.j W______, a exposé qu’il avait travaillé pour A______ SA en qualité de peintre et de manœuvre. Il avait eu un premier contrat qui avait débuté le 15 janvier 2019 pour une durée de vingt jours, puis un second contrat qui avait débuté le 13 mars 2019 jusqu'au mois de juin 2019. Il avait travaillé avec D______, qui était déjà là au mois de janvier 2019 et avec I______ qui avait commencé en même temps que lui, le 13 mars 2019. Leur contrat avaient été établis ensemble. Ceux-ci prévoyaient un travail sur appel. Il avait formé une équipe avec I______, D______ et une quatrième personne prénommée X______. Sur le chantier de l'avenue 6______, ils avaient travaillé tous les jours de 8h jusqu'à midi et de 13h jusqu'à 16h. Ils n’avaient jamais travaillé le samedi. Il était logé par F______ dans une maison dans laquelle il y avait également D______ et le prénommé X______. Lorsque F______ venait le payer, ce dernier déduisait le montant du loyer qui était de 2'000 fr., soit 600 fr. par personne.

En juillet 2019, il avait travaillé pour D______ sur des chantiers aux 11______ [GE], à la rue 12______ [GE] et à la rue 10______ [GE]. Il commençait à 10h et pouvait travailler jusqu’à 20h certains jours. D______ lui avait promis de bien le payer et c’était pour cela qu’il était allé travailler avec lui. Il n’avait jamais travaillé avec I______ après le mois de juin 2019. A la réflexion, son second contrat avait commencé le 13 mai 2019 et c’était ce jour-là que le contrat de I______ avait été établi. Selon lui, D______ avait continué à travailler pour A______ SA en juillet 2019. En même temps, il lui avait dit qu'il allait créer sa société. Il avait entendu D______ parler au téléphone avec F______ au sujet de chantiers de A______ SA alors qu'il était avec lui sur le chantier des 11______. D______ passait tous les jours, parfois deux heures, parfois trois ou quatre heures, souvent entre 11h30 et 12h. Ils étaient restés deux soirs jusqu'à 20h ou 21h. D______ lui devait de l'argent mais il n’avait pas intenté de procédure contre lui. Durant les mois de mai et juin 2019, il avait travaillé sur le chantier 6______.

l. Interrogé lors de l’audience du 4 mai 2021, D______ a indiqué qu’il avait travaillé pour G______ Sàrl d’octobre 2018 à décembre 2018. Cette société avait changé de nom et elle était devenue A______ SA le 7 janvier 2019. Il avait travaillé pour A______ SA jusqu’au 1______ octobre 2019. Il avait rencontré des problèmes pour être payé. Il avait travaillé avec I______ sur le chantier de l'avenue 6______. Ce dernier s’était disputé avec F______, lequel avait appelé la police en leur expliquant qu’I______ empêchait les ouvriers de pénétrer sur le chantier. Il avait alors quitté le chantier avec I______ et ils s’étaient rendus chez Y______ [syndicat] pour rédiger une lettre de mise en demeure. F______ lui avait donné rendez-vous le 10 octobre 2019 dans un restaurant pour trouver un accord. Il s’y était rendu avec I______. Le ton était monté quand ils avaient demandé de l’argent à F______ et ils étaient partis. Il avait un diplôme de maçon et de carreleur obtenu en Espagne quinze ans auparavant. Au sein de A______ SA, il était chargé de l’achat de tout le matériel et des matériaux. Il avait également posé du carrelage et fait de la peinture.

Il n’avait jamais vu le contrat du 13 mai 2019 produit et la signature qui y figurait n’était pas la sienne.

Le contrat de travail du 21 décembre 2018 produit comportait sa signature. F______ lui avait remis toutes ses fiches de salaire en une fois au mois d’août 2019. La déduction relative au coût de son logement ne figurait pas sur ces fiches. Il n’avait pas reçu les montants nets qui y figuraient, mais des acomptes. Il n’avait jamais vu les décomptes produits par la Commission paritaire du Second-Œuvre. Il avait demandé à F______ d’établir un contrat (pièce 5 dem.) pour obtenir son permis B. Il avait commencé à travailler sur le chantier 9______ à partir du 14 octobre 2019 et il avait obtenu un contrat signé le 15 octobre 2019. Il n’avait vu S______ que deux ou trois fois et il ne comprenait pas les déclarations que celui-ci avait faites.

