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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/21979/2019

CAPH/11/2022 du 12.01.2022 sur JTPH/85/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21979/2019-5 CAPH/11/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 12 janvier 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 10 mars 2021 (JTPH/85/2021), comparant par
Me Olivier WASMER, avocat, Grand-Rue 8, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Elise DEILLON-ANTENEN, avocate, place Saint-François 5, case postale 7175, 1002 Lausanne, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/85/2021 du 10 mars 2021, reçu par les parties le 11 mars 2021, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 15 janvier 2020 par A______ à l'encontre de B______ SA (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevable l'ordonnance pénale produite par A______ le 1er septembre 2020 (ch. 2), débouté A______ des fins de sa demande (ch. 3), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 1'430 fr. (ch. 5), mis à la charge de A______ (ch. 6) et compensés partiellement avec l'avance de frais fournie par celui-ci à hauteur de 1'270 fr., acquise à l'Etat de Genève (ch. 7), condamné A______ à verser la somme de 160 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l'Etat de Genève (ch. 8), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 9) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 10).

B.            a. Par acte expédié le 23 avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à la condamnation de B______ SA au paiement de 126'750 fr., avec intérêts à 5% dès le 15 juin 2017, correspondant à 39 mois de salaires impayés pour la période de juin 2015 à août 2018, au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite no 1______ et à la condamnation de B______ SA aux frais de poursuites en 190 fr.

A______ a allégué des faits nouveaux et sollicité des mesures d'instruction, à savoir l'audition des parties et de quatre témoins.

b. Dans sa réponse du 14 juin 2021, B______ SA a conclu au rejet de l'appel et des mesures d'instruction sollicitées par A______, sous suite de frais.

c. Le 12 juillet 2021, A______ a requis l'audition de deux témoins supplémentaires.

d. Par avis du 19 août 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ SA (ci-après : B______ SA ou la société) est une société inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2021, qui a pour but toute prestation dans le domaine de l'informatique et des télécommunications. Elle effectue principalement de la location de services, en mettant ses employés (ou "consultants") à disposition de sa clientèle dans le domaine de l'informatique. Son capital-actions de 100'000 fr., entièrement libéré, est divisé en 100 actions nominatives, liées selon les statuts, d'une valeur nominale de 1'000 fr. chacune.

C______ est administrateur président de B______ SA, avec signature individuelle. Lors de la création de la société, il en était l'actionnaire unique.

D______ est administrateur de B______ SA, avec signature individuelle, depuis juin 2018.

b. C______ a fait la connaissance de A______ à la fin de l'année 2013. A cette époque, B______ SA était en difficulté financière et avait besoin de liquidités.

Devant le Tribunal, C______ a déclaré que A______ avait proposé d'investir dans la société, sous la forme d'un prêt de 50'000 fr. En retour, C______ avait offert de lui céder 25% du capital-actions de B______ SA. La somme prêtée avait été versée en deux fois : par un virement de 40'000 fr. opéré au débit du compte de la mère de A______, E______, et par un paiement en espèces de 10'000 fr. En contrepartie du prêt, A______ avait demandé à bénéficier d'un contrat de travail afin de pouvoir cotiser à l'AVS, ce qu'il n'avait plus fait depuis une dizaine d'années. Selon C______, B______ SA n'avait aucunement l'intention d'engager A______ comme employé : il s'agissait d'une exigence fixée par celui-ci compte tenu du prêt consenti à la société. Les parties étaient en outre convenues qu'au-delà du remboursement du prêt, B______ SA ne verserait aucune rémunération à A______, à moins que celui-ci n'apporte de nouveaux mandats à la société, éventualité qui ne s'était pas réalisée.

A______ a contesté ces explications. Il a déclaré que son investissement de 50'000 fr. ne correspondait pas à un prêt, mais au prix d'achat de 25% du capital-actions de B______ SA. Il a ajouté que, parallèlement à cette acquisition, les parties avaient décidé de conclure un contrat de travail en bonne et due forme.

c. Par courriel du 28 septembre 2013, intitulé "proposition d'actionnariat et collaboration", C______ s'est adressé en ces termes à A______ :

"[N]ous avons le plaisir de confirmer notre volonté de conclure ton entrée dans le capital de B______ SA. ( ) La proposition unique que nous aimerions te faire est de participer au capital de B______ SA (...) en tant que membre du conseil d'administration à la hauteur de 33% par une augmentation du capital de 50'000 fr. ( ). Par la même occasion tu deviendras employé signataire de B______ SA avec un salaire brut minimal de 2'500 fr. / mois pendant une période de 18 mois contre l'annulation du contrat de prêt de 40'000 fr. qui nous lie. (avec clause de remboursement du solde en cas de rupture du contrat de travail). ( ) Afin de conclure cet arrangement nous devons réaliser les points suivants : signature d'un contrat de travail entre toi et B______ SA à partir du premier octobre 2013; mise à disposition des outils de travail et accès aux systèmes d'information de B______ SA ( )".

d. Le 9 octobre 2013, C______ et A______ ont conclu un contrat de cession d'actions nominatives, à teneur duquel le premier a cédé au second 25 actions nominatives de B______ SA pour le prix de 60'000 fr.

