Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/7317/2023

ACJC/725/2025 du 02.06.2025 sur JTBL/179/2025 ( OBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7317/2023 ACJC/725/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 2 JUIN 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 février 2025, représentée par Me Jean-Philippe FERRERO, avocat, boulevard des Philosophes 13, 1205 Genève,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Julien MARQUIS, avocat, rue De-Candolle 24, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/179/2025 du 18 février 2025, reçu le 21 février 2025 par les parties, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré irrecevables les requêtes formées par A______ le 15 janvier 2024 à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 21 mars 2025 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation et le renvoi de la cause au Tribunal pour reprise de l'instruction.

b. B______ SA s'en est rapportée à l'appréciation de la Cour.

c. Par avis du greffe de la Cour du 27 mars 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, est détenue par la famille D___/F___/G______ et propriétaire de la villa sise chemin 1______ no. ______ à C______ [GE] (ci-après: la villa).

D______ et E______ en sont les administrateurs actuels.

F______ en a été l'un des administrateurs, aux côtés notamment de son père, G______, ayant-droit de la société.

b. F______ et son épouse, A______, ont deux enfants, H______ et I______, nés respectivement en 2011 et 2012.

c. Dès l'été 2009, F______ et A______ ont occupé la villa, d'abord seuls, puis avec leurs enfants.

Aucun contrat de bail n'a été signé; F______ et A______ ne payaient rien en échange de l'occupation de la villa.

d. F______ est décédé le ______ 2019.

A______ et ses enfants ont continué à occuper la villa, sans contrepartie.

e. G______ est décédé le ______ 2020.

A______ et ses enfants ont continué à occuper la villa, sans contrepartie.

f. Par courrier du 22 mars 2021, J______, exécuteur testamentaire de feu G______, a rappelé à A______ que, lors d'une réunion du 29 octobre 2020, ils étaient convenus de maintenir le paiement de tous les avantages accordés par le précité de son vivant, "comme la mise à disposition de logements ou la prise en charge de frais privés, jusqu'à l'obtention de l'acte de notoriété". Celui-ci étant parvenu aux héritiers en janvier 2021 et afin de garantir une égalité de traitement entre ces derniers, l'exécuteur testamentaire avait décidé de poursuivre ledit paiement à certaines conditions, notamment celle que les avantages accordés dès le 3 septembre 2020 étaient rapportables et seraient déduits de la part successorale revenant aux héritiers.

Un décompte intitulé "Hoirie de F______" détaillant la nature et la valeur des avantages accordés était joint à ce courrier. Il ressort de ce décompte que sur les 20'000 fr. crédités mensuellement était notamment déduit un montant de 10'190 fr. à titre de "RIR Loyer & charges no. ______ Ch. 1______".

g. Par courriel du 16 février 2023, le conseil mandaté pour la défense des intérêts de H______ et I______ dans le cadre de la succession de feu G______ a sollicité de J______ qu'il s'abstienne de procéder à une quelconque déduction au titre du loyer et charges relatifs à la villa. La représentante légale de ses mandants contacterait prochainement B______ SA "pour formaliser les choses".

h. Le 2 mars 2023, B______ SA, en tant que bailleresse, a adressé à A______, en tant que locataire, un avis officiel de résiliation du bail de la villa avec effet au 31 août 2023.

i. Par échange de courriers des 28 mars et 3 avril 2023, les parties se sont entendues pour que le loyer de la villa ne soit plus prélevé sur l'avancement d'hoirie accordé à H______ et I______, mais directement acquitté par A______.

j. Le 30 mars 2023, A______ a déposé par-devant la Commission de conciliation une requête en contestation de congé, subsidiairement en prolongation de bail, ainsi qu'une requête en fixation judiciaire du loyer, dirigées à l'encontre de B______ SA. Ces requêtes ont été enregistrées sous les numéros de cause C/7317/2023 et C/7319/2023.

