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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7192/2023

ACJC/1112/2024 du 12.09.2024 sur JTBL/329/2024 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7192/2023 ACJC/1112/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, anciennement domiciliés ______, p.a. case postale 1______, ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 mars 2024,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Nadia Isabel CLERIGO, avocate, quai des Bergues 23, 1201 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/329/2024 du 22 mars 2024, notifié aux parties le 26 mars 2024, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ et B______ (ci-après les locataires), conjointement et solidairement, à payer à C______ 59'320 fr. 77, plus intérêts à 5% dès le 1er avril 2022, en lien avec l'appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Le 5 avril 2024, les locataires ont formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, subsidiairement renvoie la cause "au Tribunal ou à la CCBL" et, plus subsidiairement, suspende la procédure dans l'attente "de la procédure C/3______/2020 CCBL/ et la procédure pénale".

Ils ont produit deux pièces nouvelles.

Cet appel est signé par A______ et par B______.

b. Le 15 avril 2024, C______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les locataires ont répliqué le 3 mai 2024, persistant dans leurs conclusions et produisant deux pièces nouvelles.

Cette réplique, rédigée au nom des deux locataires, est signée par A______ en son nom propre et au nom de son épouse.

d. C______ a dupliqué le 10 mai 2024, persistant dans ses conclusions.

e. Les locataires ont encore déposé une écriture spontanée et deux pièces nouvelles le 3 juin 2024, persistant dans leurs conclusions.

Cette écriture porte les signatures des deux locataires.

f. Les parties ont été informées le 24 juillet 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______, d'une part, en tant que bailleresse, et les époux A______ et B______, d'autre part, en tant que locataires engagés conjointement et solidairement, ont conclu le 7 mars 2019 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______, à D______.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'931 fr.

Le bail signé par les locataires prévoit expressément que ceux-ci, par leurs signatures, reconnaissent avoir reçu et pris connaissance de la formule officielle "Notification de loyer lors de la conclusion d'un nouveau bail", qui leur a été remise au plus tard au moment de la délivrance de la chose louée.

b. Le 17 novembre 2020, le bail a été résilié pour défaut de paiement pour le 31 décembre 2020.

c. Par jugement JTBL/380/2021 du 27 avril 2021, le Tribunal a condamné les locataires à évacuer l'appartement. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour ACJC/210/2022 du 14 février 2022, puis par arrêt du Tribunal fédéral 4A_125/2022 du 1er avril 2022.

Devant la Cour, les locataires, qui ne s'étaient pas présentés à l'audience appointée par le Tribunal, se sont notamment plaint d'une violation de leur droit d'être entendus, grief qui a été écarté par la Cour. Ils ont en outre plaidé, en vain, l'existence d'un abus de droit de la part de leur partie adverse.

d.a Le 12 avril 2022, Me E______, huissier judiciaire mandatée par C______, s'est rendue à l'adresse litigieuse en compagnie de représentants du Service des évacuations et d'une patrouille de police dans le but d'évacuer les locataires.

A cette occasion, le locataire lui a présenté un contrat de sous-location daté du 1er juin 2020 en faveur de ses parents, F______ et G______, de sorte que ladite évacuation n'a pu avoir lieu.

L'entreprise [de serrurerie] H______ a facturé à C______ un montant de 1'173 fr. 95 pour deux déplacements en date des 5 et 12 avril 2022 comprenant 2,5 heures "d'attente police en uniforme (…) (locataire très difficile)" et des prestations liées à deux cylindres.

d.b Le même jour A______ a envoyé un courriel à Me E______ pour lui indiquer que ses parents avaient contesté l'avis de résiliation du contrat de sous-location dont ils bénéficiaient. Il n'a pas indiqué le numéro de la procédure en cours. Le contrat de bail principal était valable jusqu'en mars 2024. Il avertissait Me E______ que son intervention était injustifiée et qu'elle serait tenue responsable de tout dommage en résultant.

