Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/16508/2019

CAPH/171/2021 du 20.08.2021 sur JTPH/30/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16508/2019-3 CAPH/171/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 20 AOÛT 2021

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 28 janvier 2021 (JTPH/30/2021), comparant par Me Andreas DEKANY, avocat, rue du Conseil-Général 4, case postale 5422,
1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par
Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/30/2021 du 28 janvier 2021, expédié pour notification aux parties le même jour et reçu par l’appelant le 1er février 2021, le Tribunal des prud’hommes a déclaré irrecevable la demande formée le 27 novembre 2019 par B______ contre A______ SA, en tant qu’elle concluait à ce que soit constaté que le licenciement immédiat est injustifié (ch. 1 du dispositif), déclaré recevable la demande pour le surplus (ch. 2), condamné A______ SA à payer à B______ la somme brute de 9'966 fr. 70, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er mai 2019 (ch. 3), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), condamné A______ SA à payer à B______ la somme nette de 29'900 fr. 10, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er mai 2019 (ch. 5), condamné A______ SA à payer à B______ la somme nette de 5'000 fr. (ch. 6), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B.            a. Par acte déposé le 3 mars 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l’annulation des chiffres 3, 4, 5 et 6. Cela fait, elle conclut à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions et condamné en tous les frais de l’instance y compris une indemnité équitable valant participation à ses honoraires. Subsidiairement, elle conclut à ce qu’elle soit acheminée à prouver par toutes voies de droit les faits énoncés dans son écriture. Outre le jugement, A______ SA a déposé des pièces numérotées de 0bis à 16.

b. Par écriture déposée le 19 avril 2021, B______ s’est rapporté à justice quant à la recevabilité de l’appel; sur le fond, il a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement querellé, à la condamnation de l’appelante en tous les frais et dépens de la procédure. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’il soit acheminé à prouver par toutes voies de droit les faits énoncés dans la cause. Outre le jugement, B______ a déposé des procès-verbaux d’audience et son bordereau de pièces de première instance.

c. Le 14 mai 2021, A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. Le 7 juin 2021, B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Le même jour, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger. Les arguments des parties seront repris ci-dessous.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société anonyme de droit suisse, ayant son siège à Y______ [GE]. Son but est l’exploitation d’une boulangerie-pâtisserie-épicerie et d’un tea-room au siège de la société; le registre du commerce prévoit aussi qu’elle exploite d’autres boulangeries-pâtisseries-épiceries.

b. C______ est le président du conseil d’administration avec signature individuelle; D______ et E______ sont chacune administratrice avec signature individuelle.

c.a Par contrat du 20 juin 2014, B______, né le ______ 1957, a été engagé par A______ SA, en qualité de boulanger, avec effet au 1er juillet 2014, à 6h00. La Convention collective de travail de la boulangerie-pâtisserie confiserie artisanale suisse (CCT) et son annexe n’étaient pas obligatoirement applicables; les parties ont convenu qu’elles ne s’appliquaient que dans la mesure où le contrat le prévoyait (art. 2.3 du contrat). La durée normale de travail était de 42 heures pour 5 jours par semaine ou 182 heures pour 20 jours par mois (art. 3.1); les jours de congés étaient variables (art. 3.3). Le temps d’essai était fixé, en dérogation à la CCT, à trois mois (art. 4.2). Le salaire mensuel initial était de 4'400 fr. (art. 5.2); il n’y avait pas de droit à un 13ème salaire (art. 6.3); le droit aux vacances était de 5 semaines par année de service (art. 8.5). Le délai de congé était de deux mois pour la fin de chaque mois, de la deuxième à la neuvième année de service (art. 9.4).

c.b En application de l’art. 28 al. 1 CCT, A______ SA a établi un règlement interne du personnel, dont un exemplaire a été remis à B______.

c.c Selon son certificat de salaire, le salaire annuel brut 2018 de B______ s’élevait à 60'979 fr. 70.

c.d En 2019, le salaire mensuel brut de B______ était de 4'983 fr. 35 (4'600 fr. + 383 fr. 35 à titre de 13e salaire).

d. Dans le journal de l’entreprise « F______ » no 1______ de juin 2017 figurait la mention suivante : « Infirmerie [ ] B______ : last but no least, au tour de B______ de rejoindre l’infirmerie pour une foulure de la cheville avec complication. Le principe de l’accident, c’est d’être con. Là, ça l’est vraiment. Pour autant qu’il y ait une échelle de Richter Comme quoi, lorsque l’on est au travail, c’est que l’on est en bonne santé ! ».

e. A la suite d’un accident de travail ayant eu lieu le 16 mars 2019, B______ a été absent de cette date jusqu’au 30 avril 2019. Il a repris le travail le 1er mai 2019, à 4h00 du matin.

f. Plusieurs documents manuscrits datés du 15 et 16 avril 2019, rédigés de la main de C______ ou de D______, récapitulent des discussions ayant eu lieu entre A______ SA et certains de ses collaborateurs. Ils sont signés par le collaborateur qui a été entendu au sujet de « B______/G______ ». Ni B______, ni G______ n’étaient présents.

g. Le 1er mai 2019, à 6h00 du matin B______ a été licencié avec effet immédiat pour faute grave par A______ SA, représentée par C______. Le courrier de licenciement de A______, contresigné par un témoin et B______, mentionnait « un comportement inapproprié et ambigu » entretenu avec une « apprentie pâtissière de l’entreprise », ce qui contrevenait gravement aux articles 6.1.1, 6.1.3, 6.1.4 et 6.2.2 du règlement interne de l’entreprise. Comme la loi l’y obligeait, l’entreprise avait auditionné devant témoins, tous les collaborateurs de l’équipe de boulangerie de jour et de pâtisserie; les procès-verbaux des auditions avaient été versés à son dossier et étaient à disposition des autorités compétentes.

h. Dans le journal de l’entreprise « F______ » no 2______ d’avril 2019 figurait la mention suivante : « Transferts [ ] B______ : boulanger dans l’équipe de jour. Licencié avec effet immédiat et sans solde pour faute grave. J’ai averti, je ne plaisante plus avec les articles point 6 et suivants du règlement interne de l’entreprise. Comme avec tous les autres points d’ailleurs ».

i. Les 3 mai 2019 et 19 juin 2019, B______ a contesté son licenciement avec effet immédiat.

j. Les 7 mai 2019 et 21 juin 2019, A______ SA a maintenu sa position.

k. Le 11 juin 2019, G______ a rédigé une attestation sur l’honneur, certifiant que B______ avait toujours été très correcte envers elle. A aucun moment, il n’avait eu de comportement inapproprié ou ambigu. Contrairement à ce que les rumeurs avaient prétendu, il ne lui avait pas offert de portable, ni de tatouage (elle n’en avait aucun). C’étaient des mensonges.

D.           a. Par requête de conciliation, remplie à la main sur le formulaire-type, expédiée le 11 juillet 2019, B______ a conclu au constat que son licenciement avec effet immédiat était injustifié, au paiement de 9'966 fr. 70 bruts à titre de délai de préavis de deux mois, au paiement de 29'900 fr. 10 bruts à titre d’indemnité, à l’établissement d’un certificat de travail et au décompte des vacances et heures supplémentaires.

b. Le 12 septembre 2019, après que la conciliation a échoué, l’autorisation de procéder a été délivrée à B______.

c.a Par acte déposé le 26 novembre 2019 au greffe du Tribunal, B______ a conclu au constat que son licenciement avec effet immédiat était injustifié, au paiement de 9'966 fr. 70 bruts à titre de délai de préavis de deux mois, au paiement de 29'900 fr. 10 bruts à titre d’indemnité, à titre de 5'000 fr. de tort moral, à l’établissement d’un certificat de travail et au décompte des vacances et heures supplémentaires.

c.b En substance, B______ alléguait qu’après son accident de travail du 16 mars au 30 avril 2019, il avait repris son travail le 1er mai 2019, à 4h du matin; à 6h du matin, il avait été licencié avec effet immédiat par C______ pour une prétendue faute grave. Par courrier du 3 mai 2020 (recte : 2019), il avait contesté le motif de licenciement en indiquant avoir toujours travaillé dans le respect des intérêts de l’employeur et de la diligence requise. Il avait toujours travaillé à l’entière satisfaction de ses employeurs (précédents); il avait auparavant été maître d’apprentissage et s’occupait de former de nombreux apprentis et apprenties. Il avait été licencié de manière totalement inattendue et sans aucun préavis. Selon son employeur, le licenciement ferait suite à une relation « inappropriée et ambiguë avec une apprentie »; après le licenciement, l’employeur avait propagé des rumeurs auprès du personnel.

Par lettre du 11 juin 2019, l’apprentie G______ avait confirmé n’avoir jamais été victime de comportements et attitudes inappropriés et ambiguës de la part de B______. Plusieurs personnes (ancien employeur, ancienne collègue) témoignaient aussi par écrit du comportement irréprochable de B______ sur son lieu de travail.

Les rumeurs et contre-vérités avancées par C______ avaient causé une importante atteinte à la personnalité de B______, qui était marié depuis plusieurs années. Les rumeurs et l’attitude préjudiciable de A______ SA avaient été propagées à l’ensemble du personnel, à travers le journal de la société : une première atteinte à la personnalité avait été réalisée en juin 2017 en lien avec la foulure de la cheville, une autre atteinte avec l’annonce du licenciement. Le journal comprenait d’autres propos et arguments sexistes, menaçants et autoritaires.

