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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15474/2022

ACJC/196/2025 du 10.02.2025 sur JTBL/510/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15474/2022 ACJC/196/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 10 FEVRIER 2025

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], appelants et intimés sur appel-joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 13 mai 2024, représentés par Me Thierry STICHER, avocat, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève,

et

C______ SA, sise ______ (FR), intimée et appelante sur appel-joint, représentée par Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat, quai des Bergues 23, 1201 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/510/2024 du 13 mai 2024, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 29'472 fr., charges non comprises, dès le 15 juillet 2022, le loyer annuel de l'appartement de 6 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. 5______/bis à D______ [GE] (chiffre 1 du dispositif), condamné C______ SA à verser à A______ et B______ le trop-perçu de loyer en découlant avec intérêts à 5% l'an dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), réduit la garantie de loyer à trois mois du loyer ainsi fixé, soit 7'368 fr., et ordonné la libération du solde en faveur de A______ et B______ (ch. 3), réduit de 10% le loyer de l'appartement susmentionné du 4 novembre 2022 au 28 février 2023 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 18 juin 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.

A titre préalable, ils requièrent la production de pièces par C______ SA, subsidiairement par des tiers, comprenant un ensemble de documents permettant un calcul de rendement de l'immeuble litigieux. Principalement, ils concluent au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire notamment en vue de déterminer si un calcul de rendement serait possible. Subsidiairement, ils concluent à ce que le loyer annuel de l'appartement litigieux soit fixé à 15'996 fr., charges non comprises, à ce que la bailleresse soit condamnée à leur verser le trop-perçu et la garantie de loyer réduite en conséquence et, enfin, à ce que le loyer soit réduit à concurrence de 25% du 4 novembre 2022 au 28 février 2023.

Ils produisent des extraits du calculateur de loyer mis à disposition par l'Office cantonal de la statistique.

b. Dans sa réponse et appel joint, C______ SA conclut à l'annulation du chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, à ce que ses parties adverses soient déboutées de toutes leurs conclusions en réduction du loyer et à la confirmation du jugement attaqué pour le surplus.

Elle produit une attestation établie le 15 août 2024 à titre de pièce complémentaire.

c. Dans leur mémoire de réponse à l'appel joint et réplique, A______ et B______ ont conclu à l'irrecevabilité de la pièce complémentaire produite par leur partie adverse, au rejet de l'appel joint et ont persisté dans leurs propres conclusions d'appel.

d. Les parties se sont encore déterminées les 18 et 31 octobre et 5 novembre 2024. C______ SA a produit deux pièces dont la recevabilité a été contestée par ses parties adverses.

e. Par avis de la Cour du 6 novembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. La SOCIETE IMMOBILIERE E______ (ci-après: SI E______) était propriétaire de la parcelle n° 2______ sise rue 1______ nos. 3______/4______/5______ à D______ jusqu'au 17 juillet 1998.

Trois bâtiments d'habitation, comportant une trentaine d'appartements, ont initialement été érigés sur cette parcelle dans les années 1946-1960 (rue 1______ nos. 3______/4______/5______).

b. L'appartement dont est question se situe dans l'immeuble sis rue 1______ no. 5______/bis construit sur la parcelle susmentionnée postérieurement aux autres bâtiments, en 2004.

Le coût approximatif des travaux du bâtiment s'est élevé à 1'208'550 fr. Selon la bailleresse, ce montant n'était qu'approximatif car elle ne disposait pas de décompte précis, définitif et signé par l'architecte en raison du fait que celui-ci s'était retiré du projet avant la fin des travaux.

c.a F______ a allégué avoir acquis un tiers des actions de la SI E______ en 1989, puis en être devenu l'unique actionnaire en avril 1994, ce qui a été admis par ses parties adverses (allégué n° 3 de la réponse du 26 mai 2023 et ad. 3 des déterminations du 15 juillet 2023).

c.b En 1998, la société immobilière précitée a été liquidée et F______ est devenu, par cession, propriétaire en son nom de la parcelle susmentionnée. Un montant de 3'400'000 fr. figure à ce titre dans la réquisition au Registre foncier.

c.c En juillet 2020, à l'occasion d'une réorganisation de son patrimoine en vue de sa succession, F______ a cédé, en bloc, l'ensemble de son parc immobilier à la société C______ SA dont il est l'unique actionnaire et administrateur.

