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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16885/2020

CAPH/125/2022 du 12.08.2022 sur JTPH/474/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16885/2020-1 CAPH/125/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 12 aoÛt 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 14 décembre 2021 (JTPH/474/2021), comparant par
Me Chrystie KALALA, avocate, chemin de la Tour-Grise 4, 1007 Lausanne, en l'Étude de laquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Alexandre BÖHLER, avocat, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/474/2021 du 14 décembre 2021 le Tribunal des prud’hommes a déclaré recevable la demande formée le 14 janvier 2021 par A______ contre B______ SA, sous réserve de la conclusion tendant au versement de la part patronale des cotisations obligatoires que B______ SA aurait payée si le contrat de travail avait pris fin à l’issue du délai de congé qui est irrecevable (ch. 1). Quant au fond, le Tribunal des prud’hommes a condamné B______ SA à verser à A______ la somme brute de 3'406 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 6 mars 2020 (ch. 2), a invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), a condamné B______ SA à verser la somme nette de 50 fr. (ch. 4), a débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 6).

B.            a. Le 14 janvier 2022, A______, ci-après cité comme l’Appelant, a formé appel contre ce jugement. Il a conclu préalablement à ce que l’appel soit déclaré recevable, qu’il soit admis et que l’apport de la procédure de 1ère instance soit ordonné. Il a conclu principalement à ce qu’il soit dit que le licenciement immédiat de A______ est injustifié, à ce que le jugement N°JTPH/474/2021 soit modifié en ce sens que « B______ SA est condamnée à verser à A______ la somme nette de 29'466 fr. 65 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 mars 2020 », à ce que les points 2 à 4 du dispositif du jugement N°JTPH/474/2021 soient confirmés, à ce qu’il soit alloué à A______ une indemnité équitable dont le montant ne sera pas inférieur à 3'500 fr. net à titre de frais d’avocat et finalement à ce que B______ SA soit condamné en tous les frais et dépens de la présente procédure. Il a produit deux pièces à l’appui de son mémoire.

b. Dans son mémoire de réponse et appel joint du 15 février 2022, B______ SA, ci-après citée comme l’Intimée, a conclu préalablement à ce que soient déclarés irrecevables les allégués n°2, 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 du mémoire d’appel de l’Appelant ainsi que la pièce 23 produite par A______. L’Intimée a conclu principalement sur appel joint à ce que les chiffres 2 à 4 du Jugement N°JTPH/474/2021 soient annulés et à ce que A______ soit débouté des fins de sa demande. Elle a conclu subsidiairement au rejet de l’appel de A______ et à la confirmation du jugement N°JTPH474/2021. Elle a finalement conclu à ce qu’il soit dit en tout état qu’il n’est pas perçu de frais judiciaires d’appel et qu’il n’est pas alloué de dépends d’appel.

c. Dans son mémoire de réponse sur appel joint et détermination du 23 mars 2022, l’Appelant s’est déterminé sur la réponse et l’appel joint de l’Intimée et a persisté dans ses conclusions.

d. Dans son mémoire de réplique du 12 avril 2022, B______ SA s’est déterminée sur la réponse sur appel joint et sur les déterminations de l’Appelant et a persisté intégralement dans ses conclusions.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Chambre des prud’hommes :

a. B______ SA est une société de droit suisse dont le but est notamment les services et entreprise générale d’installations électriques, de télécommunications, d’automatisme et de systèmes informatiques ; son siège est à Genève (cf. extrait du registre du commerce).

b. A______ a été engagé par B______ SA, en qualité de monteur électricien chef d’équipe, à partir du 1er octobre 2015, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er octobre 2015 (pièce 6 dem.).

Le salaire mensuel convenu était de 5'720 fr. brut.

Cette rémunération a régulièrement été augmentée en 2019 et en 2020 pour atteindre 6'800 fr. brut (pièce 8 à 10 dem ; pièce 2 déf.).

Il est à noter que le contrat de travail faisait expressément référence à la convention collective de travail en vigueur.

c. Avant cela, A______ avait signé un contrat de travail cadre pour collaborateur temporaire avec C______ SA, le 29 septembre 2014 (pièce 3 dem.).

Le 25 septembre 2014 et le 6 novembre 2014, A______ a signé deux contrats de mission, chacun d’une durée de trois mois, qui devaient s’effectuer au sein de B______ SA (pièce 4 et 5 dem.).

d. Les rapports de travail entre les parties se sont toujours très bien déroulés, A______ entretenant de bonnes relations avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques notamment (faits admis par les parties, pièce 11 dem.).

Durant lesdits rapports de travail, A______ s’est montré très impliqué dans son travail et il a fait preuve d’une grande disponibilité (faits admis par les parties, pièce 11 dem.).

e. Le ______ 2021, a été inscrite au Registre du commerce de la République et canton de Genève l’entreprise individuelle A______ , D______ (pièce 4 déf.).

f. Par courrier du 28 janvier 2020, A______ a annoncé à B______ SA qu’il mettait un terme à son contrat de travail avec effet au 31 mars 2020 (pièce 12 dem.).

g. Le 6 mars 2020, B______ SA a informé A______ qu’il était licencié avec effet immédiat au motif qu’il avait, durant ses heures de travail, essayé de débaucher des employés en mission temporaire pour le compte de son futur employeur (pièce 3 dem.).

A l’issu de l’entretien, B______ SA a demandé à A______ de récupérer immédiatement ses affaires et de quitter les locaux de l’entreprise (faits admis par les parties).

h. A une date indéterminée, B______ SA a proposé à deux employés temporaires et anciens collègues de A______, E______ et F______, un contrat de travail (fait admis par les paries).

Aucun contrat de travail n’a toutefois été conclu (fait admis par les parties).

i. Le 12 mars 2020, B______ SA a versé à A______ une somme brute de 3'216 fr. 05, respectivement de 2'077 fr. 60 nette à titre de rémunération pour le mois de mars 2020 (pièce 10 dem.).

j. Par requête déposée au greffe de l’autorité de conciliation des prud’hommes le 26 août 2020, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme totale de fr. 32'538.-.

