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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25972/2024

ACJC/1463/2025 du 17.10.2025 sur JCBL/29/2025 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25972/2024 ACJC/1463/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 17 OCTOBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une décision rendue par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 2 juin 2025, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

B______, sise ______, intimée, représentée par [la régie immobilière] C______.

 


EN FAIT

A. a. Le 23 mai 2000, [la caisse de prévoyance] B______, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un studio n° 1______ sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis
rue 2______ n° ______ à Genève.

Le bail a débuté le 1er juin 2000 pour une durée d'une année et s'est depuis lors renouvelé tacitement d'année en année.

Le montant du loyer mensuel a été fixé à 500 fr. et un acompte de charges de 50 fr.

b. Par avis officiel du 27 septembre 2024, la bailleresse a résilié le contrat de A______ pour le 31 mai 2025.

Dans sa lettre d'accompagnement, elle a motivé la résiliation par la nécessité de démolir l'immeuble.

c. A______, représenté par l'ASLOCA en les bureaux de laquelle il faisait élection de domicile, a déposé le 28 octobre 2024 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) une action en annulation du congé et subsidiairement en prolongation de bail.

d. La Commission a cité les parties à comparaître à une audience de conciliation fixée le 7 mars 2025.

Le pli recommandé contenant la citation a été distribué au représentant de A______ dans sa case postale le 30 janvier 2025.

e. A l'audience de la Commission du 7 mars 2025, A______ n'était ni présent ni représenté.

f. Par décision du même jour, la Commission a rayé la cause du rôle, "vu le défaut du demandeur à l'audience" (art. 206 al. 1 CPC).

g. Par acte du 14 mars 2025, A______ a requis de la Commission la citation des parties à une nouvelle audience, en alléguant qu'il avait été empêché de se présenter le 7 mars 2025 en raison d'un départ précipité au Cameroun, pour des raisons personnelles. Il n'avait pas été en mesure de prendre de mesure aux fins de gérer ses affaires personnelles et administratives durant son absence.

h. Par ordonnance du 18 mars 2025, la Commission a transmis cet acte à B______ et a imparti un délai à A______ pour lui transmettre la réservation du vol "aller", la date de réservation de celui-ci et le motif du départ à l'étranger, documents à l'appui.

i. Par courrier du 7 avril 2025, A______ a exposé s'être rendu en urgence au Cameroun au chevet de son père mourant. Il était arrivé dans ce pays le 21 janvier 2025, copie de son passeport à l'appui. Son père était décédé le ______ février 2025, selon certificat de décès produit. Il avait dû rester plusieurs semaines sur place pour organiser les obsèques et effectuer des démarches relatives à sa succession. Il a persisté à requérir la tenue d'une nouvelle audience de conciliation et a souligné les conséquences de la décision de rayer la cause du rôle, le congé ordinaire ne pouvant pas être contesté une nouvelle fois.

j. Dans ses déterminations du 9 mai 2025, B______ a conclu au rejet de la requête de restitution.

Elle a allégué que A______ avait disposé du temps nécessaire pour annoncer à la Commission son absence prévisible.

k. Par ordonnance du 13 mai 2025, la Commission a transmis à A______ les déterminations précitées et a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur la demande en restitution.

B. Par décision JCBL/29/2025 du 2 juin 2025, la Commission a rejeté la demande de restitution. Elle a considéré que la requête de restitution était recevable pour avoir été déposée dans les 10 jours suivant la disparition de la cause du défaut. En revanche, le motif invoqué par l'intéressé ne pouvait pas être assimilé à une faute légère, dès lors qu'il lui était loisible de solliciter le report de l'audience, cas échéant la dispense de comparaître, depuis l'étranger.

Au pied de la décision figure la mention que celle-ci peut faire l'objet d'un recours à la Cour de justice.

C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 10 juillet 2025, A______ a formé recours contre la décision précitée, dont il a requis l'annulation. Il a conclu au renvoi de la cause à la Commission pour nouvelle audience de conciliation.

b. Dans sa réponse du 28 août 2025, B______ a conclu implicitement à son rejet.

c. Par détermination du 17 septembre 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Les parties ont avisées par plis du greffe du 6 octobre 2025 de ce que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1. 1.1.
1.1.1
Selon l'art. 149 CPC, lorsque le tribunal est saisi d'une demande de restitution il donne à la partie adverse l'occasion de s'exprimer et statue définitivement sur la restitution, à moins que le refus de restitution n'entraîne la perte définitive du droit.

Dans ce cas, ledit refus constitue une décision finale, contre laquelle la voie de l'appel ou du recours est ouverte, devant la seconde instance cantonale (ATF 139 III 478 consid. 6.3 et 7.3 non publié; arrêts du Tribunal fédéral 4A_456/2013 du 23 janvier 2014 consid. 4.2; 4A_343/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5).

L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.1.2 Les indications erronées relatives aux voies de droit sont opposables à tous les tribunaux dans la mesure où elles sont avantageuses pour la partie qui s'en prévaut (art. 52 al. 2 CPC).

La conversion des actes de recours erronés se résout, selon l'origine de l'erreur du choix de la voie de droit, à l'aune du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) ou de celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) qui poursuit dans tous les cas les mêmes buts que le premier en tant qu'il sanctionne un comportement abusif. En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

1.2 En l'espèce, la procédure a trait à un congé ordinaire, lequel doit être contesté, sous peine de péremption (art. 273 al. 1 CO), dans les 30 jours dès sa réception. La décision de la Commission, en tant qu'elle rejette la requête de restitution, laquelle entraîne la perte définitive du droit de contester la résiliation, est une décision finale. Compte tenu de la valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. (650 fr. x 12 x 3 ans = 23'400 fr.), la voie de l'appel est ouverte contre la décision entreprise. L'acte intitulé recours, suivant les indications figurant au pied de la décision entreprise, sera traité comme un appel dès lors que sa conversion ne nuit pas aux intérêts de l'intimée.

