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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/9304/2020

CAPH/79/2022 du 29.05.2022 sur JTPH/307/2021 ( OS ) , REFORME

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9304/2020-3 CAPH/79/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 29 mai 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 18 août 2021 (JTPH/307/2021), comparant par Me Christian BRUCHEZ, avocat, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Madame I______, Service d'assistance juridique et conseils, c/o C______ [organisation], ______ [GE], en les bureaux duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPH/307/2021 rendu le 18 août 2021, le Tribunal des prud'hommes a débouté A______ de sa demande en paiement de 30'000 fr. dirigée contre B______ SA (ch. 2 du dispositif), dit qu'il n'était pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

b. Par acte déposé le 17 septembre 2021, A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 19 août 2021. Il conclut à l'annulation de ce jugement et, cela fait, à la condamnation de B______ SA à lui verser la somme de 30'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 avril 2020.

c. B______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

B.            Les faits suivants résultent de la procédure :

a. A______, né en 1972, a été engagé par B______ SA, en qualité de conducteur de bus auxiliaire sur appel, pour une durée déterminée du 7 juin 2017 au 15 septembre 2017.

Il a ensuite été engagé à partir du 1er décembre 2017 comme conducteur de bus fixe par contrat de durée indéterminée signé le 27 novembre 2017, moyennant versement d'un salaire mensuel brut de 4'664 fr. pour un taux d’activité à 100%. Le contrat signé par les parties le 27 novembre 2017 ne stipule pas l'horaire de travail à effectuer par l'employé. Il précise que les rapports de travail sont soumis à la convention collective de travail conclue le 13 décembre 2015 Groupement des Entreprises sous-traitantes des TPG, le Syndicat du personnel des transports et le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (ci-après : la CCT), faisant partie intégrante du contrat de travail. Cette CCT prévoit notamment que le salaire du personnel de conduite est versé treize fois l'an (art. 7 al. 1) et que si l'entreprise envisage de résilier les rapports de travail en raison d'une violation par le travailleur de ses obligations découlant du contrat de travail ou d'un comportement insatisfaisant, la résiliation doit être précédée d'un entretien explicatif et d'un avertissement écrit avec délai de mise à l'épreuve (art. 50).

b. Le 16 décembre 2019, dans le cadre de son service, A______ a été impliqué dans un accident de la circulation routière. Il a été en incapacité de travail du 17 décembre 2019 au 1er janvier 2020.

Le 23 décembre 2019, B______ SA a adressé à A______ un document l'informant de ce qu'un montant de 500 fr. serait prélevé sur son salaire au titre de la franchise d'assurance en lien avec les réparations à effectuer sur le véhicule qu'il conduisait. A______ a refusé de signer ce document.

A teneur du courrier reçu par B______ SA de son assureur le 21 février 2020, A______ n'était pas responsable de l'accident au regard du rapport de police.

c. En 2019, A______ a été absent 67 jours : il a été en incapacité pour maladie du 10 au 27 janvier, du 14 au 15 mars, du 28 au 29 mars, du 3 au 7 avril, du 14 au 19 mai, le 22 mai, du 12 au 29 septembre, puis en raison d'un accident de circulation routière survenu dans le cadre de son travail, du 17 au 31 décembre 2020.

d. Le 6 janvier 2020, B______ SA a proposé à A______ de signer un avenant à leur contrat de travail prévoyant une hausse de 2% du salaire de base à compter du 1er janvier 2020.

Elle lui a en outre proposé de signer un document intitulé "convention d'exception à la LDT/OLDT", prévoyant différentes dérogations à la loi fédérale sur la durée du travail (LDT) et à l'ordonnance relative à cette loi (OLDT).

A______ n'a pas immédiatement signé ces documents.

L'avenant au contrat de travail portant le salaire mensuel de A______ à 4'757 fr. 30 a été signé par les parties.

e. Le 10 janvier 2020, A______ a demandé à son employeur s'il était possible de changer ses horaires pour qu'il puisse commencer son service à 12h45 le mardi.