Devant le Tribunal, C______ a déclaré que les actions mentionnées dans ce contrat n'avaient jamais été émises et que A______ les avait reçues "en cadeau" – ce que ce dernier a contesté.

e. Le ______ 2013, A______ a été inscrit au registre du commerce en qualité d'administrateur secrétaire de B______ SA, avec signature collective à deux, puis avec signature individuelle à compter du ______ 2014.

f. Le 4 septembre 2014, A______ et B______ SA, représentée par C______, ont signé un document intitulé "contrat de travail".

Aux termes de ce contrat, A______ était engagé pour la location de ses services auprès d'entreprises tierces, en qualité de "Consultant Senior" dans le domaine du "Support de systèmes d'information", pour un salaire mensuel brut d'au moins 3'250 fr. Le contrat débutait le 1er septembre 2014 et était conclu pour une durée indéterminée. Il contenait par ailleurs diverses clauses usuelles dans un contrat de travail (déductions liées aux charges sociales, droit aux vacances, salaire en cas de maladie, protection contre le licenciement en temps inopportun, etc.).

g. A teneur des fiches de salaire établies par B______ SA, A______ a perçu, pour les mois de janvier 2014 à mai 2015, un salaire mensuel brut de 3'250 fr. (excepté en août 2014, son salaire brut étant de 4'481 fr. 90), correspondant à un salaire net de 3'034 fr. 15, après déduction des charges sociales (excepté en août et décembre 2014, son salaire net s'étant élevé à 4'000 fr., respectivement à 2'874 fr. 95).

A teneur des relevés bancaires de la société, A______ a perçu un montant mensuel de 3'034 fr. 15, versé à titre de "salary", de septembre 2014 à mai 2015 (excepté en décembre 2014, le montant perçu étant de 2'874 fr. 95).

Dans son appel, A______ a confirmé que B______ SA lui avait versé un salaire mensuel brut de 3'250 fr. de janvier 2014 à mai 2015, soit un montant total de 55'250 fr. (3'250 fr. x 17 mois).

h. Le 23 septembre 2016, C______ a adressé à A______, en sa qualité d'actionnaire, un document relatif à la clôture des comptes de la société pour l'année 2015 ("Abschlussdokumente 2015"). Il en ressort que cette année-là, A______ a perçu un salaire mensuel net de 3'034 fr. 15 de janvier à mai 2015; aucun paiement n'a été enregistré par la suite.

i. Par courriel du 3 août 2018, C______ a rappelé à A______ que les parties avaient prévu de signer, le lundi suivant, un accord portant sur le transfert de 20% des actions détenues par ce dernier. Il a ajouté que dans l'hypothèse où cet accord n'était pas finalisé, il suspendrait "toute activité de [A______] au sein de B______ SA avec effet immédiat".

Les parties divergent sur l'objet de ce message. Selon B______ SA, l'accord évoqué dans ce courriel visait à permettre à la société de "récupérer" les actions que A______ avait obtenues "de manière gratuite et abusive"; il n'était pas question du contrat signé par les parties le 4 septembre 2014, lequel avait pris fin en mai 2015. Selon A______, ce courriel avait mis fin au contrat de travail conclu par les parties en septembre 2014.

j. Le ______ 2019, le mandat d'administrateur de A______ a été révoqué par l'assemblée générale de B______ SA. Le précité a ensuite été radié du registre du commerce en juin 2019.

k. Par pli de son conseil du 3 avril 2019, A______ a sommé B______ SA de lui verser la somme de 126'750 fr., correspondant aux arriérés de salaire qui lui étaient dus "jusqu'à fin août 2018", en vertu du contrat de travail conclu par les parties en septembre 2014. Il a exposé qu'il avait toujours effectué son travail à la satisfaction de la société, qui n'avait jamais fait d'observation quant à la quantité et quant à la qualité de ses prestations. Or, en dépit de ses "demandes insistantes", la société ne lui avait plus versé son salaire sur une période totalisant 39 mois.

l. Le 8 mai 2019, A______ a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite no 1______, pour un montant de 126'750 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 juin 2017.

m. Par demande du 18 septembre 2019, déclarée non conciliée le 25 novembre 2019 et introduite devant le Tribunal le 15 janvier 2020, A______ a conclu à la condamnation de B______ SA au paiement de 126'750 fr., avec intérêts à 5% dès le 15 juin 2017, et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite no 1______, les frais de poursuite devant être mis à charge de la société.