m. F______, représentant A______ SA, a déclaré que D______ avait travaillé sur appel jusqu’au 14 juillet 2019. Il ignorait pourquoi son comptable avait fait figurer sur la fiche de salaire du mois de juillet 2019 une rémunération mensuelle. L’horaire était de quarante heures par semaine de 8h à 12h et de 13h à 17h. A______ SA avait sous-traité du travail avec G______ Sàrl et D______ avait été déclaré par cette dernière jusqu’à la fin du mois d’avril 2019. La somme de 3'100 fr. lui avait été versée pour la période du 15 avril 2019 au 12 mai 2019. Le décompte indiquait le nom de A______ SA alors que c’était G______ Sàrl qui devait payer D______. Les décomptes de salaire produits (pièce 7 dem.) ne provenaient pas de A______ SA et il ne pouvait pas expliquer pourquoi il y avait une différence de mise en page entre ceux-ci et ceux produites par la Commission paritaire du Second-Œuvre. Il avait vu D______ le 10 octobre 2019 et ils avaient fait les comptes. Il restait un solde de 880 fr. de sorte qu’il avait envoyé D______ chez le comptable pour que celui-ci le paie. D______ ne s’était toutefois jamais présenté. Il avait alors compris que celui-ci ne voulait plus travailler et il avait envoyé la lettre de licenciement. Il contestait avoir envoyé la quittance produite en pièce 13 dem. La mention «10 octobre 2019» provenait bien de la main de D______. C’était lui qui avait écrit « à payer à D______ [prénom] salaire d’août et septembre ».

n. A l’issue de l'audience du 4 mai 2021, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

o. Dans son jugement du 11 novembre 2021, le Tribunal a considéré que le rapport de travail de D______ existait avec G______ Sàrl jusqu’à la fin du mois d’avril 2019, date du versement du dernier salaire, à teneur du décompte AVS, et non avec A______ SA. Les rapports de travail entre les parties avaient ainsi débuté le 13 mai 2019 et non au mois de janvier 2019 comme D______ le soutient.

A teneur du contrat de travail signé entre les parties le 13 mai 2019, le salaire horaire prévu était de 25 fr. 15. Toutefois, au vu de son expérience, accomplie tant à l’étranger qu’en Suisse, et qui n’a pas été remise en cause par A______ SA, le salaire de D______ aurait dû être celui d’un ouvrier de classe B. Par conséquent, un salaire horaire brut de 26 fr. 95 et mensuel brut de 4'789 fr. serait retenu pour les calculs.

Il résultait des enquêtes que le travail de D______ n’avait pas toujours donné satisfaction à A______ SA. Cela étant, l’exécution insatisfaisant ou de manière négligente du travail ne constituait qu’une faute légère voire de gravité moyenne et elle ne justifiait pas, à elle seule, un licenciement avec effet immédiat, à moins d’avoir été précédée de plusieurs avertissements. Or, en l’occurrence, A______ SA n’avait pas apporté la preuve que de tels avertissements avaient été adressés à D______. En outre, il ressortait des témoignages recueillis que D______ a travaillé pour son propre compte alors qu’il était employé de A______ SA., ce dont elle avait été informée depuis le mois d’août 2019, au moins. Malgré cette faute qui peut être qualifiée de grave, A______ SA n’avait pas mis un terme, à ce moment-là, au contrat de travail de D______. En le conservant à son service, A______ SA s’était manifestement accommodée de ce comportement et elle avait donc renoncé à se prévaloir de ce motif. Ainsi, en invoquant, plus d’un mois plus tard, le même motif pour justifier le licenciement de son employé, A______ SA agissait de manière tardive.

D______ avait droit ainsi à la rémunération couvrant la période du 13 mai au 10 octobre 2019, laquelle représentait un montant total de 27'187 fr. 75 (23'648 fr. 55 de salaire, 987 fr. 55 à titre de salaire vacances, 452 fr. 80 pour deux jours fériés et 2'089 fr. 85 à titre de 13ème salaire). De plus, D______ devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si ses rapports de travail s’étaient terminés de manière ordinaire. Les rapports de travail de D______ auraient dû prendre fin le 30 novembre 2019. Il pouvait donc, théoriquement, prétendre à recevoir son salaire jusqu’à cette date. D______ ayant toutefois commencé à travailler pour son propre compte le 14 octobre 2019, il devrait donc se laisser imputer ce qu’il a gagné durant son délai de congé. Toutefois, le dossier de la procédure ne permettait pas de déterminer les montants que D______ avait réalisé du fait de son activité. En particulier, A______ SA n’avait allégué aucune somme ni n’avait demandé l’administration de preuve à cet égard alors qu’il lui incombait de le faire. A______ SA devait donc condamnée à verser à D______ la somme brute de 9'809 fr. 85 à titre de rémunération pour la période du 11 octobre 2019 au 31 octobre 2019 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019, sous déduction des sommes déjà perçues.