Une audience de conciliation s’est tenue le 14 octobre 2020, sans succès, de sorte qu’à l’issue de celle-ci, une autorisation de procéder a été délivrée à A______.

k. Par demande ordinaire déposée à l’office postal le 14 janvier 2021, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme totale de 36'192 fr. 60, d’une part et au versement en ses mains de la part patronale des cotisations obligatoires que B______ SA aurait payée si son contrat avait pris fin à l’issue du délai de congé, d’autre part. La somme réclamée se décompose comme suit :

- 6'225 fr. 95 brut à titre de salaire avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 mars 2020 ;

- 29'466 fr. 65 net à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 mars 2020 ;

- 500 fr. net à titre de dommages supplémentaires au sens de l’article 106 CO.

A l’appui de ses conclusions, le demandeur a, en substance, allégué qu’après avoir été engagé par C______ SA comme intérimaire, il avait été employé par B______ SA. Il avait entretenu avec cette dernière d’excellents rapports de travail et elle s’était montrée très contente de lui. Dans ce contexte, il avait demandé à pouvoir bénéficier de certains avantages ce qui lui avait été refusé. Il avait alors décidé de démissionner avec effet au 31 mars 2020. Le 6 mars 2020, il avait cependant été licencié avec effet immédiat et sorti de l’entreprise manu militari en raison du fait qu’il aurait tenté de débaucher des employés. En réalité, il n'avait qu’essayé d’aider ces personnes à se renseigner sur la durée de leur délai de congé. Son licenciement avec effet immédiat n’était rien d’autre qu’une mesure de représailles suite à sa propre démission ce qui justifiait une indemnité équivalente à 4 mois de salaire au moins ainsi que le versement de la part patronale des cotisations obligatoires.

Le demandeur a également déposé un chargé de pièces.

l. Par mémoire de réponse déposé à l’office postal le 22 mars 2021 et reçu par le greffe du Tribunal des Prud’hommes le 23 mars 2021, la partie défenderesse a conclu au déboutement de A______.

Elle a notamment allégué que A______ avait été un chef de chantier particulièrement efficace qui était capable de diriger des chantiers complexes. Elle avait effectivement refusé d’accéder à ses demandes d’augmentation car elle considérait que le salaire qu’elle lui versait était adéquat compte tenu de son âge et de son expérience. En conséquence, A______ avait démissionné pour le 31 mars 2020. Dans ces conditions, elle avait pris les mesures nécessaires pour que l’important chantier sur lequel travaillait le demandeur soit transféré à un nouveau chef de chantier. Le 5 mars 2020, elle avait appris de G______ que le demandeur essayait de débaucher, durant ses heures de travail, deux employés particulièrement compétents, à savoir F______ et E______. La continuation des rapports de travail était donc impossible de sorte qu’elle avait décidé de licencier A______ avec effet immédiat le 6 mars 2020. Le demandeur avait toutefois immédiatement retrouvé un nouvel emploi.

m. Par courrier du 23 avril 2021, reçu au greffe du Tribunal des prud’hommes le 26 avril 2021, A______ s’est déterminé sur les allégués contenus dans les écritures de B______ SA du 22 mars 2021

n. A l’audience de débats d’instruction du 1er juin 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A______ a précisé qu’il réclamait la somme de fr. 6'225 fr. 95 brut à titre de salaire qu’il aurait dû percevoir si les rapports de travail s’étaient terminés normalement sous déduction d’une somme brute de 1'824 fr. Il a en outre ajouté qu’il souhaitait une correction mineure de son certificat de travail. Il a enfin déposé un chargé de pièces complémentaires qui contenait notamment sa fiche de salaire pour le mois de mars 2020 délivrée par H______ Sàrl sur laquelle il était indiqué que le salaire brut pour le mois de mars 2020 se montait à 1'824 fr. (pièce 14 dem.), les contrats de mission de E______ et de F______ avec C______ SA (pièce 17 et 19 dem.) ainsi qu’une note d’honoraires établie par son Conseil faisant état d’un montant de 50 fr. (pièce 22 dem.).

Le 4 juin 2021, B______ SA a adressé à A______ un certificat de travail corrigé (liasse 10 du Trib.).

o. A l’audience du 22 juin 2021 quatre témoins ont été entendus

F______, électricien, exhorté à dire la vérité, a indiqué qu’il avait été engagé par C______ SA du 23 mars 2019 au 17 décembre 2019 et du mois de janvier 2020 au 18 mars 2020. Durant ces périodes, il avait effectué des missions au sein de B______ SA. Il avait demandé à mettre un terme à son contrat le 16 mars 2020. Il avait travaillé sous les ordres de A______. Il se souvenait du jour où ce dernier avait été licencié. Il avait rencontré A______ le matin pour organiser son travail et il avait appris son licenciement vers midi. Il ne l'avait ensuite plus revu. Il lui était arrivé de discuter avec A______ car il recherchait un emploi plus stable. Il avait demandé à C______ SA une augmentation et lorsque le nouveau contrat lui avait été présenté, aucune augmentation ne lui avait été proposée. Il avait ainsi décidé de quitter cet emploi. A aucun moment A______ n'avait cherché à l'engager. Ce dernier l'avait même déconseillé de donner sa démission avant d'avoir trouvé un contrat fixe. Il avait rencontré I______ et J______ qui lui avaient indiqué que B______ SA désirait l'engager. Il n'avait toutefois pas reçu d'offre de contrat formelle avant le 16 mars 2020 date à laquelle il avait quitté C______ SA et donc son poste auprès de B______ SA. A la fin du mois d'avril 2020, il avait retrouvé du travail auprès de H______ Sàrl, qui se trouvait proche de chez lui.

