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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8460/2024

ACJC/945/2025 du 09.07.2025 sur JTBL/1291/2024 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8460/2024 ACJC/945/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 9 JUILLET 2025

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante et recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 décembre 2024, représentée par Me Michael ANDERS, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,

et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Jean-François MARTI, avocat, quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/1291/2025 du 12 décembre 2024, notifié aux parties le 14 février 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné A______ SA à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens le terrain nu sis rue 1______ au C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ SA à requérir immédiatement l'évacuation par la force publique de A______ SA (ch. 2), condamné A______ SA à verser à B______ SA 110'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 juillet 2024 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, la sous-locataire A______ SA n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Dans le délai comminatoire de 10 jours imparti par la sous-bailleresse au 26 février 2024, elle n'avait pas acquitté les arriérés de loyer dus. Depuis l'envoi du courrier de résiliation le 12 mars 2024, la sous-locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux, de sorte que son évacuation immédiate devait être prononcée.

B.            a. Par acte expédié le 21 février 2025 à la Cour de justice, A______ SA a formé appel et recours contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris, à ce que la requête de l'intimée soit déclarée irrecevable et à ce que celle-ci soit déboutée de toutes autres conclusions. A titre préalable, elle a requis l'effet suspensif en tant que son recours était dirigé contre les mesures d'exécution.

b. Par arrêt ACJC/296/2025 du 4 mars 2025, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement attaqué et dit que la requête d'effet suspensif était sans objet.

c. Par réponse expédiée le 5 mars 2025, B______ SA a conclu au rejet de l'appel et du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______ SA a répliqué par courriers des 7 et 17 mars 2025, sollicitant de la Cour qu'elle ordonne l'apport de la procédure pendante par-devant le Tribunal référencée sous le numéro de cause C/2______/2024, laquelle a été jointe à la cause C/3______/2024.

e. Par duplique du 19 mars 2025, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

f. B______ SA a encore produit des déterminations le 31 mars 2025, persistant dans ses conclusions.

g. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 5 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 1er janvier 2023, B______ SA, en qualité de sous-bailleresse, d'une part, et A______ SA, en qualité de sous-locataire, d'autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un terrain nu sis rue 1______ au C______, jusqu'au 31 décembre 2032.

Les parties sont convenues que la sous-locataire exploiterait ledit terrain pour un parking à automobiles, avec possibilité d'installer cinq containers.

Le montant du loyer net a été fixé à 21'500 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 26 février 2024, la sous-bailleresse a mis en demeure la sous-locataire de lui régler, dans les dix jours, la somme de 18'000 fr. à titre d'arriérés de loyer pour la période de janvier à février 2024 et l'a informée de son intention, à défaut de paiement intégral dans le délai fixé, de résilier le contrat de bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement versée dans le délai imparti, B______ SA a résilié le bail avec effet immédiat par courrier du 12 mars 2024.

d. La somme de 18'000 fr. a été versée à la sous-bailleresse le 19 mars 2024.

e.a Par requête adressée le 30 mars 2024 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (référencée sous n° C/3______/2024), A______ SA a conclu à la constatation de la nullité de la résiliation au motif qu'un délai comminatoire de trente jours aurait dû lui être accordé par la sous-bailleresse. Elle a fait valoir qu'elle avait installé une cabine vitrée de type container à usage de bureau administratif et d'accueil à sa clientèle sur le terrain loué, ainsi qu'une cabine pour des sanitaires, de sorte que le bail devait être considéré comme ayant pour objet des locaux commerciaux.

   e.b Par requête du 12 avril 2024, B______ SA a saisi le Tribunal d'une action en évacuation, avec exécution directe, en paiement d'une somme de 43'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 15 mars 2025 et en libération de la garantie de loyer à concurrence du montant susvisé, dirigée contre A______ SA.

e.c Lors de l'audience de conciliation de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers qui s'est tenue le 13 mai 2024 dans la cause C/3______/2024, une autorisation de procéder a été remise à A______ SA, les parties n'étant pas parvenues à un accord. La requête a ensuite été introduite par-devant le Tribunal en procédure simplifiée; elle est pendante à ce jour.

e.d A l'audience du Tribunal du 27 juin 2024, B______ SA a persisté dans ses conclusions en évacuation et amplifié ses conclusions en paiement, décompte à l'appui, à hauteur de 70'340 fr. 95. Elle a retiré sa conclusion en libération de la garantie bancaire de loyer.