Il a allégué que B______ SA l'avait engagé en qualité de "Consultant Senior" depuis le 1er septembre 2014, moyennant paiement d'un salaire mensuel brut de 3'250 fr. Il avait toujours exécuté la part du travail qui lui incombait et la société avait régulièrement payé ses salaires "de septembre 2014 jusqu'à juillet 2017". "Curieusement", B______ SA avait cessé tout paiement "depuis août 2018" jusqu'à ce jour, ce qui représentait 39 mois de salaires impayés. A______ avait adressé de "très nombreux rappels et mises en demeure orales et téléphoniques" à C______, qui l'avait rassuré et prétexté "toutes sortes de raisons fallacieuses pour ne pas s'exécuter". Par pli de son conseil du 3 avril 2019, il avait sommé B______ SA de lui verser la somme de 126'750 fr. correspondant au salaire qui lui était dû "du 1er septembre 2014 jusqu'à août 2018". Cette sommation étant restée vaine, il se voyait contraint d'agir en paiement devant le Tribunal.

A______ n'a formulé aucun allégué au sujet de la nature et des modalités du travail fourni à B______ SA durant la période faisant l'objet de sa demande en paiement (nature des prestations effectuées, lieu d'exécution du travail fourni, horaires de travail observés, lien de subordination envers la société, etc.).

n. Dans sa réponse du 25 mai 2020, B______ SA a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a allégué qu'à la fin de l'année 2013, A______ avait décidé d'investir un montant de 60'000 fr. (sic) dans la société, qui avait besoin de liquidités. En contrepartie, C______ lui avait proposé de lui céder 25% du capital-actions. A______ avait émis le souhait de rechercher et d'apporter de nouveaux mandats à B______ SA "grâce à un prétendu carnet d'adresse bien rempli". C______ lui avait alors proposé d'être administrateur de la société, ce qu'il avait accepté. Dans le cadre de cette activité d'apporteur d'affaires, les futurs mandats apportés par A______ auraient dû faire l'objet de commissions. Toutefois, celui-ci avait demandé à être engagé par la société et à percevoir un salaire fixe. C______ avait accédé à cette requête, à la condition que la durée du versement du salaire et, partant, du contrat de travail, soit limitée à l'équivalent du montant de 60'000 fr. investi par l'intéressé. En effet, la société n'entendait pas verser un salaire plus élevé sans garantie quant aux résultats obtenus par A______. Le versement d'un salaire atteignant la somme investie par celui-ci devait ainsi mettre fin au contrat de travail.

L'acte signé le 4 septembre 2014 était un "document purement formel", qui avait pour seul objectif de fournir un contrat de travail écrit au demandeur, selon son souhait. Il ne correspondait toutefois pas à la réelle et commune volonté des parties. B______ SA avait utilisé le contrat-type destiné aux employés dont elle louait les services, alors que A______ n'avait jamais été mis à disposition d'entreprises clientes en tant que "Consultant Senior" dans le domaine informatique. Sa mission consistait à apporter de nouveaux mandats à la société, ce qui correspondait à l'activité d'un apporteur d'affaires. Par ailleurs, le début des relations contractuelles mentionné dans le contrat était erroné, puisque l'intéressé avait perçu un salaire à partir de janvier 2014, cela jusqu'en mai 2015. Durant cette période, A______ n'avait apporté aucune affaire à la société. Gérant librement son temps, il n'avait déployé son activité pour le compte de la société que de manière très sporadique. Dans la mesure où le montant total des "salaires" versés sa faveur avait dépassé le montant de son investissement et que l'intéressé n'avait apporté aucun nouveau mandat à B______ SA, celle-ci l'avait informé qu'elle cesserait de le rémunérer à compter de juin 2015.

Par la suite, A______ avait demandé à C______ s'il pouvait rester membre du conseil d'administration de B______ SA et, dans le cadre de ce mandat, continuer à chercher ponctuellement de nouvelles affaires pour la société. C______ avait accepté, en précisant qu'une commission ne lui serait versée que s'il venait effectivement à apporter des mandats à l'entreprise. Or A______ n'avait apporté aucun mandat susceptible de faire l'objet d'une facturation. Dès janvier 2018, B______ SA n'avait plus réussi à joindre le précité qui ne répondait plus aux courriels ni au téléphone. Cette situation avait entraîné la révocation de son mandat d'administrateur en 2019. C'était dans ce contexte que la société lui avait, par courriel du 3 août 2018, proposé de récupérer ses actions (cf. supra let. i). Peu après la révocation de son mandat d'administrateur, A______ avait, soudainement et pour la première fois, réclamé un prétendu salaire pour la période postérieure au 31 mai 2015.

o. Lors de l'audience de débats d'instruction du 17 septembre 2020, A______ a précisé que la somme réclamée de 126'750 fr. correspondait aux salaires qui lui étaient dus pour les mois de juin 2015 à août 2018 – et non de septembre 2014 à août 2018 comme indiqué dans la demande.

Il a allégué que son investissement dans la société s'était élevé à 50'000 fr. et non à 60'000 fr. (fait admis; cf. supra let. b). Son travail consistait à apporter de nouveaux mandats à B______ SA et à rechercher des "consultants" dont les services pourraient être loués auprès d'entreprises clientes. Il n'avait aucune pièce à produire pour étayer ses dires à ce sujet. Il était exact que B______ SA n'avait jamais loué ses services à des clients comme consultant informatique. Il avait travaillé pour la société jusqu'à la réception du courriel de C______ du 3 août 2018. Il avait régulièrement réclamé à C______ le versement de son salaire, par oral, ce que le précité a contesté.

p. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire, puis à la déposition des parties lors de l'audience du 8 décembre 2020.