Il avait contacté C______ SA pour connaître son préavis dans l’hypothèse où il devait donner sa démission. Comme il n’arrivait pas à joindre le responsable, il avait demandé à A______ s'il pouvait contacter G______, qui était son ami, pour obtenir cette information. A______ avait donc appelé ce dernier et il avait pu suivre leur conversation grâce au haut-parleur. Selon lui, A______ et G______ étaient amis dans la mesure où il les voyait souvent ensemble et qu'ils avaient une bonne relation. Il avait su que le demandeur quittait B______ SA mais il ne savait pas quel était son nouvel employeur ni quels étaient ses objectifs. Il avait bien envoyé les documents produits en pièces 19a et 19b dem. à A______ afin que ce dernier puisse lui expliquer si son préavis était de sept jours ou d'un mois car il ne savait pas si les réponses qui lui étaient données par G______ étaient correctes. Concernant sa lettre de démission produite en pièce 20 dem., il l'avait envoyée à A______ à la demande de ce dernier.

K______, électricien, exhorté à dire la vérité, a indiqué qu’il avait débuté son travail chez B______ SA en 2018, en qualité de monteur électricien intérimaire. Au bout de huit mois, la défenderesse l'avait engagé en poste fixe. Il avait eu l'occasion de travailler avec A______. Il avait appris que ce dernier avait été licencié alors qu'il effectuait son délai de congé. Il avait travaillé en binôme avec le demandeur durant un mois dans le but de pouvoir reprendre son activité. Lorsque A______ avait quitté l'entreprise, il avait repris son travail de manière satisfaisante même si une collaboration sur une plus longue période aurait été plus bénéfique pour bien connaître les détails de l'activité. Il avait repris le gros chantier que gérait le demandeur et qui comptait entre dix-sept et trente-neuf employés. Il avait tenu les délais avec difficulté car la direction des travaux imposait des délais très serrés pour exécuter le travail. Avant son départ, le demandeur avait effectué son travail comme à l’accoutumée et il était disponible. Il n’avait pas cherché à savoir quels étaient les projets du demandeur ou l’identité de son nouvel employeur même s’il avait démissionné pour aller travailler ailleurs.

F______ et E______, qui étaient de bons travailleurs et qui étaient des personnes clés dans leur domaine avaient quitté la défenderesse. Le premier était parti en raison du COVID probablement et le second avait quitté l'entreprise sans prévenir, deux ou trois semaines après le départ du demandeur. Compte tenu du timing et des bruits de couloir qu'il avait entendu, il s'était douté que E______ avait trouvé du travail en lien avec le demandeur.

L______, entrepreneur électricien, exhorté à dire la vérité, a indiqué qu'il avait engagé le demandeur comme électricien, chef de chantier, du 16 mars 2020 au 30 septembre 2020. C'était A______ qui avait mis un terme à son contrat de travail et il ne savait pas ce que ce dernier avait effectué plus tard. Il avait rencontré le demandeur un ou deux mois avant de l'engager. Il ne se souvenait toutefois pas à quelle date il avait pris la décision de l'engager. Le demandeur avait bien travaillé trente-sept heures à fr. 42.- de l’heure pour la période allant du 16 mars 2020 au 27 mars 2020 comme cela ressortait de la pièce 14 dem. F______ avait rejoint son entreprise le 27 avril 2020 et il était toujours employé par cette dernière. E______ avait, quant à lui, travaillé pour le compte de son entreprise du 2 au 30 juin 2020.

G______, administrateur de C______ SA, exhorté à dire la vérité, a indiqué qu'il était en affaires avec B______ SA depuis une dizaine d'années. Le demandeur avait d'abord fonctionné comme intérimaire puis il avait été engagé par la défenderesse en qualité de chef de chantier. Dans ce contexte, il avait rencontré le demandeur pour connaître les difficultés qui pouvaient être liées aux employés intérimaires de C______ Sàrl et qui étaient sous ses ordres. Il avait également l'habitude d'organiser un déjeuner une à deux fois par an pour discuter plus longuement avec les chefs de chantier et pour entretenir une bonne relation avec eux. Il ne se rappelait pas avoir indiqué au demandeur qu'B______ SA était en colère suite à sa démission. Deux intérimaires engagés par C______ SA, et qui travaillaient pour la défenderesse avec A______, avaient manifesté leur désir de quitter leur emploi et lui avaient mis une certaine pression pour pouvoir partir le plus rapidement possible. Il leur avait rappelé leurs obligations contractuelles et notamment qu’ils avaient un délai de congé d’un mois. Ces deux employés étaient finalement restés en poste et avaient respecté leur préavis de congé. Le message produit en pièce 3 déf. avait été rédigé dans ce contexte et il avait voulu exprimer le fait que ces employés désiraient certainement rejoindre le demandeur dans son nouvel emploi. C'était A______ qui l'avait contacté pour lui demander pourquoi ces deux intérimaires ne pouvaient pas quitter leur emploi. Le demandeur lui avait clairement exprimé le fait qu'il désirait engager F______ et E______ ainsi qu'une troisième personne car ils étaient les plus compétents. Le demandeur avait utilisé son téléphone portable professionnel pour ce faire. Il n'avait eu des contacts ni avec le demandeur ni avec la défenderesse avant d'être auditionné. Il n'avait pas d'intérêt personnel à défendre dans cette affaire. Il s'était retrouvé dans un conflit de loyauté avec la défenderesse qui l'avait mis mal à l'aise. Il avait voulu être clair avec cette dernière et c'était la raison pour laquelle il avait rédigé le courrier produit en pièce 3 déf.