A______ a notamment fait valoir l'existence de vices de forme concernant l'avis officiel de résiliation.

k. Le 16 mai 2023, B______ SA a adressé à A______ un nouvel avis officiel de résiliation de bail de la villa avec effet au 31 août 2023.

l. Le 13 juin 2023, A______ a déposé par-devant la Commission de conciliation une nouvelle requête en contestation de congé, subsidiairement en prolongation de bail, dirigée à l'encontre de B______ SA. Cette requête a été enregistrée sous le numéro de cause C/12523/2023.

m. Vu l'échec de la tentative de conciliation, l'autorisation de procéder a été délivrée à A______ le 28 novembre 2023 dans les trois procédures susvisées.

n. Le 15 janvier 2024, A______ a introduit les trois causes par-devant le Tribunal, lesquelles ont été jointes sous le numéro de cause C/7317/2023.

o. A______ a conclu à ce que le Tribunal constate la nullité des congés notifiés les 2 mars 2023 et 16 mai 2023, "à défaut" annule ceux-ci, subsidiairement, lui accorde une prolongation de bail de quatre ans. S'agissant de la fixation du loyer, elle a conclu à ce que le Tribunal fixe celui de la villa à 3'700 fr. par mois dès le 1er janvier 2021 et ordonne à B______ SA de lui rembourser le trop-perçu.

Elle a notamment allégué que la compétence matérielle du Tribunal était donnée. Il ressort, en effet, de son argumentation juridique et de ses conclusions qu'elle partait du postulat qu'il existait un contrat de bail entre les parties.

p. B______ SA a conclu à ce que le Tribunal déclare valable le congé notifié le 16 mai 2023, accorde à A______ une unique prolongation de bail d'un an et déboute celle-ci de toutes autres conclusions.

Elle a notamment allégué que la villa avait été mise à disposition de feu F______ et A______ gratuitement, car cela correspondait à la volonté de feu G______. Après le décès de ce dernier, les administrateurs de la société avaient mis un terme à cette libéralité. Elle percevait depuis un loyer à hauteur de 10'190 fr. par mois. Il existait donc un contrat de bail oral, à tout le moins tacite, entre les parties depuis le 1er septembre 2020.

q. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a notamment admis l'allégué de B______ SA, selon lequel il existait un contrat de bail oral, voire tacite, entre elles, contestant toutefois que celui-ci aurait débuté en septembre 2020.

r. Dans sa duplique, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

s. Lors de l'audience du Tribunal du 12 septembre 2024, A______ a déclaré qu'elle habitait toujours dans la villa avec ses enfants. L'occupation de celle-ci était gratuite jusqu'en 2021. Elle avait ensuite été informée par l'exécuteur testamentaire de feu son beau-père qu'un montant de plus de 10'000 fr. par mois serait prélevé sur l'avance d'hoirie de ses enfants à titre de loyer pour l'occupation de la villa.

B______ SA, soit pour elle D______, frère de feu F______ et administrateur de la société depuis 2020, a confirmé que ce dernier et A______ ne payaient pas de loyer pour la villa. Après le décès de son frère, les enfants de celui-ci étaient devenus actionnaires de la société et donc bénéficiaires de l'avantage représenté par l'occupation de la villa. Il s'agissait d'un avantage consenti à un actionnaire, de sorte qu'une dénonciation spontanée avait été adressée à l'administration fiscale. Après le décès de son père, les administrateurs de la société avaient décidé que cet avantage ne pouvait plus être maintenu.

Les parties ayant chacune déclaré qu'il n'y avait pas eu de contrat de bail écrit, le Tribunal a soulevé la question de sa compétence.

A______ a réaffirmé que, depuis 2021, de l'argent était prélevé sur l'avance d'hoirie en échange de l'occupation de la villa, de sorte qu'il existait un contrat de bail tacite entre B______ SA et ses enfants.

B______ SA a réaffirmé qu'il existait un contrat de bail tacite entre elle-même et A______, mais à compter du 1er septembre 2020, le loyer ayant été prélevé dès cette date. En tout état, les enfants étaient mineurs et donc représentés par leur mère.

Le Tribunal a limité la procédure à la question de l'existence d'un contrat de bail entre les parties. Ces dernières ont alors plaidé sur cette question, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

t. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu qu'il n'existait pas d'indication d'une volonté commune des parties portant sur les éléments constitutifs d'un contrat de bail. Bien que celles-ci aient soutenu qu'il existerait un contrat de bail tacite, elles ne s'entendaient pas sur l'identité des parties, ni sur la date de conclusion du prétendu contrat de bail.