A______ a déclaré que lorsqu'il avait décidé d'investir dans la société, en 2013, il n'avait "pas tout de suite pensé à [s]e lier par un contrat de travail à cette dernière". Il avait commencé à venir dans les locaux de B______ SA dès septembre 2013, sans percevoir de salaire, pour voir comment fonctionnait l'entreprise dans laquelle il avait investi. Ce n'était qu'en janvier 2014 que la question avait été discutée avec C______ et que le contrat de travail avait été signé. B______ SA l'avait engagé pour une durée indéterminée. Son rôle consistait à "être conseiller et faire de l'administration". A ce titre, il avait organisé de nombreux rendez-vous pour une dizaine de sociétés, ce qui avait nécessité des centaines d'appels téléphoniques. Il n'avait pas de supérieur hiérarchique et travaillait en collaboration avec C______. Il pouvait organiser son travail comme il l'entendait et sans avoir de comptes à rendre. Il se rendait dans les locaux de la société "tous les jours, toute la journée". En mai 2015, C______ lui avait indiqué que le paiement de son salaire serait suspendu provisoirement, le temps que les affaires aillent mieux. Il avait continué à travailler au même rythme qu'avant, car il faisait confiance à C______. Il lui avait souvent réclamé le paiement son salaire, mais il n'avait "pas pensé à faire les choses par écrit". Entre son arrivée chez B______ SA et son départ, le chiffre d'affaires de la société avait quadruplé. Il n'avait pas amené de nouveaux mandats à la société, mais il avait participé à la bonne marche des affaires grâce à ses conseils.

C______ a déclaré que les parties avaient été des partenaires commerciaux et qu'elles n'avaient jamais eu l'intention de se lier par un contrat de travail. S'il était exact que le chiffres d'affaire de B______ SA avait quadruplé au fil des ans, cette progression était uniquement due aux mandats qu'il avait personnellement apporté à la société et non à l'activité de A______.

q. Lors de l'audience du 28 janvier 2021, F______, entendu comme témoin par le Tribunal, a déclaré être le sous-locataire de A______ depuis deux ans. En 2013, 2014, 2016 et 2017, il s'était rendu à plusieurs reprises dans les bureaux de la société pour y rencontrer A______ durant ses pauses. Celui-ci lui avait expliqué qu'il était salarié de B______ SA et que son travail "consistait à placer des ingénieurs en informatique". A______ lui avait également parlé du litige qui l'opposait à B______ SA et du procès en cours.

D______, administrateur de B______ SA, a été interrogé par le Tribunal à la même audience. Il a déclaré qu'il était en charge du back office pour la société depuis 2016. Il s'occupait également du paiement des salaires depuis 2011, en tant qu'employé externe. Fin 2013, C______ l'avait informé que A______ souhaitait investir dans la société. D______ ne savait pas exactement ce que faisait A______ au sein de B______ SA. En particulier, il ne savait pas si les parties étaient liées par un contrat de travail; de même, il ignorait si A______ avait apporté de nouveaux mandats à la société, notamment après le mois de mai 2015. Un salaire avait été payé à A______ de janvier 2014 à mai 2015. Lors du premier paiement, en janvier 2014, D______ avait demandé à C______ comment les montants versés à A______ devaient être comptabilisés. C______ lui avait expliqué que ces versements n'étaient pas la contrepartie d'un travail, mais le remboursement d'un investissement. A une reprise, en 2017, D______ s'était rendu dans les bureaux de B______ SA à Genève. Il avait assisté à une réunion pour "parler de l'avenir" de la société, en présence des actionnaires (i.e. C______ et A______) et de deux autres personnes. Lors de cette réunion, A______ n'avait formulé aucune réclamation, qu'il s'agisse du "versement d'un salaire ou autre".

A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu, en substance, que le "contrat de travail" signé le 4 septembre 2014 ne reflétait pas la réelle et commune volonté des parties. D'une part, C______ avait affirmé, de façon convaincante, que la société n'avait jamais souhaité se lier par un contrat de travail à A______. D'autre part, le contrat mentionnait plusieurs éléments qui ne correspondaient manifestement pas à la situation de fait objectivement vécue par les parties. Ainsi, celles-ci convenaient que les rapports contractuels avaient débutés en janvier 2014 et non en septembre 2014 comme stipulé dans le contrat. Par ailleurs, A______ avait admis qu'il n'avait jamais exercé une activité de consultant en informatique telle que prévue dans le contrat. Interrogé à ce sujet, il n'avait pas été en mesure d'alléguer, encore moins de prouver, les tâches qu'il aurait accomplies pour le compte de B______ SA en qualité d'employé. Sa présence dans les locaux de la société en 2016 et 2017, attestée par F______, ne signifiait pas que A______ s'y trouvait en tant qu'employé, puisqu'il était à cette époque également administrateur et actionnaire de B______ SA. En tout état, les déclarations de F______ (selon lesquelles A______ aurait indiqué être salarié de la société) constituaient un témoignage indirect et étaient sujettes à caution, compte tenu du fait que ce témoin était le sous-locataire de A______ et qu'il était informé du procès en cours. De surcroît, A______, alors qu'il en supportait le fardeau, n'avait pas apporté la preuve de l'élément caractéristique d'un contrat de travail, à savoir l'existence d'un rapport de subordination vis-à-vis de la société. Lors de son interrogatoire, A______ avait d'ailleurs affirmé qu'il n'avait pas de supérieur hiérarchique, qu'il travaillait en collaboration avec C______, sans avoir de comptes à lui rendre, et qu'il pouvait organiser son activité comme il l'entendait. En conséquence, l'existence d'un contrat de travail entre les parties pouvait être niée à ce stade déjà, faute de tout lien de subordination.