Selon le contrat de transfert de patrimoine et inventaire du 18 juin 2020, F______ a fait apport à la société C______ SA de l'ensemble des actifs et passifs de son entreprise individuelle, soit des actifs de 124'444'840 fr. et des passifs envers les tiers de 103'757'064 fr., soit un actif net de 20'687'776 fr. En contrepartie, il lui a été remis 1'000'000 actions nominatives de la société anonyme.

c.d Lors de l'audience du Tribunal du 6 novembre 2023, F______ a exposé que le prix de la cession lors de la liquidation de la SI en 1998 était celui admis à l'époque par l'administration fiscale et que le prix du transfert en 2020 résultait d'un "ruling" obtenu auprès de l'administration fiscale de trois cantons différents. Ces prix ne correspondaient ainsi pas au prix du marché.

d. Le 21 juin 2022, C______ SA, bailleresse, et A______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 6.5 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. 5______/bis à D______. Une cave était mentionnée comme dépendance.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours, du 15 juillet 2022 au 31 juillet 2023, avec renouvellement tacite d'année en année.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé initialement à 35'760 fr.

Une garantie de loyer de 9'660 fr. devait être fournie par les locataires.

e. Sur le plan produit par la bailleresse, visé par la police des constructions, l'appartement est composé de 6 pièces d'une surface de 130 m2 comprenant un séjour de 25 m2, une cuisine de 11 m2, trois chambres de 14 m2, 12.1 m2 et 9 m2, respectivement une salle de bains avec WC (équipée d'une machine à laver le linge et d'un sèche-linge), un WC séparé, un balcon, ainsi qu'une mezzanine de 35 m2 dotée de deux velux et disposant d'un vide sur le séjour.

f. Selon la fiche descriptive remplie par la régie représentant la bailleresse, l'appartement comporte 6.5 pièces et dispose d'une surface de 113 m2. La cuisine, récente, est agencée et équipée. L'appartement est muni d'installations électriques récentes et de double vitrage et se situe à proximité d'une école, de commerces et des transports publics dans une zone de verdure et un quartier calme.

g. Selon l'avis de fixation du loyer initial du 21 juin 2022, le précédent locataire s'était acquitté d'un loyer annuel identique de 35'760 fr., charges non comprises. L'avis était motivé comme suit : "Loyer conforme à l'article 269a, lettre a du CO: loyer conforme aux loyers usuels dans le quartier".

h. Avant de conclure le bail, les locataires avaient visité l'appartement litigieux en présence de l'ancien locataire et avaient informé la régie par courriel du 13 juin 2022 de ce que l'appartement leur avait beaucoup plu.

Entendue par le Tribunal, B______ a confirmé que son colocataire et elle-même avaient visité l'appartement avant de signer le contrat. L'existence d'une cave, d'un local vélo ou poussettes ne leur avait pas été promise; ils s'étaient néanmoins attendus à pouvoir disposer d'une cave et à pouvoir entreposer des poussettes. Il ne leur avait pas été promis de buanderie ou de terrain de jeux à la visite des locaux.

i. Un état des lieux d'entrée a eu lieu le 14 juillet 2022; à teneur du procès-verbal, l'appartement était en ordre, sous réserve de plinthes à refixer et d'un support manivelles à remplacer.

j. Par courriel du 4 novembre 2022, les locataires se sont plaints auprès de la régie de problèmes de chauffage, mentionnant une température de 17 degrés.

Le 28 novembre 2022, les locataires ont indiqué à la régie que les radiateurs étaient tièdes et refroidissaient à partir de 17h environ et qu'ils avaient un maximum de 18 degrés dans la mezzanine pendant la journée et 17 degrés la nuit. L'air froid entrait par les lucarnes qui "fuyaient" et étaient pleines de condensation.

Lors de l'audience du 6 novembre 2023 devant le Tribunal, la bailleresse a reconnu la problématique du chauffage qui s'expliquait, selon elle, par l'incompétence du chauffagiste. Des réglages avaient permis de résoudre le problème. Après intervention de la société G______ SA, celle-ci a confirmé à la régie le 6 mars 2023 que les températures étaient bonnes.

k. Par requête du 5 août 2022, déclarée non conciliée et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 30 janvier 2023, les locataires ont contesté le loyer initial.

Ils ont conclu, préalablement, à ce qu'un calcul de rendement net soit ordonné, et, principalement, à ce que le loyer de l'appartement soit fixé à 1'500 fr. par mois, charges non comprises, à ce que la bailleresse soit condamnée à leur rembourser le trop-perçu de loyer en découlant avec intérêts à 5% l'an dès la date moyenne, à ce que la garantie de loyer soit réduite à trois mois du loyer ainsi fixé et à ce que le solde soit libéré en leur faveur.