Son responsable hiérarchique lui a répondu que tous les services débutant après 12h45 étaient établis en fonction de la convention d'exception, de sorte qu'il ne pouvait affecter A______ à de tels services puisqu'il n'avait pas signé cette convention d'exception.

A______ a alors précisé qu'il ne refusait pas de signer la convention.

Invité par son supérieur hiérarchique à se présenter le lundi 13 janvier pour signer la convention d'exception, A______ a indiqué qu'il souhaiterait dans ce cas pouvoir disposer de ses week-ends. B______ SA lui a indiqué qu'elle examinerait si ce souhait était réalisable lors de son prochain conseil de direction.

A______ a signé la convention d'exception à la LDT/OLDT le 13 janvier 2020.

f. A______ a été en incapacité de travail du 16 au 26 janvier 2020.

g. Le 28 janvier 2020, B______ SA a convoqué A______ à un entretien et a résilié le contrat de travail la liant à ce dernier avec effet au 31 mars 2020.

h. Le même jour, B______ SA a adressé à son employé une lettre de licenciement, en indiquant notamment ce qui suit :

" Pour donner suite à votre mail du 10 janvier 2020 concernant votre demande de planification et notre entretien de ce jour en présence de Messieurs D______, E______ et Madame F______, nous vous confirmons notre décision de mettre fin à nos relations de travail pour la date du 31 mars 2020, cette date respectant le délai du préavis légal en vigueur.

En effet, la demande formulée dans votre mail du 10 janvier 2020 n'étant pas compatible avec la planification de nos services, nous avons décidé de vous libérer de votre obligation de travail dès ce jour".

i. Par courrier du 19 février 2020, A______ a fait opposition à son congé qu'il considérait comme abusif. Il a exposé avoir été licencié en raison de sa demande en aménagement d'horaires, de son refus de signer la lettre par laquelle son employeur prétendait pouvoir prélever sur son salaire des montants liés à un accident et de sa réticence à signer la convention d'exception à la LDT/OLDT.

j. Dans le cadre de l'échange de correspondance qui s'en est suivi, B______ SA a contesté le caractère abusif du licenciement et les parties ont maintenu leur position respective.

C a. Par demande déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 19 octobre 2020 après tentative de conciliation requise le 14 mai 2020, A______ a assigné A______ SA en paiement de la somme de 30'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 30 avril 2020 à titre d’indemnité pour résiliation abusive.

Il soutient avoir toujours fourni ses prestations de travail à l’entière satisfaction de son employeur et avoir été licencié parce qu'il avait demandé une modification de ses horaires de travail, qu'il avait refusé de signer un document mentionnant que le montant de la franchise d'accident serait prélevée sur son salaire et qu'il avait été réticent à signer la convention d'exception à la LDT/OLDT.

b. Dans sa réponse du 4 décembre 2020, A______ SA a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais.

Elle a allégué n'avoir pas été satisfaite des services de son employé, qui ne se ne se conformait pas à la tenue vestimentaire réglementaire ni à l’obligation de procéder à un appel de prise de service à son supérieur direct. Il était fréquemment absent et ses absences avaient mis à mal l'organisation de l'entreprise. S'agissant de la lettre ayant trait au prélèvement de la franchise en cas d'accident, aucune demande de remboursement n'avait été concrètement adressée à l'employé. S'agissant de l'avenant au contrat de travail et la convention d'exception à la LDT/OLDT, l’augmentation de salaire était totalement indépendante de la procédure de signature de la convention d’exception. Relativement à la demande d’aménagement des horaires formulée par A______, elle lui avait expliqué que les services commençant après 12h45 étaient précisément établis en fonction de la convention d’exception et qu’elle ne pouvait dès lors en aucun cas le planifier sur lesdits services en l’absence d’une signature de sa part. A______ avait alors lui-même conditionné la signature de la convention au fait de ne plus travailler les week-ends. Comme sa demande était irréalisable au regard de son taux d’activité à plein temps au sein d’une équipe de chauffeurs devant assurer un service de ligne également les week-ends, elle avait, après une nouvelle absence de son employé, pris la décision de le licencier principalement en raison de l’incompatibilité de sa demande visant à ne plus travailler les week-ends, mais également à cause de ses nombreuses absences, des violations du code vestimentaire et du non-respect de la procédure d’appel de prise de service.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Lors de l'audience tenue le 10 mai 2021, le Tribunal des prud'hommes a entendu les parties et plusieurs témoins.

d.a A______ a déclaré au Tribunal avoir demandé un aménagement d'horaires à son employeur. Il avait ressenti que son employeur voulait le forcer à signer la convention d'exception. Il avait indiqué qu'il signerait cette convention si l'aménagement de ses horaires était accepté.