De plus, la déduction opérée par l'exécuteur testamentaire sur les avances consenties à H______ et I______ dans le cadre de la succession de feu G______ ne pouvait pas être considérée comme correspondant au paiement d'un loyer par A______ à B______ SA. En effet, cette déduction ne constituait pas la contrepartie d'un usage qui aurait perdu sa gratuité, mais la compensation, selon le droit des successions, de l'avantage accordé à H______ et I______ au travers de la gratuité de l'usage, ce qui ressortait du courrier de l'exécuteur testamentaire du 22 mars 2021. En outre, cette déduction concernait les prétentions successorales des précités dans le cadre de la succession de leur défunt grand-père.

A cela s'ajoutait une absence d'accord sur le versement d'une contrepartie en échange de l'occupation de la villa, ce qui ressortait du courriel de H______ et I______ du 16 février 2023.

A défaut d'un rapport de bail entre les parties, le Tribunal n'était pas compétent à raison de la matière.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En matière de contestation du loyer initial, la valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par l'appelant, sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

En l'espèce, compte tenu du loyer mensuel litigieux de plus de 10'000 fr. et de la différence entre celui-ci et le montant requis par l'appelante, dans sa requête en fixation du loyer judiciaire, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir constaté certains faits de manière incomplète et erronée. Il en a été tenu compte dans la mesure utile dans l'état de faits ci-dessus, lequel a été modifié et complété de manière à y intégrer les faits pertinents pour l'issue du litige.

3. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir admis sa compétence à raison de la matière, alors que les éléments essentiels du contrat de bail étaient réalisés.

3.1.
3.1.1
Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1), soit notamment à la condition de sa compétence à raison de la matière (al. 2 let. b).

Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

Conformément à l'art. 89 LOJ, le Tribunal des baux et loyers connaît des litiges relatifs au contrat de bail à loyer (art. 253 à 273c CO) et au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO) portant sur une chose immobilière.

3.1.2 Aux termes de l'art. 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.

La conclusion du contrat de bail est soumise aux règles générales des art. 1ss CO. La loi ne prescrit aucune forme pour le contrat de bail (art. 11 al. 1 CO). Il peut être conclu par écrit, oralement ou par actes concluants (art. 1 al. 2 CO; ATF 119 III 78 consid. 3c.; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 203). Cela étant, pour que tel soit le cas les parties doivent manifester leur volonté de façon concordante sur tous les points essentiels du contrat (art. 1 CO). En matière de bail, le Tribunal fédéral a relevé que la conclusion d'un bail tacite ne doit être retenue qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2015 consid. 3.1.1/4.1 et 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1). Dans l'analyse que doit conduire la juridiction, l'ensemble des circonstances doit être pris en compte (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 précité consid. 4.1 et 4A_247/2008 du 19 août 2008 consid. 3.2.1).

Le bail se conclut par l'échange de manifestations de volonté réciproques et concordantes portant sur le contenu essentiel du contrat (art. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2019 du 27 septembre 2019 consid. 3.1). Les éléments objectivement essentiels du contrat de bail à loyer sont la cession de l'usage de la chose et, en contrepartie, le paiement du loyer. Le montant du loyer doit être déterminé ou déterminable; à défaut, le contrat n'est pas conclu (Lachat, op. cit., p. 200).

Sans paiement d'un loyer, il n'y a pas de bail. Le "bail gratuit" est un contrat de prêt à usage (Lachat, op.cit., p. 67).