Depuis le 13 mai 2019, B______ ne percevait plus que des indemnités chômage de 1'266 EUR 73 (soit 1'456 fr. 75); pour octobre [2019], cela représentait 1'978 EUR 20 (soit 2'170 fr).

c.c Juridiquement, son contrat de travail prévoyait un délai de congé de deux mois, avait été résilié sur la base de simples rumeurs, qui se sont révélées fausses et contradictoires. L’apprentie, des collègues et des ex-collègues avaient attesté que les rumeurs n’étaient que des mensonges, de sorte que la résiliation immédiate était injustifiée. Il avait 62 ans et était proche de l’âge de la retraite, de sorte qu’il ne pourrait plus retrouver un nouvel emploi. Il avait subi une grave atteinte à sa personnalité, à son intégrité psychique et à son honneur. Son employeur avait propagé des rumeurs sur sa prétendue faute grave en raison d’une relation « ambigüe » avec une apprentie mineure; cette atteinte s’était poursuivie par le biais du journal de l’entreprise qui mentionnait le licenciement pour faute grave. Il avait toujours exécuté son travail avec diligence et « professionalité », à l’entière satisfaction de son employeur et de ses collègues.

S’agissant du tort moral, la résiliation immédiate était injustifiée et une grave atteinte à sa personnalité avait été réalisée par le biais des rumeurs. Les atteintes de son employeur lui avaient causé de fortes souffrances psychiques, surtout en raison de l’atteinte à son honneur, vis-à-vis de sa femme, de ses proches et de ses collègues.

Il réclamait enfin un certificat de travail conforme aux exigences de l’art. 330a CO.

d.a Dans sa réponse du 20 avril 2020, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

d.b Dans un long préambule, elle faisait valoir, en tant que maître d’apprentissage, son « devoir étendu de protection de la personnalité et de la santé » des apprenties et apprentis, qui devait être pris très au sérieux par les employeurs, le harcèlement des apprentis étant un grand problème. C______ avait été obligé de réagir en raison du comportement « inapproprié et ambigu » adopté par B______ vis-à-vis de l’apprentie G______ (née en 2000 et mineure jusqu’en décembre 2018), malgré l’avertissement oral reçu en date du 14 janvier 2019.

d.c En substance, A______ SA alléguait que D______ et E______, administratrices toutes deux, avaient vu, « courant 2018 », G______ et B______ attablés au salon de thé de AA______ [GE] après leur journée de travail.

Le (samedi) 12 janvier 2019, C______ avait mangé au magasin de AB______ [GE] avec D______ et des amis. Ils avaient alors vu B______ en compagnie de l’apprentie à l’heure de fermeture du magasin; B______ venait récupérer les retours de marchandises du magasin de AB______ pour les livrer au magasin de AC______ [GE], ce qui faisait partie de son cahier des charges, mais pas de celui de l’apprentie. C______ avait alors demandé des explications à B______ qui avait répondu qu’il souffrait d’un lumbago, de sorte qu’il avait demandé à l’apprentie de venir l’aider à porter les caisses. C______ considérait qu’il n’avait jamais été dans l’attribution des apprentis d’effectuer des livraisons; il n’avait jamais demandé à B______ de se faire aider par des apprentis pour des livraisons. B______ n’avait jamais eu vis-à-vis des autres apprentis le même comportement et les mêmes égards qu’il avait vis-à-vis de G______ ; il ne disposait pas des autorisations pour former des apprentis en Suisse.

Le (lundi) 14 janvier 2019, C______ avait convoqué B______ pour s’entretenir des « événements » du 12 janvier 2019. Il lui avait rappelé les conséquences d’un tel comportement, y compris sur l’image de l’entreprise. A la fin de l’entretien, il lui avait signifié un avertissement en précisant que B______ serait licencié avec effet immédiat s’il ne changeait pas son comportement vis-à-vis de G______.

Le 12 avril 2019, H______ avait sollicité un entretien auprès de son employeur pour lui faire part d’un climat et d’une ambiance délétère au sein du laboratoire. Il souhaitait être entendu à cause du « comportement ambigu » de B______ vis-à-vis de l’apprentie G______; il « avait entendu » qu’une relation « bizarre et étrange » existait entre les deux personnes précitées.

Le 15 avril 2019, I______, cheffe chocolatière et également formatrice, avait informé C______ d’une relation ambigüe entre les personnes précitées. Tout le monde en parlait au laboratoire. Elle « avait entendu » que B______ avait offert des cadeaux à G______, notamment des piercings et éventuellement un téléphone portable.

J______ avait remarqué à plusieurs reprises que B______ attendait dans sa voiture que G______ termine son travail pour l’emmener avec lui; il « avait entendu » que des cadeaux avaient été offerts à G______ par B______; tout le monde avait remarqué au sein du laboratoire d’une relation « spéciale » entre les deux; B______ avait informé ses collègues qu’il dormait dans sa voiture depuis une semaine suite à des problèmes familiaux; l’accident de travail du 16 mars 2019 serait dû à l’état de fatigue consécutif au fait qu’il avait dû dormir dans sa voiture.

K______ avait remarqué une relation de proximité entre G______ et B______.

L______ avait déclaré « avoir entendu » que B______ et G______ étaient allés boire un café au magasin de AA______ [GE] et que G______ avait fait une fois une livraison avec B______ après ses heures de travail. Elle « avait entendu » que la femme de B______ lui avait interdit de voir G______ en dehors du travail, que B______ lui avait offert ses classeurs d’apprentissage et un tatouage; la relation entre G______ et B______ n’était « pas saine ».

Selon M______, il y « avait des rumeurs » au sein du laboratoire concernant une relation entre B______ et G______; B______ lui avait dit qu’il considérait G______ « comme sa fille ». M______ pourrait considérer cette situation comme « malsaine ». G______ l’a informé que B______ lui avait offert un piercing.

N______ « avait entendu dire » que B______ avait offert des cadeaux à G______, notamment un piercing. B______ et G______ allaient boire des verres à l’extérieur de temps en temps.

O______ a déclaré que B______ « s’était sûrement fait des idées » au sujet de G______. Il ne pensait pas qu’il y avait une « relation particulière », mais c’était une « relation ambigüe ».

P______ avait pu remarquer quelquefois que B______ et G______ s’isolaient pour discuter; B______ avait donné des recettes à G______. Elle « avait entendu » que B______ avait amené G______ chez le tatoueur et qu’il lui avait offert des tatouages. Elle considérait leur relation comme « spéciale »; c’était une « relation père/fille », espérant que « espérant que ça se soit arrêté là ».

Q______ avait « entendu des bruits » selon lesquels une relation existait entre B______ et G______; il « avait entendu » que B______ avait fait des cadeaux à G______, à savoir des recettes et des livres de cuisine. B______ et G______ étaient allés boire un café une fois au magasin de AA______ [GE].

Le 1er mai 2019, jour de la reprise du travail de B______, C______ avait demandé à s’entretenir avec lui; J______ était également présent. Après avoir donné à B______ la possibilité de s’exprimer au sujet des éléments précités, C______ avait résilié son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave en raison du « comportement inapproprié et ambigu » adopté vis-à-vis de l’apprentie G______. Malgré l’avertissement du 14 janvier 2019, B______ avait continué à avoir une relation inappropriée et ambigüe avec G______, de sorte que le lien de confiance avait été détruit.

Les décomptes de vacances et d’heures supplémentaires avaient été établis par A______ SA et adressés à B______.

d.d Juridiquement, A______ SA faisait référence aux art. 337 et 328 CO. Il avait été démontré que B______ avait entretenu une « relation ambigüe et inappropriée » avec l’apprentie G______. Le 12 janvier 2019, B______ avait été surpris en train d’effectuer des livraisons en compagnie de G______ sans autorisation de A______ SA. Le 14 janvier 2019, B______ avait reçu un avertissement mais, malgré cela, il n’avait pas changé son attitude. B______ était âgé de 43 ans de plus que G______. Comme G______ était apprentie au moment des faits et mineure jusqu’en décembre 2018, il s’agissait d’une affaire très sérieuse et A______ SA devait absolument réagir. Il y avait eu destruction du lien de confiance, de sorte qu’il y a bien un juste motif de licenciement avec effet immédiat.

S’agissant du tort moral, B______ n’avait pas démontré une quelconque atteinte à sa personnalité. A______ SA n’avait fait subir aucune atteinte à B______. Les prétentions en tort moral ne figuraient pas dans la requête de conciliation. Elles étaient contestées.

Enfin, le certificat de travail était conforme à l’art. 330a CO, de sorte qu’il n’y avait aucune raison d’en établir un nouveau.

e. Lors de l’audience de débats d’instruction du 7 juillet 2020, B______ a retiré ses conclusions relatives au certificat de travail ainsi qu’au décompte de vacances et d’heures supplémentaires.

A______ SA a déposé un règlement interne du personnel (non daté et différent de celui produit par B______ le 26 novembre 2019). Le chapitre 6 est consacré à la protection de l’employé, le sous-chapitre 6.1 contenant des généralités, le sous-chapitre 6.2 traitant du harcèlement sexuel, le sous-chapitre 6.3 du harcèlement moral/mobbing et le sous-chapitre 6.4 du harcèlement physique.