B______ SA a déclaré avoir étudié la demande de modification d'horaires de son employé, qui n'était pas réalisable. Elle avait pris la décision de résilier les rapports de travail, vu que ce dernier n'était jamais satisfait de ses horaires, qu'il ne respectait pas la tenue vestimentaire réglementaire ni la procédure d'appel de prise de service, et qu'il était fréquemment absent.

Le témoin G______ a expliqué que A______ avait refusé dans un premier temps de signer la convention d'exception puis avait conditionné sa signature au fait de ne pas travailler les week-ends et de ne commencer ses services qu’à partir de 12h45. Il était présent lors de l’entretien visant à expliquer à A______ le contenu de la convention d’exception et il avait alors indiqué à ce dernier que ses demandes n’étaient pas réalisables. A______ était persuadé que certains collègues bénéficiaient d’horaires aménagés et de régimes particuliers, ce qui n’était pas le cas. Les seules personnes qui ne travaillaient pas les week-ends étaient celles qui dispensaient des formations dans le courant de la semaine, qui travaillaient exclusivement de nuit ou encore sur des lignes non desservies les week-ends.

Le témoin H______ avait entendu que A______ avait refusé de signer la convention d’exception mais n’en avait pas parlé avec lui. Selon ce témoin, les chauffeurs travaillaient, à sa connaissance, en règle générale un week-end sur trois. Il avait noté un certain relâchement de A______ dans l’exercice de son travail et un mécontentement quant à ses horaires près de la fin de ses rapports de travail.

d.b S'agissant du respect de la tenue vestimentaire, B______ SA a déclaré que son employé avait à plusieurs reprises fait l'objet de remarques de la part de ses responsables quant à sa tenue vestimentaire, mais qu'il n'en tenait pas compte.

A______ a déclaré que des vêtements lui avaient été remis lorsqu'il avait débuté pour B______ SA, soit deux chemises, deux pantalons et deux polaires. Il portait une veste personnelle plus chaude l'hiver, lorsqu'il faisait froid. A deux reprises, des remarques lui avaient été faites quant à la tenue qu'il portait. Il avait alors répondu qu'il lui fallait des vêtements en adéquation avec la saison. Il avait toujours porté les vêtements réglementaires, qu'il avait complétés avec une veste plus chaude.

Entendu en qualité de témoin, G______, chauffeur de bus et adjoint chef d'exploitation employé de B______ SA, a indiqué que A______ ne respectait pas l'uniforme : il mettait des pantalons qui ne respectaient pas la couleur de l'entreprise et portait des vestes personnelles. Il l'avait rappelé à l'ordre, et une remarque écrite lui avait été adressée à ce sujet, mais la situation ne s'était pas améliorée. Un membre de la direction avait également convoqué A______ afin de lui demander de respecter la tenue de l'entreprise; l'entretien n'avait pas eu l'effet escompté.

d.c S'agissant de la procédure d'appel de prise de service, B______ SA a déclaré au Tribunal que A______ ne respectait pas la procédure malgré les remarques que lui avait adressées le responsable de l'exploitation.

A______ a déclaré avoir, au début, effectué les appels téléphoniques avant la prise de service. Par la suite, afin de limiter les frais de téléphonie, il laissait sonner trois fois puis raccrochait. Comme il avait appelé, l'entreprise savait qu'il était en route et n'avait pas de raison de s'inquiéter. Parfois, l'entreprise rappelait et il répondait. Un responsable lui avait une fois fait une remarque : A______ lui avait alors expliqué les raisons et le responsable avait été d'accord.