Ils ont allégué que l'appartement ne disposait pas de 6.5 pièces comme annoncé, mais de trois chambres, une cuisine ouverte de 9 m2 et deux espaces ouverts de 20 m2 (salon) et 33 m2 (mezzanine). Par ailleurs, environ 40% de la surface avaient une hauteur inférieure à 2.20 mètres, de sorte qu'il n'était pas possible de placer des placards normaux. Seule la moitié de cette surface pouvait donc être retenue comme surface habitable. Les matériaux de l'appartement étaient très usés (parquets, moquettes) et l'équipement très simple. Il n'y avait pas de cave (mais un espace clos de 1.30 m2 dans l'abri anti-aérien), ni de buanderie, d'espace de stationnement pour vélos ou d'abri à vélos, ni de terrain de jeux. Il n'y avait pas de contrôle de chauffage disponible et un nombre insuffisant de petits radiateurs sous-dimensionnés. Une température ambiante de 18 degrés pouvait difficilement être atteinte en hiver.

l. Dans sa réponse, la bailleresse a conclu au rejet de la demande, relevant qu'un calcul de rendement n'était pas possible, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles l'immeuble dans lequel se trouvait l'appartement litigieux avait été construit et acquis par la bailleresse.

S'agissant de l'appartement, la bailleresse a soutenu qu'il comportait 6.5 pièces, à savoir un séjour, trois chambres, une cuisine, un vestibule et une mezzanine. La surface de 113 m2 représentait la surface habitable hors murs. L'état de l'appartement tel que décrit par les locataires ainsi que la hauteur sous plafond étaient contestés. Par ailleurs, aucun des éléments "manquants" mentionnés par les locataires ne leur avait été promis au moment de la conclusion du bail. Ces derniers disposaient d'une cave. Malgré ses demandes auprès de diverses régies, la bailleresse n'avait pas réussi à obtenir de fiches comparatives. Quant aux statistiques, elles fixaient le loyer d'un appartement de 6.5 pièces à 2'974 fr. par mois.

m. Les parties ont procédé à un deuxième échange d'écritures, persistant dans leurs conclusions respectives.

n. Lors de l'audience qui s'est tenue le 6 novembre 2023 devant le Tribunal, les locataires ont modifié leurs conclusions, dans le cadre des débats d'instruction, en ce sens que selon les informations évoquées dans la procédure, le loyer de leur appartement devait être fixé à 500 fr. par mois. Par ailleurs, le montant du loyer devait être réduit de 30% depuis l'entrée dans les locaux jusqu'à fin février 2023 dès lors que le chauffage ne fonctionnait pas durant cette période.

La bailleresse a contesté les calculs et nouvelles conclusions de ses parties adverses.

o. Le Tribunal a procédé à une inspection locale le 29 janvier 2024 et a procédé aux constatations suivantes :

L'immeuble dans lequel se trouvait l'appartement était contigu à ceux qui se trouvaient préalablement sur la parcelle. Des escaliers permettaient de se rendre à l'étage où se situait le logement. Il n'y avait pas d'ascenseur. Le hall d'immeuble était bien entretenu.

Dans l'appartement des locataires, un escalier permettait de rejoindre le séjour depuis la porte d'entrée.

La cuisine était semi-fermée, entièrement équipée, y compris d'un lave-vaisselle. Le réfrigérateur était de grandeur standard. L'aménagement de la cuisine était standard, sans particularité.

L'aménagement des salles d'eau était sans particularité. L'état général était bon.

Le balcon, accessible depuis les trois chambres, était en relatif mauvais état. La peinture s'était écaillée.

La mezzanine était grande. Il était possible de tenir debout partout sans problème. La moquette n'était ni neuve, ni en mauvais état.

p. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 11 mars 2024, les locataires ont plaidé et conclu à ce que le loyer soit fixé, selon un nouveau calcul de rendement, à 894 fr. par mois et à ce qu'il soit réduit de 30% pour les problèmes de chauffage. La bailleresse a plaidé et persisté dans ses conclusions.

q. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré qu'un calcul de rendement ne pouvait pas être effectué en l'état dans la mesure où le coût de revient de l'immeuble ne pouvait pas être établi. Si le coût de la construction était certes connu, le prix d'acquisition du terrain n'était, quant à lui, pas déterminable. Par ailleurs, le coût de revient ne pouvait pas non plus être déduit du transfert de patrimoine de F______ à C______ SA. Se fondant dès lors sur les statistiques cantonales concernant un appartement de 6 pièces à loyer libre dans la commune de D______ et en procédant à la moyenne des résultats obtenus selon la statistique de l'OCSTAT et selon le calculateur de loyer figurant sur le site de l'OCSTAT, le Tribunal a fixé le loyer annuel à 29'472 fr., charges non comprises. Enfin, le Tribunal a octroyé une réduction de loyer de 10% pour le défaut de chauffage, admis par la bailleresse, et ce pour la période concernée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par l'appelant sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, compte tenu de la différence entre le loyer annuel fixé par le bail et celui requis par les appelants, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte, ce qui n'est, au demeurant, pas contesté.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 CPC) et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable.

