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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/27143/2020

CAPH/37/2022 du 02.03.2022 sur JTPH/321/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27143/2020-5 CAPH/37/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 2 MARS 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 31 août 2021 (JTPH/321/2021), comparant par
Me Jaroslaw GRABOWSKI, avocat, rue Pierre-Fatio 8, case postale 3481,
1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par
Me Yves MABILLARD, avocat, rue Saint-Léger 8, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/321/2021 du 31 août 2021, le Tribunal des prud'hommes groupe 5, statuant par voie de procédure ordinaire, à la forme, a déclaré recevable la demande formée le 23 février 2021 par B______ contre A______ SA (ch. 1 du dispositif), a déclaré irrecevable le mémoire de réponse déposé le 9 juin 2021 par A______ SA (ch. 2), au fond, a condamné A______ SA à payer à B______ la somme brute de 15'000 fr. (quinze mille francs), sous déduction de la somme nette de 10'000 fr. (dix mille francs), avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 novembre 2020 (ch. 3), condamné A______ SA à payer à B______ la somme brute de 24'000 fr. (vingt-quatre mille francs) avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020 (ch. 4), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 5), condamné A______ SA à payer à B______ la somme nette de 542 fr. 30 (cinq cent quarante-deux francs et trente centimes) avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 novembre 2020 (ch. 6), condamné A______ SA à remettre à B______ un certificat de travail conforme à la pièce 18 dem. (ch. 7), et, statuant sur les frais, arrêté les frais de la procédure à 200 fr. (deux cent francs), les a répartis à hauteur de 70 fr. (septante francs) à charge de B______ et de 130 fr. (cent trente francs) à charge de A______ SA, les a compensés partiellement avec l’avance de frais de 200 fr. effectuée par B______, acquise à l’Etat de Genève, a condamné A______ SA à verser à B______ la somme de 130 fr. (cent trente francs) (ch. 8 à 11), a dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 12) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 13).

En substance, le Tribunal a retenu que la réponse déposée le 9 juin 2021 par A______ SA l'avait été tardivement et était en conséquence irrecevable. La cause était en état d'être jugée, au regard des pièces versées au dossier et des allégations de B______, non contredites par dites pièces, et vu le défaut de A______ SA.

Le salaire prévu contractuellement était dû pour le mois de novembre 2020. Le montant de 6'000 fr., prévu dans le contrat à titre d'allocation mensuelle de frais, devait être compris comme un élément du salaire, selon la volonté des parties, auquel B______ avait droit, sauf pour la période durant laquelle il avait bénéficié de RHT COVID, la question de savoir si le montant du salaire horaire pour calculer le montant des RHT comprenait non seulement le salaire de 15'000 fr. mais aussi l'allocation de 6'000 fr. demeurant indécise. Seuls les frais de formation ou de voyage dont le paiement était réclamé en francs suisses étaient dus.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 4 octobre 2021, A______ SA forme appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 2 septembre 2021, concluant à son annulation, et, cela fait, à ce que sa réponse du 7 juin 2021 soit déclarée recevable ou à l'octroi d'un délai pour déposer sa réponse, à ce que soient ordonnés des débats d'instruction en vue de son audition et de l'administration de preuves, à ce qu'il soit statué à nouveau en ce sens que B______ est débouté de toutes ses conclusions et au déboutement de ce dernier de toute autre conclusion, sous suite de frais.

b. Par réponse du 4 novembre 2021, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 17 décembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent du dossier.

a. A______ SA est une société de droit suisse, sise à Genève, dont le but est de fournir toutes prestations de services dans les domaines de l'informatique, du digital, des télécommunications, des technologies de l'information et des réseaux sociaux.

Depuis le 17 avril 2018, C______ et D______ sont administrateurs de la société avec signature collective à deux. Du 17 avril 2018 au 12 octobre 2020, E______ était administrateur président avec signature collective à deux.

b. Par contrat de travail signé le 15 juillet 2019, B______ a été engagé par A______ SA, en qualité de responsable des opérations, à partir du 1er novembre 2019 pour une durée indéterminée.