Interrogé, J______ a déclaré que la défenderesse était satisfaite du comportement du demandeur qui s’était montré un chef de chantier particulièrement efficace et capable de diriger des chantiers complexes. A______ avait également des facilités dans les contacts avec ses employés. Le demandeur avait exigé une augmentation de salaire, une prime pour le chantier précédemment achevé, une voiture de fonction ainsi que d'autres avantages. Ces revendications avaient déçu la défenderesse. A______ avait alors précisé qu'il avait reçu une offre d'emploi d'une autre entreprise et que si ses demandes n'étaient pas satisfaites, il démissionnerait. La défenderesse n'était pas entrée en matière car elle considérait que le salaire versé au demandeur était adéquat eu égard à son âge et à son expérience. Ce salaire avait d'ailleurs été augmenté significativement depuis l'engagement du demandeur. La démission de A______ n'avait pas été une surprise. Même si cette décision avait déçu la défenderesse, celle-ci n'avait pas changé d'attitude à l'égard du demandeur. Au moment où A______ avait présenté sa démission, il était en charge d’un chantier important et complexe sur lequel il avait une quinzaine d’ouvriers sous ses ordres. B______ SA avait alors affecté un nouveau chef de chantier en la personne de K______ pour qu’une bonne transition puisse se faire. Le 5 mars 2020, B______ SA avait appris de C______ SA que le demandeur organisait, durant son temps de travail, le débauchage de F______ et de E______ qui travaillaient tous deux sur l’important chantier qu’elle conduisait. Considérant que, dans ces conditions, la poursuite des rapports de travail n'était plus possible, la défenderesse a licencié le demandeur le jour même avec effet immédiat. B______ SA s'est alors retrouvée avec un chef de chantier qui n'était pas prêt à diriger seul l'important chantier sur lequel elle œuvrait. F______ et E______ avaient quitté ledit chantier, respectivement les 18 et 19 mars 2020. Il avait appris, par la suite, que le demandeur avait trouvé un emploi dès le 16 mars 2020.

Suite au courrier que la défenderesse avait reçu de G______ (pièce 3 déf.), il avait convoqué le demandeur au matin pour lui expliquer la situation et pour l’informer de la résiliation immédiate de ses rapports de travail. Il avait considéré que le demandeur causait un préjudice important à la défenderesse en organisant le débauchage de deux collaborateurs qui étaient importants pour l'entreprise et qui n'allaient pas être facile à remplacer. Le demandeur avait refusé de signer le courrier de licenciement et il l’avait raccompagné jusqu’à la porte des bureaux de l’entreprise en lui demandant de restituer toutes ses affaires. Il ne lui avait, en revanche, pas interdit d’entrer en contact avec ses collègues. La défenderesse avait rencontré F______ et E______ dans le but de leur proposer un contrat de travail. Cela ne s’était toutefois pas concrétisé puisque la défenderesse avait constaté que ces personnes souhaitaient quitter leur travail.

Interrogé, I______ a expliqué que lorsque la défenderesse avait rencontré F______ et E______ pour leur offrir un contrat, ils s’étaient entendus sur le montant du salaire. Cette démarche n’avait toutefois pas pu être finalisée car ces deux personnes avaient démissionné, d’une part, et en raison du COVID-19, d’autre part. Il avait repris son travail en avrilmai 2020 et il avait quitté son emploi en mai 2020.

p. Lors de l’audience du 28 juin 2021, un témoin a été entendu.

E______, exhorté à dire la vérité, a indiqué qu’il avait été engagé par C______ SA en temporaire en tant qu’électricien. Il avait été placé chez B______ SA à partir de mars 2019 et jusqu’au mois de mars 2020 où son activité avait cessé en raison du COVID-19. A______ avait été son chef direct au sein de la défenderesse. Le départ du demandeur avait été subit. Ce dernier était venu travailler le matin, comme d'habitude, puis il ne l'avait plus revu. Il n'y avait eu aucune communication à ce sujet. Il avait appris par la suite que A______ avait eu un litige avec la défenderesse et qu'il avait été licencié. Le demandeur ne lui avait jamais proposé de travailler dans une autre entreprise. Lui-même ne s'était pas non plus adressé au demandeur pour savoir s'il connaissait une entreprise dans laquelle il aurait pu travailler dès lors qu'il était satisfait de son emploi. S'il avait quitté C______ SA, c'est parce qu'il recherchait un emploi plus stable. Il avait appris par F______ que H______ Sàrl cherchait des aides-monteurs électriciens de sorte qu'il s'était présenté et avait été engagé. Il avait eu des doutes quant à la durée de son délai de congé en discutant avec ses collègues et notamment avec le demandeur. Il avait donc pris contact avec G______ qui lui avait indiqué que son délai de congé était d'un mois. Il avait donc respecté ce préavis et il avait ensuite débuté son emploi auprès de H______ Sàrl. Il avait bien contresigné les documents produits en pièces 17a à 17c et 18 dem. Il avait fait des copies de ses contrats pour le soumettre à A______ lors de leur discussion à propos de son délai de congé. S'agissant de sa démission, c'était le demandeur qui lui en avait demandé une copie. Lorsqu'il avait été engagé chez H______ Sàrl, il avait travaillé sous les ordres du demandeur durant une semaine, puis il avait eu un travail indépendant.

Interrogé, A______ a expliqué que durant l'année 2019, il avait eu un gros chantier à gérer. Dans ce contexte, il avait été amené à rencontrer fréquemment G______ pour organiser le travail des dix à vingt personnes placées par C______ SA. A la fin de l'année 2019, il avait eu un entretien durant lequel il avait demandé une augmentation compte tenu de son bilan. Il avait aussi demandé à pouvoir bénéficier d'une voiture de fonction car il effectuait beaucoup de déplacements avec son véhicule privé. Ses demandes n'avaient toutefois pas été accueillies favorablement de sorte qu'il avait décidé de donner sa démission à la mi-janvier 2020. F______, qui ne parlait pas très bien le français, lui avait demandé de contacter G______ pour que celui-ci lui explique quel était son délai de congé, ce qu'il avait fait. G______ lui avait alors précisé que le délai de congé de F______ était d'une semaine. Toutefois, à ce dernier, G______ avait indiqué que son délai de congé était d'un mois. Il avait donc appelé G______ pour lui demander de lui expliquer les raisons de cette différence. Le lendemain, il s'était rendu à son travail et avait organisé sa journée. Vers 12h, son supérieur était venu lui prendre son téléphone portable professionnel et il lui avait indiqué qu'i1 était attendu par la direction, à savoir J______ et I______. Ceux-ci lui avaient présenté sa lettre de licenciement et ils lui avaient demandé de la signer. Comme il avait demandé des explications, le ton était monté et ils lui avaient expliqué qu'il avait essayé de débaucher des employés qui travaillaient avec lui sur un chantier. Ils l'avaient ensuite insulté et lui avaient intimé l'ordre de quitter l'entreprise en le raccompagnant à la porte du bureau, devant les employés administratifs de l'entreprise. Conformément aux instructions reçues, il s'était rendu sur le chantier sur lequel il travaillait pour récupérer ses outils. Ses affaires personnelles lui avaient été ramenées par ses collègues. Il n'avait jamais essayé de débaucher F______ ni E______ à qui il avait conseillé de bien respecter leur délai de congé. Si ces personnes avaient rejoint H______ Sàrl, c'était parce qu'elles n'avaient pas pu finaliser leur contrat avec B______ SA. S'agissant du message envoyé par G______ produit en pièce 3 déf., il était d'avis que ce dernier avait menti car il avait intérêt à commercer avec la défenderesse. Selon lui, B______ SA avait été vexée qu'il démissionne et elle avait voulu le licencier rapidement.