A______ avait certes touché pendant plusieurs mois une rémunération mensuelle brute de 3'250 fr., avec déduction des charges sociales, conformément à ce que stipulait le contrat du 4 septembre 2014. Toutefois, bien que cette rémunération puisse s'apparenter, selon la terminologie employée par les parties, à un salaire, cet élément ne suffisait pas, à lui seul, pour admettre l'existence d'un contrat de travail. Sur ce point, B______ SA avait affirmé que la rémunération perçue par A______ lui avait été versée en remboursement du prêt qu'il avait consenti à la société et que cette rémunération cesserait une fois ce prêt remboursé. La société avait également soutenu, sans discontinuer, qu'après remboursement du prêt, toute rémunération ultérieure de A______ était conditionnée à l'apport d'affaires par celui-ci. Le courriel que C______ avait adressé à A______ le 28 septembre 2013 reflétait l'accord des parties à ce sujet. Selon les déclarations concordantes des parties, B______ SA avait reçu une somme de 50'000 fr. de la part de A______, ce qui correspondait à peu de chose près au montant de la rémunération que celui-ci avait perçue de janvier 2014 à mai 2015 (3'250 fr. x 15 mois (sic), soit 48'750 fr.). Il ressortait par ailleurs des comptes de la société pour 2015 qu'aucun versement n'avait été opéré en faveur de A______ au-delà du mois de mai 2015. Cela confirmait que les parties étaient convenues de limiter la rémunération due à A______ à une somme équivalente à son investissement de 50'000 fr. et qu'une fois cette somme remboursée, le précité ne serait rémunéré qu'à la condition d'apporter de nouveaux mandats à la société (éventualité qui ne s'était pas réalisée).

Au surplus, A______ n'avait pas démontré avoir réclamé, avant le courrier de son conseil du 3 avril 2019, le versement d'un quelconque salaire à compter du mois de juin 2015. Ses déclarations à ce sujet, incohérentes et contradictoires (s'agissant notamment de la période pour laquelle il réclamait son salaire), étaient dénuées de crédibilité. En particulier, il n'était guère plausible qu'un employé travaille pendant plusieurs années sans percevoir ni réclamer son salaire, si un tel salaire avait réellement été convenu. Contrairement à ce que prétendait A______, la lecture du courriel du 3 août 2018 ne permettait pas de retenir que B______ SA lui aurait signifié la fin d'un contrat de travail, mais uniquement sa volonté de récupérer les actions qu'il détenait. En définitive, A______ n'avait pas prouvé l'existence de rapports de travail entre les parties. Dans la mesure où il n'avait pas prouvé avoir apporté de nouveaux mandats à la société, il ne pouvait pas non plus prétendre au paiement de la somme de 126'750 fr. sur la base d'un autre rapport contractuel (par ex. sur la base d'un contrat de mandat). Pour toutes ces raisons, A______ devait être débouté des fins de sa demande en paiement.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. a et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits, la Cour disposant d'un pouvoir d'examen complet (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC). Le présent litige est soumis à la maxime des débats et au principe de disposition (art. 55 CPC et 58 CPC).

2.             L'appelant a formulé des allégués nouveaux devant la Cour, s'agissant de la nature des prestations de travail fournies au service de l'intimée de 2014 à 2018, de ses horaires de travail et de son lien de subordination vis-à-vis de cette dernière. Il a par ailleurs invoqué des moyens de preuve nouveaux, non soumis au Tribunal, à savoir l'audition de plusieurs témoins. Enfin, l'appelant a sollicité de la Cour qu'elle procède à l'audition des parties.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte au stade de l'appel que s'ils sont produits sans retard (let. a) et ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2; TAPPY, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel : ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur qui entend les invoquer d'exposer en détail les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le "pseudo nova" en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

De manière générale, la procédure d'appel ne sert pas à compléter la procédure devant l'instance précédente, mais à examiner et corriger la décision de première instance au regard des critiques concrètes formulées à son encontre (ATF
142 III 413 consid. 2.2.2).