Selon ledit contrat, le salaire annuel brut était de 180'000 fr. versé en douze mensualités. Une allocation mensuelle de frais nette de 6'000 fr. était prévue, ainsi qu'un bonus discrétionnaire pouvant atteindre au maximum 45'000 fr., en fonction des objectifs atteints par le collaborateur, à déterminer chaque année avec le collaborateur et approuvés par les parties. Par ailleurs, une prime de 5% était attribuée au collaborateur sur la marge de nouvelles prestations rapportées directement par lui (nouveau client).

c. Le 28 février 2020, B______ a réclamé à E______ le paiement de son salaire du mois courant ainsi que des frais qui ne lui avaient pas été remboursés depuis qu'il avait commencé en novembre 2019.

E______ lui a répondu le même jour qu'il attendait huit dossiers de débiteurs, des documents et explications. Il avait dit à C______ qu'aucun argent ne devait être versé en l'absence de documents, dans la mesure où cela faisait deux mois qu'il n'obtenait pas de réponse.

d. Un montant net de 13'426 fr. 65 a été versé à B______ le 3 mars 2020, à titre de salaire de février 2020, soit 15'000 fr. brut, sous déduction des charges sociales de 1'573 fr. 35.

e. De mars à octobre 2020, des indemnités RHT ont été versées à B______, calculées selon un tarif de 86 fr. 55 / heure.

f. Par courriel du 14 juillet 2020 adressé à E______, B______ a réclamé paiement de son salaire du mois de juin 2020 et relevé, comme indiqué au mois de février 2020, qu'il n'avait jamais reçu les allocations de frais forfaitaires mensuelles, prévues dans le contrat.

g. Par courriel du 24 août 2020, B______ a réclamé paiement du salaire du mois de juillet 2020, et rappelé à E______ la teneur de son précédent courriel, resté sans réponse. Il avait toujours respecté ses obligations contractuelles.

h. Par courrier de son conseil du 21 septembre 2020, B______ a mis A______ SA en demeure de lui payer la somme de 60'000 fr., due à titre d'arriéré d'allocation de frais mensuelle et demandé que son salaire lui soit versé avant le 30 de chaque mois.

i. Par courriel du 8 octobre 2020 adressé à E______, B______ a indiqué avoir appris que la prolongation des RHT jusqu'à novembre 2020 avait été acceptée. Il n'avait reçu aucune réponse à son précédent courrier. Il était disposé à ce que la société mette fin à son contrat de travail.

j. Par courrier du 15 octobre 2020, il a imparti un ultime délai à A______ SA pour s'acquitter de l'arriéré d'allocation forfaitaire de 66'000 fr.

k. Par courrier du 20 octobre 2020, A______ SA a résilié le contrat de travail de B______ pour le 20 novembre 2020.

B______ allègue que lors de l'entretien de licenciement, C______ lui a confirmé que l''intégralité de ses allocations pour frais lui serait réglée avec son dernier salaire.

l. Faisant suite à la demande de B______ du 23 novembre 2020, F______ SA, sous la signature de D______, a fait parvenir à ce dernier, le 30 novembre 2020, une attestation pour l'assurance chômage, mentionnant un salaire mensuel de 15'000 fr., une copie des fiches de salaire de novembre 2019 à novembre 2020, indiquant uniquement le salaire brut de 15'000 fr., sous déduction des cotisations sociales (et des RHT de mars à octobre 2020), ainsi qu'une copie de la lettre de résiliation.

m. Constatant que la fiche de salaire de novembre 2020 ne faisait pas mention du paiement des allocations de frais dont il lui avait été promis le paiement, B______, par courrier du 1er décembre 2020, a requis de A______ SA le paiement de son salaire de novembre 2020 prorata temporis, son solde de vacances et l'arriéré de frais dus, chiffré à 72'000 fr., d'ici au 5 décembre 2020, ainsi que la délivrance d'un certificat de travail complet.

n. Par courriel du 11 décembre 2020, B______ a demandé remboursement de frais de formation en lien avec G______, auxquels C______ lui avait demandé de participer, et de frais d'un voyage à H______ pour annoncer des licenciements. Selon une employée, l'application de frais ne fonctionnait pas en février et mars 2020.