Le témoin G______ a déclaré que tous les chauffeurs devaient s’annoncer par téléphone auprès de lui ou d’un de ses collègue une heure avant leur prise de service. Cette procédure permettait de s’assurer que les septante-cinq chauffeurs qui prenaient leur service quotidiennement soient concrètement en route pour commercer leur travail. Cette façon de procéder permettait également de prévenir un chauffeur d’un éventuel changement d’horaire et lui éviter ainsi un déplacement inutile. A______, comme de nombreux autres chauffeurs, laissait sonner une fois puis raccrochait, pour des raisons de coûts téléphoniques. En revanche, à l'inverse de ses autres collègues, A______ ne répondait pas à son téléphone en cas d’appel : une telle situation était déjà survenue et ce dernier s’était déplacé pour rien dans les locaux de l'entreprise. La discussion qui s’en était suivie avait été tendue. G______ avait expliqué à A______ que s’il s’accommodait du fait que ce dernier raccrochait avant qu’il ait pu décrocher pour annoncer sa prise de service, il était par contre impératif que l'employé décroche son téléphone lorsque l'entreprise l'appelait. Le demandeur refusait de comprendre pourquoi il devait décrocher quand on tentait de le joindre et refusait toujours de s’exécuter malgré un rappel à l’ordre écrit.

H______, chauffeur de bus en charge de la sortie des véhicules du dépôt le matin pour le compte de B______ SA, entendu en qualité de témoin, a expliqué au Tribunal être en charge de réceptionner les appels des chauffeurs une heure avant leur prise de service. A______ avait oublié d’appeler une ou deux fois et n’avait pas retourné ses appels. Il avait donc dû prendre ses dispositions pour le remplacer au pied levé par un autre chauffeur. A une reprise, le demandeur s’était malgré tout présenté pour commencer son service mais avait été renvoyé à la maison puisqu’un remplaçant avait été sollicité. A______ n’avait pas été content et le témoin H______ lui avait expliqué que s’il avait décroché son téléphone, il n’aurait pas eu besoin de faire appel à un remplaçant à quatre heures du matin. Il ignorait si, pour le surplus, les défaillances de A______ avaient généré des retards sur les lignes mais il se rappelait en avoir informé sa hiérarchie.

d.d S'agissant des absences de A______, B______ SA a, lors de son audition par le Tribunal, indiqué avoir constaté l'ampleur des absences de A______ en préparant le dossier pour l'audience, puis s'est reprise en déclarant qu'elle s'était trompée et qu'elle avait constaté ces absences lorsqu'elle avait étudié le dossier après la demande de modification d'horaire du 10 janvier 2020.

d.e B______ SA a déclaré qu'elle n'avait pas appliqué la procédure de licenciement prévue à l'art. 50 CCT et qu'elle avait eu tort.

d.f Les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

C.           Dans la décision entreprise, le Tribunal des prud'hommes a retenu que l'employeur avait licencié son collaborateur parce que ce dernier ne respectait ni la tenue vestimentaire imposée par l'entreprise, ni la procédure d'annonce de prise de service pour éviter des coûts de téléphonie. Il avait par ailleurs accumulé de nombreuses absences pesant sur l'organisation de l'entreprise. L'employé n'avait pas démontré avoir été congédié en raison de sa demande de modification d'horaire de travail, et le fait que la procédure de licenciement prévue par la CCT n'avait pas été respectée ne conduisait pas à retenir que la résiliation des rapports de travail était abusive.


 

EN DROIT

1. L'appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur un litige prud'homal dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 et 92 al. 2 CPC). Il a été déposé dans le délai utile de 30 jours à compter de la notification de la décision (art. 142, 145 al. 1 let. b, 146, et 311 al. 1 CPC) et il respecte la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC).

L'appel est ainsi recevable.

2. L'appelant reproche au Tribunal des prud'hommes d'avoir considéré que son licenciement n'était pas abusif.

2.1.1 Aux termes de l’article 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Le droit de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (ATF 131 III 535 consid. 4.1 ; 127 III 86 consid. 2a).