Interrogé, I______ a indiqué que la défenderesse comptait 110 employés fixes et environ 70 employés temporaires. B______ SA éprouvait de grandes difficultés à trouver des employés qualifiés en Suisse. Elle devait souvent faire appel à du personnel étranger qui n'avait pas forcément les mêmes qualifications. Les compétences et le travail en équipe étaient primordiaux dans ce domaine. A cet égard, F______ et E______ étaient des clés dans le chantier en cours. La défenderesse n'avait aucun intérêt à licencier le demandeur deux semaines avant la fin de son délai de congé. Bien au contraire, la passation de ses connaissances du chantier était très importante. Si la défenderesse avait décidé de se séparer rapidement du demandeur c'est qu'elle avait perdu toute confiance en lui et qu'elle craignait qu'il débauche plusieurs employés compétents et importants qui travaillaient sur le chantier en cours. Dans ce contexte, elle avait accordé plus de confiance à G______ avec lequel elle travaillait depuis longtemps et qui n'avait aucun intérêt à effectuer une telle dénonciation.

B______ SA était une entreprise familiale qui tenait à choyer ses employés pour qu'ils exécutent du bon travail. Le salaire du demandeur était élevé. Dans le cadre de sa gestion, l'entreprise devait être prudente afin de pérenniser ses activités. Ses employés étaient sa plus-value.

A l’issue de l’administration des preuves, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement attaqué, le Tribunal des prud’hommes a condamné B______ SA à verser à A______ la somme brut de 3’406 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 6 mars 2020. Il a invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles, a condamné B______ SA à verser à A______ la somme nette de 50 fr. et a débouté les parties de toute autre conclusion.

a. Le Tribunal des prud’hommes a commencé par déterminer le droit applicable aux relations de travail entre les parties. Etant donné que A______ exerçait une activité de monteur électricien pour la défenderesse et qu’il ressort du contrat de travail que les parties ont déclaré se soumettre à la Convention collective de travail pour les métiers techniques de la métallurgie du bâtiment dans le canton de Genève, le Tribunal a retenu que cette convention collective était applicable aux relations de travail entre les parties. Le Tribunal a ensuite examiné la question de savoir si le licenciement de A______ était abusif et de savoir s’il y avait lieu de lui octroyer une indemnité. Il a retenu que la décision de licencier A______ avec effet immédiat était une mesure disproportionnée compte tenu des circonstances. Par conséquent, le Tribunal a confirmé que c’était à bon droit que le demandeur pouvait prétendre au salaire qu’il aurait dû percevoir si les rapports de travail avaient pris fin de manière ordinaire, à savoir le 31 mars 2020, et a condamné B______ SA à verser au demandeur la somme brut de 3'406 fr. avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 6 mars 2020. Le Tribunal a ensuite débouté le demandeur de sa conclusion visant le versement d’une somme nette de 29'466 fr. 65 nets à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié en raison de la faute concomitante du demandeur ayant mené à son licenciement. Concernant la conclusion du demandeur demandant le versement d’une somme nette de 500 fr. à titre de dommage supplémentaire au sens de l’art. 106 CO pour ses frais d’avocats, les premiers juges l’ont partiellement admise en ceci qu’ils ont condamné la défenderesse à verser à A______ la somme nette de 50 fr., le demandeur n’ayant produit qu’une note d’honoraires d’un montant équivalent pour les services rendu par son conseil jusqu’au 20 août 2020. Le Tribunal a ensuite déclaré irrecevable la conclusion du demandeur visant le versement de la part patronale des cotisations obligatoires LPP que la défenderesse aurait dû payer si le contrat de travail avait pris fin à l’issue de délai de congé, au motif que le demandeur n'avait pas chiffré cette prétention alors qu’il lui incombait de le faire. Finalement, le Tribunal a déclaré qu’il n’était pas perçu de frais ni alloué de dépend.

E.            Dans son acte d’appel du 14 janvier 2022, A______ fait grief au Tribunal des Prud’hommes d’avoir fait preuve d’arbitraire dans sa décision en soutenant que celle-ci est insoutenable non seulement dans sa motivation mais également dans son résultat ainsi qu’en décidant de ne pas tenir compte des divers moyens de preuves versés à la procédure, et par conséquent, d’avoir violer l’art. 9 Cst.. L’appelant fait également grief au Tribunal d’avoir fait abstraction d’éléments établis du dossier pour conclure à l’absence d’indemnité due en vertu de l’art. 337c al. 3 CO suite au licenciement avec effet immédiat injustifié, le menant à retenir de manière injustifiée une faute concomitante de A______ et de n’avoir que peu, voire pas argumenté sa décision.