2.2 En l'occurrence, les allégués et moyens de preuve nouveaux dont l'appelant se prévaut devant la Cour sont des pseudo nova. L'appelant n'expose pas en quoi il aurait été dans l'impossibilité de les invoquer devant le Tribunal, avant que celui-ci ne garde la cause à juger, de sorte que ces allégués et moyens de preuve sont irrecevables.

Au surplus, il ne se justifie pas d'ordonner une nouvelle audition des parties devant la Cour. Outre que les premiers juges ont entendu les parties à trois reprises, les 17 septembre 2020, 8 décembre 2020 et 28 janvier 2021, l'appelant n'expose pas en quoi une telle mesure d'instruction serait pertinente au stade de la procédure d'appel.

3.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir nié l'existence d'un contrat de travail dans le cas d'espèce.

3.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche) (art. 319 al. 1 CO).

Les quatre éléments constitutifs du contrat de travail sont les suivants : a) une prestation personnelle de travail, b) la mise à disposition par le travailleur de son temps pour une durée déterminée ou indéterminée, c) un rapport de subordination, et d) un salaire (cf. Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 22 ss; MEIER, CR CO I, 3ème éd. 2021, n. 8 ss ad art. 319 CO).

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut pour en déduire un droit (art. 8 CC; ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.1.2, in JAR 2017 p. 123).

3.1.2 Le lien de subordination constitue le critère distinctif essentiel du contrat de travail (ATF 125 III 78 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2; Witzig, Droit du travail, Zurich, 2018, p. 86 ss; Witzig, La subordination dans le contrat de travail, in SJ 2015 II 39 ss, p. 41). Il présuppose que le travailleur soit soumis à l'autorité de l'employeur pour l'exécution du contrat, cela au triple point de vue personnel, fonctionnel (organisation et contrôle), temporel (horaire de travail), et, dans une certaine mesure, économique (ATF
125 III 78 consid. 4; 121 I 259 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_553/2008 du 9 février 2009 consid. 4.1).

La dépendance personnelle réside en ceci que le travailleur s'engage à développer une activité dont la nature, l'importance, les modalités et l'exécution ne sont souvent déterminées que de manière très générale dans le contrat de travail et doivent être précisées et concrétisées par le biais d'informations et d'instructions particulières, données au fil du temps par l'employeur. Le travailleur s'engage ainsi à respecter les instructions de l'employeur et à se soumettre aux mesures de supervision que celui-ci ordonne (SJ 1990, p. 185; MEIER, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 319 CO; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 22 ss; Witzig, La subordination dans le contrat de travail, op. cit., p. 44, 51-52).

La notion de rapport hiérarchique ou fonctionnel implique que le travailleur est incorporé dans l'entreprise de l'employeur et se voit attribuer une position déterminée au sein de son organisation (arrêt du Tribunal fédéral 4C_276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.1). Du point de vue temporel, le travailleur doit en principe respecter l'horaire de travail fixé par l'employeur (Witzig, La subordination dans le contrat de travail, op. cit., p. 44, 51-52).

La dépendance économique – critère dont l'importance doit être relativisée selon le Tribunal fédéral – réside, quant à elle, en ceci que le salaire permet au travailleur d'assurer sa subsistance (arrêts du Tribunal fédéral 4C_276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.3.1 et 4.6.1; 4C_462/2004 du 20 avril 2005 consid. 4.3.3; MEIER, op. cit., n. 10 ad art. 319 CO; Witzig, Droit du travail, op. cit., p. 85).

3.1.3 En plus des quatre critères essentiels, d'autres indices peuvent aider à distinguer le contrat de travail d'autres types de contrats, sans toutefois être décisifs. Sont des indices d'existence d'un contrat de travail la stipulation d'un délai de congé, d'une clause de prohibition de concurrence, le droit de jouir de vacances, l'existence d'un temps d'essai, la présence d'un élément de durée, le fait que les conditions de temps et de lieu dans lesquelles le travail doit être exécuté sont fixées dans le contrat, la mise à disposition des instruments de travail et le remboursement des frais ainsi que la dépendance économique. Il en va de même de la qualification du revenu en droit fiscal ou de celle retenue par les assurances sociales (MEIER, op. cit., n. 15 ad art. 319 CO).

S'agissant des rapports juridiques entre une personne morale et ses organes, singulièrement entre une société anonyme et les membres du conseil d'administration ou de la direction, ils peuvent relever à la fois du droit des sociétés et du droit des contrats. Sous ce dernier aspect, la tendance est plutôt de considérer que les directeurs sont liés par un contrat de travail et les administrateurs par un mandat ou un contrat sui generis analogue au mandat. En tous les cas, lorsque l'organe dirigeant exerce son activité à titre principal, le critère décisif en faveur du contrat de travail est le rapport de subordination, l'intéressé étant alors soumis à des instructions, par exemple du conseil d'administration (ATF 130 III 213 consid. 2.1; 128 III 129 consid. 1a/aa; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2015 du 10 décembre 2015 consid. 5; 4C.39/2005 du 8 juin 2005 consid. 2.3). Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de déterminer si l'activité en cause est exercée de manière dépendante ou indépendante (ATF 130 III 213 consid. 2.1; 129 III 664 consid. 3.2; 128 III 129 consid. 1a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1).