Me E______ a pris des photographies du contrat qui lui a été soumis à cette occasion. Les photographies sont illisibles.

d.c Le 19 mai 2022, la bailleresse a communiqué aux locataires la facture de H______ et leur a fait savoir que ces frais étaient à leur charge. Un délai au 18 juin 2022 leur a été imparti pour la payer, ce qu'ils n'ont pas fait.

e. Par jugement JTBL/533/2022 du 6 juillet 2022, le Tribunal a ordonné l'évacuation des sous-locataires. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour ACJC/1588/2022 du 5 décembre 2022 et arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2023 du 10 février 2023.

f. Le 2 février 2023, Me I______, huissier judiciaire, s'est rendu sur place pour procéder au changement des cylindres avec la société J______ SARL. Le coût de son intervention a été de 856 fr. 22 et la facture du serrurier s'est montée à 420 fr.

g. Le 3 avril 2023, agissant par la voie de la protection pour cas clairs, C______ a conclu à ce que le Tribunal condamne les locataires à lui verser 59'320 fr. 77 avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2022 (date moyenne). Ce montant se décompose comme suit : 56'870 fr. 60 au titre d'arriérés de loyers, indemnités pour occupation illicite et acomptes de charges pour la période de 2018 à 2022, 1'173 fr. 95 au titre de remboursement de la facture de H______, 856 fr. 22 au titre des honoraires de Me I______ et 420 fr. au titre de la facture de J______ SARL.

h. Le Tribunal a convoqué une audience pour le 1er juin 2023.

i. Par courrier du 12 mai 2023, les locataires ont conclu à ce que le Tribunal déclare la requête irrecevable, annule l'audience du 1er juin 2023, subsidiairement renvoie la cause à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, et, plus subsidiairement, suspende la procédure "dans l'attente de la procédure C/3______/2020".

Les locataires ont notamment fait valoir que la procuration produite par l'avocate de sa partie adverse n'était pas valable. La procédure civile C/26710/2020 ainsi qu'une procédure pénale pendantes entre les parties étaient susceptibles d'influencer l'issue du présent litige. Le contrat de sous-location n'avait pas été valablement résilié. Les factures de H______ et J______ SARL étaient contestées. Les clés avaient été renvoyées par les sous-locataires le 31 janvier 2023, de sorte que l'intervention de Me I______ n'était pas justifiée. Le relevé de compte présenté par C______ était contesté, de même que toutes ses allégations. Les conditions d'application de la procédure pour cas clairs n'étaient pas réalisées et une audience de conciliation devait être convoquée. Sans réponse de la part du Tribunal dans les dix jours, les locataires partaient du principe que l'audience du 1er juin 2023 était annulée.

j. Le 30 mai 2023, C______ s'est prononcée sur les arguments de ses parties adverses, persistant dans ses conclusions et requérant le maintien de l'audience du 1er juin 2023.

k. Lors de l'audience du Tribunal du 1er juin 2023, les locataires n'étaient ni présents, ni représentés. C______ a persisté dans ses conclusions et la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

l. Par jugement JTBL/447/2023 du 1er juin 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ et B______, conjointement et solidairement, à payer à C______ 59'320 fr. 77, plus intérêts à 5% dès le 1er avril 2022, en lien avec l'appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à D______, débouté les parties de toutes autres conclusions et dit que la procédure était gratuite.

m. Par arrêt ACJC/56/2024 du 22 janvier 2024, la Cour de justice, faisant suite à l'appel formé par A______ et B______, a annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle a retenu que le Tribunal avait violé le droit d'être entendus des locataires car il n'avait pas traité les arguments soulevés par ceux-ci dans leur détermination écrite du 12 mai 2023, qu'il n'avait pas déclaré irrecevable, et n'avait statué sur aucune de leurs conclusions.

n. Suite au renvoi de la cause, celle-ci a été gardée à juger par le Tribunal à une date qui ne ressort pas du dossier.

o. Il ressort du suivi des envois du Tribunal et de la Cour que tous les actes adressés à B______ dans le cadre de la présente procédure ont été réceptionnés pour son compte par son époux, à l'adresse no. ______, chemin 4______, à K______ [GE], domicile officiel des époux.