Concernant enfin l’indemnité pour licenciement immédiat injustifié, D______ avait œuvré pour son compte alors même qu’il était employé par A______ SA. Un tel comportement violait indéniablement le devoir de fidélité et de loyauté envers l’employeur et il doit être qualifié de grave. Dans ces circonstances, le Tribunal, a fixé l’indemnité due à D______ pour licenciement immédiat injustifié à 1'000 fr., montant qui tenait également compte du fait que D______ a débuté une activité indépendante immédiatement après son licenciement.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions incidentes de premières instance, dans les affaires patrimoniales si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 CPC). L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision (art. 311 al. 1 CPC).

Les appels, qui respectent les dispositions précitées, sont recevables.

Il sera précisé, pour des motifs de clarté, que A______ SA sera désignée ci-après comme l'appelante et l'employé, comme l'intimé.

1.2 La valeur litigieuse en première instance étant supérieure à 30'000 fr. (art. 94 al. 1 CPC), la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC, art. 243 et art. 247 al. 2 CPC a contrario).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2. L'appelante soutient que l'intimé a été engagé comme simple manœuvre polyvalent sans qualification particulière et que lors de la conclusion du contrat, il n'avait fait valoir aucune qualification ou expérience particulières. Il doit être compris de cette argumentation que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimé devait être considéré comme un ouvrier de classe B et ainsi, que son salaire horaire brut devait être de 26 fr. 95 et non de 25 fr. 15.

L'intimé conteste l'appel à cet égard, soutenant que le travail qu'il effectuait n'était pas celui d'un simple aide, mais des activités de peintre, démolisseur et plâtrier.

2.1 Selon l'art. 18 al. 1 CCT-SOR, est défini comme travailleur de la Classe B le travailleur sans certificat fédéral de capacité occupé à des travaux professionnels, et le travailleur titulaire d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) ou répondant aux dispositions de l’art. 18 al. 4 qui prévoit qu'une formation professionnelle d’au moins deux ans acquise à l’étranger additionnée de deux ans d’expérience dans la branche considérée est équivalente au niveau d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP).

Est en revanche un travailleur de la Classe C le manœuvre et le travailleur auxiliaire. Il est précisé que le passage automatique de la classe C à la classe B interviendra après trois ans d’expérience dans la branche considérée et sera effectif au 1er janvier qui suivra cette échéance. L’expérience dans la branche considérée peut être acquise de manière cumulée auprès de plusieurs employeurs en Suisse ou dans l’Union Européenne. Le travailleur démontrera son expérience de manière documentée.

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la CCT-SOR s'applique aux relations contractuelles entre les parties. Ces dernières divergent en revanche sur la classe de salaire dans laquelle l'intimé doit être placé.

Il résulte des faits que l'intimé a essentiellement travaillé avec I______, sans qu'il soit constaté que ce dernier avait un rôle principal ou dirigeant par rapport à l'intimé. Aucun tiers n'était quotidiennement sur le chantier pour lui donner des instructions quant aux tâches à effectuer. L'intimé a réalisé de manière indépendante des travaux de rénovation variés, par exemple de plâtrerie et de peinture – dont la qualité est certes discutée, ce qui n'est toutefois pas pertinent pour déterminer la Classe à laquelle appartient l'intimé – dont la nature tend à démontrer qu'ils n'étaient pas qu'accessoires et que l'intimé n'avait pas qu'un rôle subalterne. Dès lors, au-delà de la désignation de la fonction de l'intimé figurant dans son contrat de travail, il apparaît que dans les faits, il n'avait pas qu'une fonction de manœuvre ou d'auxiliaire, mais qu'il était employé comme travailleur à part entière.

L'intimé peut donc être qualifié de travailleur occupé à des travaux professionnels, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal a tenu compte dans ses calculs du salaire applicable à un travailleur de classe B.

3. L'appelante conteste que le licenciement immédiat de l'intimé était injustifié. Ledit licenciement faisait suite à des manquements divers et à la réitération de l'infraction d'août 2019, l'intimé ayant été confondu le 7 octobre 2019 sur un chantier à la rue 9______, soit seulement deux jours avant le licenciement immédiat.

