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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/9451/2019

CAPH/44/2022 du 04.03.2022 sur JTPH/147/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9451/2019-4 CAPH/44/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 4 mars 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______[SG],

B______ SA, sise ______[BS],

toutes deux appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 avril 2021 (JTPH/147/2021), comparant en personne,

et

Monsieur C______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par Me Didier BOTTGE, avocat, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/147/2021 rendu le 28 avril 2021, notifié par pli simple aux parties le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a, statuant par voie de procédure ordinaire, déclaré recevable la demande en paiement formée le 23 août 2019 par C______ dirigée contre A______ SA (ci-après A______) et B______ SA (ci-après B______), condamné ces deux sociétés à lui verser la somme brute de 88'000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 23 avril 2019 (chiffre 2), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (chiffre 3), condamné les deux sociétés à lui remettre un certificat de travail complet (chiffre 4), et un certificat de salaire pour l’année 2019 (chiffre 5), débouté les parties de toute autre conclusion et arrêté à 3'410 fr. les frais de la procédure, les répartissant par moitié à charge de chacune des parties et les compensant intégralement avec l’avance de frais de même montant effectuée par C______, acquise à l’État de Genève, et condamné A______ et B______ à verser à C______ la somme de 1'705 fr., sans allouer de dépens (chiffres 7 à 12).

B.            a. Par acte expédié le 28 mai 2021, A______ et B______ ont formé appel de ce jugement. Elles requièrent l'annulation des chiffres 2, 3 et 5 et de leur condamnation à payer à C______ 88'000 fr. brut, subsidiairement le renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision à rendre dans le sens des considérants de l’arrêt à prononcer. Les appelantes se sont acquittées de l’avance de frais sollicitée, de 1'000 fr.

b. C______ a conclu au rejet de l’appel principal et formé un appel joint, sollicitant la confirmation des chiffres 1 à 5, 7 et 9 de la décision entreprise, l’annulation des chiffres 6, 8 et 10 concernant les frais et la condamnation solidaire de A______ et B______ au paiement de 108'000 fr. plus intérêts à 5% l’an dès le 23 avril 2019, sous suite de frais, comprenant leur condamnation à lui rembourser l’avance de frais de première instance de 3'410 fr.

c. Les appelantes ont répondu à l’appel joint, concluant à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. C______ a répliqué et les appelantes ont dupliqué, chacun campant sur ses positions, au bénéfice d’explications qui seront repises ci-dessous dans la mesure nécessaire.

d. Par avis du 30 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. D______, père de C______, a travaillé pendant plus de 40 ans pour E______, compagnie d’assurances comprenant E______ SA et F______ SA (ci-après E______), dans l’agence de Genève. Il y a développé et fidélisé une très large partie de la clientèle de ces sociétés. Il a pris sa retraite en 2009, à l'âge de 64 ans (cf. déclaration C______ du 04.09.2020, p. 4).

b. Le 16 juillet 1993, C______ a été engagé par E______ en tant que conseiller à la clientèle et a progressivement repris une grande partie du portefeuille clients de son père. En mars 2015, E______ lui a remis, à sa demande, un certificat intermédiaire de travail attestant de sa très grande expérience professionnelle, de ses excellentes connaissances techniques, de sa réussite, du dépassement fréquent des objectifs fixés, de son esprit d'initiative, de son engagement supérieur à la moyenne et de ses qualités personnelles. Il bénéficiait alors de l'aide de deux assistants personnels, H______ et I______.

c. A______, ayant pour but l’exploitation de tous types d’assurance et de réassurance, à l’exception de l’assurance-vie directe, et B______, axée sur l’exploitation de l’assurance-vie et de tous autres types d’assurance, ont fusionné en avril 2015 avec E______ et repris une partie de ses employés.

da. Selon contrat de travail de durée indéterminée du 5 janvier 2015, A______ Assurances, regroupant A______ et B______, a engagé C______ en qualité de conseiller à la clientèle à l'agence générale de Genève-Est dès le 1er mai 2015, pour un salaire annuel brut de base de 120'000 fr. plus une rétribution variable en fonction de la prestation fournie, fixée selon un règlement ad hoc, calculée sur la base des composantes de performances, notamment les indemnités de conclusion et de renouvellement des polices d’assurance. À chaque contrat d’assurance conclu ou renouvelé, une indemnité était versée pour l'année avec le salaire du mois de février de l’année suivante.

db. Sur demande de l'employé, cette rémunération variable pouvait faire l’objet d’une avance sur rétribution variable à compenser (ci-après : ARV). Les ARV pouvaient à tout moment être réduites ou stoppées par le supérieur, en tenant compte de la performance du conseiller à la clientèle. Selon l’art. 1.3 du Règlement pour la détermination du salaire variable en vigueur dès le 1er janvier 2018, le décompte mensuel de versement comprenait les composantes de performance (CDP) desquels étaient soustraits le salaire fixe et les ARV éventuels. Un solde négatif était qualifié de sous-couverture et constituait une dette qui pouvait être répercutée sur le conseiller "en tant que CDP pouvant être prise en compte sur l’année de production suivante (en tant que débit) ou la facturer immédiatement".

dc. En 2015, les ARV mensuelles de C______ s'élevaient à 6'667 fr. Elles ont été portées à 8'000 fr. de janvier 2016 à avril 2018, puis réduites à 2'000 fr. pour les mois de mai à juillet suivant avant d’être supprimées.

dd. L’art. 12 du contrat de travail ("Répertoires de clients et interdiction de détourner la clientèle") mentionnait une clause de non concurrence assortie d’une peine conventionnelle.

de. Rien n'était prévu dans le contrat s'agissant du soutien administratif apporté à C______.

ea. C______ a réalisé un revenu de 426'334 fr., frais inclus, en 2013, et de 351'046 fr., frais inclus, l’année suivante et E______ a fixé, sur cette base, un revenu sécurisé de 388'690 fr. pour 2015. Selon un avenant au contrat du 5 janvier 2015, A______ a garanti aux collaborateurs les plus performants un revenu sécurisé pour 2015 et 2016, calculé également le revenu global selon décompte annuel, frais inclus. A______ a ainsi versé à C______ 90'715 fr. en 2015 et 71'195 fr. en 2016, ce dernier montant étant versé avec son salaire de février 2017.