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, les locataires seront ci-après désignés en qualité d'appelants et la bailleresse en qualité d'intimée.


 

1.4 Les parties ont produit des pièces nouvelles devant la Cour.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, également applicable lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_519/2012 du 30 avril 2013 consid. 5), les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

A teneur de l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du Tribunal ne doivent pas être prouvés. Sont notamment assimilés à des faits notoires les extraits internet de l'Office fédéral de la statistique, les inscriptions au Registre du commerce, taux de change, horaire des CFF, etc. (ATF 143 IV 380 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1048/2019 du 30 juin 2021 consid. 3.6.6).

1.4.2 En l'espèce, les pièces produites par les appelants sont recevables dès lors qu'il s'agit d'extraits internet de l'Office cantonal de la statistique relevant du fait notoire.

Quant aux pièces produites par l'intimée, bien qu'établies postérieurement au jugement entrepris, elles se rapportent à des faits qui existaient déjà lors de la procédure de première instance. Leur recevabilité peut cependant demeurer indécise dans la mesure où dites pièces ne sont pas déterminantes pour l'issue du litige.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. A titre liminaire, les appelants se plaignent d'une constatation inexacte des faits sur deux points, à savoir, d'une part, sur la qualité d'actionnaire unique de F______ des sociétés SI E______ et C______ SA et, d'autre part, sur le nombre de pièces de leur appartement.

Ces points, qui résultent d'une appréciation des preuves et respectivement d'une application de la loi et de la jurisprudence seront examinés ci-après en lien avec les griefs soulevés par les appelants auxquels ils se rapportent.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir écarté l'application d'un calcul de rendement sans même avoir ordonné l'apport des documents comptables et financiers nécessaires pour déterminer si un tel calcul était possible ou non, violant ainsi, selon eux, la maxime inquisitoire sociale. Ils sollicitent que la cause soit renvoyée au Tribunal pour complément d'instruction et concluent, subsidiairement, à ce que la Cour ordonne la production des pièces requises.

3.1.1 En vertu de l'art. 270 al. 1 CO, le locataire peut contester le loyer initial qu'il estime abusif au sens des articles 269 et 269a CO. Selon l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée et, selon l'art. 269a let. a CO, il est présumé non abusif lorsqu'il se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (ATF
148 III 209 consid. 3).

Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels de la localité ou du quartier, en ce sens que le locataire peut toujours tenter de prouver que le loyer permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif (art. 269 CO), et ce n'est donc qu'en cas de difficulté, ou d'impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net, qu'il pourra être fait application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 124 III 310 consid. 2b).

Pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée : le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier l'emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis. Pour de tels immeubles, en effet, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis en vue de calculer le rendement net font fréquemment défaut ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 140 III 433 consid. 3.1).

Est ancien un immeuble dont la construction ou la dernière acquisition remonte à trente ans au moins, au moment où débute le bail; autrement dit, ce délai de trente ans commence à courir soit à la date de la construction de l'immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment où débute le bail (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 144 III 514 consid. 3.2).

3.1.2 Selon la jurisprudence, il appartient au locataire qui conteste le loyer initial d'apporter la preuve que le loyer convenu procure au bailleur un rendement excessif. Toutefois, selon les principes généraux tirés des règles de la bonne foi, la partie qui n'a pas la charge de la preuve (soit le bailleur) doit néanmoins collaborer loyalement à l'administration des preuves et fournir les éléments qu'elle est la seule à détenir. Une violation de cette obligation ne doit pas être admise à la légère; elle suppose que le locataire se trouve dans l'impossibilité d'apporter lui-même la preuve et que la bonne foi impose au bailleur de collaborer. Les principes dégagés par la jurisprudence et rappelés encore récemment (ATF 142 III 568 consid. 2.1 p. 576; arrêts du Tribunal fédéral 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités; 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 3.2 et 3.3) peuvent être résumés comme suit :

En premier lieu, il s'agit de déterminer si les documents remis par les parties sont suffisants ou non pour calculer le rendement net. Si tel est le cas, c'est exclusivement sur cette base qu'il convient de déterminer si le loyer examiné est abusif au sens de l'art. 269 CO.

En deuxième lieu, si tel n'est pas le cas parce qu'aucun document n'est remis au juge ou que les documents fournis sont insuffisants, il faut distinguer selon que l'on peut ou non imputer cette carence au bailleur. Si le défaut de production du bailleur est justifié, il ne lui sera pas imputé dans l'appréciation des preuves. Le juge tiendra exclusivement compte des statistiques qui, faute de mieux, permettront d'établir le loyer admissible, le cas échéant en pondérant les chiffres en fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire ou de l'expérience du juge.