Y étaient joints une facture établie le 31 janvier 2020 d'un montant de 1'323 euros, relative aux frais d'inscription aux Sommets du digital 2020 et une note de frais correspondante de 1'323 fr.,des frais de parking/ligne prioritaire de 15 euros, 26.50 euros et 30 fr. pour les 5 et 6 février 2020, des frais d'avion pour des vols les 6 et 7 février 2021 d'un montant de 512 fr. 30 et une note de frais correspondante d'un montant total de 586 fr. 73.

o. Le 16 décembre 2020, B______ a perçu la somme nette de 10'000 fr. sur son compte postal de la part de A______ SA, à titre de "salaires 2020/11 acompte".

p. Par requête de conciliation déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 16 décembre 2020, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 94'909 fr. 70 et en délivrance d'un certificat de travail.

Une audience de conciliation s'est tenue le 9 février 2021, à laquelle A______ SA ne s'est pas présentée, de sorte qu'à l'issue de celle-ci une autorisation de procéder a été délivrée à B______.

q. Par demande ordinaire déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 23 février 2021, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 84'909 fr. 70 et en délivrance d'un certificat de travail final conforme à sa pièce 18, avec suite de frais et dépens. La somme précitée se décomposait comme suit :

- 15'000 fr. brut, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 novembre 2020 à titre de salaire de novembre 2020 ;

- 68'000 fr. net, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020 à titre d'indemnité forfaitaire pour frais professionnels ;

- 1'909 fr. 70 net, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2020, à titre d'indemnité pour frais professionnels.

A l'appui de ses conclusions, B______ a allégué que son salaire de novembre 2020 ne lui avait toujours pas été versé.

De même, ses frais professionnels en lien avec la convention les Sommets du digital et son déplacement à la succursale de la société à H______ ne lui avaient toujours pas été remboursés, malgré sa tentative et son rappel du 15 décembre 2020.

Enfin, l'allocation mensuelle de frais nette de 6'000 fr., prévue par son contrat de travail, équivalait au vu de son montant à une part de salaire.

A l'appui de sa demande, B______ a notamment produit ses fiches de salaire pour les mois de novembre 2019 à novembre 2020. Pour ce dernier mois, le salaire mensuel brut était de 15'000 fr., décomposé de 10'000 fr. à titre de salaire pour vingt jours de travail et 5'000 fr. à titre d'indemnité pour dix jours de vacances, et le salaire net s'élevait à 13'426 fr. 65.

r. Par ordonnance du 26 mars 2021, un délai de trente jours a été imparti à A______ SA pour déposer son écriture de réponse ainsi que les moyens dont elle entendait se prévaloir. Cette ordonnance a été envoyée par pli recommandé et distribuée le 30 mars 2021.

s. Par ordonnance du 26 mai 2021, un délai supplémentaire de dix jours a été imparti à A______ SA pour déposer sa réponse (ch. 1 du dispositif). Les parties ont également été informées, qu'à défaut de réponse dans ce délai supplémentaire, une décision finale serait rendue si la cause était en état d'être jugée et à défaut, la cause serait citée aux débats principaux (art. 223 al. 2 CPC) (ch. 2).

Cette ordonnance a été envoyée par pli recommandé et distribuée le 28 mai 2021 à A______ SA.

t. Le 9 juin 2021, A______ SA a déposé un mémoire de réponse au greffe du Tribunal.

u. Par courrier du 8 juillet 2021, le Tribunal a informé les parties qu'il allait délibérer et a annoncé sa composition. Ce courrier leur a été distribué le 9 juillet 2021.

v. Par courrier du 9 juillet 2021, B______ a indiqué n'avoir pas de motif de récusation.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable notamment contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Dès lors qu'en l'espèce les montants litigieux sont supérieurs à 10'000 fr. et que l'appel a été interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1), il est recevable.

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

2. L'appelante a allégué des faits nouveaux et formulé des conclusions nouvelles en appel.

2.1. Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1).