A______ SA n'a pas pris de conclusions de fond, et a conclu à la suspension de la procédure dans l'attente du sort de la cause C/3______/2024, suspension que le Tribunal a refusée par ordonnance du 2 juillet 2024.

e.e Le recours formé par A______ SA contre l'ordonnance précitée, a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour ACJC/1168/2024 du 25 septembre 2024.

e.f Lors de l'audience du Tribunal du 12 décembre 2024, la sous-bailleresse a amplifié ses conclusions en paiement à hauteur de 110'000 fr., à titre d'indemnités pour occupation illicite, décompte à l'appui.

La sous-locataire a conclu à l'irrecevabilité de la requête pour cause de litispendance. Elle a déclaré louer les cabines déposées sur le terrain pour une somme mensuelle de 1'500 fr. et supporter des frais d'électricité de l'ordre de 1'000 fr. par mois. Elle a notamment produit des factures SIG relatives à sa consommation d'électricité ainsi qu'un jeu de clichés photographiques montrant les cabines susmentionnées.

La sous-bailleresse a relevé que la procédure C/3______/2024, qui était pendante, n'entraînait pas l'irrecevabilité de sa requête.

Les parties ont plaidé. A en croire le jugement du Tribunal, A______ SA s'est notamment prévalue de l'arrêt du Tribunal fédéral publié sous ATF 98 II 199.

e.g Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience susvisée.

EN DROIT

1.             La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie de recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, il ressort des explications de l'appelante qu'elle conteste, non seulement le prononcé de l'évacuation, mais également la validité du congé et la recevabilité de la requête de l'intimée en protection du cas clair. Au vu du montant du loyer mensuel, la valeur litigieuse est amplement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le jugement entrepris.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 Interjetés par écrit dans le délai prescrit par la loi, vu la notification intervenue le 14 février 2025 par pli recommandé (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1, 314 al. 1 et 321 al. 1 et 2 CPC), l'appel et le recours sont recevables de ces points de vue.

La procédure en matière de cas clairs est applicable (art. 248 let. b et 257 CPC), au vu des considérants qui suivront.

2.             Sans conclure formellement sur ce point, l'intimée relève un défaut de motivation suffisante de l'acte d'appel et de recours, ce qui rendrait celui-ci irrecevable.

2.1 Aux termes des articles 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC, l'appel et le recours doivent être écrits et motivés.

Les exigences de motivation sont les mêmes pour l'appel et le recours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_387/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.1; 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3). Il appartient dès lors à la partie recourante de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. La motivation du recours doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Il ne lui suffit cependant pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Lorsque l'acte de recours est insuffisamment motivé, l'autorité cantonale n'entre pas en matière (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 par analogie).

La motivation de l'appel, respectivement du recours, constitue une condition de recevabilité qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1 et 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2.2 Dans le cas présent, l'acte d'appel et de recours contient des conclusions et des critiques à l'encontre du jugement entrepris.

L'appelante conteste notamment que le bail ait pu être valablement résilié, avec effet immédiat, moyennant un délai comminatoire de dix jours pour régler les arriérés de loyers, vu la nature commerciale du contrat de bail. La situation juridique n'était selon elle pas claire, ce qui aurait dû conduire à l'irrecevabilité de la requête en évacuation.

Dans ces conditions, l'appel et le recours satisfont aux exigences légales de motivation. Ils seront ainsi déclarés recevables.

En revanche, faute de motivation suffisante, la conclusion de l'appelante en apport de la procédure C/2______/2024 (jointe à la cause C/3______/2024) pendante devant le Tribunal n'apparaît pas recevable. En tout état, cette conclusion visant à l'apport d'un nouveau moyen de preuve est irrecevable dans le cadre du recours (art. 326 al. 1 CPC).