Tous les actes déposés au nom des locataires devant le Tribunal et au cours de la première procédure d'appel, ont été formulés aux noms des deux époux mais signés par le seul A______, agissant tant pour son propre compte que pour celui de son épouse.

EN DROIT

1. L'appel, interjeté dans le délai légal contre une décision finale dans une cause portant sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 314 CPC).

2. Les appelants ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

En appel, les parties doivent présenter de manière complète les griefs contre la décision attaquée dans le délai d'appel, respectivement dans la réponse à l'appel; un éventuel deuxième échange d'écritures ou l'exercice du droit de réplique n'est pas destiné à compléter une motivation insuffisante, ni à introduire des arguments nouveaux après l'expiration du délai d'appel. Les nova doivent eux aussi en principe être invoqués dans le premier échange d'écritures (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt 4A_412/2021 du 21 avril 2022 consid. 3.2).  

2.2 En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que le Tribunal a donné aux parties l'occasion de s'exprimer après le prononcé de l'arrêt de la Cour du 22 janvier 2024. L'extrait de décision du Ministère public du 28 août 2023 produit par les appelants est postérieur au 1er juin 2023, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger pour la première fois, de sorte qu'il est recevable.

La seconde pièce nouvelle produite avec l'appel n'est pas recevable car elle n'est pas datée et les appelants n'indiquent pas pourquoi elle ne pouvait pas être produite devant le Tribunal.

Les autres pièces produites par les appelants avec leurs écritures spontanées sont irrecevables, conformément à la jurisprudence précitée.

3. 3.1 A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte écrit et motivé. La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu qu'il n'y avait pas lieu de suspendre la procédure dans l'attente de l'issue de l'action en contestation du congé extraordinaire et de la procédure pénale, pendantes selon les dires des appelants. Ces procédures ne faisaient pas obstacle à la poursuite de la présente cause en cas clair puisqu'il avait déjà été définitivement statué sur la validité du congé. En tout état de cause, il n'y avait pas litispendance entre une action sommaire prévue par l'art. 257 CPC et une action en annulation du congé selon la jurisprudence. La question de la résiliation du contrat de sous-location n'était pas pertinente pour l'issue du litige.

Les appelants font valoir que c'est à tort que le Tribunal n'a pas ordonné la suspension de la cause. Ils ne fournissent cependant aucune motivation à l'appui de leur argumentation. Ce grief ne respecte dès lors pas les exigences de recevabilité rappelées ci-dessus, de sorte qu'il est irrecevable.

4. Sur le fond, le Tribunal a retenu que les appelants ne démontraient pas que les factures de H______ et de J______ SARL étaient fausses, ni que les clés avaient été renvoyées avant l'intervention de l'huissier judiciaire I______. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir que le relevé de compte produit par l'intimée était faux. Les prétentions de l'intimée à savoir 856 fr. 22 (huissier judiciaire), 1'173 fr. 95 (H______), 420 fr. (J______ SARL) et 56'870 fr. 60 (arriérés de loyers, indemnités pour occupation illicite) étaient établies par pièces. Les appelants devaient dès lors être condamnés à verser les montants précités.

Les appelants font valoir qu'ils ont restitué l'appartement le 5 avril 2022 car les serrures ont été changées à cette date et les clés remises aux parents de A______ comme l'attestait l'ordonnance du Ministère public du 28 août 2023. Le calcul de l'indemnité pour occupation illicite opéré par le Tribunal était dès lors erroné. L'intimée avait volontairement décidé, après la résiliation du bail principal, de laisser l'usage de la chose aux sous-locataires et ils n'étaient pas responsables du dommage subi de ce fait. Les acomptes de charges étaient erronés et l'intimée n'avait pas exécuté ses prestations. Les factures des serruriers et d'huissier produites par l'intimée pour justifier de sa créance étaient des faux; les factures des deux sociétés de serrurerie présentaient des différences "hors-normes". Ils n'avaient pas signé de reconnaissance de dette en faveur des précités. Les conditions du prononcé de la mainlevée de l'opposition n'étaient pas réalisées. La demande était irrecevable car l'avis de fixation du loyer n'avait pas été produit.

4.1.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).  