Est abusif le congé donné pour un des motifs énumérés à l’article 336 CO, qui concrétise avant tout l’interdiction générale de l’abus de droit, et y assortit les conséquences juridiques adaptées au contrat de travail (ATF 132 III 115 consid. 2.1, trad. in JdT 2006 I 152 ; 131 III 535 consid. 4.2).

2.1.2 Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (art. 336 al. 1 let. d CO).

Cet article vise le « congé-représailles » et tend à empêcher que le licenciement soit utilisé pour punir l'employé d'avoir fait valoir des prétentions résultant du contrat de travail, en supposant de bonne foi que les droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis (ATF 136 III 513 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_407/2008 du 18 décembre 2008 consid 4.1 ; 4C.84/2005 du 16 juin 2005 consid. 3.1).

La notion de « prétention résultant du contrat de travail » s'entend au sens large et comprend la loi, les conventions collectives de travail, les règlements d'entreprise, voire la pratique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_407/2008 du 18 décembre 2008 consid 4.2). Les prétentions résultant du contrat de travail portent notamment sur des salaires, des primes ou des vacances (arrêt 4C.237/2005 du 27 octobre 2005 consid. 2.3 et les réf. citées). Le travailleur qui exprime le souhait de changer l'horaire de travail lorsque ce dernier n'est pas fixé par le contrat fait valoir des prétentions résultant du contrat de travail (CAPH du 25 novembre 1998 in JAR 2000 p. 350; Portmann/Rudolph, in Basler Kommentar Obligationenrecht I (2020), n. 14 ad art. 336).

La bonne foi de la partie congédiée, qui est présumée, n'exige pas que le droit invoqué existe et soit démontré; il suffit qu'au vu des circonstances, la personne licenciée ait de bonnes raison de le croire (ATF 136 III 513 consid. 2.4; Perrenoud, in Commentaire romand Code des obligations I (2021), n. 3 ad art. 336).

2.1.3 Ce n'est pas le but du congé, à savoir celui de mettre fin à la relation contractuelle, qui est illicite, mais le motif intérieur qui a poussé de manière décisive l'une des parties à mettre fin au contrat. Pour que le congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre le motif répréhensible et le licenciement ; en d'autres termes, il faut que le motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de la partie de résilier le contrat (arrêt du Tribunal fédéral du 11 novembre 1993, publié in SJ 1995 I p. 798 et les réf. citées ; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 7 ad art. 336 CO, pp. 658 s.).

2.1.4 Lorsque plusieurs motifs de congé entrent en jeu et que l'un d'entre eux n'est pas digne de protection, il convient de déterminer si, sans le motif illicite, le contrat aurait été tout de même résilié : si tel est le cas, le congé n'est pas abusif; ainsi, en cas de pluralité de motifs de résiliation, dont l'un au moins s'avère abusif, il incombe à l'employeur de démontrer qu'il aurait licencié le travailleur même en l'absence du motif abusif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2.2.3 et 2.2.5 ; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 806).

2.1.5 La preuve du caractère abusif du congé incombe à la partie à laquelle celui-ci est signifié (art. 8 CC ; ATF 130 III 699 consid. 4.1). Cependant, la preuve ayant souvent pour objet des éléments subjectifs, le juge peut présumer en fait l’existence d’un congé abusif lorsque l’employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme fictif le motif avancé par l’employeur, et le motif abusif plus plausible. Cette présomption de fait n’a cependant pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve. La partie demanderesse doit alléguer et offrir un commencement de preuve d’un motif abusif de congé. De son côté, l’employeur ne saurait alors demeurer inactif ; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_408/2011 du 15 novembre 2011 ; Dunand in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 17 ad art. 336 CO, p. 661).