2.2. En l'espèce, en restant inactive en première instance, l'appelante s'est privée des occasions offertes par le droit de procédure d'alléguer les faits et administrer les preuves nécessaires à soutenir sa cause en justice. Elle ne saurait utiliser l'appel pour y remédier, compte tenu des limites imposées par l'art. 317 CPC à l'invocation de faits nouveaux. Il en résulte que, dans la mesure où l'appelante, dans son mémoire d'appel, expose des faits nouveaux, conteste les faits allégués par la partie adverse en première instance et leur oppose une version de fait différente ou encore s'attaque à l'état de fait retenu par le Tribunal en y opposant une version différente, elle allègue en réalité nouvellement des faits qui ne sont plus admissibles aux débats. Ainsi, à ce stade de la procédure et au vu de ses carences en première instance, l'ensemble des allégués nouveaux de l'appelante en appel sont irrecevables. L'appelante ne peut ainsi qu'articuler en appel des griefs consistant à reprocher au Tribunal, en matière d'établissement des faits, d'avoir retenu ou écarté à tort un fait allégué par l'intimé en administrant et en appréciant de manière erronée les preuves.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il avait été fait une juste application de l'art. 147 al. 3 CPC. Elle soutient que son attention n'avait pas été suffisamment attirée sur les conséquences du défaut.

3.1 A teneur de l'art. 147 al. 3 CPC, le tribunal rend les parties attentives aux conséquences du défaut.

L'obligation d'informer découle du principe de la bonne foi. Il ne s'agit pas d'une prescription d'ordre: l'information correcte selon l'art. 147 al. 3 CPC est en principe une condition de la forclusion, à moins que le plaideur n'ait connu les conséquences de l'omission ou n'ait pu s'en rendre compte en faisant preuve de la diligence que l'on peut attendre de lui. Selon la doctrine, la seule mention de la disposition spéciale applicable ne suffit pas; l'attention des parties doit être attirée sur les conséquences concrètes de l'omission. L'avis selon lequel le juge pourra "rendre directement une décision finale, pourvu que la cause soit en état d'être jugée (art. 223 al. 2 CPC) et sous réserve de l'art. 153 al. 2 CPC" peut être compris dans tout son sens par un juriste, qui sait le situer correctement dans le cadre du mécanisme, complexe, de contestation et de preuve des faits juridiquement pertinents. En revanche, il ne suffit pas à un plaideur non assisté d'un avocat, car il ne l'informe pas clairement sur la conséquence concrète irréversible que pourrait avoir l'omission de la réponse, c'est-à-dire le prononcé d'une décision fondée sur les seuls faits allégués par le demandeur, demeurés incontestés. Ce plaideur doit être informé expressément des conséquences concrètes du défaut de réponse. Il suffit pour cela de préciser que si le délai échoit sans être utilisé, le juge aura la faculté de rendre une décision finale "en se fondant sur les seuls faits allégués par le demandeur" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_381/2018 du 7 juin 2019 consid. 2.2 et 2.4, Bastons Bulletti in CPC Online, newsletter du 11 juillet 2019).

3.2 En l'espèce, dans l'ordonnance du 26 mai 2021 fixant un délai supplémentaire à l'appelante pour déposer sa réponse, son attention était expressément attirée sur les conséquences du défaut, en ce sens qu'il était indiqué que le Tribunal rendrait une décision finale si la cause était en état d'être jugée, mais que dans le cas contraire la cause serait citée aux débats.

Contrairement à ce que tente de soutenir l'appelante, dite mention était suffisante au regard des principes ci-dessus mentionnées. Il n'était pas seulement renvoyé à une disposition légale et la formulation du Tribunal était claire. En tous les cas, en faisant preuve de la diligence requise, l'appelante aurait dû comprendre qu'en ne répondant pas à la demande, elle prenait le risque qu'une décision finale soit rendue. Elle l'a d'ailleurs bien saisi, puisqu'elle a adressé au Tribunal une réponse, mais après l'échéance du délai. Les explications qu'elle donne à cet égard (erreur de date sur le timbre humide du Tribunal) frisent la mauvaise foi. Alors qu'elle savait qu'une procédure avait été initiée à son encontre, ayant déjà été convoquée à l'audience de conciliation et s'étant vu impartir un premier délai pour répondre à la demande, l'appelante a fait preuve d'un manque de diligence en ne se déterminant pas dans le délai nouvellement imparti. Elle ne saurait échapper aux conséquences de cette omission, sous prétexte d'une mauvaise application de l'art. 147 al. 3 CPC.