En troisième lieu, si tel n'est pas le cas parce que le bailleur a, sans aucune justification, refusé ou négligé de produire les pièces comptables en sa possession, il faut distinguer en fonction des moyens de preuve à disposition du juge.

En l'absence de tout autre élément de preuve, le refus du bailleur pourra avoir pour conséquence de convaincre le juge de la fausseté complète ou partielle de ses allégations et, par conséquent, de l'amener à croire les indications du locataire.

Si, en revanche, il existe des données statistiques cantonales ou communales, le juge ne peut pas se baser sur le seul refus du bailleur, mais doit tenir compte de ces données dans le cadre de son appréciation globale des preuves. Ces statistiques, même si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF, constituent, faute de mieux, un repère objectif pouvant être pris en compte pour fixer le loyer admissible; le cas échéant, il s'agira de pondérer les chiffres figurant dans ces statistiques en fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire ou de l'expérience du juge (ATF 147 III 14 cons. 6.1).

3.1.3 Pour les immeubles propriétés de sociétés immobilières, en règle générale, le prix de vente des actions ne peut pas être considéré comme la valeur d'achat de l'immeuble. Juridiquement, il ne s'agit que d'un transfert de titres. Le propriétaire inscrit au Registre foncier (la société immobilière) demeure le même. De plus, le prix de vente ne reflète pas nécessairement la valeur de l'immeuble; il est également dépendant de diverses particularités, telles que les dettes sociales et hypothécaires, les actifs non immobiliers (réserves latentes après déduction de la charge fiscale latente), la créance de l'actionnaire, ainsi que les recettes et dépenses de la société (ATF 112 II 149 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2023 du 12 août 2024 consid. 5.3 et les références citées; Lachat/Stastny, Le bail à loyer, 2019, p. 540).

3.1.4 Selon la maxime inquisitoire sociale ou simple - applicable en l'espèce (art. 243 al. 2 let. c CPC) - le juge doit établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (art. 247 al. 2 let. a CPC; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

Le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2;
130 III 734 consid. 2.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.1.1; 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 5.2.2). L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

3.2. En l'espèce, les appelants font valoir tant une constatation inexacte des faits qu'une violation du droit concernant la problématique du calcul de rendement.

3.2.1 En premier lieu, ils reprochent au Tribunal d'avoir retenu que F______ était l'unique actionnaire des sociétés SI E______ et C______ SA, alors que, selon eux, ce fait n'a pas été prouvé.

La question de la titularité économique des sociétés précitées n'a jamais été discutée en première instance. Concernant la SI E______, la bailleresse a exposé, dans son mémoire de réponse du 26 mai 2023, que F______ détenait un tiers des actions avant d'acquérir l'intégralité de l'actionnariat en 1994, devenant dès cette date l'actionnaire unique. Les appelants ont expressément admis cet allégué, de sorte qu'il ne revenait pas à l'intimée d'en apporter davantage la preuve, étant ici rappelé que seuls les faits contestés doivent être prouvés (art. 151 CPC). Concernant la société C______ SA, la bailleresse a allégué dans ses écritures que F______ en était l'actionnaire unique et l'administrateur, ce que ce dernier a confirmé lors de l'audience du 6 novembre 2023 sans que ce point ne soulève de remarque particulière. Il n'y a dès lors pas lieu de remettre en cause la véracité de ses déclarations, qui constituent un moyen de preuve admissible (art. 168 al. 1 let. f CPC). De plus, celles-ci sont, si besoin est, corroborées par les inscriptions figurant au Registre du commerce en lien avec le transfert de patrimoine du 18 juin 2020 dont il ressort que F______ a acquis 1'000'000 actions, soit l'intégralité des actions de la société bailleresse.

Pour leur part, les appelants n'apportent aucun élément probant permettant d'aboutir à une autre conclusion quant à l'actionnariat de ces sociétés.

C'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu le fait que F______ était l'unique actionnaire de la SI E______ et de C______ SA.

3.2.2 Concernant la possibilité d'effectuer un calcul de rendement, la situation de l'immeuble est en l'espèce particulière en ce sens que si sa construction est relativement récente (2004), le terrain sur lequel il est érigé comprend différents immeubles dont la plupart sont anciens, datant des années 1950-1960, et a fait l'objet de différents transferts de propriété.

Pour rappel, c'est à l'origine la SI E______ qui était propriétaire de la parcelle n° 2______. Au moment de l'acquisition de celle-ci, F______ n'était pas encore impliqué dans cette société. Ce n'est qu'en 1989, soit près de quarante ans plus tard, qu'il en est devenu actionnaire et, en 1994, actionnaire unique. Le terrain est ensuite passé, en 1998, en mains de F______, en personne, puis à la société bailleresse en 2020.

