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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/6654/2024

ACJC/765/2025 du 12.05.2025 sur JTBL/1269/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6654/2024 ACJC/765/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 12 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 décembre 2024, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

SI B______ SA, intimée, p.a. et représentée par C______.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1269/2024 du 12 décembre 2024, notifié dans sa version motivée par pli du greffe du 13 février 2025, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers l'appartement de 4 pièces n° 1______ au 3ème étage et les box n° 2______ et n° 3______ de l'immeuble sis route 4______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé SI B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que depuis que le bail était arrivé à échéance le 31 juillet 2023, le locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Il a également prononcé l'exécution de l'évacuation, sans motivation.

B. a. Par acte déposé le 24 février 2025 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : le locataire ou l'appelant) a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation et le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle instruction. Subsidiairement, il conclut à l'octroi d'un sursis humanitaire à l'exécution échéant au 31 décembre 2025.

Il a produit des pièces nouvelles, soit un courrier du 5 mars 2024 de l'ASLOCA à la régie C______, informant celle-ci qu'elle était chargée de la défense des intérêts de A______, avec élection de domicile, et que le précité était atteint dans sa santé de manière importante, certificat médical à l'appui (pièces 1à 3), un courrier du 8 mai 2024 de la régie à l'ASLOCA, l'informant que selon l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) aucune dérogation ne pouvait être accordée à A______ [pour demeurer dans l'appartement sous-occupé] (pièce 4), et la réponse de l'ASLOCA du 28 mai 2024, exposant qu'il importait plutôt de savoir si un échange d'appartement était possible (pièce 5).

Les pièces 6 à 8 figurent au dossier du Tribunal.

b. Par réponse du 10 mars 2025, SI B______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) a conclu au déboutement du locataire de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 31 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 7 août 2014, SI B______ SA, bailleresse, représentée par la régie E______, et A______, locataire, ont conclu trois contrats de bail à loyer portant respectivement sur la location d'un appartement de 4 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis route 4______ no. ______ à D______, ainsi que des box de parking n° 2______ et n° 3______.

L'immeuble est soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL), catégorie 4 (HM).

Les baux ont été conclus pour une durée indéterminée.

Le loyer, charges comprises, a été fixé à 1'171 fr. par mois pour l'appartement et à 200 fr. par mois et par parking.

b. Par courrier du 24 janvier 2023, l'OCLPF a demandé à la régie de résilier le contrat de bail de A______, motif pris d'une sous-occupation. Il demandait à la régie d'indiquer sur la résiliation qu'une procédure avait été engagée conformément à l'art. 31B LGL et que les locataires devaient se référer à sa lettre du même jour concernant la voie de réclamation à suivre. Devait également figurer sur l'avis de résiliation que les locataires disposaient d'une année au plus pour évacuer les locaux à compter de la notification par le bailleur.

Le même jour, l'OCLPF a également écrit à A______ pour l'informer qu'il requérait du propriétaire des lieux la résiliation du bail, étant précisé qu'il disposait d'un délai de départ d'une année au plus à compter de la notification dudit congé par le bailleur.

c. Par avis de résiliation du bail du 7 février 2023, la bailleresse a résilié les contrats pour le 31 juillet 2023. Ces résiliations n'ont pas fait l'objet de contestation.

d. Par requête du 18 mars 2024 adressé au Tribunal, dirigée contre "A______, route 4______ no. ______ à D______", SI B______ SA a conclu à l'évacuation du locataire, en sollicitant l'autorisation de faire usage de la force publique, et le paiement de la somme de 8'444 fr. avec intérêt à 5% dès le dépôt de la requête.

e. La convocation à l'audience du Tribunal du 13 juin 2024 a été adressée à A______ à son domicile privé.

f. Lors de cette audience devant le Tribunal, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, la bailleresse a retiré ses conclusions en paiement, le loyer étant à jour.

Elle a exposé qu'il y avait un appartement de 3 pièces qui s'était libéré dans le même immeuble, mais que l'attribution de celui-ci au locataire avait été refusée par l'OCPLF, pour des raisons qu'elle ignorait. Elle a persisté dans ses conclusions.

A______, comparant en personne, a déclaré qu'il recherchait un appartement de 3 pièces depuis le mois de février et qu'il attendait des réponses du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public et de la Gérance Immobilière Municipale.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

g. Par ordonnance du 28 octobre 2024, la cause a été attribuée à une nouvelle chambre du Tribunal, qui a appointé une nouvelle audience, la convocation envoyée à A______ l'étant à son domicile privé.

h. Lors de l'audience du 12 décembre 2024, A______ a indiqué être toujours à la recherche d'un logement, mais sans succès. Il avait pris contact avec l'Hospice général.