Aucune des parties n’a formulé d’allégués supplémentaires. A l’issue de l’audience, le Tribunal a immédiatement rendu son ordonnance de preuves, qui est intégrée au procès-verbal.

f. Une audience de débats principaux a eu lieu 3 septembre 2020. Elle a été consacrée à la comparution personnelle des parties.

f.a B______ a confirmé s’être rendu le 12 janvier 2019 avec G______ au magasin de AB______ [GE] à l’heure de fermeture du magasin. Il était en mauvaise santé ce jour-là et avait demandé à G______ de lui donner un coup de main, car il ne pouvait pas porter de charges. C’était la seule personne qui restait au laboratoire de pâtisserie car sa collègue P______ s’apprêtait à partir; il n’avait pas pensé à demander de l’aide à une vendeuse. La livraison avait duré environ 25 minutes, puis ils étaient revenus au laboratoire; G______ avait poursuivi son activité et B______ était rentré chez lui. Il ignorait s’il fallait une autorisation pour conduire un véhicule de livraison avec une apprentie.

Il avait eu le 14 janvier 2019 un entretien avec C______, en présence de ses collègues boulangers. Il y avait 3-4 personnes qui travaillaient. C______ lui avait « fait une morale » au sujet des apprentis, ce que toutes les personnes présentes avaient entendu. B______ avait mentionné ses problèmes de dos à C______, qui ne lui avait pas donné d’avertissement formel, ni ne lui avait interdit d’avoir des contacts avec G______.

Il a expliqué les circonstances de son accident professionnel du 16 mars 2019. Il n’avait jamais dormi dans sa voiture; il avait dormi chez lui la veille de son accident.

Il contestait avoir offert à G______ un téléphone portable, un tatouage ou un piercing. Il avait 45 ans de métier et 20 ans comme maître d’apprentissage; il avait ainsi offert de nombreux cadeaux à ses collègues, par exemple un livre sur le chocolat (à R______), des livres de recettes (à S______), deux vestes de pâtisserie, un livre sur le sucre et un livre sur la technologie en pâtisserie (à G______, lors de sa première année). Pour le reste, il n’avait offert aucun cadeau particulier à G______.

Il contestait complètement avoir eu une relation inappropriée ou ambigüe avec G______. Il ne voyait pas G______ en dehors de ses heures de travail, excepté quand il la ramenait chez elle, car sa moto était souvent en panne. La seule fois où il avait bu un verre avec G______, c’était au magasin du AA______ [GE] qui venait d’ouvrir. Il lui arrivait régulièrement d’aller boire un verre tout seul dans les magasins de A______ SA, afin de voir les réactions des clients par rapport aux produits que l’entreprise fabriquait.

Après son arrêt accident, il avait repris le travail, le « 30 avril » [2019], à 4h du matin. A 6h du matin, C______ l’avait convoqué dans son bureau et, en présence de J______, l’avait licencié avec effet immédiat en raison de la liaison ambigüe et inappropriée qu’il aurait entretenu avec G______. C______ ne lui avait posé aucune question avant de le licencier. Ultérieurement, après avoir réalisé ce qui lui arrivait, il avait écrit à l’entreprise pour contester son licenciement. Il avait voulu retrouver du travail en Suisse, sans succès. Il était à la retraite depuis le 1er avril 2020.

Il lui était arrivé d’attendre dans sa voiture que G______ finisse son travail; il n’attendait pas seulement G______, mais il lui était arrivé de dépanner d’autres collègues, dont T______.

Il avait suivi une formation de formateur en France; il travaillait en Suisse depuis 2012, mais n’avait pas suivi des cours de formation continue pour formateurs, car il n’avait pas de rôle de formateur en Suisse.

Il était surpris que l’avertissement oral qui lui aurait été décerné le 14 janvier 2019 ne figurait pas dans le journal interne, alors qu’en général C______ y relevait tous les licenciements et les avertissements. Des avertissements envoyés par recommandé à six collaborateurs y avaient été inscrits.

f.b C______, représentant A______ SA, se trouvait le 12 janvier 2019 au magasin de AB______ [GE] avec sa compagne D______ et un couple d’amis. Après l’heure de fermeture du magasin, il avait été surpris de voir entrer à l’arrière du magasin B______ et G______ pour récupérer les retours de marchandises. Après avoir interpellé B______, il lui avait dit qu’il n’avait pas à prendre une apprentie dans le véhicule. Il avait alors transporté quelques caisses pour les amener dans le fourgon et, « dans la confusion », B______ avait également pris deux caisses pour les mettre dans le fourgon. Les explications de B______ lui paraissaient suspectes, car il lui semblait difficile de travailler toute la journée debout et de conduire avec un lumbago. Il avait été étonné que B______ n’ait pas demandé au livreur ou à P______ de l’aider.

Le 14 janvier 2019, il avait demandé à B______ de le suivre dans son bureau, où se trouvaient D______ et U______. Il avait demandé à B______ de justifier son comportement du samedi précédent; ce dernier avait réitéré les mêmes explications et ne voyait pas le problème. D’un ton ferme, C______ avait alors indiqué que B______ serait licencié sans autre avertissement s’il était à nouveau en compagnie d’une apprentie lors de livraisons ou s’il enfreignait le règlement. Cet entretien servait d’avertissement. Il avait alors convoqué G______ avec qui il avait eu la même conversation, sans cependant la menacer de licenciement. En fin de matinée, il avait réuni toute l’équipe au laboratoire, relaté les faits et expliqué qu’il ne voulait pas que quelqu’un véhicule une apprentie sans autorisation.

J______ lui avait dit que B______ se serait endormi sur sa machine avant son accident de travail, parce que cela faisait une semaine qu’il aurait dormi dans sa voiture en raison du fait que son épouse l’aurait jeté hors de son domicile. C______ n’avait pas vérifié auprès de B______ qui était en arrêt de travail; pour les mêmes raisons, il n’avait pas non plus vérifié les autres allégations faites à son encontre par ses collègues.

Le 12 avril 2019, H______, formateur de pâtisserie, était venu lui dire que l’ambiance dans le laboratoire était « pourrie » en raison des rumeurs qui circulaient concernant des relations ambigües entre B______ et G______. C______ avait ensuite interrogé l’autre formatrice, responsable de la chocolaterie et cheffe adjointe, I______, qui lui avait confirmé que l’ambiance était pourrie en raison de ces rumeurs et qu’il fallait agir pour régler cette situation. Ils avaient suivi en janvier/février 2019 un cours de formation continue sur le harcèlement sous toutes ses formes, sexuel ou psychologique, au travail. Il avait ensuite pris, ce jour et le lendemain, les dépositions qui figuraient dans la procédure.

C______ ignorait pourquoi H______ était venu le voir ce jour-là, étant donné que B______ était absent depuis le 16 mars 2019. Ils étaient « choqués d’apprendre toutes ces rumeurs qui étaient cependant invérifiables ». Il se demandait quelle attitude adopter et en avait fait part au responsable de la formation professionnelle du canton de Genève qui, cependant, ne lui était jamais revenu. Il avait informé ses collaborateurs de la problématique du harcèlement; le règlement d’entreprise précisait clairement que toute violation de ces principes serait sanctionnée par un licenciement. Lorsqu’on lui avait rapporté ce qui se serait passé dans le laboratoire, il avait considéré qu’il s’agissait d’une « trahison » de la confiance accordée à B______. Il s’était posé la question de savoir s’il pouvait continuer à employer B______ au vu des rumeurs invérifiables à son sujet et du contexte général lié au harcèlement sexuel.

Le licenciement de B______ avait eu lieu le mercredi 1er mai 2019. C______ l’avait convoqué dans son bureau, en présence de J______. Il lui avait rapporté ce qu’il lui avait rapporté « par qui et comment », de même que la teneur des rumeurs à son sujet au sujet des cadeaux, du tatouage et du piercing, le fait qu’il s’était retrouvé seul dans un vestiaire avec G______ alors que les vestiaires des femmes devaient être fermés lorsqu’elles se changeaient, qu’il attendait souvent pendant plusieurs heures G______ dans son véhicule après ses heures de travail, que son épouse l’avait expulsé de son domicile pendant une semaine et qu’elle lui avait demandé de ne plus entretenir de relations avec G______. Il était donc dans l’obligation de licencier B______. Ce dernier avait l’air étonné et ne comprenait pas la situation; sa relation avec G______ était une relation « père-fille ». C______ avait dit à B______ que ce dernier n’entretenait pas la même relation avec les autres apprenties. A sa connaissance, il n’y avait pas de contentieux entre B______ et ses collègues.

Dans l’entreprise, il existait deux laboratoires séparés, l’un pour la boulangerie (où travaillait B______) et l’autre pour la pâtisserie/confiserie (où travaillait G______). Les pauses n’avaient pas lieu en même temps.

G______ ne s’était jamais entraînée pour ses examens. Elle ne pouvait pas le faire en janvier, car le sujet des pièces montées n’était donné aux apprentis qu’au mois de février.

L’événement du 12 janvier 2019 est le seul comportement ambigu et inapproprié que C______ avait personnellement constaté. Il n’avait pas interrogé G______ au sujet des rumeurs qui lui avaient été relatées lors des entretiens avec les collaborateurs dès le 12 avril 2019. Il avait (aussi) décidé de licencier G______ avec effet immédiat, mais ses collaborateurs et D______ l’en avaient dissuadé, car cela aurait été une sanction trop sévère pour une apprentie et que cela aurait péjoré son avenir à proximité des examens.

L’attestation du 11 juin 2019 de G______ ne correspondait pas à son caractère, car elle portait une « haine viscérale envers les hommes ».

f.c D______, autre représentante de A______ SA, a expliqué qu’elle avait déjeuné début 2018 avec une amie au magasin du AA______ [GE]. Elle avait vu avec surprise B______ boire un café avec G______.