La question pertinente est celle de savoir si le prix de revient de l'immeuble assumé par la bailleresse, qui comprend principalement le coût du terrain et celui de la construction, peut être connu ou déterminé en fonction des transferts de propriété qui ont eu lieu en 1994, 1998 et 2020.

La dernière acquisition de l'immeuble par la bailleresse en 2020 n'est pas susceptible de fournir des indications quant au prix de revient de l'immeuble dans la mesure où l'opération financière consistait en un transfert global de patrimoine entre F______ et la société bailleresse. Dans le cadre de ce transfert, aucun prix individualisé par immeuble n'a été déterminé et le terrain n'a pas non plus été évalué, la cession ayant eu lieu en bloc sur l'ensemble du patrimoine de F______. De plus, ce transfert s'inscrivait dans la perspective d'une succession et n'impliquait pas de tiers acquéreur puisque le transférant demeurait lui-même actionnaire unique de la société bailleresse, de sorte cette transaction ne reflète pas les conditions économiques ordinaires de vente. Dans ce contexte, on ne saurait en extraire une quelconque valeur de l'immeuble situé au numéro 5______/bis, respectivement du terrain y relatif.

Le prix d'acquisition de l'immeuble ne peut pas non plus être déduit de l'opération de liquidation de la SI E______ impliquant la cession de la parcelle n° 2______ à F______ intervenue en 1998. Bien qu'un montant de 3'400'000 fr. figure à ce titre dans la réquisition au Registre foncier, ce prix comprend de manière globale l'ensemble des actifs détenus par la société, dont les trois immeubles datant des années 1946-1960, et ne distingue pas le prix du terrain ni celui des constructions existantes, étant de surcroît relevé qu'à cette période l'immeuble qui accueille l'appartement litigieux n'existait pas encore. Le prix de cession ne reflète ainsi pas la réalité économique actuelle, ni la valeur de l'immeuble - qui n'existait pas - ni celle du terrain.

Enfin, le prix d'achat des actions de la SI E______ ne peut pas non plus être pris comme référence puisque, selon la doctrine et jurisprudence, le prix de vente des actions d'une société immobilière ne peut pas être considéré comme la valeur d'achat de l'immeuble dont elle est propriétaire (cf. consid. 3.1.3 supra).

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, on ne saurait se fonder sur les documents comptables, tels que les bilans des sociétés, pour déterminer le prix d'acquisition du terrain, dès lors que les valeurs comptables ne reflètent pas nécessairement les coûts d'investissements effectifs, ce d'autant plus dans le cas d'espèce où la parcelle a été acquise il a plusieurs décennies et transmise dans le cadre de transferts globaux de patrimoine.

En définitive, le coût d'acquisition de l'immeuble où se situe l'appartement litigieux ou du terrain y relatif ne peuvent être déterminés de manière suffisamment fiable, compte tenu des spécificités du cas d'espèce et des divers transferts de propriété, intervenus de manière globale et dans des contextes particuliers de réorganisation de patrimoine.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal était fondé à retenir que le calcul de rendement n'était pas réalisable en l'espèce et, partant, à écarter son application au profit des statistiques. C'est dès lors sans violer la maxime inquisitoire et en usant de son pouvoir d'appréciation anticipée des preuves que le Tribunal n'a pas ordonné la production de l'ensemble des pièces requises par les appelants, considérant qu'elles n'apporteraient pas les éléments nécessaires audit calcul.

Pour les mêmes motifs, la conclusion préalable en production de pièces formée par les appelants devant la Cour sera rejetée.

L'appel sera en conséquence infondé sur ces points.

4. Les appelants contestent le montant du loyer fixé par le Tribunal sur la base des statistiques genevoises. Selon eux, le Tribunal aurait dû se baser uniquement sur les statistiques cantonales en prenant en considération un appartement de 4 pièces et non de 6 pièces.

4.1.1 Pour déterminer les loyers usuels dans la localité ou le quartier, l'art. 11 OBLF prescrit de se baser soit sur des loyers de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3), soit sur des statistiques officielles (al. 4).

Selon la jurisprudence, le juge doit procéder à des comparaisons concrètes, à la lumière des critères de l'art. 11 OBLF. La détermination des loyers usuels ne peut pas s'effectuer sur la base d'une « impression d'ensemble ». Pour pouvoir tirer des conclusions qui offrent quelque sécurité, le juge doit pouvoir se fonder soit sur des statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF), soit sur au minimum cinq logements de comparaison (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_295/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.2).