L'état de fait contenu dans l'arrêt 4A_381/2018 du 7 juin 2019 cité par l'appelante est sensiblement différent de celui de la présente espèce, de sorte qu'il ne saurait en être tiré argument.

Le grief est infondé.

4. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que la cause était en état d'être jugée.

Elle soutient qu'il existe des contradictions entre les allégués de l'intimé et les pièces produites, qui auraient dû conduire le Tribunal à instruire la cause avant de rendre sa décision.

4.1.1 Une partie est défaillante lorsqu'elle omet d'accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître (art. 147 al. 1 CPC). La procédure suit son cours sans qu'il soit tenu compte du défaut, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 147 al. 2 CPC). Le tribunal rend les parties attentives aux conséquences du défaut (art. 147 al. 3 CPC).

Selon l’art.223 al.2, 1rephrase, «le tribunal rend la décision finale si la cause est en état d’être jugée». Cette notion doit être mise en relation avec les règles sur le fardeau de la preuve, le fardeau de la contestation et les cas où le tribunal doit néanmoins instruire d’office: le plus souvent, la maxime des débats s’applique (art. 55 CPC) et l’art.8 CC règle le fardeau de la preuve. Les faits allégués par le demandeur sont par ailleurs dispensés de preuve, puisque faute de réponse le défendeur n’a pas exposé lesquels sont reconnus ou contestés (art. 222 al. 2, 2phrase CPC) et qu’en vertu de l’art. 150 CPC la nouvelle procédure n’exige la preuve que des faits contestés. La cause est donc normalement en état d’être jugée si, sur la base des allégations non contestées de la demande, le tribunal dispose des éléments nécessaires pour statuer sans avoir d’autres mesures notamment d’administration de preuves à mettre en œuvre auparavant.

A ce principe, le CPC apporte deux tempéraments: d’une part le tribunal n’est pas dispensé d’administrer des preuves lorsque les faits doivent être établis d’office (art. 153 al. 1), hypothèse à vrai dire exceptionnelle en procédure ordinaire (art. 219 N 6). D’autre part, même dans une cause en principe pleinement soumise à la maxime des débats, le tribunal aura la faculté d’administrer des preuves d’office s’il existe des motifs sérieux de douter de la véracité d’un fait non contesté. Cela peut évidemment être le cas d’allégations d’une demande non contestées simplement parce que le défendeur n’a pas déposé de réponse, et l’art. 153 al. 2 a été conçu notamment pour l’hypothèse d’un défaut d’une partie, même s’il est aussi susceptible de s’appliquer dans un procès contradictoire (Message CPC, 6923). Dans ce cas, le tribunal a la faculté d’administrer des preuves d’office sans que ce soit une obligation (Kann-Vorschrift), mais il ne devra pas non plus tomber dans l’arbitraire, ni en rendant lettre morte l’art. 223 al. 2, 1re phrase, ni en n’ayant jamais de doutes sur des allégués non contestés.

En pratique, le juge ne doit pas se montrer particulièrement regardant si rien dans le dossier ne donne à penser à ce stade que les affirmations du demandeur ne seraient pas véridiques: il n’a en effet le droit d’ordonner d’office des preuves, dans l’hypothèse envisagée, que s’il a des doutes sérieux à leur égard, doutes qui ne sauraient résulter simplement du fait que le défendeur a négligé de procéder. Il peut en revanche appliquer l’art.153 al.2 si des allégations paraissent invraisemblables au regard des pièces produites avec la demande, ou ne reposent sur aucune appréciation réelle des faits (p.ex. montant du dommage articulé manifestement sans reposer sur un quelconque calcul). Que la nécessité d’administrer d’office des preuves soit fondée sur l’art.153 al.1 ou sur l’art.153 al.2, elle aura pour conséquence que la cause n’est pas en état d’être jugée au sens de l’art.223 al.2, 1rephrase. La procédure devra donc dans ces cas se poursuivre comme en contradictoire, nonobstant l’absence de réponse (CR CPC-Tappy, art. 223 N 9-11).