L'intimé conteste tout acte de concurrence.

3.1 Selon l'art. 337 al. 1, 1ère phrase, CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme telles toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive; d'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Le travailleur doit en effet sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur: il doit s'abstenir d'entreprendre tout ce qui pourrait lui nuire économiquement (ATF 117 II 560 consid. 3a p. 561).

Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.2). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1).

Un manquement au devoir de fidélité de l'employé peut constituer un juste motif de congé. Le travailleur doit en effet sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur: il doit s'abstenir d'entreprendre tout ce qui pourrait lui nuire économiquement (ATF 140 V 521 consid. 7.2.1; 124 III 25 consid. 3a). Il ne doit pas faire concurrence à l'employeur pendant la durée du contrat (art. 321a al. 3 CO).

S'il existe un juste motif, la résiliation avec effet immédiat doit être donnée sans tarder sous peine de déchéance. Si elle tarde à agir, la partie concernée donne à penser qu'elle a renoncé à la résiliation immédiate, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1; 130 III 28 consid. 4.4 p. 34; 123 III 86 consid. 2a p. 87). Un délai de deux à trois jours ouvrables de réflexion est présumé approprié; un délai supplémentaire n'est accordé à celui qui entend résilier le contrat que lorsque les circonstances particulières du cas concret exigent d'admettre une exception à la règle (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34).

3.2 En l'espèce, il ressort du jugement attaqué que l'intimé a travaillé pour son propre compte alors qu’il était employé de l'appelante et que les enquêtes avaient permis de démontrer que cette dernière était informée de ce fait depuis le mois d’août 2019, au moins. Il ressort des explications de l'appelante elle-même que tel était le cas puisqu'elle justifie le licenciement immédiat par la "réitération de l'infraction d'août 2019", dont elle avait dès lors connaissance. Elle n'allègue par ailleurs pas avoir averti l'intimé à la suite de cette "infraction". L'appelante ayant licencié l'intimé avec effet immédiat que plusieurs semaines après celle-ci, un tel licenciement est tardif, quand bien même l'intimé aurait à nouveau été aperçu sur un autre chantier et notamment le 7 octobre 2019, ce qui n'est en tout état de cause pas suffisamment établi.

Pour le surplus, la prétendue mauvaise qualité des travaux réalisés par l'intimé ne justifie pas davantage un licenciement immédiat, lequel n'avait pas été précédé d'avertissements.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le licenciement immédiat de l'intimé n'était pas justifié.

4. Dans son appel, l'intimé soutient que son contrat de travail a débuté le 7 janvier 2019, et non le 13 mai 2019, comme retenu par le Tribunal. Il se fonde à cet égard sur des fiches de salaire des mois de mars et avril 2019 à son nom ainsi que sur des quittances portant relatives à cette période.

4.1 Il ressort des déclarations de l'intimé qu'il a effectivement travaillé pour G______ Sàrl, toutefois seulement entre octobre et décembre 2018. Figure en outre à la procédure un contrat liant l'intimé à l'appelante daté du 21 décembre 2018, qui prévoit que celui-ci prend effet le 2 janvier 2019. L'appelante a certes contesté qu'il comporte la signature d'un représentant nommé, mais elle n'a pas demandé l'audition de celui dont le nom est indiqué pour confirmer son allégation. L'intimé a par ailleurs produit des fiches de salaire et des quittances désignant l'appelante comme employeur pour la période comprise entre janvier et avril 2019.

Le Tribunal a retenu que l'intimé avait débuté son activité au service de l'appelante le 13 mai 2019 en se fondant sur les déclarations de V______, qui a été employé par G______ Sàrl. Ce n'est toutefois pas parce que le précité a travaillé avec l'intimé que ce dernier était également engagé par G______ Sàrl, au vu des liens existants entre les deux sociétés notamment. Les indications figurant dans des documents administratifs établis par l'appelante ne lient par ailleurs pas l'intimé. Enfin, les déclarations de I______ selon lesquelles l'intimé avait commencé par travailler pour une autre société que l'appelante "dès la fin de 2018" ne permettent pas de considérer que l'intimé n'est pas entré au service de l'appelante en janvier 2019.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments figurant à la procédure, il doit être retenu que l'intimé a travaillé au service de l'appelante dès le 7 janvier 2019, date alléguée par l'intéressé, et non uniquement dès le 13 mai 2019, comme retenu par le Tribunal.