eb. Selon ses déclarations fiscales, C______ a réalisé un salaire annuel brut de 297'593 fr. pour 2014, 341'360 fr. pour 2015 et 307'664 fr. pour 2016. Selon son certificat de salaire, celui-ci s’est élevé à 303'895 fr. brut en 2017, dont 71'195 fr. de revenu sécurisé, de sorte qu'il aurait dû être pour 2016, de 236'469 fr. Toutefois, l’état du salaire et des composantes de performance de C______ du 18 janvier 2018 pour l’exercice 2017 (pce 50 chargé intimé) faisait état d’un total des composantes de performance de 178'719 fr. 12 à comparer à des versements de 120'000 fr. de salaire fixe et de 96'000 fr. d’ARV, consacrant un solde négatif de 37'280 fr. 88.

ec. Le salaire brut de C______ pour 2018, selon certificat de salaire du 4 janvier 2019, s'est élevé à 162'700 fr., comprenant 7'900 fr. d’allocations pour enfants et 2'800 fr. d’allocations de formation. S’y ajoutait un cadeau d'ancienneté de 10'000 fr. Sa rémunération a été complétée par le versement de deux rétributions variables en 2019, valant pour 2018, respectivement de 5'615 fr. 35 et de 19'864 fr. 15. Le total des CDP de C______ s’est élevé, en 2018, à 102'108 fr. 59 à fin septembre 2018, dont 19'598 fr. 60 et 11'446 fr. 60 pour août et septembre. Aucun CDP n’a été comptabilisé ensuite. Par conséquent, en retranchant le solde négatif reporté et les allocations, le revenu de son activité en 2018 doit être arrêté à 140'198 fr., ou, par mois, 11'683 fr. (162'700 – 37'281 – 7'900 – 2'800 + 5'615 + 19'864 = 140'198 ./. 12). Toutefois, compte tenu des ARV versées en 2018 (3 x 8'000 + 4 x 2'000 = 32'000) et de son salaire fixe, C______ a effectivement reçu 152'000 fr. en 2018 selon les pièces produites.

ed. Les indemnités pour frais de véhicule et de représentation ne lui ont plus été versées dès son arrêt maladie le 30 juillet 2018.

ef. Certaines allocations familiales ou de formation dues à C______ d'août 2018 à mars 2019 ont fait l'objet d'un litige et n'ont été payées qu'en avril 2019, à raison de 9’000 fr.

f. H______ et I______ ont aussi été repris par A______. Toutefois, I______ a été licencié en avril 2016, après un burn-out, mais il ne travaillait plus pour C______ ("cela a eu lieu avant 2016. ( ) J’ai été dédié à une autre personne après avoir travaillé pour C______" cf. pv du 09.11.2020, p. 4). H______ a été réattribué à l’ensemble des courtiers de A______ à fin 2016. Aucun assistant n'a été dédié à C______, qui devait collaborer avec le service interne de soutien-vente.

g. Le 8 mars 2018, J______, agent général de A______ depuis le 1er mai 2017 et supérieur hiérarchique de C______, lui a demandé par courriel d’effectuer un effort supplémentaire et de trouver 150 polices échues pour un montant de primes de 600'000 fr. de son portefeuille à réattribuer à d'autres employés de A______. Il lui a à nouveau écrit le 25 avril 2018, en se référant à de précédents entretiens, lui rappelant que le bouclement annuel présentait, pour la troisième année consécutive, un résultat négatif, et que le solde variable négatif de 2017 était de 37'280 fr. 88. En conséquence, son salaire fixe était maintenu mais ce solde négatif devait être immédiatement compensé par une réduction de 6'000 fr. par mois de ses ARV. Il lui était demandé d’atteindre les objectifs fixés, sa production devant suivre une évolution positive dans tous les secteurs de son activité et le niveau de ses commissions permettre de couvrir son salaire, ce qui n'était que partiellement réalisé. Son activité dans le domaine du renouvellement de portefeuille était clairement insuffisante. Le nombre de polices échues était extrêmement élevé et celui des polices renouvelées en dessous des exigences. Il lui était proposé un redimensionnement de son portefeuille, afin de libérer le temps nécessaire à l’accomplissement de ses tâches et au développement de sa clientèle. Il devait atteindre un niveau de commissions mensuelles à même de couvrir son revenu, de rattraper son déficit mensuel de 13'000 fr. et d’obtenir le renouvellement hebdomadaire de onze clients privés et deux clients PME, un point de situation devant être fait à la mi-juillet.

h. En juin 2018, K______, responsable du service externe de A______ pour la région Ouest, a félicité C______ pour ses vingt-cinq ans passés au sein de E______ puis de A______ et, le 14 juillet 2018, J______ s’est joint à ces félicitations en informant l’ensemble des employés de Genève de cet anniversaire professionnel, soulignant qu'il contribuait "activement aux résultats de l'agence par son engagement et la qualité de son travail" et lui souhaitant "de nombreuses années de succès à venir". Le 16 juillet 2018, C______ a reçu une prime de 10'000 fr. de la direction de A______ pour l'activité déployée, qui n'avait "cessé de contribuer de manière déterminante à la réussite de l'entreprise", l'employeur manifestant sa grande estime pour un engagement sans faille.

i. Le 26 juillet 2018, J______ a convoqué C______ pour lui reprocher de ne pas atteindre ses objectifs. Alors qu’une nouvelle entrevue était prévue le 30 juillet 2018, C______ lui a annoncé son incapacité le jour même, laquelle s’est prolongée jusqu’au 3 décembre suivant.