F.            Par réponse et appel joint du 15 février 2022, B______ SA a fait grief au Tribunal des Prud’hommes d’avoir violé l’article 337 CO en considérant que le licenciement avec effet immédiat était injustifié. Il reproche également au Tribunal d’avoir violer le droit en considérant que la note d’honoraires produite par A______ ne correspond pas à des frais d’avocat dans le litige judiciaire. Subsidiairement, l’intimée conclut au rejet de l’appel.

G.           Par mémoire de réplique et réponse à l’appel joint du 23 mars 2022, A______ persiste dans ses conclusions.

H.           Par réplique du 12 avril 2022, B______ SA a également persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             1.1 L’appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a, 146 al. 1 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire, qui statue sur des conclusions dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 L’appel est dès lors recevable.

1.3 Il en va de même de l’appel joint de l’Intimée, déposée dans le délai légal (art. 312 CPC).

Par soucis de simplification, l’Appelant sera désigné comme l’Appelant, et l’Appelante jointe comme l’Intimée.

2.             L’autorité d’appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu’ils ont retenus (ATF 138 III 374, consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014, consid. 2.2.3). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’Appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante et, partant, recevable, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413, consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016, consid. 5.3).

3.             L’Intimée, dans sa réponse, conclut à ce que les allégués n°2, 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 du mémoire d’appel de l’Appelant ainsi que la pièces 23 produite par A______ soient déclarés irrecevables.

3.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération au stade de l’appel que s’ils sont invoqués ou produits sans retard et s’ils ne pouvaient l’être devant la première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC).

3.2 En l’espèce, les faits allégués par A______ dans son appel correspondent, comme il le mentionne lui-même dans sa réponse à l’appel joint, à un rappel des faits et à une argumentation. Il n’en sera ainsi tenu compte qu’à ce titre et non en tant qu’allégués de fait. Toutefois, la pièce 23 que l’Appelant a produite avec son acte d’appel, à savoir l’extrait du registre du commerce de l’entreprise H______ Sàrl est un document qui pouvait et aurait dû être produit en première instance afin d’être versé à la présente procédure. L’Intimée n’a nullement démontré qu’elle avait fait preuve de la diligence requise en produisant ce document uniquement en procédure d’appel.

3.3 Partant, la Cour de céans déclare la pièce 23 de l’Appelant irrecevable.

4.             Dans son appel joint, l’Intimée reproche au Tribunal des prud’hommes d’avoir violé l’article 337 CO en retenant que le licenciement avec effet immédiat était injustifié.

4.1.1 Selon l’art. 337 al. 1 CO, l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande. Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

La résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle et doit être admise de manière restrictive ; les faits invoqués à l'appui d’une résiliation immédiate doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 127 III 351, consid. 4a).

Un juste motif est un fait propre à détruire la confiance qu’impliquent dans leur essence les rapports de travail ou à les ébranler de telle façon que la poursuite du travail ne peut plus être exigée de celui qui a donné le congé, de sorte qu’il ne peut lui être demandé d’attendre l’expiration du délai de résiliation ordinaire ou l’échéance du contrat (Wyler/Heinzer, Droit du Travail, 4ème éd., p. 713). Il doit s’agir de manquements particulièrement graves du travailleur à ses obligations découlant de son contrat de travail, en particulier à son obligation d’exécuter le travail ou à son devoir de fidélité (ATF 117 II 72 consid. 3).

4.1.2 Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC) (Gloor in Commentaire du contrat de travail, Berne 2013 p. 743 n° 24 ad art. 337 CO). Il doit prendre en considération tous les éléments du cas d’espèce, en particulier la position et la responsabilité du travailleur, son autonomie, l’importance de son salaire, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des manquements (Wyler/Heinzer, op. cit., pp. 713 s.). Lorsque l'employeur soupçonne concrètement l'existence d'un juste motif, il doit prendre immédiatement et sans discontinuer toutes les mesures qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour clarifier la situation (ATF 138 I 113 consid. 6.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 4.1).

Une résiliation immédiate peut intervenir alors que le congé a déjà été signifié de manière ordinaire. Toutefois, il convient de se montrer d'autant plus strict dans l'admission du caractère justifié du licenciement immédiat que la durée du contrat qui reste à courir est faible (ATF 117 II 560 consid. 3b; 104 II 28 consid. 1 et 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4C_210/1996 du 18 décembre 1996 consid. 5, in Pra 1997 n° 124 p. 670).

4.1.3 A raison de son obligation de fidélité, l'employé est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO), en se consacrant entièrement à l’exécution de ses tâches et en prenant les mesures adéquates pour prévenir la survenance d’un dommage ou en réduire les conséquences et, par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 124 III 25 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2020 du 25 mars 2020 consid. 6.1). L'obligation de fidélité trouve ses limites dans les intérêts légitimes du travailleur qui comprennent le droit au libre épanouissement de sa personnalité et le droit à la sauvegarde de ses intérêts financiers (Dunand, in Dunand/Mahon, Commentaire du contrat de travail, n°17 ad art. 321a CO). La préparation d'une activité future peut, sous certaines conditions, constituer une violation du droit de fidélité (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 80-81). Il y a violation de l'obligation de fidélité si les préparatifs contreviennent à la bonne foi. C'est essentiellement le cas lorsque le travailleur se met à faire concurrence à son employeur avant la fin du délai de congé, par exemple en recrutant des employés ou en débauchant les clients (ATF 123 III 257 consid. 5 ; ATF 117 II 72 consid. 4a).

4.1.4 Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d’en établir l’existence (art. 8 CC).

L'art. 8 CC règle, pour tout le domaine du droit civil fédéral, la répartition du fardeau de la preuve et détermine quelle partie doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve. Il confère en outre le droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6). Le juge viole l'art. 8 CC notamment lorsqu'il omet ou refuse d'administrer des preuves sur des faits pertinents et régulièrement allégués, ou lorsqu'il tient pour exactes les allégations non prouvées d'une partie nonobstant leur contestation par la partie adverse (ATF 114 II 289 consid. 2a). En revanche, l'art. 8 CC ne prescrit pas quelles mesures probatoires doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a), ni ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF
128 III 22 consid. 2d). Si celui-ci arrive à la conclusion qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, le grief de violation de l'art. 8 CC devient sans objet : il est alors question d'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_419/2015 du 19 février 2016 consid. 2.3.2).