3.1.3 Lors de l'examen de la compétence, que le juge effectue d'office in limine litis, les faits doublement pertinents sont réputés vrais et n'ont pas à être prouvés. En s'appuyant sur les allégués, moyens et conclusions du seul demandeur, le juge doit rechercher si ces faits sont concluants, i.e. permettent de déduire juridiquement la qualification de contrat de travail, respectivement de bail, et partant le for invoqué. Si, à ce stade déjà, il aboutit à la conclusion qu'un tel contrat ne peut être retenu, le juge doit déclarer la demande irrecevable. Dans le cas contraire, le procès se poursuit normalement et le juge procède à l'administration des preuves. Si, en examinant le fond de la cause, le juge réalise finalement qu'il n'y a pas de contrat de travail, respectivement de bail, il ne peut rendre un nouveau jugement sur la compétence mais doit rejeter la demande par une décision de fond, revêtue de l'autorité de chose jugée. Le cas échéant, il doit examiner si la prétention repose sur un autre fondement; en effet, en vertu du principe jura novit curia (cf. art. 57 CPC), un seul et même juge doit pouvoir examiner la même prétention sous toutes ses "coutures juridiques" (arrêts du Tribunal fédéral 4A_429/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.1; 4A_84/2020 consid. 5.2 et 4A_484/2018 consid. 5.2, 5.4 et 5.5).

3.1.4 A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soi pour déguiser la nature véritable de la convention. Le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises (arrêt du Tribunal fédéral 4A_498/2018 du 11 avril 2019 consid. 5.1.1).

3.2 En l'espèce, il est admis que les parties avaient, dès 2009, la réelle et commune intention que feu F______, l'appelante et leurs enfants, occupent la villa, sans contrepartie financière. Elles ont ainsi conclu un contrat de prêt à usage. Le décès du précité n'a pas modifié la volonté des parties à cet égard.

Après le décès de feu G______, l'exécuteur testamentaire de ce dernier a modifié unilatéralement l'accord initial des parties, par courrier du 22 mars 2021, en prélevant chaque mois un montant de 10'190 fr. sur l'avance accordée à l'"hoirie de F______" à titre de "loyer et charges" de la villa.

L'appelante n'a pas réagi à ce courrier; en particulier elle n'a pas contesté le prélèvement d'un montant mensuel à titre de loyer sur l'avance d'hoirie de ses enfants ni sa qualité de locataire. Ce n'est que près de deux ans plus tard, par courriel du 16 février 2023, que ces derniers ont contesté l'exécution dudit prélèvement, sans toutefois remettre en cause le principe du paiement d'un loyer pour l'occupation de la villa.

Il s'ensuit que durant près de deux ans la cession de l'usage de la villa s'est effectuée en contrepartie du paiement d'une somme d'argent. L'intimée a d'ailleurs admis avoir perçu les montants y afférents. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le fait que ce paiement a été exécuté par prélèvements mensuels sur l'avance d'hoirie des enfants de l'appelante ne modifie pas sa finalité, soit la contrepartie de l'occupation de la villa. L'intimée a d'ailleurs confirmé que ses administrateurs avaient décidé que ladite occupation ne pouvait plus être gratuite. Ce paiement correspond donc à un loyer et ce, quel qu'en soit la méthode d'exécution. En tout état, il ressort de l'échange des courriers des parties des 28 mars et 3 avril 2023 que ces dernières se sont finalement entendues pour que l'appelante s'acquitte directement du loyer en mains de l'intimée.

Dans ces circonstances, il se justifie de retenir que les parties ont, de manière concordante, manifesté leur volonté de transformer le contrat de prêt à usage initial en un contrat de bail à loyer. L'intimée a d'ailleurs résilié ledit bail par avis officiel, en considérant l'appelante comme sa locataire et, dans le cadre de la présente procédure, les parties ont chacune allégué l'existence d'un contrat de bail.

Les parties ont ainsi conclu, par actes concluants, un contrat de bail à loyer portant sur la villa, comme allégué de manière convaincante par l'appelante, de sorte que la compétence du Tribunal doit être retenue. Les requêtes formées par l'appelante le 15 janvier 2024 sont dès lors recevables.

Par conséquent, le jugement attaqué sera annulé. Il sera statué à nouveau dans le sens qui précède. Pour le surplus, la cause sera renvoyée au Tribunal pour éventuelle instruction et décision sur le fond (art. 318 al. 1 let. c ch. 1 CPC).

4. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 mars 2025 par A______ contre le jugement JTBL/179/2025 rendu le 18 février 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7317/2023.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau:

Déclare recevables les requêtes formées par A______ le 15 janvier 2024 à l'encontre de B______ SA.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers afin qu'il statue sur le fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, Madame Nevena PULJIC, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2