Les montants alloués par le Tribunal à titre de salaire brut, salaire-vacances, salaire pour les jours fériés, 13ème salaire et indemnités forfaitaires doivent dès lors être modifiés en conséquence.

4.2 L'intimé réclame divers montants devant la Cour, sans toutefois expliquer par quel calcul il y parvient et sans critiquer de manière motivée, pour la période prise en compte par le Tribunal, les montants calculés par ce dernier. Il convient donc de calculer le montant additionnel dû pour la période du 7 janvier au 12 mai 2019 en s'inspirant des calculs effectués par l'intimé devant le Tribunal lorsqu'il en avait indiqués et de ceux du Tribunal dans la mesure où ils n'ont pas été contestés.

4.2.1 Pour le salaire brut, celui-ci s'élève à 14'364 fr. 35 pour la période de 65 jours ouvrables non prise en compte par le Tribunal pour la période comprise entre le 13 janvier et le 10 mai 2019 ([65 × 8,2] × 26,95 fr.), après déduction de 2 jours fériés.

4.2.2 Selon l'art. 20 ch. 1 CCT-SOR, jusqu’à l’âge de 50 ans, le travailleur a droit à 25 jours ouvrables de vacances et le salaire afférent aux vacances s’élève à 10,64% (5/47ème) du salaire de base des heures effectivement travaillées, y compris les heures des jours fériés, les heures des absences justifiées et les heures supplémentaires, sans prise en compte des suppléments (art. 20 ch. 2 CCT-SOR).

Le supplément du droit aux vacances s'élève donc à 1'528 fr. 30 bruts ([14'364 fr. 35] × 10, 64%).

4.2.3 Concernant les jours fériés, il convient d'ajouter deux jours par rapport à ce qu'a retenu le Tribunal, soit les 19 et 22 avril 2019. Le salaire brut pour ces jours s'élève à 441 fr. 95 ([2 × 8,2] × 26,95 fr.), montant qu'il convient d'ajouter à celui calculé par le Tribunal.

4.2.4 Pour 13ème salaire, la somme à laquelle l'intimé a droit s'élève à 1'360 fr. 65 bruts (14'364 fr. 35 [salaire brut] + 1'528 fr. 30 [droit aux vacances] + 441 fr. 95 [jours fériés] × 8.33%).

4.2.5 L'indemnité forfaitaire de transport professionnel, de repas pris à l’extérieur et d’outillage étant de 18 fr. par jour de travail selon l'art. 23 ch. 2 let. a CCT-SOR, ladite indemnité s'élève donc à 1'170 fr. pour 65 jours ouvrables. Ce montant s'ajoute à celui de 1'890 fr. fixé par le Tribunal au consid. 5b, p. 19 de son jugement (et non 2'890 fr. comme indiqué par erreur dans le dispositif).

4.2.6 En définitive, l'appelante doit être condamnée à verser à l'intimé, pour la période travaillée, un montant supplémentaire brut de 17'695 fr. 25 (14'364 fr. 35 + 1'528 fr. 30 + 441 fr. 95 + 1'360 fr. 65), qui s'ajoute à la somme brute de 27'178 fr. 75 fixée par le Tribunal, soit 44'874 fr. bruts au total, sous déduction de la somme nette de 31'655 fr., le tout avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019. L'appelante sera en outre condamnée à verser le montant total net de 3'060 fr. (1890 fr. + 1170 fr.), avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019.

Le jugement attaqué sera dès lors modifié dans cette mesure.

4.2.7 Pour le surplus, l'intimé ne conteste pas le montant de 9'809 fr. 85 avec intérêts à 5% l’an dès le 1er décembre 2019 arrêté par le Tribunal pour la période du 11 octobre 2019 au 31 octobre 2019.

5. La procédure est gratuite (art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :


A la forme
:

Déclare recevables les appels formés le 10 décembre 2021 par D______ et le 13 décembre 2021 par A______ SA contre le jugement JTPH/431/2021 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 novembre 2021 dans la cause C/28515/2019.

Au fond :

Annule les ch. 2 et 4 du dispositif de ce jugement et cela fait, statuant à nouveau:

Condamne A______ SA à verser à D______ la somme brute de 44'874 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019, sous déduction de la somme nette de 31'655 fr., ainsi que la somme brute de 9'809 fr. 85 avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 1er décembre 2019.

Condamne A______ SA à verser à D______ la somme nette de 3'060 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; monsieur Yves DUPRE, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.