4.1.5 En l’espèce, il ressort des faits de la cause, notamment des auditions de témoins, que A______ a bien contacté G______. Selon ce dernier, A______ lui aurait clairement exprimé sa volonté d’engager E______ et F______. A______ conteste cette version des faits. Selon ce dernier, s’il a pris contact avec G______, c’est uniquement pour aider F______ à comprendre quel était son délai de congé. Suite à cela, G______ a averti B______ SA que A______ tentait de démarcher des employés, d’abord oralement, puis par écrit. Sur cette base, B______ SA a alors convoqué l’Appelant le lendemain afin de le licencier avec effet immédiat.

Il importe peu de déterminer ici si l’Appelant a bel et bien tenté de démarcher F______ et E______. En effet, dans l’hypothèse où cela était le cas, il y a néanmoins lieu de considérer que le licenciement avec effet immédiat est injustifié. Selon la jurisprudence dans ce domaine, le licenciement avec effet immédiat pour juste motif doit être admis de façon restrictive. Si le fait de débaucher des employés pendant la période de préavis constitue une violation grave du devoir de fidélité envers son employeur (art. 321a al. 1 CO), il est toutefois nécessaire de prendre en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce afin d’apprécier le caractère justifié ou non du licenciement avec effet immédiat.

L’Intimée prétend dans son appel joint que le Tribunal des prud’hommes aurait omis que l’Intimée a convoqué l’Appelant, après avoir été informée par G______, pour que celui-là ait l’opportunité de s’expliquer. Or, il ressort de l’interrogatoire de J______ que suite au courrier reçu de G______ le 5 mars 2020, celui-là a convoqué A______ le 6 au matin pour lui signifier les faits et lui indiquer qu’il était congédié. La décision était à cet instant déjà prise. B______ SA n’a alors pas pris le temps de vérifier si les informations que lui avait transmises G______ correspondaient à la vérité, faisant confiance à ce dernier.

A______ avait, au moment de son licenciement, déjà présenté sa démission et il ne lui restait que quelques jours de travail à accomplir au sein de l’entreprise. Dans cette situation, bien que la débauche d’employé soit une faute grave, il y a lieu de faire preuve d’une grande retenue.

L’Intimée estime que le licenciement immédiat était la seule mesure à sa disposition pour éviter que A______ ne débauche d’autres employés. Or, la libération de l’obligation de travailler aurait été une mesure suffisante afin de prévenir le risque que l’Appelant continue à débaucher des employés, d’autant plus qu’il ne restait qu’une dizaine de jours de travail à l’Appelant avant que ses rapports de travail ne prennent fin.

Partant, la Cour de céans arrive donc à la même conclusion que le Tribunal des prud’hommes et confirme que le licenciement avec effet immédiat est injustifié. Par conséquent, le jugement du Tribunal des prud’hommes sur ce point et la condamnation de l’Intimée à verser à l’Appelant la somme brute de 3'406 fr. avec intérêt moratoire au taux de 5% l’an dès le 6 mars 2020 sont confirmés.

5.             L’Appelant fait grief au Tribunal de violer l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst) en refusant d’allouer une indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié selon l’art. 337c al. 3 CO. Il lui reproche également une constatation inexacte des faits, notamment en lui reprochant de ne pas avoir tenu compte des divers moyens de preuve versés à la procédure.

5.1 Conformément à l’article 310 let. b CPC, l’appel peut être formé pour constatation inexacte des faits.

Ce dernier grief se recoupe avec celui de l’arbitraire (art. 9 Cst.) dans l’appréciation des preuves ou dans l’établissement des faits. Il ne peut être invoqué que dans la mesure où ladite appréciation est susceptible d’avoir une incidence déterminante sur le sort de la cause (Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, Code de procédure civile annoté, 2010, ad art. 321 N 5, et les références citées). Il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.2.1 ; ATF 136 III 552 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_54/2012 du 1er juin 2012 consid. 2.1). En outre, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst, ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

A teneur de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit.

Un fait n’est établi que si le juge en est convaincu (ATF 131 III 222 ; 104 II 216). Le Tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Les moyens de preuve sont notamment le témoignage, les titres et l’interrogatoire et la déposition des parties (art. 168 al. 1 CPC). L’interrogatoire et la déposition des parties sont de même rang et de même force probante, laquelle est équivalente au témoignage.

Ce faisant, il décide d’après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c’est-à-dire s’ils sont prouvés ou non (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge ainsi sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (Jeandin, L’administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

Le juge peut également tenir compte de preuves plus subjectives ou psychologiques, telles que l’attitude des parties et des témoins, le degré de crédibilité de leurs déclarations et les difficultés rencontrées par les parties dans l’administration des preuves (SJ 1984 25).

5.2 L'art. 337c al. 3 CO prévoit qu'en cas de résiliation immédiate injustifiée, le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire.

Cette indemnité, qui s'ajoute aux droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO, revêt une double finalité, à la fois réparatrice et punitive, quand bien même elle ne consiste pas en des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage ; revêtant un caractère sui generis, elle s'apparente à la peine conventionnelle (ATF 135 III 405 consid. 3.1 ; 120 II 209 consid. 9b).

Sauf cas exceptionnel, elle doit être versée pour tout licenciement immédiat dénué de justes motifs (ATF 133 III 657 consid. 3.2 et les réf. citées ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1). Elle peut être refusée dans des circonstances particulières, par exemple lorsque tout manquement de l'employeur ou tout reproche d'un autre ordre est exclu (ATF 116 II 300 consid. 5a) ou encore lorsque la faute concomitante de l'employé est grave (ATF 120 II 243 consid. 3e). Une éventuelle faute concomitante du travailleur est prise en considération et peut donner lieu à une réduction, voire à une suppression de l'indemnité lorsque la faute du travailleur est grave, mais insuffisante pour justifier le licenciement avec effet immédiat, ou encore lorsque tout manquement de l'employeur ou tout reproche d'un autre ordre est exclu (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 766).