Elle considérait l’avertissement donné par C______ le 14 janvier 2019 comme très clair.

g. Une audience de débats principaux a eu lieu le 1er octobre 2020. Elle a été consacrée à l’audition de témoins.

g.a Entendue à titre de témoin, G______ a confirmé avoir rédigé l’attestation du 11 juin 2019, dont elle confirmait aussi la teneur. B______ n’avait pas eu de comportement inapproprié ou ambigu avec elle. Il lui avait offert une machine à café d’occasion dont il souhaitait se débarrasser; pour le remercier, elle lui avait offert une bouteille de vin; cela devait être en 2018. B______ ne lui avait offert aucun autre cadeau, ni téléphone, ni tatouage ou piercing.

B______ l’avait ramenée environ cinq fois à la maison; O______ l’avait déposée une fois au tram, de même qu’un collègue prénommé AD______. Sa collègue apprentie AE______ l’avait ramenée plusieurs fois à la maison.

Elle travaillait un week-end sur deux; en janvier 2019, elle préparait ses examens et était seule pour faire ses essais. Le 12 janvier 2019, il ne restait que B______ qui lui avait demandé de faire des livraisons au magasin de AB______ [GE], car il avait mal au dos. Elle avait porté les caisses dans le camion et était partie avec lui pour le magasin de AB______ afin d’y déposer les caisses; après la livraison, B______ l’avait ramenée à l’atelier; il était rentré à la maison et elle avait continué ses essais. Le lundi suivant, C______ avait eu une discussion avec elle; il lui avait dit qu’elle n’était pas autorisée à faire des livraisons, car cela posait des problèmes d’assurance et de sécurité.

G______ n’avait pas aidé B______ davantage que d’autres collègues. Il lui semblait qu’elle avait pris une fois un café avec B______, mais ne se rappelait plus où. B______ lui avait donné un livre de pâtisserie et un classeur avec des recettes de cuisine.

g.b Entendue à titre de témoin, V______, épouse de B______, a dit qu’il était inexact que son mari ait dormi dans sa voiture les jours précédant son accident de travail. Il avait dormi au domicile conjugal. Elle n’avait jamais chassé son mari du domicile conjugal. Il était toujours pédagogue avec les apprentis, qu’il s’agisse de garçons ou de filles. Il n’avait eu aucune relation particulière avec G______. Il avait très mal vécu son licenciement; les accusations de harcèlement n’étaient pas conformes à sa nature. Les accusations portées à l’encontre de son mari avaient également fait du mal à V______.

Il arrivait que des apprentis appellent son mari; c’était souvent G______ qui lui faisait part de ses problèmes. V______ ne voyait pas où était le mal. Son mari avait offert des recettes de cuisine à G______, comme à d’autres jeunes. En remerciement, G______ et sa maman leur avaient offert une bouteille de vin et de champagne.

g.c Entendu à titre de témoin, J______, boulanger, était collègue de B______. Il confirmait la teneur de sa déclaration du 15 avril 2019. S’agissant de la « relation particulière » entre G______ et B______, c’était parce que ce dernier la ramenait chez elle et parfois allait la chercher. Il discutait davantage avec elle qu’avec d’autres apprentis. Il y avait une relation ambigüe, mais n’avait rien constaté. Il n’avait jamais vu un geste déplacé ou entendu une remarque malsaine.

B______ lui avait dit qu’il avait dormi 2 ou 3 nuits dans sa voiture, car sa femme l’avait jeté de son domicile. J______ ne se souvenait plus quand il le lui avait dit, ni pourquoi. Ce n’était pas les jours précédant l’accident de travail.

J______ avait participé une fois à une réunion avec B______ et d’autres employés au cours de laquelle C______ avait expliqué les relations qu’il convenait d’avoir avec les apprentis.

Il avait assisté, comme témoin, à l’entretien de licenciement de B______ ; ce dernier avait été surpris et demandé des explications que C______ avait données.

g.d Entendu à titre de témoin, N______, pâtissier, avait des rapports professionnels normaux avec B______. Il confirmait la teneur de sa déclaration du 15 avril 2019. Il n’avait jamais vu B______ et G______ aller boire des verres à l’extérieur. Il n’avait rien constaté s’agissant des cadeaux, mais avait entendu des rumeurs. Il n’avait jamais remarqué de comportement déplacé de B______ envers G______.

g.e Entendu à titre de témoin, O______, boulanger, avait de très bons rapports de travail avec B______. Il confirmait la teneur de sa déclaration du 15 avril 2019. Il avait eu connaissance de certaines rumeurs au sujet des relations entre B______ et G______. Il était un peu « malsain » qu’une personne de 60 ans soit souvent avec une jeune fille de 16-17 ans, mais n’avait rien constaté de spécial dans cette relation. Il n’aurait pas accepté que B______ ramène sa fille à la maison. S’agissant des cadeaux, il s’agissait de rumeurs dont il ignorait l’origine; le témoin n’avait rien constaté. Il avait vu B______ attendre G______ sur le parking dans sa voiture; c’était assez fréquent lorsqu’il pleuvait et qu’elle ne voulait pas utiliser sa moto. B______ avait moins d’attention envers les autres apprentis qu’envers G______.

h. Une audience de débats principaux a eu lieu le 8 octobre 2020. Elle a été consacrée à l’audition de témoins.

h.a Entendue à titre de témoin, I______, chocolatière et adjointe et remplaçante du responsable, n’avait pas du tout travaillé avec B______. Elle confirmait la teneur de son attestation du 15 avril 2019, sous réserve d’une rectification : ce n’était pas elle, mais H______, qui avait informé C______. Elle considérait que la relation entre B______ et G______ était « étrange », mais n’avait rien constaté d’étrange à part le fait qu’il venait la saluer régulièrement. Elle n’avait rien vu concernant les cadeaux, mais c’était M. M______ qui le lui avait dit.

Les personnes habilitées à former les apprentis étaient H______ et C______. Même s’ils n’avaient pas le titre de formateur, les autres collaborateurs s’occupaient aussi des apprentis.

C______ avait l’habitude d’organiser régulièrement des réunions d’information pour le personnel dans le laboratoire. I______ était présente lors de la réunion du 14 janvier 2019 : C______ avait constaté que G______ avait accompagné B______ pour une livraison, ce qui était interdit.

h.b Entendu à titre de témoin, K______, pâtissier, avait connu B______. Il confirmait la teneur de son attestation du 15 avril 2019. La rumeur d’une relation ambigüe entre B______ et G______ et celle concernant les cadeaux circulaient au sein du laboratoire de boulangerie, mais le témoin ne savait pas qui lui en avait parlé.

Lorsque B______ venait les saluer dans le laboratoire, il s’adressait en particulier à G______ avec des gestes familiers; il n’y avait rien de choquant; c’était une attitude plutôt paternaliste.

En décembre 2018, B______ avait fait circuler une carte d’anniversaire pour l’anniversaire de G______. Il n’avait pas ce genre d’attention pour d’autres collègues ou apprentis.

C______ avait l’habitude d’organiser des réunions d’information du personnel au sein du laboratoire. Le témoin se souvenait d’une réunion en janvier 2019 : C______ avait constaté que G______ était en compagnie de B______ pour une livraison au magasin de AB______ [GE]; les apprentis ne devaient pas accompagner les employés pour ces livraisons.

h.c Entendue à titre de témoin, P______, boulangère, travaillait avec B______ qui était son collègue. Elle confirmait la teneur de son attestation du 16 avril 2019. B______ lui avait dit qu’il considérait qu’il avait une « relation père-fille » avec G______; au lieu de parler avec tout le monde, ils parlaient de façon isolée entre eux. La témoin n’avait rien constaté de spécial. B______ lui avait dit qu’il avait donné des recettes à G______.

S’agissant de l’épisode des vestiaires, le procès-verbal concernant le témoignage de P______, seul à y faire référence, mentionne ce qui suit : « B______ et G______ s’isolaient pour discuter vers le vestiaire. Je ne me rappelle plus s’ils fermaient la porte, mais lorsque la porte est ouverte on peut les voir. Ils se voyaient dans le vestiaire ».

La témoin ne savait pas qui lui avait dit que B______ aurait offert des tatouages à G______. C’étaient des rumeurs.

Il était possible que la témoin ait travaillé le samedi 12 janvier 2019; elle ne savait pas si B______ avait demandé à G______ de l’accompagner pour des livraisons. Elle se rappelait que C______ leur avait parlé des livraisons : les apprentis ne bénéficiaient pas de la même assurance que les employés et il était donc interdit de les prendre en livraisons.

h.d Entendue à titre de témoin, L______, chocolatière, connaissait B______, mais n’avait pas travaillé avec lui. Elle confirmait la teneur de son attestation du 15 avril 2019. H______ et I______ avaient signalé à C______ les rumeurs concernant les relations entre B______ et G______. La témoin ne savait pas qui lui avait dit que B______ aurait offert à G______ des classeurs d’apprentissage ou un tatouage, ni qu’ils étaient allés boire un café au magasin de AA______ [GE] ou qu’ils auraient fait des livraisons, ni que l’épouse de B______ lui aurait interdit de voir G______ en dehors du travail; c’étaient des rumeurs qui circulaient, mais elle ignorait qui les lui avait colportées.

C______ avait l’habitude d’organiser des réunions d’information pour le personnel au sein du laboratoire. En janvier 2019, C______ leur avait dit qu’il était interdit d’effectuer des livraisons avec des apprentis en dehors de leurs heures de travail, car ils n’étaient pas assurés.