j. Ce nonobstant, J______ a écrit à C______ le 30 juillet 2018 ("Selon nos entretiens du 26 juillet 2018 et de ce jour") pour lui annoncer la résiliation de son contrat de travail au 31 octobre 2018, avec maintien intégral de son salaire, à l'exception des frais, et sa libération immédiate de l’obligation de travailler. Ce courrier a été retiré par C______ mais A______ l'a déclaré "caduc" en raison de son absence.

k. Le 15 août 2018, J______ a suspendu avec effet immédiat le versement des ARV de C______, réduisant sa rémunération mensuelle à 10'000 fr.

l. Le 5 septembre 2018, le conseil de C______ a contesté l’attitude de A______ et sollicité l’envoi de ses fiches de salaire et des composantes de performance pour les cinq dernières années, lesquelles lui furent adressées le 18 octobre 2018, sans le détail des composantes de performance.

m. En novembre 2018, A______ a procédé à des aménagements de ses locaux et prié C______ de reprendre son mobilier.

n. A______ a licencié C______ le 6 décembre 2018, avec effet au 31 mars 2019, et l’a immédiatement libéré de son obligation de travailler.

o. Le conseil de C______ a, le 15 janvier 2019, formé opposition à son licenciement, reprochant à A______ d'avoir constitué de toutes pièces un dossier de reproches destiné à réduire son portefeuille de clients et à motiver son licenciement. Son responsable d'agence avait créé les conditions d'un manque de rendement et profité de son incapacité de travail pour s'attribuer ses affaires.

p. La requête en conciliation déposée devant les prud’hommes le 23 avril 2019 par C______ contre A______ n’a pas abouti et l’autorisation de procéder a été délivrée le 28 mai 2019.

qa. C______ a assigné A______ le 23 août 2019 devant le Tribunal des prud’hommes, notamment en paiement de 156'312 fr. net pour licenciement abusif et de 184'624 fr. brut à titre de salaire, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 23 avril 2019, au constat de la nullité des articles 12 et 12.2 de son contrat de travail et à la délivrance d’un certificat de travail et d’un certificat de salaire pour 2019.

Selon lui, A______ avait limité ses ressources administratives, lui supprimant un assistant et l’entravant dans le suivi convenable de ses clients. Jaloux de l'importance de son portefeuille, J______ l’avait fortement réduit pour se le réattribuer, avec les revenus qu'il générait. En mars 2018, C______ avait dû se défaire de 941 polices représentant 1'264'605 fr. de primes, soit environ un tiers de son portefeuille. Il lui avait été demandé ensuite de se séparer de 150 polices échues pour un montant de primes de 600'000 fr. à réattribuer à d'autres conseillers, dont J______, lequel lui reprochait un nombre insuffisant de renouvellement de polices. L’ensemble de ces mesures réduit drastiquement ses performances et, par conséquent, ses revenus (offres de preuve 43 à 63), entrainant la diminution puis la suppression de ses ARV. Son licenciement, abusif, était donc la conséquence de la limitation de ses ressources et du démantèlement de son portefeuille, à l’origine de la baisse de ses performances et, corolairement, de sa rémunération. Les motifs du licenciement, empreints de mauvaise foi, avaient été construits de toutes pièces.

Son licenciement était également abusif quant à sa forme. Le double jeu de l'employeur consistant, après vingt-cinq ans d'ancienneté et les félicitations correspondantes, à réduire son portefeuille en lui reprochant de ne pas atteindre des objectifs pour lesquels il consacrait toute son énergie, avait porté atteinte à sa santé et entraîné son incapacité de travail dès le 30 juillet 2018. Avant son licenciement formel, le 6 décembre 2018, l'employeur avait, le 30 août 2018, informé les autres employés des motifs du licenciement encore à venir et fait vider son bureau en novembre, malgré le congé maladie. Il lui avait, dès août 2018, coupé le versement de ses allocations familiales, alors qu'il était le père de quatre enfants, pour finalement les lui restituer en avril 2019 au terme d'âpres discussions.

Ses prétentions salariales d’avril 2018 à mars 2019 se fondaient sur la baisse indue de sa rémunération variable imputable au morcellement de son portefeuille clients imposé par l’agent général. Ses prétentions salariales correspondaient à la différence entre la moyenne des salaires mensuels perçus de 2012 à 2017, soit 26'052 fr., et le salaire réellement perçu pendant période litigieuse.

Enfin, il considérait que les clauses de non-concurrence prévues aux articles 12 et 12.2 de son contrat de travail étaient nulles.

qb. Devant les premiers juges, C______ a notamment déclaré que J______ lui avait dit, à fin 2017, qu’il avait une dette de 40'000 fr. sur ses ARV, que ses mensualités devaient être réduites et qu’il devait se défaire d’une partie de son portefeuille client. On lui avait retiré ses assistants administratifs et contraint à passer d’une activité de contact à celle de gestionnaire de saisie, ce qui, en raison du volume de son portefeuille, lui avait posé des problèmes de suivi et affecté sa performance. Il pensait que son employeur n’aimait pas les agents dont le portefeuille était trop important et qu'il convenait de le réduire. Il avait refusé, en 2018, une deuxième cession de clients et pensait être l'objet de jalousies.

qc. J______ a, pour sa part, précisé qu’il avait décidé de licencier C______ car il ne respectait pas les consignes de la compagnie, ne remplissait pas son cahier des charges et ne se pliait pas aux règles internes. Le taux de renouvellement de son portefeuille était insuffisant et certaines polices n’avait pas été traitées pendant plusieurs années. C______ n’avait qu’un assistant en 2014 et bénéficiait, lors de la reprise de E______ par A______, d’un assistant personnel divisé par deux. Après une réorganisation interne en mai 2017, il n’avait plus d’assistant attitré. Dès cette période, les assistants étaient attribués selon les besoins mais pas ad personam.

r. Il ressort ce qui suit des témoignages recueillis durant la procédure :