3.             Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

4.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 257 CPC et 257d CO en déclarant recevable la requête de l'intimée en protection du cas clair et en prononçant son évacuation. Elle conteste également la validité du congé.

Elle soutient que la situation juridique ne serait pas claire dans la mesure où le contrat de bail aurait dû être interprété à l'aune des dispositions légales régissant les baux commerciaux. De ce point de vue, le délai imparti par l'avis comminatoire de l'intimée aurait dû être de trente jours, et non de dix jours. Elle se fonde sur
l'ATF 98 II 199 et l'ATF 124 III 108.

4.1 Lorsque le bailleur introduit une requête d'expulsion pour le retard dans le paiement du loyer, selon la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, la cause est soumise tant aux conditions de droit matériel de l'art. 257d CO qu'aux règles procédurales de l'art. 257 CPC.

La réglementation de droit matériel mise en place par le législateur à l'art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

A teneur de l'art. 257d al. 1 (1ère phr.) CO, lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu’à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail.

Ce délai sera de dix jours au moins et, pour les baux d’habitations ou de locaux commerciaux, de trente jours au moins (art. 257d al. 1 2ème phr. CO).

L'alinéa 2 de l'art. 257d CO dispose que s'il y a faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d’habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d’un mois.

4.2 La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF
138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2; 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

4.2.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1 p. 465; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

4.2.2 La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes
(ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

4.2.3 Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner sa validité à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).

4.2.4 Il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En revanche, il incombe au locataire d'invoquer les faits dirimants ou destructeurs en invoquant des objections ou des exceptions telle l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3).

4.3 Dans un arrêt déjà ancien, le Tribunal fédéral n'a pas exclu l'application analogique des dispositions sur la prolongation du bail à un contrat de location d'un terrain comprenant une construction mobilière, mais l'a réservée à des cas particuliers, par exemple lorsque le bail est de durée indéterminée et que le locataire a installé aux fins d'habitation ou de commerce une construction coûteuse au su du bailleur (ATF 98 II 199, consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_109/2015 du 23 septembre 2015, consid. 4.2).

Un pavillon amovible peut faire l'objet d'un bail de locaux commerciaux, lorsqu'il renferme un local destiné à un usage commercial (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2019 du 28 février 2020 consid. 10).

4.4 En l'espèce, l'intimée a accordé à l'appelante un délai comminatoire de dix jours pour le règlement de l'arriéré de loyers impayé de 18'000 fr. Constatant que la somme n'avait pas été acquittée dans le délai imparti, elle a résilié le contrat de bail.

L'appelante fait valoir qu'un délai de trente jours devait s'appliquer dans la mesure où le bail avait pour objet des locaux commerciaux, compte tenu des cabines qu'elle avait installées pour son personnel et l'accueil de sa clientèle. Elle avait réglé l'arriéré réclamé dans un délai de trente jours, dès réception de l'avis comminatoire.

Selon le contrat de bail, les parties sont convenues que l'appelante exploiterait le terrain nu pour un parking à voitures, avec l'installation de cinq containers. L'appelante a produit en première instance des clichés photographiques montrant les cabines à usage de bureau administratif, ainsi que des factures démontrant une consommation d'électricité.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la situation juridique de l'espèce n'est pas claire. En effet, vu les circonstances susmentionnées, la question de savoir si un délai comminatoire de dix jours ou de trente jours s'applique au cas concret ne s'impose pas de manière évidente, ni en regard du texte légal, ni sur la base d'une doctrine ou d'une jurisprudence éprouvées.

Dès lors que l'interprétation du contrat de bail et de la volonté des parties est nécessaire, le cas ne saurait être qualifié de clair.

4.5 Le grief de l'appelante est ainsi fondé.

Le jugement entrepris sera annulé. Il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC) dans le sens que la requête de l'intimée en évacuation et en paiement formée le 12 avril 2024 sera déclarée irrecevable.

5.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 21 février 2025 par A______ SA contre le jugement JTBL/1291/2024 rendu le 12 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8460/2024.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la requête formée par B______ SA le 12 avril 2024 dans la cause C/8460/2024.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Madame Nevena PULJIC, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.