La témoin avait constaté que B______ portant davantage d’attention à G______ qu’à d’autres apprentis.

h.e Entendu à titre de témoin, Q______, pâtissier, travaillait avec B______ et discutait parfois avec lui, sans cependant le voir en dehors du travail. Il confirmait la teneur de son attestation du 15 avril 2019. Il avait entendu des rumeurs qu’il y aurait une relation entre B______ et G______, mais personne ne lui avait dit quelque chose de précis. Il avait entendu dire que B______ aurait offert des cadeaux à G______, mais ne savait pas si c’était vrai. S’il se rappelait bien, G______ lui avait dit qu’elle avait été boire une fois un café avec B______ au magasin de AA______. Il ne savait pas si B______ avait offert une machine à café à G______.

Le témoin avait eu une relation d’environ deux mois fin 2017/début 2018 avec G______. C______ avait été au courant de cette relation après qu’elle a pris fin : il lui avait dit qu’il ne fallait pas que cela se reproduise, ni avec G______, ni avec une autre apprentie, mais n’avait pas infligé de sanction au témoin.

C______ avait l’habitude d’organiser des réunions à l’attention du personnel au sein du laboratoire. Lors d’une réunion, il avait indiqué qu’il était interdit d’effectuer des livraisons avec un apprenti.

i. Une audience de débats principaux a eu lieu le 21 octobre 2020. Elle a été consacrée à l’audition de témoins et aux plaidoiries finales orales.

i.a Entendu en qualité de témoin, M______, boulanger, travaillait avec B______ en qualité de collègue, avec qui il avait entretenu de très bons rapports professionnels; B______ lui avait offert une table de jardin et des chaises. Le témoin confirmait la teneur de son attestation du 16 avril 2019. B______ lui avait dit qu’il considérait G______ comme sa fille. Le témoin avait vu B______ remettre des livres de pâtisserie en cadeau à G______. Ces cadeaux et le fait que B______ ramenait G______ chez elle ont été considérés par le témoin comme une relation « malsaine ». G______ lui avait dit que B______ lui aurait offert un piercing; le témoin ne se souvenait plus à quelle date. A part la remise du livre, il n’avait rien constaté d’autre.

C______ organisait des réunions concernant les relations à adopter envers les apprentis.

i.b Entendu en qualité de témoin, H______, responsable du secteur chocolaterie et pâtisserie, connaissait B______, mais ne travaillait pas dans le même secteur que lui. Il confirmait la teneur de son attestation du 15 avril 2019. A partir du moment où il avait entendu certaines rumeurs, en tant que formateur, il s’était immédiatement rendu dans le bureau de C______ pour lui en parler. Parmi les rumeurs, il y avait les cadeaux que B______ aurait offerts à G______, la livraison qu’il aurait faite en sa compagnie, la « relation ambigüe ». Le témoin n’avait pas demandé à G______ si les bruits étaient fondés et n’avait pas non plus contacté B______. Interrogé une nouvelle fois par le Tribunal à ce sujet, il a confirmé qu’il n’avait pas vérifié les rumeurs qu’il avait entendues; il n’avait fait que les relayer.

Il avait rapporté que la relation entre B______ et G______ était « bizarre et étrange », car B______ est différent de ce qu’il était avec les autres apprentis.

C______ organisait régulièrement des réunions d’information pour le personnel. Une réunion avait été organisée en janvier 2019 à la suite de la livraison de B______ en compagnie de G______.

Le témoin travaillait en compagnie des apprentis; tous les pâtissiers chocolatiers pouvaient donner des instructions aux apprentis; il estimait que les apprentis n’avaient pas besoin d’information complémentaire de la part de B______. Généralement, l’entreprise faisait faire un examen « blanc » aux apprentis au mois d’avril; ensuite les apprentis pouvaient se perfectionner en vue de l’examen final qui avait lieu en juin.

Lorsqu’il avait informé C______ de la situation le 12 avril 2019, celui-ci avait paru ennuyé par la situation. C’était une situation à laquelle l’entreprise n’avait jamais eu à faire face. C______ ne lui avait pas demandé de prendre des mesures pour vérifier ces rumeurs. Mis à part l’audition du personnel de la pâtisserie, il avait fallu réfléchir aux mesures à prendre. Une table ronde avait, semble-t-il, ensuite été organisée.

i.c Entendue en qualité de témoin, W______, physiothérapeute, se souvenait être allée manger à midi à la pâtisserie de C______ à AB______ [GE] en janvier 2019, en compagnie de son mari, de C______ et de D______. A l’heure de la fermeture, C______ avait vu avec surprise deux personnes; il était allé discuter avec elles entre 10 et 15 minutes et était revenu passablement énervé. C______ leur avait ensuite dit que l’apprentie G______ n’avait rien à faire ici. Selon le souvenir de la témoin, elle voyait un homme penché sur une caisse avec l’apprentie à ses côtés.

La témoin avait reparlé de cette situation avec C______ avant l’audience.

i.d Entendu en qualité de témoin, X______ se souvenait avoir bu un café à la A______ SA de AB______ [GE], en janvier 2019, avec son épouse, C______ et D______. Il se souvenait que deux personnes étaient entrées par l’arrière de la boulangerie et que C______ s’était levé pour aller les voir et discuter avec elles. A son retour, C______ était en colère, car la jeune femme, apprentie, n’avait rien à faire avec le livreur. Le témoin ne se souvenait pas si l’une des personnes semblait souffrir du dos.

Le témoin, ami de C______, avait évoqué la situation avec lui à réception de la convocation, mais n’en avait « pas parlé plus que cela ».

i.e Entendue en qualité de témoin, U______, responsable des ventes, connaissait B______, mais n’avait pas travaillé directement avec lui. Elle avait assisté à un entretien entre B______ et C______ consacré à une livraison que B______ avait effectuée en compagnie d’une apprentie. C______ lui avait dit qu’il ne voulait plus jamais qu’il soit accompagné d’une apprentie pour transporter de la marchandise d’un point de vente à un autre. B______ avait alors répondu qu’il avait pris une apprentie, car il avait mal au dos. C’était tout ce qui s’était dit lors de cet entretien.

La témoin, qui se déplaçait tous les jours dans tous les magasins, n’y avait jamais vu B______ en dehors des heures de travail.

i.f A l’issue de l’audience, les parties ont plaidé oralement, avec réplique et duplique. Elles ont persisté dans leurs conclusions.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal s’est considéré compétent à raison du lieu (vu le domicile en France de B______) et a admis l’applicabilité de la CCT. Il a déclaré irrecevable la conclusion portant sur le constat du caractère injustifié du licenciement immédiat, vu les conclusions condamnatoires en paiement formulées par B______. Sur le fond, après avoir entendu quinze témoins, dont douze collaborateurs, le Tribunal n’a retenu aucun comportement déplacé, inapproprié ou ambigu de la part de B______ à l’encontre de l’apprentie. Cette dernière a confirmé par écrit et devant le Tribunal que B______ avait toujours eu une attitude respectueuse et irréprochable à son égard; aucun des anciens collègues de B______ n’avait constaté personnellement un geste ou une parole déplacés de sa part à l’égard de l’apprentie. C’était uniquement sur la base de simples rumeurs et sans aucun indice sérieux que l’employeur avait procédé au licenciement immédiat du travailleur. Les rumeurs étaient fondées sur des situations anodines, éparses dans le temps et qui ne constituaient nullement des preuves d’un quelconque comportement inadéquat ou de harcèlement de la part de B______. Le Tribunal a examiné le « mécanisme des rumeurs », où les témoins rapportaient et relataient des rumeurs, mais n’avaient rien constaté eux-mêmes de particulier ou de spécial. L’employeur n’avait pas interrogé les protagonistes concernés (B______ et G______). En audience, le Tribunal avait appris que l’employeur envisageait initialement de licencier G______ à un mois de ses examens, alors qu’il s’agissait de la victime qu’il était censé protéger du prétendu comportement inapproprié de B______. Le Tribunal en a conclu que l’employeur n’avait pas apporté la preuve de justes motifs au licenciement immédiat, qui était ainsi injustifié. B______, qui était dans sa cinquième année de service, avait ainsi droit aux deux mois de salaire qu’il avait réclamés (conclusion à laquelle le Tribunal était liée), soit 9'966 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2019.

Selon le Tribunal, le licenciement immédiat du travailleur était non seulement injustifié selon l’art. 337 CO, mais aussi abusif selon l’art. 336 CO. Bien qu’il n’y ait pas de cumul d’indemnités, le Tribunal tenait compte de l’ensemble des circonstances. Après quarante-cinq ans de métier, dont presque cinq chez A______ SA, B______ avait été licencié avec effet immédiat, à 6h00 du matin, à un retour d’arrêt accident, après un bref entretien de 20-25 minutes, sans avoir eu aucune possibilité de se défendre alors qu’il était accusé sans aucun indice sérieux d’un comportement grave de harcèlement d’une jeune apprentie. Ces accusations, que l’employeur n’avait pas vérifiées auprès des personnes concernées étaient de nature à porter atteinte à l’honneur professionnel et personnel de B______. Les conséquences économiques du licenciement immédiat injustifié et abusif étaient lourdes, vu que B______ était au chômage avec des indemnités correspondant à moins d’un tiers de son revenu habituel. Ainsi, il était justifié de lui accorder une indemnité de six mois de salaire, soit un montant total de 29'900 fr. 10.

Enfin, il ressortait des déclarations de V______ que B______ avait très mal vécu son licenciement et en particulier les accusations de harcèlement formulées à son encontre. L’employeur l’avait stigmatisé auprès de tous les collaborateurs dans son journal interne, ce qui avait amplifié le tort moral déjà subi du fait du licenciement abrupt. Les rumeurs et accusations infondées renforcées par l’attitude même de l’employeur auraient pu avoir des conséquences lourdes sur la sphère personnelle de B______, si un lien de confiance intact n’avait pas existé entre celui-ci et son épouse. Cela justifiait de lui accorder une indemnité pour tort moral de 5'000 fr.