- D______, né en 1945, agent de E______ pendant 40 ans, avait, entre 2007 et 2008, ventilé, en accord avec la direction générale, une partie de son portefeuille clients entre 32 de ses employés, dont J______, qualifié d’agent "moyen". Son fils s’était constitué un portefeuille important avant son départ à la retraite et bénéficiait de l'aide de deux subordonnés directs, H______ et I______, indispensables à la bonne gestion de ses affaires. Les lui retirer avait eu une incidence sur son revenu. Les conseillers à la clientèle percevaient une commission sur la prime annuelle chaque fois qu’elle était payée, peu importe que la police soit échue. D______ considérait que la philosophie des compagnies d’assurances avait changé et qu’elles ne voulaient plus que des employés aient de gros portefeuilles. E______ fonctionnait mieux que A______, bonne au niveau des polices mais, administrativement, était une "catastrophe" ;

- H______, assistant de C______ pendant cinq ans jusqu’en 2016, considère impossible pour ce dernier de gérer son portefeuille sans le soutien d’assistants, point de vue que I______ a partagé ;

- K______, supérieur hiérarchique de douze agents généraux dont J______, était responsable du service externe pour la Suisse romande de A______. Il avait voué une attention particulière à C______, le plus important salaire issu de l’ancienne E______ et le plus gros portefeuille clients de Genève. Ledit salaire, en passant chez A______, ne pouvait que baisser. Il appartenait à la compagnie de réfléchir au nombre de conseillers nécessaires relativement à celui des clients et, idéalement, A______ préférait en confier moins à chaque conseiller afin qu’il se consacre le mieux possible à chacun d’eux. Il existait de ce fait un antagonisme entre la politique de la compagnie et la façon dont le conseiller appréhendait son travail, ce dernier préférant avoir un maximum de clients alors que la compagnie préconisait qu'une meilleure attention leur revienne. En tant que successeur des clients de son père, C______ avait eu droit à certains privilèges, notamment un bureau personnel auquel l’agence n’avait pas accès, une place de parking, une relation directe avec l’agent général et un soutien administratif personnel, inhabituel chez A______. Selon K______, le courrier adressé aux collaborateurs au moment de leur jubilé n’était pas un bilan de compétences mais le résultat d’une procédure automatique lors de laquelle l’employeur félicitait le collaborateur pour son engagement. En l’occurrence, le rapprochement des dates entre les félicitations décernées à C______ et son licenciement était "malheureux" ;

- Selon les témoins L______, M______, N______ et O______, employés de A______, les conseillers en assurances jouissaient d’une relation de confiance avec leurs clients, susceptibles de les suivre en cas de départ. Pour M______ et O______, la réduction du portefeuille d’un conseiller avait une incidence sur sa rémunération. L______ a précisé qu’il n’avait pas bénéficié de polices d’assurance provenant du portefeuille de C______. Pendant plus d’une année, il avait eu des doutes quant à un possible licenciement de ce dernier, avant que l’agent général ne l’annonce officiellement. M______ n’a reçu que cinq à six polices de C______, que celui-ci lui avait cédées en 2017. Il avait été étonné d’apprendre son licenciement. N______ n’a pas reçu de polices de C______. Il avait aussi été étonné d’apprendre son licenciement ;

-P______, employé de A______, avait signé le courrier de félicitations adressé à C______ pour son jubilé selon un modèle standard, ainsi qu’il le faisait chaque année pour environ 2'000 personnes. Les appréciations portaient sur les vingt-cinq ans passés au sein la société sans constituer une référence aux prestations actuelles du jubilaire. Les félicitations et la prime y afférente avaient cours indépendamment des prestations du bénéficiaire. P______ avait participé au processus conduisant au licenciement de C______ et les discussions le concernant étaient antérieures aux félicitations adressées pour son jubilé ;

- Q______, responsable soutien-vente au sein de A______, avait eu des relations difficiles avec C______ au début "parce qu’il y avait un manque d’intégration de sa part aux directives et au processus de A______", mais à part ça, c’était quelqu’un d’"adorable" ;

- Pour I______, outre ce qui a déjà été relevé, la présence de deux assistants auprès de C______ était indispensable pour gérer son portefeuille, "assez conséquent", et il pensait que les assistants lui avaient été retirés pour "qu’il se noie". Les assistants n’avaient pas leur mot à dire pour leur répartition auprès des conseillers. Certains avaient droit à une assistance administrative, mais pas tous ;

- R______, employée soutien-vente au sein de A______, ne se souvenait pas que le licenciement de C______ avait été annoncé lors d’une séance de réunion du personnel ;

- S______, conseiller en assurances auprès de A______, ne se souvenait pas de l’annonce du départ de C______ mais pensait qu’elle avait été faite par courriel. Il en avait été étonné mas n’en connaissait pas les raisons.

s. Pendant l’instruction de la cause, A______ a versé des pièces nouvelles concernant un assuré important, G______ SA, révélant que C______ ne répondait pas à ses sollicitations. Son représentant s’en est plaint auprès de A______ dès le début 2018 ("Nous nous lassons d’attendre. Nous souhaitons être mis en contact avec un autre agent qui aurait la politesse de s’occuper de notre dossier. Nous n’osons pas imaginer les conséquences qui seront engendrées par votre négligence en cas de sinistre, alors que l’on vous demande d’être assuré depuis le mois d’avril 2017" ; " vu que nous n’obtenons pas de réponse à nos demandes et relances auprès de M. C______" (cf. courrier de A______ au Tribunal du 04.11.2020, notamment annexes des 5 et 22 février 2018).

t. À l’issue de l’administration des preuves, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. À l’appui de sa décision, le Tribunal a retenu, s'agissant des points litigieux au stade de l'appel, que le licenciement de C______ n’était pas abusif, rien ne lui permettant de remettre en doute les explications fournies par A______ sur les raisons qui les avaient conduites à le prononcer. De son côté, C______ n’était pas parvenu à démontrer que les avertissements reçus étaient injustifiés. De surcroît, le choix de réattribuer une partie de son portefeuille paraissait conforme aux objectifs de l’employeur en termes de performance. Le licenciement manquait certes d’égards, ce qui ne suffisait pas à le rendre abusif, pas plus que le déménagement du mobilier du bureau de l’employé durant son incapacité de travail puisqu’il devait être libéré de son obligation de travailler dès que la notification du congé serait possible.