Les statistiques éditées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) peuvent être utilisées pour fixer le loyer initial, tout en tenant compte de leurs lacunes, par le biais de réajustements destinés à prendre en considération les particularités de l'objet loué. Eu égard à la marge d'appréciation dont le juge dispose en la matière, la Cour considère qu'il est possible de se référer à une valeur moyenne. En règle générale, dans la mesure où les statistiques relatives aux logements loués à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois ne tiennent pas compte de la date de construction de l'immeuble, ni des caractéristiques du cas particulier, il y a lieu de les compléter en procédant à une pondération avec les chiffres statistiques des baux en cours (ACJC/684/2020 du 25 mai 2020 consid. 3.1; ACJC/1219/2016 du 19 septembre 2016; ACJC/702/2009 du 15 juin 2009 consid. 4; ACJC/954/2013 du 7 août 2013 consid. 2; ACJC/1500/2013 du 16 décembre 2013 consid. 6.1.2; ACJC/390/2015 du 30 mars 2015 consid. 6.1).

S'agissant du choix de la statistique à prendre en compte parmi celles établies par l'OCSTAT, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ACJC/1303/2007 consid. 3.5; ACJC/812/2010 du 21 juin 2010 consid. 4.1.).

Le Tribunal fédéral a confirmé que cette pondération des statistiques genevoises n'est pas arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2011 du 28 février 2011 consid. 5.2).

4.1.2 De jurisprudence constante, la pièce d’un logement doit comporter au minimum 9 m2 et disposer d’un jour vertical sur l’extérieur, par référence à l’article 52 al. 1 et 2 LCI. Les espaces dont la surface est comprise entre 6 et 9 m2 ne comptent que comme une demi-pièce (ACJC/186/2010 du 15 février 2010). Il n'est en outre pas exclu que certaines pièces, particulièrement vastes (50 m2 dans la jurisprudence mentionnée), entrent en compte pour plus d'une unité (ACJC/158/2015 du 16 février 2015). Les salles de bains, les toilettes, les caves, les halls, les corridors et les terrasses ne sont pas pris en considération (ACJC/186/2010 du 15 février 2010; ACJC/655/2013 du 27 mai 2013; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 134 ; Bohnet/Carron/Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 11 ad art. 253b CO).

S'agissant du vide d'étages, la jurisprudence retient que même si la présence d'un vide d'étage inférieur à 2.40 mètres ne permet pas, selon la LCI et son règlement d'application, que des pièces soient utilisées à des fins de chambre à coucher, de bureau ou de salle de séjour, tout usage inhérent à l'habitation n'est en revanche pas proscrit, de sorte qu'elles peuvent être comptabilisées comme pièces (ACJC/655/2013 du 27 mai 2013; arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2010 du 22 juin 2010).

4.1.3 La vétusté et les éventuels défauts de l'objet loué n'ont pas à être pris en considération dans la fixation judiciaire du loyer. En effet, la vétusté d'un immeuble se reflète déjà dans l'année de construction de celui-ci, qui est pris en compte dans les statistiques des loyers. Quant aux défauts éventuellement présents, résultant ou non de l'état de vétusté, ils peuvent faire l'objet d'une réduction du loyer (cf. art. 259a al. 1 let. b et 259d CO), de sorte qu'il ne se justifie pas d'en tenir compte, faute de quoi les locataires pourraient obtenir une réduction à double (ACJC/1533/2023 du 20 novembre 2023, consid. 5.3).

4.2.1 En l'espèce, le Tribunal a procédé à une moyenne de deux statistiques publiées par l’OCSTAT, soit le loyer mensuel moyen en fonction du nombre de pièces, de la nature du logement et du statut du bail en mai 2022 pour des logements à loyer libre de 6 pièces loués à de nouveaux locataires (2'929 fr.) (T 05.04.2.02) et le loyer mensuel moyen par pièce et par appartement pour un logement de 6 pièces à loyer libre situé dans la commune de D______ pour l'année 2022 (1'983 fr.).

Ce procédé est conforme à la jurisprudence de la Cour de céans rendue en la matière. En effet, en l'absence, comme en l'espèce, d'informations relatives aux loyers comparatifs et d'éléments chiffrés permettant un calcul de rendement, il est admis de s'appuyer sur les statistiques cantonales même si elles ne sont pas complètes au sens de l'art. 11 OBLF. Par ailleurs, en tenant compte d'une valeur moyenne résultant des deux statistiques de l'OCSTAT, le Tribunal a pondéré le premier résultat par la prise en compte de la localisation de l'appartement sur la commune de D______. Le critère de l'emplacement a ainsi été expressément pris en considération.