Pour fixer cette indemnité, le juge prend en considération la gravité de la faute de l'employeur et de l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur, mais également d'autres éléments tels que la faute concomitante du travailleur, la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale et les effets économiques du licenciement, ce qui présuppose de prendre en considération aussi bien la situation économique de l'employeur que celle de l'employé; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même (ATF 135 III 405 consid. 3.1; 123 III 391 consid. 3; 121 III 64 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1; 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 6.2.1; 4A_215/2011 du 2 novembre 2011 consid. 7.2).

Le juge du fait possède un large pouvoir d'appréciation tant en ce qui concerne le principe que l'ampleur de l'indemnisation prévue à l'art. 337c al. 3 CO (art. 4 CC).

5.3 En l’espèce, l’Appelant, soutient que le Tribunal des prud’hommes a refusé d’allouer une indemnité sans motif ni argumentation. Il reproche également au Tribunal des prud’hommes de ne pas avoir expliqué quel aurait été le comportement qui pouvait être reproché à A______, et de se contenter d’indiquer qu’il considère que le demandeur a joué un rôle dans la décision de F______ et de E______ de démissionner.

Le Tribunal des prud’hommes explique toutefois clairement dans son raisonnement que le refus d’indemnisation est justifié par le rôle qu’a joué A______ dans la démission de ses deux collègues. On comprend aisément que le comportement blâmable est d’avoir incité deux de ses collègues à quitter l’entreprise, de sorte que le Tribunal des prud’hommes n’avait pas à être plus précis.

Se basant sur toutes les preuves versées à la procédure, les premiers juges sont arrivés à la conclusion que les témoignages de F______ et E______ étaient peu crédibles, en faisant usage de leur pouvoir d’appréciation. L’Appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir attiré l’attention des témoins sur les conséquences d’un faux témoignage ou de ne pas chercher à avoir plus de précision. Il ressort des procès-verbaux qu’au début de l’audition de ces deux témoins, le Tribunal des prud’hommes a rendu les témoins attentifs aux conséquences pénales d’un faux témoignage au sens de l’article 307 CP. Le Tribunal est ensuite libre, selon sa liberté d’appréciation, d’accorder plus ou moins de crédibilité aux preuves qui lui sont proposées et de forger sa propre conviction. En l’espèce, l’appréciation des preuves effectuée par les premiers juges ne laisse en rien penser qu’elle serait manifestement insoutenable. De plus, le juge possède d’un large pouvoir d’appréciation concernant aussi bien le principe que l’ampleur de l’indemnisation prévue à l’art. 337c al. 3 CO. Les premiers juges étant arrivés à la conclusion que la faute de A______ était grave, ils ont usé de la marge d’appréciation dont ils bénéficiaient. Ni la décision, ni le résultat ne paraissent d’emblée manifestement insoutenable.

Le Tribunal n'a donc fait preuve d'arbitraire ni dans l'établissement des faits, ni dans l'appréciation des preuves en retenant que A______ a clairement joué un rôle dans la démission de ses deux collègues, raison de son licenciement, et que cela justifiait le refus d’une indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié. Ce grief doit être rejeté.

5.4 Dans la deuxième partie de son appel ainsi que dans sa réponse à l’appel joint, A______ reproche au Tribunal des prud’hommes que son argumentation est peu étayée et lui reproche son appréciation des preuves en exposant sa propre appréciation. Il ne formule toutefois aucun grief précis, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des faits et des preuves des premiers juges.

5.5 C’est donc en usant à bon escient de sa liberté d’appréciation et sans faire preuve d’arbitraire que le Tribunal des prud’hommes à refuser d’allouer une indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié à A______.

Le jugement de première instance devra être confirmé sur ce point.

6.             L’Intimée reproche au Tribunal dans son appel joint d’avoir considéré que la note d’honoraires produite par l’Appelant ne correspond pas à des frais d’avocat dans le litige judiciaire et d’avoir ainsi condamné l’Intimée au versement d’un montant de 50 fr. à l’Appelant au titre de dommage supplémentaire.

6.1 Lorsque le dommage éprouvé par le créancier est supérieur à l'intérêt moratoire, le débiteur est tenu de réparer également ce dommage, s'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 106 al. 1 CO).

Les frais d'avocat antérieurs au procès peuvent constituer un élément du dommage, mais uniquement s'ils étaient justifiés, nécessaires et adéquats pour faire valoir une créance et seulement dans la mesure où ils ne sont pas inclus dans les dépens (ATF 139 III 190 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_264/2015 du 10 août 2015 consid. 3).

6.2 En l’espèce, la note d’honoraire du 20 août 2020 concerne le « litige c. B______ SA ». La requête de conciliation a été déposé six jours plus tard. Dans ces circonstances, il est évident que cette consultation a été fournie en vue de la présente procédure. Il y a alors lieu de considérer les frais qui y sont liés en tant que dépens.

6.3 Par conséquent, le jugement du Tribunal des Prud’hommes doit être réformé sur ce point et A______ n’a droit à aucune réparation de dommage supplémentaire à ce titre.

7.             Au vu de ce qui précède, l’appel est infondé et l’appel joint est partiellement infondé. Le chiffre 4 du dispositif du jugement sera annulé. S’agissant des autres griefs, le jugement attaqué sera confirmé.

8.             Il n’est pas perçu de frais (art. 19 al. 3 let. c LaCC et art. 71 RTFMC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé par A______ ainsi que l’appel joint formé par B______ SA contre le jugement JTPH/474/2021 du 14 décembre 2021 par le Tribunal des prud’hommes dans la cause C/16885/2020-1.

Déclare irrecevable la nouvelle pièce 23 de l’Appelant.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de ce jugement.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu’il n’est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Serge FASEL, président ; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Yves DUPRE, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.