Les montants perçus par C______ jusqu’en avril 2018, à titre de salaire et d’ARV, s’élevaient à 18'000 fr. par mois. Il paraissait disproportionné de lui faire supporter seul les conséquences financières du remaniement de son portefeuille clients, d’autant plus qu’il s’agissait d’une décision managériale échappant à sa volonté et qui avait eu pour conséquence de réduire les composantes de sa rémunération, ce que l'employeur n'était en droit de faire que dans le cadre d'un congé-modification, procédé auquel il n'avait pas eu recours. Quand bien même le redimensionnement du portefeuille de l’employé avait pour objectif de lui permettre d’assurer un meilleur suivi de ses clients, il était surprenant que ses ARV aient été réduites dès avril 2018 alors que des discussions venaient de débuter à ce propos. De surcroît, selon le témoin K______, il appartenait à A______ de réfléchir au nombre de conseillers nécessaires en fonction du nombre de clients. Dans ces circonstances, l’employé était en droit de prétendre au versement mensuel de ses ARV en sus de son salaire fixe, d’avril 2018 à mars 2019. Compte tenu de ce qu’il avait déjà reçu à titre d’ARV d’avril à juillet 2018, le montant qui lui était dû s’élevait à 88'000 fr.

E. a. Les appelantes font valoir que l’intimé n’avait pas allégué, et encore moins prouvé, l’existence d’un lien de causalité entre une hypothétique diminution de ses revenus et une hypothétique violation par elles du contrat de travail en cours. En conséquence, le Tribunal ne pouvait retenir que le remaniement du portefeuille de l’intimé avait eu pour conséquence de réduire unilatéralement les conditions de sa rémunération, surtout en se contentant d’une motivation si insuffisante qu’elles ne pouvaient la comprendre et, par conséquent, valablement l’attaquer, consacrant ainsi une violation de leur droit d’être entendues. Par ailleurs, le Tribunal avait constaté arbitrairement que la diminution des ARV dès avril 2018 équivalait à une diminution du salaire car ces ARV n’étaient que des avances qui devaient, selon les prestations du bénéficiaire, être complétées ou remboursées. Or, l’intimé, qui avait bénéficié d’un revenu sécurisé en 2015 et 2016, avait présenté des revenus variables en 2017 et 2018 présentant un solde négatif, de telle manière que ses prétentions étaient infondées. Au surplus, le transfert d’une partie de son portefeuille n’avait eu aucune incidence sur sa rémunération en 2018 car ledit portefeuille n’avait pas été remanié au début 2018.

b. L’intimé considère avoir allégué, détaillé et établi les violations des appelantes ayant conduit à la réduction intentionnelle de ses ressources administratives et à l’appropriation par elles d’une partie de son portefeuille, démarches qui avaient eu un impact sur les composantes de ses performances et, par conséquence, sur son revenu variable. Le Tribunal avait compris ses allégués et interrogé en conséquence les témoins, conformément à sa maîtrise de l’instruction. Le jugement entrepris devait, sur ce point, être confirmé. Par ailleurs, le Tribunal avait fondé sa décision sur un dossier concret, correctement apprécié les témoignages et les pièces produites et considéré à bon droit qu’il était disproportionné de lui faire supporter seul les conséquences d’une décision managériale échappant à sa volonté. De même, la suppression progressive des ARV était directement en lien avec la baisse des composantes de performance qui résultaient causalement des suppressions des ressources administratives et de la réduction de son portefeuille, conduisant à une baisse unilatérale de son salaire que le Tribunal avait correctement appréciée. L’appel joint était fondé sur le fait que cette instance ne pouvait pas à la fois retenir que la sous performance qui lui était reprochée avait été mise en place par l’employeur, réduisant illicitement sa rémunération, et l'ignorer dans les motifs de résiliation. La volonté des appelantes de se débarrasser de lui était établie et méritait une sanction exemplaire, étant à l’origine de ses problèmes de santé. Partant, les appelantes lui devaient une indemnité de 6 mois de salaire, sur la base du salaire contractuel de 10'000 fr. par mois, augmenté de la rémunération variable de 8'000 fr., par mois également, soit au total 108'000 fr.

c. Les appelantes ont répliqué en persistant dans leurs arguments et en insistant sur l’incapacité de l’intimé à s’adapter aux exigences de son nouveau contrat de travail ni à leurs instructions. Ses prestations s’étaient révélées d’emblée insuffisantes, dès 2015 et donc avant le licenciement de I______, pourtant invoqué par l’intimé pour justifier la baisse de ses performances. Celles-ci ne s’étaient pas améliorées en 2016 ni en 2017, alors que la réduction de son portefeuille n’était intervenue qu’en 2018, selon ce qu’il admettait lui-même. Les véritables raisons de son licenciement résultaient de ce qu’il concevait sa position comme une situation de rente héréditaire et estimait être en droit de continuer à percevoir la rémunération liée à l’existence du portefeuille sans devoir rendre de comptes ni s’adapter aux exigences de son nouveau contrat de travail. S’étant entêté dans une attitude oppositionnelle, refusant de s’adapter, son licenciement n’était pas abusif.

d. Dans sa réplique, l'intimé a réitéré que le licenciement de I______ et la réaffectation de H______ l’avaient placé dans une situation administrative incompatible avec la gestion de son portefeuille. Son employeur l’avait ainsi mis dans une situation de carence en le privant de ressources administratives indispensables à la réalisation de ses résultats et au renouvellement des polices de son portefeuille. Il contestait aussi ne pas avoir participé aux règles internes de l’agence, aux réunions ou aux stages de formation, relevant que ces griefs n’étaient pas essentiels dans les reproches formulés par les appelantes. La motivation de son congé n’était que le résultat du processus mis en place par l’employeur et son annonce avait été faite dans des circonstances brutales, ne tenant nullement compte de son ancienneté ni de sa santé, anéantie par ces circonstances.

e. Les appelantes ont dupliqué, pour reprendre leurs arguments antérieurs et insister sur le fait que l’intimé n’en faisait qu’à sa tête et n’avait pas réagi aux avertissements adressés. Confrontées à des avertissements dépourvus d’effets, au défaut d’amélioration de ses performances et à son attitude, le licenciement de l'intimé n’avait rien d’abusif et sa forme rien de critiquable.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision et respecte, au surplus, la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC).