3.2.1 La qualification juridique d'un contrat est une question de droit (ATF
131 III 217 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.1). Le juge détermine librement la nature de la convention d'après l'aménagement objectif de la relation contractuelle, sans être lié par la qualification, même concordante, donnée par les parties (ATF 84 II 493 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 5.3 = JdT 2012 II 198). La dénomination d'un contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa nature juridique (art. 18 al. 1 CO; ATF 129 III 664 consid. 3.1).

Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'attacher à rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; interprétation dite subjective). Pour ce faire, le juge prendra en compte non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; 140 III 86 consid. 4.1; 107 II 417 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 7.1). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si leurs volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la théorie de la confiance (interprétation dite objective). Il doit alors rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 135 III 410 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.1). L'interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 626 consid. 3.1 in fine).

Le fardeau de la preuve de l'existence et du contenu de la volonté subjective des parties est à la charge de la partie qui s'en prévaut (arrêt du Tribunal fédéral 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 7.1)

3.2.2 On est en présence d'un acte simulé au sens de l'art. 18 CO lorsque les deux parties sont d'accord que les effets juridiques correspondant au sens objectif de leur déclaration ne doivent pas se produire et qu'elles n'ont voulu créer que l'apparence d'un acte juridique à l'égard des tiers (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc; 112 II 337 consid. 4a; 97 II 201 consid. 5 et les arrêts cités).

La volonté véritable des parties tendra soit à ne produire aucun effet juridique, soit à produire un autre effet que celui de l'acte apparent; dans ce dernier cas, les parties entendent en réalité conclure un second acte dissimulé (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc; 112 II 337 consid. 4a). Juridiquement inefficace d'après la volonté réelle et commune des parties, le contrat simulé est nul (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc;
97 II 201 consid. 5 et les arrêts cités), tandis que le contrat dissimulé – que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu – est valable si les dispositions légales auxquelles il est soumis quant à sa forme et à son contenu ont été observées (ATF 117 II 382 consid. 2a.; 96 II 383 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_362/2012 du 28 septembre 2012 consid. 4.1 et les références citées).

Il incombe à celui qui se prévaut de la simulation d'en apporter la preuve (art. 8 CC), étant précisé qu'on ne saurait admettre trop facilement que les déclarations ou attitudes des parties ne correspondent pas à leur volonté réelle; le juge doit se montrer exigeant en matière de preuve d'une simulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2016 du 25 août 2016 consid. 3.3.2).

3.3.1 En l'espèce, il s'agit d'examiner – dans un premier temps – si les parties ont été liées par un contrat de travail et, partant, si les quatre éléments constitutifs d'un contrat de travail sont réalisés dans le cas concret.

S'agissant du premier élément constitutif, l'appelant ne démontre pas qu'il aurait fourni une prestation personnelle de travail en faveur de l'intimée à partir du mois de janvier 2014. Les déclarations de l'appelant à ce sujet (au demeurant fort vagues) sont contredites par celles de l'intimée, qui affirme que l'appelant n'a jamais travaillé à son service. Le témoignage de F______ n'est quant à lui pas concluant. Outre que les déclarations de ce témoin relèvent de l'ouï-dire, celui-ci s'est limité à indiquer qu'il avait rencontré l'appelant dans les bureaux de l'intimée en 2013, 2014, 2016 et 2017. Il n'a en revanche pas spécifié ce que l'appelant faisait dans les bureaux de la société lors de ces rencontres, ni à quel titre il s'y trouvait. Or, à cette époque, l'appelant était administrateur et actionnaire de la société, ce qui, en soi, suffit à expliquer sa présence dans les locaux de la société entre 2013 et 2017. A cela s'ajoute que les déclarations du témoin F______ doivent être appréciées avec circonspection vu ses liens contractuels avec l'appelant (dont il est le sous-locataire) et le fait que celui-ci l'a informé du procès en cours. En outre, devant le Tribunal, l'appelant n'a pas sollicité l'audition de témoins internes à la société ni produit de pièce susceptible d'étayer les prestations effectuées en faveur de cette dernière, notamment pour la période allant du 1er juin 2015 au 31 août 2018 (soit la période visée par sa demande en paiement). Dans ce contexte, c'est en vain que l'appelant se prévaut du fait que l'intimée n'aurait jamais critiqué "la qualité [et] la quotité de [son] excellent travail". Ce faisant, il perd de vue qu'il lui incombait de prouver l'existence même de la prestation de travail exécutée au profit de l'intimée, ce qu'il n'a pas fait (à cet égard, on voit mal comment l'intimée aurait pu critiquer une prestation de travail dont la réalité n'a pas été démontrée).

S'agissant du deuxième élément constitutif, l'appelant n'a pas allégué ni a fortiori établi les horaires de travail qu'il aurait observés dès janvier 2014 et, plus particulièrement, du 1er juin 2015 au 31 août 2018.