4.1.2 Sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale (art. 320 al. 1 CO).

4.1.3 Selon l’article 327a al. 1 CO, l’employeur rembourse au travailleur tous les frais imposés par l’exécution du travail et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien.

Un accord écrit, un contrat-type ou une convention collective peuvent autoriser les parties à remplacer le remboursement des frais effectifs par une indemnisation forfaitaire ou périodique, à condition qu'elle couvre au moins tous les frais effectivement encourus par le travailleur (art. 327a al. 2 CO) (ATF 131 III 439 consid. 4, trad. in JdT 2006 I p. 35, cité in Witzig, Droit du travail, 2018, p. 525).

Le remboursement des frais imposés par l'exécution du travail ne fait normalement pas partie de la rémunération du travailleur. Lorsque le remboursement des frais se fait sous forme d'indemnité forfaitaire, il peut cacher un « salaire déguisé ». Connaître la véritable rémunération du travailleur implique donc d'interpréter la volonté des parties (arrêt de la Chambre d'appel des prud'hommes du canton de Genève CAPH/128/2013 du 20 décembre 2013 consid. 3.1).

Constitue un salaire déguisé, soumis aux assurances sociales, l'indemnité forfaitaire que verse l'employeur au travailleur en application de l'article 327a CO, lorsque cette indemnité ne tend pas à défrayer l'intéressé de frais effectivement encourus par ses soins (arrêt du Tribunal fédéral 4C.426/2005 du 28 février 2006 consid. 4 ; Danthe, Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 24 ad art. 327a).

4.2 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la cause était en état d'être jugée, les pièces et allégations permettant de retenir qu'un contrat avait été conclu et que l'allocation de 6'000 fr. prévue était une composante du salaire.

En effet, tout d'abord, l'absence d'une double signature de l'appelante était insuffisante à retenir que le contrat n'avait pas été valablement conclu, aucune forme particulière n'étant requise pour admettre la conclusion d'un contrat de travail et il était allégué et non contesté que l'intimé avait déployé une activité pour l'appelante et touché un salaire pendant plusieurs mois. La prétendue nécessité d'une ratification du contrat par le conseil d'administration (allégation nouvelle irrecevable) ne ressort d'aucune pièce ni allégation recevable, de sorte que le Tribunal n'avait pas à examiner ce point.

Ensuite, l'intimé avait allégué que les parties avaient voulu que l'allocation mensuelle de frais nette constitue une part de salaire. Dans son courrier du 14 juillet 2020, il avait parlé, à cet égard, d'"allocations forfaitaires mensuelles". Il avait allégué que l'appelante s'était engagée à les lui verser avec son salaire du mois de novembre 2020. Compte tenu des autres éléments du dossier, à savoir les retards répétés dans le paiement du salaire de 15'000 fr., l'absence de contestation de l'appelante face aux demandes répétées de l'intimé en paiement des frais forfaitaires, le Tribunal pouvait considérer que la cause était en état d'être jugée, les prétendues contradictions évoquées par l'appelante entre les allégations de l'intimé et les pièces pouvant être résolues sur la base des éléments qui précèdent, sans instruction complémentaire.

Enfin, le dossier ne contient aucun indice d'une éventuelle mauvaise foi de l'intimé à faire valoir ses prétentions (allégation nouvelle irrecevable). Le Tribunal n'avait dès lors pas non plus besoin d'instruire ce point.

Au vu des considérations qui précèdent, il n'existait ainsi aucun motif sérieux de douter de la véracité des faits allégués par l'intimé et non contestés, lesquels étaient suffisants pour qu'une décision finale soit rendue, sans mesure d'instruction.

L'appel, infondé, sera rejeté et le jugement entièrement confirmé.

5. Selon l’art. 19 al. 3 let. c LaCC et l’art. 71 a contrario RTFMC, lorsque la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. devant la Cour de justice, ce qui est le cas en en l'espèce, la procédure est gratuite.

Selon l’art. 22 al. 2 LaCC, il n’est pas alloué de dépens ni d’indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes. Aucun dépens ne sera donc alloué.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA contre le jugement JTPH/321/2021-5 rendu le 31 août 2021 par le Tribunal des prud'hommes, groupe 5 dans la cause C/27143/2020-5.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Anne-Christine GERMANIER, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.