L'appel est ainsi recevable.

1.2 L'appel joint est également recevable pour avoir été déposé dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 312 et 313 al. 1 CPC).

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, A______ et B______ seront désignées en qualité d'appelantes et C______ en qualité d'intimé.

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC), laquelle est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC). Dans les procès soumis à la maxime des débats, il revient au demandeur d'apporter les éléments permettant de conclure au respect des conditions de recevabilité, selon les règles de procédure applicables en matière de présentation des faits et des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_741/2020 du 12 avril 2021 consid. 5.2.2 et les références citées).

2. Les appelantes reprochent au Tribunal d’avoir statué en violation des dispositions relatives à la maxime des débats et au fardeau de la preuve (art. 8 CC, 55 al. 1, 221 et 229 CPC), sur la base de faits qui n’avaient pas été régulièrement allégués ou de preuves produites irrégulièrement. Le jugement entrepris présentait un défaut de motivation s’agissant de l’examen de la relation de causalité entre le remaniement du portefeuille clients de l’intimé et la réduction de sa rémunération et leur condamnation au paiement de 88'000 fr. reposait sur des faits établis de manière inexacte, voire arbitraire, vice qui affectait également l’appréciation des preuves. L’intimé n’ayant pas allégué l’existence d’une causalité entre le remaniement de son portefeuille et la diminution de son salaire, ni que cela eût constitué une violation du contrat de travail, le Tribunal ne pouvait juger sur la base de faits régulièrement allégués et d’offres de preuves régulièrement produites. Il avait statué sur la base d’hypothèses non vérifiées, méconnaissant que les AVR devaient être complétées ou remboursées selon les performances du bénéficiaire, violant ainsi leur droit d’être entendues.

L’intimé rétorque avoir valablement allégué et offert de prouver l’existence d’un lien de causalité entre la diminution de ses revenus et les violations par les appelantes du contrat de travail. Au reste, le Tribunal avait statué conformément aux faits de la cause, sur la base de toutes les informations et pièces nécessaires et le droit d’être entendues des appelantes n’avait pas été violé.

2.1.1 La jurisprudence a déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_19/2020 du 18 mai 2020 consid. 6). Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité n'a pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Le droit d'être entendu, qui n'est pas une fin en soi, constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêts du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

Par ailleurs, une violation de ce droit en instance inférieure est réparée, pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 130 II 530 consid. 7.3; 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b). L'appelant ne peut alors pas se contenter de se plaindre de cette violation, mais doit exercer son droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2 non publié aux ATF 142 III 195). Pour le surplus, même en présence d'un vice grave, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).

2.1.2 Le droit à la preuve est une autre composante du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. Il implique que toute partie a le droit, pour établir un fait pertinent qui n’est pas déjà prouvé, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu’ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 140 I 99 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.1.1 non publié in ATF 144 III 541).

2.1.3 Selon l’art. 221 al. 1 let. d et e CPC, la demande doit contenir les allégations de fait et l’indication, pour chaque allégation, des moyens de preuves proposés. L’art. 152 al. 1 CPC confère à toute partie le droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuves adéquats proposés régulièrement et en temps utile.

La maxime des débats s'applique à toutes les affaires du droit du travail d'une valeur litigieuse supérieure à 30'000 fr. ou de nature non patrimoniale (art. 55 et 247 al. 2 let. b ch. 2 a contrario CPC). Il appartient dès lors aux parties d'alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et de produire les preuves qui s'y rapportent.

2.1.4 Un moyen de preuve n'est régulièrement offert au sens de l'art. 152 CPC que lorsque l'offre de preuve se réfère clairement à l'allégué de fait qui doit ainsi être prouvé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_370/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3.3 et 4A_414/2013 du 28 octobre 2013 consid. 4.4, Heinzmann, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2020, n. 23 ad art. 221 CPC). En règle générale, chaque offre de preuve doit être indiquée immédiatement après les allégués de fait qu'elle est destinée à établir. Un renvoi global aux pièces du dossier ne constitue pas un allégué suffisant.

2.2 En l'espèce, dans le jugement querellé, le Tribunal a pris en compte les allégués de l’intimé, notamment aux chiffres 43 à 63 de sa demande auxquels se référaient immédiatement les offres de preuve nécessaires, et a indiqué, certes lapidairement, les motifs qui l'ont guidé à admettre le montant du salaire qu’il a retenu pour fixer la quotité de la condamnation des appelantes. Il a donc satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents et les appelantes ne s’y sont pas trompées dans leurs écritures d’appels et ont ainsi pu y répondre sans que leurs droits en souffrent. Leur droit d'être entendues ainsi que le droit constitutionnel à l’examen des réquisitions présentées n’ont dès lors pas été violés. L’examen du lien de causalité entre les reproches de l’intimé et son incidence sur son salaire, contesté du fait de sa vacuité, concerne l’application du droit et sera repris ci-après dans la mesure nécessaire sans que cela n’affecte le droit des appelantes.

L’appel sera dès lors rejeté sur ce point.