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement. La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce, ce qui est notamment le cas lorsqu'il doit statuer sur la bonne foi (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2).

4.1.2 Le locataire est tenu de restituer la chose au bailleur à la fin du bail (art. 267 al. 1 CO).

Lorsque le bail porte sur des locaux, le locataire doit remettre tous les jeux de clés servant à y accéder. De même, il doit entièrement vider les pièces faisant l'objet de la location (arrêts du Tribunal fédéral 4A_27/2017 du 30 août 2017 consid. 4.1.1; 4A_388/2013 du 7 janvier 2014 consid. 2.1; Terrapon, La restitution des locaux loués et l'offre d'un locataire de remplacement, in 12ème séminaire de droit du bail, 2002 p. 7; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 805, 806 et 1033).

Le locataire qui se maintient dans les locaux après l'expiration de son bail commet une faute contractuelle au sens des art. 97ss CO (ATF 121 III 408 consid. 4c; 117 II 65 consid. 2b). A titre de dommages et intérêts, le bailleur pourra notamment lui réclamer une indemnité pour occupation illicite des locaux, dont le montant équivaut en règle générale à celui du loyer pour la période pendant laquelle le locataire demeure dans les lieux (ATF 131 III 257 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_27/2017 du 30 août 2017 consid. 4.1.2; 4A_96/2015 du 1er juin 2015 consid. 3.3).

Tout retard dans l'exécution de l'obligation de restitution nécessitant l'intervention de tiers pour procéder à l'évacuation du locataire entraîne la responsabilité de celui-ci pour le préjudice ainsi causé sur la base des règles sur la demeure (art. 103 al. 1 CO).

Les frais de la procédure d'expulsion, y compris les éventuels frais des déménageurs, serruriers et garde-meubles, peuvent être mis à la charge du locataire expulsé (Lachat/ Rubli, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 1053).

Le locataire répond des dommages causés du fait d'un sous-locataire (art. 101 CO) (Bohnet/ Carron/ Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 19 ad art. 267CO).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré à bon droit que les appelants n'ont pas restitué l'appartement litigieux au moment où leur bail a pris fin, avec la conséquence qu'ils doivent s'acquitter d'indemnités pour occupation illicite en faveur de l'intimée jusqu'à la restitution des locaux.

Contrairement à ce qu'ils allèguent, l'on ne saurait considérer que celle-ci a pu récupérer l'usage de son bien le 5 avril 2022. En effet, lorsque l'huissier judiciaire mandaté par l'intimée s'est rendue sur les lieux le 12 avril 2022, l'appelant lui a fait savoir que les locaux avaient été sous-loués par son épouse et lui-même à ses parents, ce qui a empêché l'intimée de récupérer l'usage de son bien. Les allégations des appelants selon lesquelles ils ne sont pas responsables de cette situation sont contredites par les pièces du dossier, en particulier par les photographies du contrat de sous-location produites par l'intimée et par la teneur du courriel envoyé par l'appelant à l'huissier judiciaire le 12 avril 2022.

Les appelants, qui ont pris l'initiative de sous-louer le bien de l'intimée à des proches sans l'accord de celle-ci, doivent indemniser l'intimée pour le dommage qui lui a été causé de ce fait. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, l'intimée n'a jamais accepté de laisser l'usage de la chose aux sous-locataires après la résiliation du bail. Elle a au contraire agi avec diligence pour évacuer les sous-locataires. L'on relèvera d'ailleurs que les arguments des appelants sont contradictoires puisque, dans son courriel à Me E______ du 12 avril 2022, l'appelant faisait valoir que le bail principal était encore valable.

Ce n'est dès lors que le 2 février 2023, suite à l'intervention de Me I______, que l'intimée a pu récupérer la possession de son bien.

Par ailleurs, les appelants n'apportent aucun élément de preuve concret permettant de penser que les acomptes de charges facturés par l'intimée seraient inexacts. La pièce à laquelle ils se réfèrent est irrecevable et, en tout état de cause, ne démontre pas la réalité de leurs allégations.

L'intimée a pour sa part exécuté sa prestation, puisque les appelants ont pu faire usage des locaux loués pendant toute la durée de leur bail.