S'agissant du troisième élément constitutif, l'appelant a lui-même admis devant le Tribunal qu'il n'existait aucun lien de subordination envers l'intimée : en effet, lors de son interrogatoire, il a affirmé qu'il n'avait pas de supérieur hiérarchique, qu'il travaillait "en collaboration" avec C______ et qu'il organisait son activité comme il l'entendait, sans avoir de comptes à rendre – ce qui était du reste compatible avec sa fonction d'administrateur/actionnaire de la société à cette époque.

De son côté, D______ – employé externe de l'intimée depuis 2011, chargé du paiement des salaires et, depuis avril 2016, du back office de la société – a déclaré qu'il ne savait pas exactement ce que faisait l'appelant au sein de cette dernière. Il a ajouté qu'il ignorait si les parties étaient liées par un contrat de travail, respectivement si l'appelant avait déployé une activité pour le compte de la société avant ou après mai 2015 – ce qui ne va pas dans le sens d'une incorporation claire et d'une position déterminée de l'appelant dans l'entreprise.

S'il est vrai que l'appelant a touché un "salaire" pendant plusieurs mois, cet élément n'est pas suffisant à lui seul pour admettre l'existence d'un contrat de travail.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'appelant n'avait pas démontré que les éléments constitutifs d'un contrat de travail étaient remplis in casu et, partant, qu'il l'a débouté de ses prétentions en paiement d'un salaire pour les mois de juin 2015 à août 2018.

3.3.2 Pour le surplus, le Tribunal a considéré que les parties n'étaient pas liées par le contrat signé le 4 septembre 2014, dans la mesure où ce "contrat de travail" ne reflétait pas leur commune et réelle intention – ce que l'appelant remet en cause devant la Cour.

Conformément à l'art. 320 CO, le contrat individuel de travail, qui n'est soumis à aucune forme (al. 1), est réputé conclu lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire (al. 2). Il s'ensuit que l'existence d'un contrat de travail suppose la réalisation des quatre critères constitutifs décrits supra, indépendamment de la conclusion d'un contrat revêtant la forme écrite. En l'occurrence, l'appelant n'a pas apporté la preuve y relative, ce qui suffit à sceller le sort de son appel.

Les critiques de l'appelant relatives au fait que le Tribunal aurait mal calculé le total des "salaires" perçus et/ou mal interprété la clause du "contrat de travail" traitant du début des rapports contractuels sont dénuées de pertinence et ne changent rien à ce qui précède.

Au demeurant, les parties conviennent que l'appelant n'a jamais été placé auprès d'entreprises clientes de l'intimée en tant que "consultant senior" en informatique, contrairement à ce qui est stipulé dans le contrat du 4 septembre 2014. L'appelant a en outre reconnu qu'il avait commencé à se rendre dans les locaux de la société en septembre 2013, sans être rémunéré et sans avoir l'intention de se lier à l'intimée par un contrat de travail. Dans ce contexte, le fait que le contrat signé le 4 septembre 2014 contient certaines clauses génériques, usuelles dans un contrat de travail, n'est pas décisif en soi.

Enfin, s'agissant du comportement de l'appelant, il ressort du dossier que celui-ci n'a pas réagi au courriel que C______ lui a adressé le 23 septembre 2016, quand bien même ce courriel confirmait qu'il n'avait plus droit à un "salaire" après le 31 mai 2015. De même, l'appelant n'a pas démontré avoir réclamé de l'intimée qu'elle lui verse le "salaire" stipulé dans le contrat après que celle-ci a cessé tout paiement en sa faveur dès le 1er juin 2015 (étant observé qu'à cette date, le montant de 50'000 fr. investi par l'appelant avait été entièrement remboursé par l'intimée, ce qui tend à démontrer que le courriel de C______ du 28 septembre 2013 reflétait la réelle volonté des parties, comme l'a retenu le Tribunal).

Ainsi, l'attitude de l'appelant – qui a patienté pendant près de quatre ans, soit jusqu'au 3 avril 2019, pour réclamer le paiement de son "salaire", peu de temps après la révocation de son mandat d'administrateur – conforte la Cour, tout comme elle a conforté le Tribunal, dans la conviction que les parties n'ont jamais eu la réelle et commune intention de se lier par un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO.

3.3.3 Au surplus, l'appelant a admis qu'il n'avait pas apporté de nouvelles affaires à l'intimée entre 2015 et 2018. Il n'a pas non plus critiqué le raisonnement du Tribunal en tant que celui-ci a retenu qu'il ne pouvait pas prétendre au paiement de 126'750 fr. sur la base d'un autre type de contrat ayant lié les parties, tel qu'un contrat de mandat. Faute de grief motivé sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner cette question plus avant.

3.3.4 En définitive, c'est à bon droit que le Tribunal a débouté l'appelant des fins de sa demande en paiement.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

4.             Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'200 fr. (art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens d'appel ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 avril 2021 par A______ contre le jugement JTPH/85/2021 rendu le 10 mars 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/21979/2019-5.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Michael RUDERMANN, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.