3. L’intimé considère son licenciement comme abusif, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal.

3.1 En droit suisse du travail, la liberté de résiliation prévaut de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (art. 335 al. 1 CO). Le droit de chaque cocontractant de mettre fin au contrat unilatéralement est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 514; 132 III 115 consid. 2.1 p. 116; 131 III 535 consid. 4.1 p. 538).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère une liste des cas dans lesquels la résiliation est abusive. Dans la mesure où cette disposition concrétise le principe d'interdiction de l'abus de droit, la liste de l'art. 336 CO n'est pas exhaustive et d'autres cas d'abus peuvent être admis s'ils revêtent un caractère de gravité comparable aux hypothèses expressément mentionnées par la loi (ATF 132 III 115 consid. 2.1). Un abus de droit peut résider dans la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2012 du 21 mars 2013 consid. 2.2). Toutefois, un comportement qui ne serait pas convenable ou indigne des relations commerciales n'est pas suffisant, dès lors qu'il n'appartient pas à l'ordre juridique de sanctionner une attitude seulement incorrecte (ATF 132 III 115 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_663/2010 du 28 février 2011 consid. 3.2.1). Par exemple, le fait pour l'employeur d'avoir affirmé à son collaborateur qu'il ne serait pas licencié et de lui notifier son congé une semaine plus tard est un comportement qui n'est certes pas correct, mais qui ne rend pas à lui seul le congé abusif. L'interdiction de l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC réprime bien davantage que de simples chicanes (ATF 131 III 535 consid. 4.2 et les références citées).

Le congé est abusif, en particulier, lorsqu'il est donné seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail (art. 336 al. 1 let. c CO). Comme l'application de cette disposition suppose que le congé soit exclusivement dicté par la volonté d'échapper à des prétentions juridiques de l'autre partie, l'existence d'un autre motif de congé, réel, suffit à exclure d'emblée une résiliation abusive. Il incombe en principe au destinataire de la résiliation d'apporter la preuve d'un motif abusif; le juge peut cependant présumer un abus lorsque le motif avancé par l'employeur semble mensonger et que celui-ci ne parvient pas à en apporter la confirmation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.1.1).

3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que l'intimé n'avait pas établi que le congé était abusif.

Il ressort du dossier que son licenciement est intervenu après plusieurs avertissements concernant ses performances et le suivi de ses dossiers, dont le renouvellement insuffisant des polices. Ces reproches, que l’intimé n’a pas expressément contestés, notamment par écrit, ont été formulés dès la fin de 2017 et visaient une période antérieure. Des performances négatives au regard du salaire fixe et des ARV sur trois exercices étaient relevées, lesquelles ressortent des pièces versées la procédure et ne sont pas contestables. Elles ne pouvaient être dépendantes de la suppression des aides administratives auxquels l’intimé prête une incidence qu’elles n’ont pu avoir. En effet, I______ n’a pour ainsi dire pas travaillé pour l’intimé après le début du contrat en mai 2015 puisque ce collaborateur a déclaré ne pas s’être adapté aux nouvelles règles, avoir rencontré des difficultés avec les dirigeants, s’être trouvé en burn-out, ce qui justifie une certaine durée que les parties, notamment l’intimé, n’ont pas évoquée, pour déboucher à son licenciement en avril 2016. Son absence d’aide n’a donc pas influencé sérieusement l’activité de l’intimé dès le début de son activité pour les appelantes en mai 2015. L’apport de H______ a cessé en 2016 et n’a dons pas non plus impacté l’activité de l’intimé en 2017 et 2018, années des principaux reproches formulés. D’autre part, le dossier ne contient nulle trace de récriminations de l’intimé à ce sujet ni de reproches à son employeur au sujet de l’insuffisance des supports administratifs offerts pour l’ensemble des conseillers. Par ailleurs, dans le contrat valable dès 2015, aucune assurance n’avait été donnée à l’intimé qu’il pourrait encore bénéficier du soutien que son précédent employeur lui avait alloué et la suppression de ces postes ne saurait être reprochée aux appelantes, dont les objectifs différaient de ceux de ses prédécesseurs. Enfin, le manque de suivi des dossiers tel que décrit ci-dessus (cf. ad s.) et les reproches confirmés par l'assistante de vente ne sauraient être attribués au manque de soutien administratif. D’un autre point de vue, les performances négatives répétées de l’intimé imposaient à l’employeur de prendre des mesures et la répartition à d’autres, quels qu’ils furent, d’une partie de ces dossiers allait dans ce sens et ne procédait pas d’une gestion reprochable.

Pour s’opposer à ces reproches, l'intimé a essentiellement apporté sa conviction qu'il aurait fait le nécessaire pour satisfaire aux exigences de son employeur, sans que des témoignages ou des pièces la soutienne, de sorte qu’elle ne pourra être retenue.

Il n’apparait dès lors pas que la décision de se séparer de l'intimé relèverait d'un abus.

Que certains témoins aient été surpris par son licenciement est balancé par le fait qu'un autre témoin s'y attendait, étant observé qu'entre conseillers, la connaissance de la situation d'autrui reste limitée, chacun travaillant tel des voyageurs de commerce et n'ayant que peu de retour sur leurs collègues.

La célébration du jubilé de l’intimé en juillet 2018, alors qu’il entretenait depuis plusieurs mois des discussions avec sa hiérarchie au sujet de l’insuffisance de ses performances, ne permet pas non plus de retenir que le licenciement poursuivait un autre but que de sanctionner celle-ci. Cette proximité temporelle est certes regrettable, mais l’intimé, fort de ses vingt-cinq ans d’expérience, ne pouvait ignorer le caractère standard de cet anniversaire. Certes l’employeur eût été mieux inspiré d’en faire moins et sa crédibilité en est entachée. Toutefois, cette collision de dates et l’inélégance des appelantes ne suffisent pas à rendre le licenciement abusif, pas plus que le déménagement des meubles de l’intimé durant son absence pour maladie, l’intention de ne pas poursuivre la collaboration avec lui ayant déjà été suffisamment affirmée, ou les discussions autour des allocations diverses revenant à l’intimé.

Il résulte de ce qui précède que l'instruction de la cause permet de retenir que les motifs de licenciement avancés les appelantes n’étaient pas abusifs au sens de l'art. 336 al. 1 let. c CO, de sorte que l'appel joint est infondé sur ce point.

4. Les appelantes contestent que le salaire variable ait pu être attribué à l’intimé sur la base des ARV, sans autre motivation compréhensible.