EN DROIT

1.             1.1 L’appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d’un litige portant sur une valeur litigieuse de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision et respecte, au surplus, la forme prescrite (art. 130, 131, 142, 143 et 311 al. 1 CPC).

L’appel est par conséquent recevable.

1.2 La procédure ordinaire s’applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 219 CPC, art. 243 al. 1 a contrario CPC).

La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC). La Cour applique le droit d’office (art. 57 CPC).

2.             La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC).

3.             Les parties produisent de nombreuses pièces devant la Cour.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

3.2 L’appelante produit, outre le jugement de première instance (ce qui est une exigence procédurale selon l’art. 311 al. 1 CPC) de nombreuses pièces (mais pas toutes) ayant fait partie de ses pièces de première instance. Toutes les pièces produites en appel font cependant déjà partie de la procédure, de sorte que leur production est inutile, même si elles ne sont pas irrecevables.

3.3 L’intimé produit, outre sa procuration et sa décision d’assistance judiciaire, la décision de première instance, les procès-verbaux d’audience et son bordereau de pièces (pièces incluses) de première instance. Tous ces documents font cependant déjà partie de la procédure, de sorte que leur production est inutile lors de la réponse à l’appel, même si elles ne sont pas irrecevables.

4.             4.1 L'art. 311 al. 1 CPC impose au recourant de motiver son appel, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. Hormis les cas de vices manifestes, l'autorité d'appel doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4 et 4.3.2.1, 142 III 413 consid. 2.2.4 et 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3; CAPH/70/2018 du 9 mai 2018 consid. 4.1). Cette motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3, 138 III 374 consid. 4.3.1). Cette obligation s'applique tant aux griefs de violation du droit que de constatation inexacte des faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; CAPH/70/2018 du 9 mai 2018 consid. 4.1; ACJC/1105/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2.1).

4.2 En l’espèce, l’appel comprend un très long préambule (4 pages), puis un exposé de faits (19 pages), dont il ne résulte cependant pas – et en tout cas pas clairement – que le Tribunal aurait procédé à une constatation inexacte de l’un ou l’autre fait. Un acte d’appel ne saurait se confondre avec des plaidoiries finales écrites faisant la synthèse de l’administration des preuves de première instance; il doit au contraire démontrer quelles sont les éventuelles failles du jugement querellé; s’agissant de l’état de fait, une telle démonstration n’existe pas. A fortiori, et sous réserve de ce qui sera mentionné au considérant 4.3, il n’y a donc pas de grief de constatation inexacte des faits. En tout état, les faits pertinents et nécessaires à l’appréciation juridique qui suivra ont été exposés ci-dessus.

L’appel comprend enfin une partie juridique (7 pages), dont il résulte que l’appelante considère que la résiliation immédiate était justifiée, que l’indemnité était disproportionnée et que l’indemnité pour tort moral n’était pas fondée. Ces trois griefs de la mauvaise application du droit, qui sont clairement invoqués par l’appelante, seront donc examinés ci-dessous.

4.3 Dans sa partie « EN DROIT », l’appelante reproche en substance certaines constatations inexactes de fait par le Tribunal.

4.3.1 L’appelante reproche au Tribunal de n’avoir pas jugé utile de mentionner le témoignage de P______ concernant l’isolement dans les vestiaires. L’appelante en déduit que l’intimé et G______ s’isolaient « régulièrement » dans les vestiaires, ce qui était « en soi extrêmement grave ». Or, la Cour retient que le témoignage de P______, seul à faire référence aux vestiaires, figure comme suit au procès-verbal : « B______ et G______ s’isolaient pour discuter vers le vestiaire. Je ne me rappelle plus s’ils fermaient la porte, mais lorsque la porte est ouverte on peut les voir. Ils se voyaient dans le vestiaire »; il est également mentionné en page 14, 3ème paragraphe du jugement. Le témoignage de P______ ne permettait donc pas d’en déduire ce que l’appelante en souhaitait. Il était en effet bien plus neutre, voire même flou : la témoin a simplement dit que l’intimé et l’apprentie discutaient dans les vestiaires. L’appréciation juridique de ce témoignage sera reprise ci-dessous (§5.2.2 et §6.2.2).

4.3.2 L’appelante reproche également au Tribunal d’avoir minimisé le nombre de fois où l’intimé avait emmené G______ dans sa voiture. La Cour exposera ci-dessous (§5.2.2) pourquoi ce reproche, à supposer qu’il soit fondé, n’a aucune influence sur le fond du litige.

4.3.3 L’appelante reproche également au Tribunal de n’avoir pas été interpellé par le nombre de cadeaux offerts par l’intimé à G______. Il y avait une « vraie incohérence » et une gêne de l’intimé, de l’épouse de l’intimé et de G______ en ce qui concerne les cadeaux. La Cour retient tout d’abord qu’il ne ressort pas de l’établissement des faits par le Tribunal que ces cadeaux auraient été offerts postérieurement au 14 janvier 2019. Une partie des cadeaux (notamment les livres de cuisine et l’ancienne machine à café) a été admise par les personnes concernées, l’autre partie des cadeaux a été démentie par les personnes concernées. La Cour n’entend pas se substituer au Tribunal s’agissant de déterminer quels cadeaux postérieurs au 14 janvier 2019 auraient été donnés par l’intimé à l’apprentie. En tous cas, les cadeaux de tatouage et de téléphone portable relèvent de rumeurs, démenties par l’apprentie G______ et l’intimé et dont personne n’a pu prouver la réalité. La Cour en conclut que l’appelante n’a pas démontré que l’appréciation des preuves (art. 157 CPC) par le Tribunal à ce sujet était erronée.

4.3.4 L’appelante reproche enfin au Tribunal d’avoir ignoré la partie de la déclaration de M______ relative au piercing que G______ lui avait dit avoir reçu de l’intimé. S’agissant du piercing, il reste une divergence entre la déclaration du témoin M______ (qui a expliqué que G______ lui avait dit en avoir reçu un) et celle de G______; la Cour considère néanmoins que l’appelante n’a pas démontré que l’appréciation des preuves (art. 157 CPC) par le Tribunal à ce sujet était erronée. Au demeurant, cela ne fonderait pas un motif de résiliation immédiate du contrat, comme cela sera examiné ci-dessous (§5.2.2).

5.             L’appelante fait grief au Tribunal d’avoir retenu une résiliation immédiate injustifiée.

5.1 Il convient tout d’abord de rappeler les règles en matière de résiliation immédiate du contrat de travail.

5.1.1 L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. Les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur sans avertissement préalable. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.3).

Lorsque la résiliation immédiate du contrat de travail est injustifiée, la résiliation déploie néanmoins son effet en mettant fin au contrat immédiatement, mais le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'expiration du délai de congé (art. 337c al. 1 CO).

5.1.2 Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la responsabilité du travailleur, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l'importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1;
130 III 28 consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a), ou encore du temps restant jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 142 III 579 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_5/2021 du 9 mars 2021 consid. 3.2; 4A_393/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.1.1).

En matière de harcèlement au travail, le rapport de confiance est en principe considéré comme détruit (ou atteint profondément) lorsque le harceleur est un cadre avec une position dominante ou avec une certaine influence dans l'entreprise. Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.1).

5.1.3 Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d'en établir l'existence (art. 8 CC).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in initio CO) et il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des incidents invoqués (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_5/2021 du 9 mars 2021 consid. 3.2; 4A_393/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.1.1).

De manière générale, les éventuelles comparaisons avec des décisions judiciaires rendues dans des causes que les parties tiennent pour similaires à la leur doivent être appréciées avec circonspection. En effet, pour déterminer le caractère justifié (ou injustifié) d'une résiliation immédiate, il convient d'examiner l'ensemble des circonstances et une large place est laissée à l'appréciation du juge, de sorte qu'établir une casuistique en se focalisant sur un seul élément du dossier, sorti de son contexte, n'est pas significatif (arrêts du Tribunal fédéral 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 3.3; 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3; 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 4.1).

5.1.4 Aux termes de l'art. 58 al. 1 CPC, qui consacre la maxime de disposition, le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus, ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (ne eat iudex ultra petita partium). Les conclusions des parties doivent ainsi être suffisamment déterminées. Lorsque le tribunal n'alloue pas strictement les conclusions du demandeur, il convient de déterminer s'il reste néanmoins dans le cadre des conclusions prises, sans allouer plus que ce qui est demandé ni étendre l'objet de la contestation à des points qui ne lui ont pas été soumis (ATF 143 III 520 consid. 8.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_689/2019 du 5 mars 2020 consid. 4.1; 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3).

5.2 Il convient de reprendre les arguments de l’appelante.

5.2.1 L’appelante reproche au Tribunal d’avoir retenu à tort que la résiliation immédiate était injustifiée. Le Tribunal n’avait pas mesuré le caractère extrêmement sérieux et grave de la situation à laquelle l’appelante avait dû faire face. La résiliation immédiate était la seule solution. Le licenciement n’avait pas eu lieu sur la base de rumeurs, mais de faits établis. C’était le rôle du maître d’apprentissage de protéger ses apprentis. Si l’appelante n’avait pas réagi comme elle l’a fait, il lui aurait été reproché de n’avoir rien fait. Le Tribunal avait puni l’appelante pour avoir protégé son apprentie.