Les appelants ne forment pas d'autre critique contre le calcul des indemnités pour occupation illicite effectué par le Tribunal, de sorte que le jugement querellé doit être confirmé en tant qu'il les condamne à s'acquitter de 56'870 fr. 60 à titre d'arriérés de loyers, indemnités pour occupation illicite et acomptes de charges.

Les appelants contestent également devoir s'acquitter des factures de serruriers et d'huissier en lien avec leur évacuation forcée. Aucun élément de preuve figurant à la procédure ne permet cependant de retenir que les factures produites par l'intimée seraient des faux, comme ils le prétendent. En particulier, contrairement à ce qu'ils soutiennent, le fait que les factures des sociétés J______ SARL et H______ ne soient pas du même montant ne permet pas de retenir que celles-ci sont fausses, puisque les prestations fournies par ces sociétés n'ont pas été les mêmes. H______ a en particulier effectué deux déplacements et a dû attendre pendant presque 3 heures l'arrivée de la police.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les frais en question ont été rendus nécessaires en raison du fait qu'ils ont violé leurs obligations en ne restituant pas l'appartement litigieux à la date à laquelle ils étaient tenus de le faire. Ils doivent par conséquent rembourser à l'intimée les frais causés par leur comportement.

Le fait que les appelants n'aient pas signé de reconnaissance de dette en faveur des huissiers et serruriers intervenus n'est pas pertinent pour l'issue du litige. La présente cause ne concerne pas une mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, de sorte qu'il importe peu de savoir si les conditions d'une telle mainlevée sont ou non réalisées.

Il n'est par ailleurs pas établi que les appelants n'ont pas reçu la formule officielle prévue par la loi lors de la conclusion du bail. Le bail signé par leurs soins mentionne au contraire expressément qu'ils reconnaissent que ladite formule leur a été remise en temps utile. La demande ne saurait dès lors être déclarée irrecevable pour ce motif.

Sur le fond, tous les griefs soulevés par les appelants dans leurs écritures déposées devant la Cour doivent ainsi être rejetés.

5. Les appelants font valoir que le droit d'être entendue de l'appelante a été violé car son époux ne l'a pas informé de l'existence de la procédure. Elle venait d'apprendre son existence et n'avait pas pu y participer. Elle souhaitait aider son époux à se défendre et requérait la tenue d'une nouvelle audience ou un nouvel échange d'écritures. L'appelant appuie les conclusions de son épouse, affirmant qu'il ne savait pas qu'il n'avait pas le droit de signer pour le compte de son épouse.

5.1.1 Selon l'art. 52 CPC, quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi.

Toutes les personnes qui prennent part à un procès civil doivent se comporter conformément aux règles de la bonne foi. Elles sont dès lors tenues de présenter leurs objections du droit de procédure aussi tôt que possible, c’est-à-dire à la première occasion dès qu’elles ont connaissance du vice, sous peine de ne plus pouvoir l’invoquer. Il en va ainsi aussi pour le grief de violation du droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_75/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.3).

L’utilisation de procédés qui n’ont d’autre but que de retarder le procès est abusive (ATF 102 II 12 consid. 2b, JdT 1976 I 615).

5.1.2 Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond. Toutefois, même en cas de violation grave du droit d’être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l’instance précédente, si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l’intérêt de la partie concernée (ATF 137 I 195 consid. 2, SJ 2011 I 345).

Malgré son caractère formel, la garantie du droit d’être entendu n’est pas une fin en soi. En particulier dans le domaine de l’administration et de l’appréciation des preuves dans le procès civil, le droit d’être entendu vise à assurer qu’aucune partie ne soit affectée par une décision qui, en raison de la violation de son droit de participer à la procédure, a abouti à un résultat incorrect. Si l’on ne voit pas en quoi la procédure, si elle avait été menée conformément à la Constitution, aurait pris un autre tour, l’on peut renoncer à annuler la décision attaquée. Dès lors, l’admission du grief de refus du droit d’être entendu suppose que dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d’être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et à prolonger inutilement la procédure. Cette jurisprudence est l’expression du principe général de la bonne foi (art. 2 CC). Sont ainsi exclus les cas où pour le plaideur dont le droit d’être entendu a été violé, il ne s’agit pas d’obtenir la possibilité de présenter sa cause dans une procédure correctement menée, mais de prolonger la procédure, de chicaner la partie adverse ou de poursuivre des buts qui ne sauraient être atteints même dans le cadre du renvoi de la cause (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4).