4.1.1 L'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective (art. 322 al. 1 CO). Ils peuvent également convenir, en sus ou à la place d'un autre mode de rémunération, d'un salaire variable à calculer d'après le chiffre d'affaires ou le bénéfice de l'entreprise (art. 322a al. 1 CO).

4.1.2 Lorsqu'un montant (même désigné comme bonus ou gratification) est déterminé ou objectivement déterminable, c'est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l'être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d'affaires ou une participation au résultat de l'exploitation, et qu'il ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur, il doit être considéré comme un élément du salaire (variable), que l'employeur est tenu de verser à l'employé (art. 322 s. CO; ATF 141 III 407 consid. 4.1; 136 III 313 consid. 2 p. 317; 129 III 276 consid. 2 p. 278).  

4.1.3 L'employeur fournit les renseignements nécessaires au travailleur ou, à sa place, à un expert désigné en commun ou par le juge; il autorise le travailleur ou l'expert à consulter les livres de comptabilité dans la mesure où le contrôle l'exige (art. 322a al. 2 CO).

L'exigence de produire les pièces comptables se limite aux éléments nécessaires à l'établissement des points litigieux. L'employeur a ainsi le choix de produire l'attestation de son réviseur quant à son chiffre d'affaires ou de déposer les documents comptables permettant d'établir ce chiffre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_390/2016 du 18 janvier 2017 consid. 2.3.1 et 2.5).

S'il est convenu que le travailleur a droit à une provision sur certaines affaires, elle lui est acquise dès que l'affaire a été valablement conclue avec le tiers (art. 322b al. 1 CO).

4.1.4 La libération de l'obligation de travailler est un acte juridique unilatéral exercé par l'employeur en vertu de son droit de donner des instructions (art. 321d al. 1 CO). L'employeur renonce, dans son propre intérêt, à la prestation de travail de l'employé. La fin de l'obligation de travailler ne met toutefois pas un terme aux rapports de travail (ATF 128 III 271 consid. 4bb). En particulier, l'employeur reste débiteur du salaire jusqu'à la fin du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4C.329/2004 du 15 décembre 2004, consid. 2.2).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré que l'intimé avait droit au versement des ARV fixées au début de l’exercice 2018 durant son absence pour maladie puis durant le préavis de trois mois, dès lors qu'il n’y avait pas lieu de faire supporter les conséquences du licenciement uniquement à l’intimé.

Ce raisonnement, qui ne procède pas d’une approche juridique, ne saurait être suivi. La fixation du salaire dû à l’intimé ne peut pas non plus être effectuée au regard de la moyenne des années 2012 à 2017 ainsi qu’il le souhaite, ces années comprenant notamment une activité déployée dans d’autres conditions et pour un autre employeur, des versements sécurisés ne correspondant pas à l’activité réelle fournie et une baisse des performances au fil du temps qui ont justifié le licenciement en cause et dont on ne saurait s’affranchir. Les reproches des appelantes portant principalement sur les exercices 2017 et 2018, les résultats démontrés par pièces pour ces deux années serviront à déterminer le salaire pertinent.

4.3 En 2017, les CDP de l’intimé se sont élevées à 178'719 fr. 12, soit 14'893 fr. par mois ou 4'893 fr. de plus que son salaire fixe et donnant ainsi droit à une rémunération supplémentaire de même montant. Ayant toutefois été rémunéré à hauteur de 216'000 fr. en 2017, au bénéfice d’ARV mensuelles de 8’000 fr., le solde à compenser de celles-ci était négatif à raison de 37'281 fr.

En se basant sur les pièces de même nature en 2018, les CDP de l’intimé se sont élevées à 140'198 fr., versements de 2019 inclus, soit, par mois, 11'683 fr. Il ne ressort pas des pièces communiquées, et personne ne l’a allégué, que le solde négatif de 2017 aurait été déjà compensé. Le salaire versé en 2018 à l’intimé s’élevant à 162'000 fr., il a perçu un montant supérieur à ses CDP et n’a donc droit à aucune rémunération supplémentaire. Voudrait-on considérer qu’il aurait été empêché de poursuivre ses activités en raison du litige naissant avec son employeur et admettre qu’il aurait pu sinon réaliser les mêmes CDP qu’en 2017, qu’il n’aurait néanmoins pas droit à un versement supplémentaire. En effet, les CDP de 2017, de 14'893 fr. par mois en moyenne, reportées sur 15 mois, de janvier 2018 à mars 2019, représenteraient 223'395 fr. Ayant perçu pour cette même période 218'079 fr. (162'600 fr. + 30'000 fr. + 25'479 fr.), soit 5'316 fr. de moins, mais alors qu’il restait débiteur d’un solde négatif supérieur permettant à l’employeur d’opérer une compensation selon l’art. 1.3 du Règlement pour la détermination du salaire variable, l’intimé aurait également dû être débouté de ses prétentions.

4.4 Partant, l’appel principal sera admis et le jugement entrepris réformé en ce sens.

5. Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

5.1 Les frais judiciaires de première instance, dont le montant de 3'410 fr. n'est pas contesté par les parties, seront mis à la charge de l'intimé dès lors qu'il succombe (art. 106 al. 1 et 107 al. 1 let. f CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par lui, qui reste acquise à l'État de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 19 al. 3 let. c LaCC et art. 71 RTFMC) et mis à la charge de l’intimé, qui sera condamné à rembourser 1'000 fr. aux appelantes et à verser 1'000 fr. à l'État de Genève.

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 28 mai 2021 par A______ SA et B______ SA contre le jugement JTPH/147/2021 rendu le 28 avril 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/9451/2019 - 4.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 4, 8 et 10 du dispositif du jugement entrepris, cela fait, statuant à nouveau :

Déboute C______ de toutes ses conclusions.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à charge de C______ et le condamne à verser 1’000 fr. à l'État de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire et à rembourser 1'000 fr. à A______ SA et B______ SA, le montant de 1'000 fr. versé par ces dernières restant acquis à l’État de Genève.

Siégeant :

Monsieur Louis PEILA, président; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Monsieur Thierry ZEHNDER, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.