L’intimé avait entretenu une relation ambigüe et inappropriée avec l’apprentie G______. Il avait été surpris en date du 12 janvier 2019 en train d’effectuer des livraisons en compagnie de G______ et ce sans aucune autorisation de l’appelante. Il avait reçu un avertissement en date du 14 janvier 2019 et, malgré cela, n’avait pas changé son comportement. Cela avait été établi par les témoignages recueillis et les pièces du dossier. Vu que G______ était apprentie au moment des faits et mineure jusqu’en décembre 2018, il s’agissait d’une affaire très sérieuse et l’appelante devant absolument réagir. Si elle avait échoué aux examens finaux, l’apprentie G______ aurait pu recourir auprès de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue et se plaindre d’une perturbation dans sa préparation en raison d’une relation inappropriée et ambigüe; les faits auraient pu avoir de « très graves » conséquences au niveau juridique et de l’image de l’entreprise. Il y avait eu une destruction du lien de confiance en raison du comportement de l’intimé, dont la faute était, à elle seule, de nature à ébranler si profondément la confiance indispensable à la relation de travail que l’on ne pouvait plus attendre de l’appelante la poursuite du contrat jusqu’à l’expiration du délai ordinaire de résiliation.

5.2.2 L’appelante considère que le licenciement immédiat reposait sur des « faits établis ». Or, le seul fait véritablement établi, et d’ailleurs admis par la recourante, l’intimé, l’apprentie G______ et plusieurs témoins, concernent la livraison en voiture du 12 janvier 2019, lors de laquelle, contrairement aux règles internes de l’entreprise, l’intimé s’est fait aider par l’apprentie. Cet événement a donné lieu à une mise au point par C______ le 14 janvier 2019 au laboratoire en présence de nombreux collaborateurs; il est acquis et incontesté que C______ a dit que les apprentis ne devaient pas procéder à des livraisons. Savoir si, avant ou à la suite de ce rappel collectif de règles de fonctionnement, l’intimé a fait l’objet d’un entretien individuel avec un avertissement formel oral est moins clair; quoi qu’il en soit, un avertissement oral – que le mot précis ait été utilisé ou non – a assurément été donné à l’intimé s’agissant de l’interdiction de livraison en compagnie de l’apprentie G______ ; il est tout autant acquis qu’il n’y a pas eu de confirmation écrite, ni de mention dans le journal de l’entreprise (ce qui avait eu lieu précédemment pour d’autres avertissements).

L’appelante n’expose pas clairement quel serait l’événement concret qui aurait ensuite déclenché le licenciement du 1er mai 2019, car elle se limite à répéter les mots « relation ambigüe et inappropriée », voire « relation inappropriée et ambigüe » au sujet de l’intimé et de G______, sans concrétiser les reproches postérieurs au 15 janvier 2019 par des faits établis. L’appelante, soucieuse de protéger l’apprentie, a assurément procédé à des auditions de neuf collaboratrices et collaborateurs à la suite de la communication de H______, responsable du secteur chocolaterie et pâtisserie, à C______ selon laquelle l’ambiance au laboratoire était délétère. H______ avait cependant transmis des « rumeurs » qu’il n’avait pas vérifiées, ce qu’il a admis lors de son audition devant le Tribunal. Ni C______, ni H______ n’avaient vérifié, ni interpellé G______ ou l’intimé au sujet des nombreuses rumeurs circulant à leur sujet. Les neuf entretiens des 15 et 16 avril 2019 comprennent, comme le Tribunal l’a constaté à juste titre, pour l’essentiel des rumeurs. Aucun reproche concret ne peut ainsi être fait à l’intimé au printemps 2019. Autrement dit, aucun comportement de l’intimé contraire à « l’avertissement » du 14 janvier 2019 ne peut être établi. L’appelante elle-même n’explique pas quel fait concret avait impliqué la destruction du lien de confiance.

L’appelante mentionne que l’apprentie était mineure jusqu’en décembre 2018. A contrario, l’apprentie était déjà majeure lors de la livraison du 12 janvier 2019 et elle l’était encore au printemps 2019. La minorité antérieure de l’apprentie ne saurait donc justifier le licenciement immédiat de l’intimé.

L’appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté correctement les faits, notamment en lien avec l’isolement dans les vestiaires. Il a déjà été expliqué ci-dessus (§4.3.1) que le témoignage de P______ ne permettait pas d’en déduire ce que l’appelante en souhaitait. Il était en effet bien plus neutre, voire même flou : la témoin a simplement dit que l’intimé et l’apprentie discutaient dans les vestiaires. Le Cour considère que le Tribunal, qui a procédé à l’audition de plus d’une dizaine de témoins et établi le procès-verbal desdites auditions (art. 172 et 176 CPC), a correctement établi sa conviction (art. 157 CPC) en considérant que cette partie du témoignage – au demeurant reproduite en page 14 du jugement – ne méritait pas davantage de poids lors de l’appréciation de l’admissibilité ou non du licenciement immédiat.

L’appelante reproche également au Tribunal d’avoir minimisé le nombre de fois où l’intimé avait emmené G______ dans sa voiture. La Cour considère que, dès lors que les événements ayant conduit au licenciement sont nécessairement postérieurs au 14 janvier 2019, date à laquelle l’apprentie était majeure, et que l’employeur n’avait pas prononcé d’interdiction – à supposer que cela ait été admissible, ce qui est douteux – sur les accompagnements en voiture en-dehors des heures de travail, il ne s’agit pas d’un motif valable de licenciement immédiat.

Par ailleurs, G______ a elle-même confirmé, par écrit, puis oralement devant le Tribunal, qu’il n’y avait pas eu de comportement inapproprié ou ambigu de l’intimé à son égard.

Si on ne saurait blâmer sur le principe l’appelante d’être attentive à la protection de la personnalité de ses collaboratrices et collaborateurs en général, et de ses apprenties et apprentis en particulier, la Cour est d’avis que le Tribunal a correctement appliqué l’art. 337c al. 1 CO en considérant que le licenciement immédiat de l’intimé était injustifié. Il n’y avait aucune urgence à mettre fin immédiatement au contrat de l’intimé, à son retour du congé accident, sans même lui donner la possibilité de s’exprimer sur la compilation des rumeurs à son sujet. Il était ainsi contraire au droit de résilier avec effet immédiat un contrat de travail sans aucun élément factuel à reprocher au travailleur.

Le caractère injustifié de la résiliation immédiate du contrat de travail sera donc confirmé, de sorte que le grief de l’appelante à ce sujet concernant le jugement du Tribunal sera écarté.

5.3 Dès lors que la résiliation immédiate a été considérée comme injustifiée, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéant du délai de congé. Comme le travailleur était dans sa cinquième année de service, le délai de résiliation (ordinaire) était de deux mois pour la fin d’un mois. La résiliation étant intervenue le 1er mai 2019, le travailleur aurait eu droit à son salaire jusqu’au 31 juillet 2019. Dès lors cependant qu’il a limité ses prétentions à deux mois de salaire et que la Cour – comme le Tribunal – est limitée aux conclusions des parties par la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC), seuls deux mois de salaire peuvent être alloués au travailleur.

Le raisonnement et la conclusion du Tribunal à ce sujet (chiffre 3 du dispositif du jugement) étaient donc parfaitement conformes au droit.

Le grief de violation de l’art. 337c al. 1 Co sera donc écarté. L’appel sera rejeté en tant qu’il vise les chiffres 3 et 4 du jugement.

6.             L'appelante estime que le montant octroyé à l'intimée à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié est disproportionné.

6.1 En cas de licenciement immédiat injustifié, l'employé a droit, en sus du salaire pendant le délai de congé (art. 337c al. 1 CO), à une indemnité selon l'art. 337c al. 3 CO.

Cette disposition prévoit que le juge peut condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances; elle ne peut toutefois dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur. Cette indemnité doit être soigneusement distinguée des droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO et s'ajoute à eux (ATF
120 II 209 consid. 9b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_255/2020 du 25 août 2020 consid. 3.3.1). Cette indemnité a une double finalité, à la fois réparatrice et punitive. Comme elle est due même si le travailleur ne subit aucun dommage, il ne s'agit pas de dommages-intérêts au sens classique, mais d'une indemnité sui generis, s'apparentant à une peine conventionnelle. Ainsi, parmi les circonstances déterminantes, il faut non seulement ranger la faute de l'employeur, mais également d'autres éléments tels que la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale et les effets économiques du licenciement. (ATF 135 III 405 consid. 3.1; voir aussi arrêts du Tribunal fédéral 4A_481/2020 du 10 juin 2021, consid. 6.3; 4A_255/2020 du 25 août 2020 consid. 3.3.1). Qu'il s'agisse de son principe ou de sa quotité, le juge possède un large pouvoir d'appréciation
(135 III 405 consid. 3.1; ATF 121 III 64 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_255/2020 du 25 août 2020 consid. 3.3.1). Tout congé immédiat qui ne repose pas sur un juste motif comporte une atteinte aux droits de la personnalité du travailleur (ATF 135 III 405 consid. 3.2).

6.2 Il convient de reprendre les arguments de l’appelante.

6.2.1 L’appelante reproche au Tribunal un abus du pouvoir d’appréciation en raison de sa condamnation à verser près de 45'000 fr. L’intimé avait travaillé 4 ans et 10 mois pour elle, ce qui était une période courte; son âge ne jouait strictement aucun rôle. L’appelante n’avait jamais accusé l’intimé d’un « comportement grave de harcèlement d’une jeune apprentie ». Le Tribunal s’était basé sur des éléments erronés pour la condamner à l’indemnité maximale; en effet, il avait ignoré que l’intimé et G______ s’isolaient à deux dans les vestiaires. Il avait aussi ignoré que le témoin M______ avait déclaré que G______ lui avait confié que l’intimé lui avait offert un piercing. Cela prouvait qu’il y avait bien d’autres cadeaux offerts que ceux que l’intimé avait admis. Le jugement aboutissait à une iniquité choquante.