2.2.1 En l'espèce, dans la lettre de licenciement adressée à l'appelant le 28 janvier 2020, l'intimée a motivé sa décision de mettre fin aux rapports de travail en se fondant sur la demande de modification d'horaires formulée par l'appelant le 10 janvier 2020, exposant ne pouvoir y donner suite pour des questions de planification de ses services. La dénonciation du contrat de travail apparaît ainsi, à teneur de ce courrier, consécutive à la demande d'aménagement des horaires formulée par l'appelant. En sollicitant la possibilité de modifier ses horaires de travail que les parties n'avaient pas fixé dans leur contrat, l'appelant a fait valoir des prétentions résultant du contrat de travail, aucun élément au dossier ne permettant par ailleurs de retenir qu'il n'aurait pas agi de bonne foi. Ce dernier rend ainsi vraisemblable avoir été congédié parce qu'il a fait valoir des prétentions résultant du contrat de travail.

2.2.2 Dans le cadre de la présente procédure, l'intimée fait valoir d'autres motifs pour justifier la résiliation des rapports de travail.

Elle a, d'une part, invoqué les fréquentes absences de son employé, pesant sur la planification des services de l'entreprise. Il ressort toutefois du dossier qu'elle n'a jamais mentionné cette circonstance, que ce soit dans la lettre de licenciement ou dans la correspondance échangée par les parties à la suite de l'opposition formée par l'appelant à son congé, et qu'elle ne s'en est prévalue que dans le cadre de son écriture de réponse à la demande. Les déclarations contradictoires de l'intimée devant les premiers juges conduisent en outre à retenir qu'elle n'avait pris conscience des nombreuses absences de son employé qu'au moment de préparer l'audience devant le Tribunal. Ces éléments ne permettent dès lors pas de retenir que la fréquence des absences de l'appelant constitue le réel motif ayant conduit l'intimée à prendre la décision de rompre le contrat de travail.

L'intimée soutient d'autre part avoir congédié l'appelant parce qu'il ne respectait pas la tenue vestimentaire exigée dans l'entreprise, ni la procédure d'appel prévue pour annoncer la prise de service. A cet égard, les premiers juges ont, à juste titre, retenu que l'appelant avait manqué à ses obligations contractuelles. Le témoin G______ a déclaré que le demandeur ne respectait pas la tenue vestimentaire réglementaire, qu'une remarque écrite lui avait été adressée et qu'un membre de la direction l'avait convoqué pour lui demander de respecter la tenue de l'uniforme. S'agissant de la procédure d'appel prévue pour annoncer la prise de service, il ressort de l'audition des témoins H______ et G______ que les chauffeurs devaient s’annoncer par téléphone une heure avant leur prise de service afin de permettre à l'appelante de s'assurer que tous les chauffeurs soient concrètement en route pour commencer leur travail ou pour permettre d'annoncer un éventuel changement d'horaire à un chauffeur pour lui éviter un déplacement inutile. G______ a indiqué que l'appelant, comme de nombreux autres chauffeurs, laissait sonner une fois puis raccrochait, afin d'économiser des frais de téléphonie. En revanche, à l'inverse de ses collègues, l'appelant ne répondait pas à son téléphone lorsque l'entreprise le rappelait, ce qui avait provoqué des tensions lorsqu'il s'était déplacé inutilement dans les locaux de l'entreprise. H______ a indiqué qu'à une ou deux reprises, l'appelant n'avait pas appelé ni retourné ses appels, de sorte que l'entreprise avait fait appel à un autre chauffeur en remplacement. Des tensions étaient ensuite apparues lorsque l'appelant s'était présenté pour prendre son service et avait été renvoyé à la maison puisqu'un remplaçant avait été sollicité. L'intimée est ainsi parvenue à démontrer que l'appelant ne respectait pas ses devoirs en matière de tenue vestimentaire et de procédure d'appel téléphonique pour annoncer la prise de service.

2.2.3 Il découle de ce qui précède que l'appelant a rendu vraisemblable avoir émis des prétentions résultant de son contrat de travail en sollicitant une modification de ses horaires, et que l'intimé a établi que son employé avait violé ses obligations contractuelles. Il convient en conséquence d'examiner quel motif a été déterminant dans la décision de l'employeur de licencier son employé.