Formé devant l'autorité compétente (cf. art. 122 let. b LOJ; ACJC/796/2014 du 27 juin 2014, consid.1) dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelant reproche à la Commission de ne pas avoir fait droit à sa requête de restitution.

2.1.
2.1.1
Selon l'art. 198 CPC, la procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation.

A teneur de l'art. 204 al. 1 CPC, les parties doivent comparaître en personne à l’audience de conciliation. Sont dispensées de comparaître personnellement et peuvent se faire représenter : a. la personne qui a son domicile en dehors du canton ou à l’étranger; b. la personne empêchée de comparaître pour cause de maladie, d’âge ou en raison d’autres justes motifs; c. dans les litiges au sens de l’art. 243, l’employeur ou l’assureur qui délègue un employé et le bailleur qui délègue le gérant de l’immeuble, à la condition que ceux-ci soient habilités, par écrit, à transiger (al. 3). 

La règle prévoyant la comparution des parties en personne à l'audience de conciliation, qui déroge à la règle générale selon laquelle toute personne peut se faire représenter au procès, repose sur l'idée qu'une audience de conciliation a plus de chance d'aboutir lorsque les parties comparaissent en personne, car ce n'est que de cette manière qu'une véritable discussion peut avoir lieu. Conformément à ce principe, l'art. 204 al. 3 CPC ne prévoit une exception à cette obligation de comparaître que dans certains cas réglés de manière exhaustive (ATF 146 III 185 consid. 3.1, SJ 2020 I 381).

Les "autres justes motifs" mentionnés à l'art. 204 al. 3 let. b CPC peuvent notamment, selon la doctrine, être un accident, un décès, un séjour à l'étranger, une indisponibilité pour motifs familiaux ou professionnels ou une absence pour voyage (Bohnet, Code de procédure civil, 2ème éd. 2019, n. 5 ad art. 204 CPC; Bohnet, Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2017 n. 30, ad. art. 202-207 CPC; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 141, par. 5.3).

2.1.2 En cas de défaut du demandeur, la requête est considérée comme retirée; la procédure devient sans objet et l'affaire est rayée du rôle (art. 206 al. 1 CPC). Si une partie ne comparaît pas personnellement, alors même qu'elle ne peut se prévaloir d'un des motifs de dispense prévu à l'article 204 al. 3 CPC, elle est considérée comme défaillante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_208/2019 du 30 janvier 2020 consid. 3.1; 4A_416/2019 du 5 février 2020 consid. 3.2, non publié in ATF 146 III 185).

2.1.3 Aux termes de l'article 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2). Si une décision a été communiquée, la restitution ne peut être requise que dans les six mois qui suivent l'entrée en force de la décision (al. 3).

Il suffit que les conditions (matérielles) d'application de l'article 148 CPC soient rendues vraisemblables par le requérant, qui supporte le fardeau de la preuve. La requête de restitution doit ainsi être motivée, c'est-à-dire indiquer l'empêchement et accompagnée des moyens de preuve disponibles. Le tribunal appelé à se prononcer sur la requête de restitution dispose d'une marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 5A_927/2015 du 22 décembre 2015 consid. 5.1 et les références; 4A_163/2015 du 12 octobre 2015 consid. 4.1).

Le défaut doit découler d'une absence de faute ou d'une faute légère. La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_414/2016 du 5 juillet 2016 consid. 4.1; 5A_927/2015 du 22 décembre 2015 consid. 5.1 et les références; 4A_163/2015 du 12 octobre 2015 consid. 4.1).

Pour apprécier la faute, il faut déterminer si, même si le requérant avait fait preuve de la diligence que l’on pouvait attendre de lui dans les circonstances du cas d'espèce, le défaut n’aurait pas pu être évité. Il faut aussi que le motif d’empêchement ait été causal pour le défaut; tel n'est pas le cas si ce motif n'a existé que dans une première phase du délai, les parties n'ayant pas de droit à disposer de l'entier du délai pour sauvegarder leurs droits (Gozzi, BSK ZPO, 2017, nos. 11ss ad art. 148 CPC).

Une partie doit se laisser imputer la faute de son représentant (ATF 119 II 86 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_52/2019 consid. 3.1; 5A_393/2013 du 17 octobre 2013 consid. 2.4).

2.2 En l'espèce, la citation à comparaître à l'audience de conciliation appointée au 7 mars 2025 a été remise au représentant de l'appelant le 30 janvier 2025. L'appelant a rendu vraisemblable, pièces à l'appui, s’être rendu préalablement à cette dernière date au Cameroun, au chevet de son père mourant. Selon le certificat de décès produit, le précité est décédé le ______ février 2025. Le représentant de l’appelant n'a pas allégué s'être rendu à l'audience le 7 mars 2025 ni n’a fourni d'explication quant à cette absence. Il n'a pas non plus requis de la Commission en raison de l’absence de sont mandant le report de l'audience, ou la dispense de la comparution personnelle de son mandant, ce qu’il aurait facilement pu effectuer.

Il doit donc être retenu que c'est fautivement que le représentant de l'appelant n'a pas déféré à la convocation de la Commission. Cette faute ne peut être considérée comme légère, à défaut d'explicitations quant aux motifs de l'absence à l'audience, respectivement de l'absence de demande de report. Cette faute doit être imputée à l'appelant.

2.3 En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a rejeté la requête de restitution et sa décision du 2 juin 2025 sera confirmée.

3.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 juillet 2025 par A______ contre la décision JCBL/29/2025 rendue le 2 juin 2025 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans la cause C/25972/2024‑1.

Au fond :

Confirme cette décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.