6.2.2 Comme il a été retenu ci-dessus, la fin des rapports de travail sans préavis ne se justifiait pas et aucune faute de l'intimé n'a été démontrée. Il faut donc vérifier si les critères retenus par le Tribunal pour octroyer une indemnité équivalente à six mois de salaire (29'900 fr. 10) sont pertinents.

Le Tribunal a mentionné que l’appelante avait accusé l’intimé d’un « comportement grave de harcèlement d’une jeune apprentie », ce qui constitue un grief de l’appelante. Or, l’appelante elle-même a annoncé, dans le journal de l’entreprise, le licenciement avec effet immédiat pour faute grave de l’intimé en se référant aux articles 6 et suivants de son règlement interne. Ces articles concernent notamment le harcèlement. L’appelante ne peut donc pas simultanément se référer à une « relation ambigüe et inappropriée » qui ne serait pas du harcèlement et annoncer le licenciement en rapport avec un article du règlement interne se référant au harcèlement. Le Tribunal a par conséquent correctement qualifié les faits relatifs au motif du licenciement.

L’appelante revient, une fois de plus, sur l’élément des vestiaires qui aurait été oublié par le Tribunal. La Cour l’a traité précédemment (§4.3.1 et §5.2.2) et confirme que le témoignage de P______ a une portée plus limitée que celle que lui confère l’appelante : il ne permet en tout cas pas de réduire l’indemnité due par l’employeur à l’intimée.

Le deuxième argument de l’appelante, à savoir la déclaration du témoin M______ au sujet du piercing, a également déjà été traité (§4.3.4 et §5.2.2). La Cour confirme, à ce sujet également, que l’appréciation des preuves effectuée par le Tribunal n’est pas sujette à critique.

L’appelante constate à juste titre que le Tribunal l’a condamnée à l’indemnité maximale prévue par le Code des obligations, à savoir six mois de salaire. Elle critique aussi la courte durée (moins de cinq ans) de l’emploi de l’intimé auprès de l’appelante. Pour le reste, elle ne critique pas les autres éléments d’appréciation retenus par le Tribunal, à savoir l’âge (62 ans lors du licenciement), l’absence de nouvel emploi trouvé par l’intimé jusqu’à la retraite, les circonstances concrètes de l’annonce du licenciement (matin à 6h00, à son retour du congé accident, sans possibilité de faire valoir son point de vue avant communication de la décision) ou encore l’absence de vérification des reproches auprès des personnes concernées (intimé et apprentie G______).

Le seul élément qui penche en défaveur de l’indemnité de six mois est la durée des rapports de travail. La Cour considère néanmoins que cette relative brève durée des rapports de travail est compensée par la stigmatisation de l’intimé dans le journal diffusé aux collaborateurs de l’entreprise. Le Tribunal n’avait pas repris, lors de la fixation de l’indemnité, son argument superfétatoire traité lors de l’examen de la validité du licenciement immédiat, mais il est possible de le prendre en compte lors de l’application du droit, qui se fait d’office (art. 57 CO).

Vu l’importante latitude fixée au juge (et en l’espèce au Tribunal) pour fixer l’indemnité de l’art. 337c al. 3 CO, la Cour considère que ce montant est conforme au droit.

Le grief de violation de l’art. 337c al. 3 CO sera donc écarté. L’appel sera rejeté en tant qu’il vise le chiffre 5 du jugement.

7.             7.1 Le dernier point à examiner concerne l’indemnité pour tort moral de 5'000 fr.

7.1.1 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur, et de manifester les égards voulus pour sa santé.

La violation de l'art. 328 CO est une inexécution contractuelle, qui permet
à la victime de réclamer la réparation du dommage, lequel peut consister en
une réparation pour tort moral aux conditions posées par l'art. 49 CO (Wyler/heinzer, Droit du travail, 4ème éd., 2019, pp. 397-398).

7.1.2 Selon l'art. 49 al. 1 CO celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité (ATF 130 III 699 consid. 5.1; ATF 125 III 70 consid. 3a). L'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation (cf. ATF 129 III 715 consid. 4.4 et 120 II 97 consid. 2a et b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2019 du 10 juin 2020 consid. 4.1.1; CAPH/117/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.1). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances d'espèce justifient une indemnité pour tort moral dans le cas particulier (ATF 137 III 303, consid. 2.2.2; 129 III 715 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2019 du 10 juin 2020 consid. 4.1.1; CAPH/117/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.1).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale, à défaut de quoi aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a; 120 II 97 consid. 2b; CAPH/117/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.1).

Les indemnités des art. 336a et 337c al. 3 CO couvrent en principe tout le tort moral subi par le travailleur licencié. Le Tribunal fédéral admet toutefois l'application cumulative de l'art. 49 CO dans des situations exceptionnelles (ou particulièrement graves), lorsque l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur est grave au point qu'une indemnité correspondant à six mois de salaire ne suffit pas à la réparer (ATF 135 III 405 consid. 4.1; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 4A_372/2016 du 2 février 2017 consid. 6.2; Wyler/Heinzer, p. 398).

7.2 Il convient de reprendre les arguments des parties.

7.2.1 L’appelante est d’avis que l’intimé n’avait pas démontré avoir subi une quelconque atteinte à sa personnalité de la part de l’appelante. Les prétentions en tort moral ne figuraient pas dans la requête de conciliation du 11 juillet 2019. Aucun document ne prouvait une quelconque atteinte à la personnalité. Lors de son audition du 3 septembre 2020, l’intimé n’avait à aucun moment déclaré que l’appelante lui aurait causé une quelconque atteinte à la personnalité. La déclaration de l’épouse de l’intimé n’était pas un moyen de preuve suffisant; aucun certificat médical n’avait été produit; aucune preuve de maladie après un licenciement n’avait été prouvée; les problèmes de dos de l’intimé existaient déjà précédemment et n’avaient pas de lien avec le licenciement. L’appelante n’avait jamais accusé l’intimé de harcèlement.

7.2.2 L’intimé se limite à constater que le Tribunal s’était fondé sur toutes les circonstances du cas d’espèce, en particulier du mépris et de la violence dans laquelle le licenciement immédiat avait été effectué, de sorte qu’il était légitime d’indemniser ses souffrances psychiques.

7.2.3 En premier lieu, l’argument de l’appelant relatif aux prétentions en conciliation doit être nuancé. En effet, il n’est pas interdit de modifier les conclusions entre la fin de la procédure de conciliation et l’introduction de la demande, lorsque la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité (art. 227 al. 1 let. a CPC par analogie). D’un point de vue juridique, la conclusion est ainsi recevable. Il en va différemment de son appréciation sur le fond; la requête de conciliation a été déposée plus de deux mois après le licenciement et l’intimé ne prétendait alors pas à du tort moral; l’intimé n’a expliqué pourquoi le tort moral serait apparu ultérieurement.

En deuxième lieu, le tort moral n’est accordé qu’à titre exceptionnel en lien avec un licenciement. Les circonstances du licenciement ont été présentées ci-dessus et l’indemnisation du caractère brutal du licenciement a eu lieu par l’indemnité maximale accordée selon l’art. 337c al. 3 CO.

L’intimé n’a pas démontré avoir subi un tort moral supplémentaire ou particulièrement grave lié à son licenciement. Il ressort certes de l’audition de son épouse que l’intimé avait mal vécu cette période, mais cela ne dénote pas encore une intensité particulière qui impliquerait une indemnisation supplémentaire.

Il n’y a pas eu d’autres allégations à ce sujet, et a fortiori pas non plus d’administration de preuve à ce sujet. C’est le contexte général du licenciement qui a été instruit par le Tribunal, en se concentrant sur les justes motifs ou non du licenciement immédiat. C’est cet élément qui a été sanctionné par le Tribunal et par les indemnités accordées à ce titre. Il n’y a pas d’élément supplémentaire qui se détache et qui impliquerait une indemnisation supplémentaire sous l’angle du tort moral.

La Cour considère donc que c’est à juste titre que l’appelante critique l’octroi d’une indemnité supplémentaire de 5'000 fr. à titre de tort moral.

Le grief de violation de l’art. 49 CO sera donc admis, le chiffre 6 du jugement annulé et l’intimé débouté de ses prétentions en tort moral.

8.             Selon l’art. 19 al. 3 let. c LaCC et l’art. 71 a contrario RTFMC, lorsque la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. devant la Cour de justice, la procédure est gratuite. En l’espèce, chacune des parties réclame la condamnation de l’autre partie aux frais judiciaires, ce qui n’est pas prévu par le texte légal précité. Aucun frais judiciaire ne sera donc prélevé.

Selon l’art. 22 al. 2 LaCC, il n’est pas alloué de dépens ni d’indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes. En l’espèce, chacune des parties réclame la condamnation de l’autre partie aux dépens, ce qui n’est pas prévu par le texte légal précité. Aucun dépens ne sera donc alloué.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé le 3 mars 2021 par A______ SA contre le jugement JTPH/30/2021 rendu le 28 janvier 2021 par le Tribunal des prud’hommes dans la cause C/16508/2019.

Au fond :

Annule le chiffre 6 du jugement.

Cela fait, déboute B______ de ses prétentions en indemnité pour tort moral.

Confirme le jugement pour le surplus.

Sur les frais :

Dit qu’il n’est pas perçu de frais judiciaires d’appel.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur David HOFMANN président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.