A cet égard, l'appelant soutient à juste titre que le motif déterminant ayant conduit son employeur à le licencier consistait dans sa requête en aménagement de ses horaires de travail. En effet, s'il ressort certes des considérants qui précèdent que l'intimée a établi les manquements contractuels qu'elle reprochait à son employé, cette dernière n'a en revanche pas su démontrer qu'il s'agissait là du motif déterminant l'ayant conduit à prendre la décision de congédier son employé. Le fait qu'elle se soit prévalue, dans la lettre de licenciement, de la seule demande de modification d'horaire sans mentionner les manquements qu'elle lui reprochait, que ce licenciement soit intervenu quinze jours après la requête en aménagement des horaires de travail formulée par l'appelant et enfin que l'intimée n'ait pas appliqué la procédure prévue par l'art. 50 CCT lorsque l'employeur envisage de résilier les rapports de travail pour violation contractuelle ou comportement insatisfaisant conduisent au contraire à retenir que c'est bien parce que l'appelant a demandé à pouvoir changer d'horaires de travail que l'intimée a pris la décision de le licencier. L'intimée n'a ainsi pas démontré qu'elle n'aurait pas résilié les rapports de travail si l'appelant n'avait pas sollicité un aménagement de ses horaires de travail.

En conséquence, faute pour l'intimée d'avoir démontré qu'elle n'aurait pas congédié l'appelant si ce dernier n'avait pas sollicité un aménagement de ses horaires de travail, le licenciement est abusif.

3. L'appelant prétend au versement d'une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire.

3.1.1 La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l’autre une indemnité (art. 336a al. 1 CO). Cette indemnité est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances ; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (art. 336a al. 2 CO).

L’indemnité en raison du congé abusif a une double finalité, punitive et réparatrice (ATF 132 II 115 consid. 5.6, trad. in JdT 2006 I p. 152 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2017 du 25 juillet 2018 consid. 4.1). Par sa fonction punitive, elle exerce ou devrait exercer un effet préventif, alors que, par sa fonction réparatrice, elle devrait atténuer pour le travailleur l'impact de la résiliation (Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n. 2 ad art. 336a CO, p. 389). Le juge doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, de la manière dont le licenciement a été donné, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur, de l'intensité et de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement, de l'âge et de la situation personnelle du travailleur, des conditions existantes sur le marché du travail, de la situation économique des parties, d'une éventuelle faute concomitante du travailleur licencié (arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.1 ; Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n. 3 ad art. 336a CO, pp. 390 s. ; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 14 ad art. 336a CO, p. 692 et les réf. citées).

3.1.2 La partie qui entend demander l'indemnité fondée sur les art. 336 et 336a CO doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé (art. 336b al. 1 CO). Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité. Elle doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (art. 336b al. 2 CO).

3.2.1 En l'espèce, l'appelant a fait opposition à son congé par courrier du 19 février 2020, soit avant la fin du délai de congé, les rapports de travail ayant été dénoncés pour le 31 mars 2020. Il a ensuite déposé sa demande en vue conciliation le 14 mai 2020, soit dans le délai de 180 jours prévu par la loi. Son droit à réclamer une indemnité pour licenciement abusif n'est donc pas périmé.

3.2.2 L'appelant était âgé de 48 ans lorsqu'il a été congédié par l'intimée, après deux ans et demi de service pour le compte de cette dernière. En tenant compte de la gravité de la faute de l'intimée, qui a licencié son employé en représailles d'une demande d'aménagement des horaires de travail, mais également des manquements de l'appelant à ses obligations contractuelles, ayant contribué à la rupture des rapports de travail, et de la relativement brève durée des rapports de travail, il se justifie de fixer l'indemnité au sens de l'art. 336a CO à 15'000 fr., correspondant à à peu près trois mois de salaire mensuel, prorata du 13e salaire compris (art. 7 al. 1 CCT).

Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera en conséquence annulé et l'intimée sera condamnée à verser à l'appelant la somme nette de 15'000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif dès le 30 avril 2020.

4. La procédure est gratuite (art. 71 RTFMC). Il n'est pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 17 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTPH/307/2021 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 18 août 2021 dans la cause C/9304/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ SA à verser à A______ la somme nette de 15'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 30 avril 2020.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.