La bailleresse a persisté dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

i. Le 12 décembre 2024, le Tribunal a rendu un jugement non motivé, notifié à A______ par pli recommandé du 6 janvier 2025.

Le 20 janvier 2025, l'ASLOCA a requis la motivation du jugement pour le compte de A______.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, compte tenu des griefs invoqués, il apparait que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel, formé dans le délai et la forme prescrits par la loi, est recevable.

En revanche, l'appelant ne motive pas sa conclusion (nouvelle et partant irrecevable – art. 326 CPC) subsidiaire tendant à l'octroi d'un sursis humanitaire échéant au 31 décembre 2025, de sorte que son recours sera déclaré irrecevable.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.  L'appelant a produit des pièces nouvelles.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard.

2.2 Conformément aux principes qui précèdent les pièces nouvelles produites par l'appelant sont irrecevables. Celui-ci aurait en effet pu les produire devant les premiers juges. En informant pas son mandataire de la résiliation du bail, de la requête déposée contre lui ni des audiences auxquelles il avait été convoqué et en s'y rendant seul, sans informer le Tribunal de l'élection de domicile (et privant son conseil de le faire), il n'a pas agi avec la diligence requise, de sorte qu'il n'est pas fondé à produire ces pièces devant la Cour.

3. L'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, au motif qu'en raison du non-respect de l'élection de domicile auprès de l'ASLOCA, il n'avait pas été assisté lors des audiences devant le Tribunal et n'avait en conséquence pas pu faire valoir correctement ses droits, en particulier compte tenu de son état de santé.

3.1 Lorsque la partie est représentée, les actes sont notifiés à son représentant (art. 137 CPC).

Si un représentant est régulièrement désigné pour la procédure, une notification directe à la partie représentée est exclue et une telle notification n’est en principe pas régulière. L’application de l’art. 137 CPC et la conséquence que la notification doit intervenir auprès du représentant supposent qu’au moment de l’envoi, la représentation existe et aussi qu’elle a été portée à la connaissance du tribunal (ATF 143 III 28 consid. 2.2.1).

Dans la règle, une notification viciée ne constitue pas un motif de nullité; la protection des parties est suffisamment assurée lorsque la notification irrégulière a néanmoins atteint son but; il faut donc examiner, d'après les circonstances de l'espèce, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient de faire appel aux règles de la bonne foi - applicables aussi au domaine de la procédure civile - qui posent une limite à l'invocation d'un vice de forme (arrêt du Tribunal fédéral 5P.24/2007 du 19 mars 2007 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, il est acquis que la requête en évacuation déposée par l'intimée ne mentionnait pas l'élection de domicile de l'appelant auprès de l'ASLOCA. Cela étant, ce dernier a été atteint par les convocations du Tribunal, qui ignorait l'élection de domicile, et il s'est rendu aux audiences. Contrairement à ce qu'il soutient, aucun élément concret ne permet de retenir que la notification viciée lui aurait causé un préjudice. Même s'il avait été assisté de son mandataire, et qu'il avait été fait état de son état de santé, il n'expose pas en quoi cela aurait eu une incidence sur la solution du litige.

Aucun élément concret ne permet non plus de retenir que l'intimée aurait sciemment omis de mentionner l'élection de domicile dont elle avait été informée. Il appartenait à l'appelant d'informer son mandataire des convocations reçues, ainsi que le Tribunal de l'élection de domicile, ce qu'il aurait eu d'autant plus l'occasion de faire qu'il a été convoqué à deux reprises devant ce dernier.

Le fait que l'intimée n'ait fait qu'appliquer une décision de l'OCLPF et qu'elle ne soit, selon l'appelant, pas prétéritée par la situation n'est pas déterminant. Le Tribunal n'était par ailleurs pas tenu de proposer aux parties un échange d'appartements.

Au vu des considérations qui précèdent, le grief de l'appelant est infondé et le jugement entrepris sera confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 février 2025 par A______ contre le jugement JTBL/1269/2024 rendu le 12 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6654/2024.

Déclare irrecevable le recours interjeté le 24 février 2025 par A______ contre le chiffre 2 du dispositif de ce même jugement.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 2.1