5.2 En l'espèce, les allégations de l'appelante selon lesquelles son mari ne l'aurait pas informé de l'existence de ladite procédure ne sont pas crédibles.

Depuis plusieurs années, les appelants plaident de concert devant les tribunaux dans le cadre de nombreuses procédures et jamais l'appelante n'a allégué l'existence du moindre désaccord entre elle et son époux. Dans son appel, elle ne fait d'ailleurs pas valoir que son époux aurait réceptionné les envois recommandés qui lui étaient adressés sans son accord, ni qu'il aurait défendu sa position de manière contraire à ce qu'elle souhaitait. Elle se réfère au contraire entièrement aux arguments formulés par son époux, lequel appuie la position de son épouse.

L'appelante n'a d'ailleurs pas requis, au moment du dépôt de son appel, que les envois recommandés la concernant lui soient envoyés à une autre adresse que celle que les appelants avaient communiquée précédemment aux tribunaux.

La concertation entre les appelants est confirmée par le fait que l'appelante a laissé son époux signer son écriture de réplique en son nom, comme il l'a fait depuis le début de la procédure, alors même qu'elle avait prétendu peu avant que celui-ci n'était pas autorisé à la représenter. Durant toute la présente procédure d'appel, postérieure à la prétendue réalisation par l'appelante du fait que son époux la représentait sans droit, les envois recommandés adressés à l'appelante ont de plus continué à être réceptionnés par le seul appelant, à l'adresse officielle des époux.

Cela démontre que ce mode de fonctionnement, à savoir que l'époux était autorisé à agir par sa conjointe dans le cadre de la présente procédure, est bien celui choisi d'entente entre les appelants et que l'appelant n'est pas intervenu en tant que falsus procurator.

L'inconsistance des allégations de l'appelante est de plus confirmée par le fait qu'elle n'a fourni aucune précision sur les circonstances dans lesquelles elle aurait découvert l'existence du présent litige ni à quelle date cette découverte serait intervenue.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour retiendra que les affirmations de l'appelante selon lesquelles elle n'avait pas connaissance du litige jusqu'au dépôt de son appel sont uniquement formulées pour les besoins de la cause, dans un souci de retarder l'issue de la procédure.

C'est le lieu de relever que le bail a été résilié pour défaut de paiement du loyer, peu après sa conclusion, en novembre 2020. Depuis, les appelants n'ont jamais régulièrement payé le loyer, tout en parvenant à garder la maîtrise des locaux jusqu'en février 2023, en multipliant les recours et les procédures. Au cours des ans, leur dette de loyer n'a cessé d'augmenter. Ce comportement, qui n'est pas conforme aux règles de la bonne foi, ne saurait être entériné.

En tout état de cause, même à supposer que l'appelant ait agit au nom de l'appelante sans en informer celle-ci, cela ne justifierait pas la tenue d'une nouvelle audience ou un nouvel échange d'écritures, comme le requièrent les appelants.

Comme cela ressort des principes jurisprudentiels précités, le droit d’être entendu n’est pas une fin en soi. Tous les arguments soulevés par les appelants dans leur mémoire d'appel ont été examinés ci-dessus par la Cour, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen. L'appelante n'explique pas quel autre argument elle ferait valoir dans le cadre d'une nouvelle audience ou d'un échange d'écritures supplémentaire. L'on ne voit ainsi pas en quoi ces nouvelles démarches modifieraient l'issue de la procédure, si ce n'est la prolonger de manière injustifiée. Il n'y a dès lors pas lieu de les ordonner.

Le grief de violation du droit d'être entendue de l'appelante sera dès lors écarté.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement querellé sera confirmé.

6. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 avril 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/329/2024 rendu le 22 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7192/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.