La méthode opérée par le Tribunal n'est dès lors pas critiquable.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4.2.2 Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir pris en compte un appartement de 6 pièces pour établir le loyer admissible sur la base des statistiques. Ils soutiennent que leur logement comprendrait non pas 6 pièces, mais 4 pièces.

L'appartement dispose de trois chambres, d'une cuisine de plus de 9m2, d'un salon de 25m2 et d'une mezzanine de 35m2. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, la cuisine, qui dispose d'une taille suffisante, d'une fenêtre et d'un aménagement standard, selon les constations du Tribunal, constitue une pièce. Il en va de même de la mezzanine, qui constitue un espace séparé d'une surface non négligeable de 35m2, étant précisé que la hauteur était suffisante pour s'y tenir debout partout.

Les plans de l'appartement, visés par la police des constructions, confirment d'ailleurs qu'il s'agit d'un 6 pièces.

C'est en vain que les appelants tentent de se prévaloir de l'art. 7 let a (recte art. 1 al. 7 let a) du Règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (RGL/GE – I 4 05.01) pour calculer le nombre de pièces de leur appartement. Cette disposition fait référence aux pièces "distinctes", ce qui n'est pas synonyme et n'équivaut pas nécessairement au nombre de pièces d'un logement. Par conséquent, on ne saurait se fonder sur les critères de cette disposition pour calculer le nombre de pièces de l'appartement des appelants.

C'est donc à juste titre que le Tribunal a considéré que l'appartement litigieux était un 6 pièces genevois.

4.3 Par conséquent, les griefs des appelants étant infondés, le jugement sera confirmé en tant qu'il porte sur le loyer admissible établi par le Tribunal.

5. Les parties contestent toutes les deux la réduction de loyer de 10% prononcée par le Tribunal en lien avec le défaut de chauffage. Les appelants la trouvent insuffisante et réclament une réduction de l'ordre de 30%, tandis que l'intimée conteste toute réduction, motif pris de ce que le défaut n'aurait pas été prouvé.

5.1.1 Conformément aux art. 259a ss CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, entre autres, la remise en état de la chose (let. a) ou une réduction proportionnelle du loyer (let. b).

La réduction de loyer ne suppose pas que le défaut soit imputable au bailleur. Celui-ci doit réduire le loyer même lorsqu'il n'est pas responsable de la survenance du défaut (Lachat, op. cit., p. 304).

5.1.2 Pour apprécier une réduction de loyer, on compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre de prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat/Rubli, le bail à loyer, 2019, p. 315).

Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entaché du défaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période, de sorte que les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à l'usage ne peuvent être fournies au jour le jour, le Tribunal procède à une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; ACJC/1016/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; Burkhalter/Martinez Favre, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, p. 244; arrêt du Tribunal fédéral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4).

La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (Lachat/Rubli, op. cit., p. 316).

5.1.3 De manière générale, les tribunaux suisses ont accordé des réductions de loyer oscillant entre 5% et 20% en cas de températures insuffisantes dans des locaux d’habitation (ATF 130 III 504; arrêt du Tribunal fédéral 4A_174/2009 du 8 juillet 2009 consid. 4.2; ACJC/38/2009 consid. 5.1). Plus spécialement, une réduction de loyer de 10% a été retenue pour une température insuffisante durant la saison froide (ACJC/1078/2024 consid. 5.2; ACJC/659/2013 consid. 8.3; ACJC/38/2009 consid. 5.2; ACJC/290/2005 consid. 4).

5.2 En l'espèce, l'intimée ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que le défaut n'aurait pas été suffisamment prouvé dans la mesure où elle a admis l'allégué n° 20 de ses parties adverses aux termes duquel ces dernières alléguaient que le chauffage ne fonctionnait pas à la prise de bail et ce jusqu'au 1er mars 2023, et qu'elle a, en outre, elle-même expressément déclaré que "la problématique du chauffage [était] reconnue" lors de l'audience du 6 novembre 2023. L'intimée ne saurait revenir devant la Cour sur un fait qu'elle a expressément admis à plusieurs reprises devant le Tribunal, sous peine d'adopter un comportement contraire à bonne foi.

Quant à la quotité de la réduction, les 10% prononcés par le Tribunal s'inscrivent dans la "fourchette" admise par la jurisprudence et paraissent adéquats au vu de la nuisance occasionnée et de l'entrave à l'usage de la chose. Il n'est pas démontré que les nuisances atteignaient une intensité telle qu'elle justifierait une réduction plus importante.

Le jugement sera confirmé sur ce point également.

6. Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé dans son intégralité.

7. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 18 juin 2024 par A______ et B______ ainsi que l'appel joint formé le 16 août 2024 par C______ SA contre le jugement JTBL/510/2024 rendu le 13 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15474/2022‑1.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2