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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/14139/2023

ACJC/679/2024 du 29.05.2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.125; CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14139/2023 ACJC/679/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 29 MAI 2024

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______ [GE],

2) Madame B______, domiciliée ______ [GE],

3) Monsieur C______, domicilié ______ [GE],

recourants contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le
18 décembre 2023, représentés par Me Olivier WEHRLI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4,

et

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE D______, c/o E______ SA, ______ [GE], intimée, représentée par Me Stéphane PENET, avocat, WAEBER PENET, quai Gustave-Ador 2, case postale 3021, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance du 18 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a autorisé les parties à apporter la preuve des faits qu'elles alléguaient qui étaient contestés (ch. 1 du dispositif), réservé à chacune des parties la possibilité d'apporter la contre-preuve (ch. 2) et admis divers moyens de preuve pour B______, A______ et C______ (ch. 3) et pour SOCIETE IMMOBILIERE D______ (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 29 décembre 2023 à la Cour de justice, B______, A______ et C______ ont formé recours contre cette ordonnance. Ils ont conclu à son annulation et à ce que soit ordonnée la jonction des causes C/1______/2022 et C/14139/2023.

b. Dans sa réponse du 15 janvier 2024, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a conclu au déboutement des recourants de leurs conclusions et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été avisées le 15 février 2024 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. Les 21 août 1978 et 1er juillet 1993, SOCIETE IMMOBILIERE D______, bailleresse, et feu F______, locataire, ont conclu deux contrats de bail portant sur des locaux (arcades) sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 2______ à Genève, dont la bailleresse est propriétaire.

Ces locaux sont exploités comme restaurant pizzeria sous l'enseigne G______.

Feu F______ a mis ces locaux en gérance dès le 1er janvier 2013.

b. Le 21 août 1978, SOCIETE IMMOBILIERE D______, bailleresse, et feu F______, locataire, ont également conclu un contrat de bail portant sur un appartement de trois pièces au premier étage de l'immeuble sis no. ______, rue 2______.

c. F______ est décédé le ______ 2013.

Ses héritiers, soit son épouse, B______, et ses enfants, A______ et C______, ont repris les droits et obligations des contrats de bail précités.

d. Le 13 juillet 2022, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a résilié le bail des locaux sis au rez-de-chaussée dans lesquels le restaurant est exploité pour le
31 décembre 2024.

Cette résiliation a été contestée et fait l'objet de la procédure C/1______/2022.

Par ordonnance du 13 décembre 2023, le Tribunal a suspendu cette procédure jusqu'à la tenue de débats d'instruction dans la cause C/3______/2023 (cf. infra let. g).

e. Le 30 mai 2023, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a également résilié le bail de l'appartement pour le 30 septembre 2023.

Cette résiliation a été contestée et fait l'objet de la procédure C/14139/2023, soit la présente procédure.

f. Le 11 novembre 2022, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a déposé une demande en paiement à l'encontre de B______, A______ et C______, laquelle fait l'objet de la cause C/4______/2022.

Elle a soutenu, en substance, que la mise en gérance des locaux loués pour un montant mensuel de 14'000 fr. (en sus du loyer de 4'703 fr.), dont elle n'avait été informée qu'en 2019, constituait une sous-location non autorisée et qu'elle avait droit à la restitution du profit réalisé, correspondant à la différence entre le loyer facturé et le loyer vraisemblablement admissible compte tenu des prestations supplémentaires fournies (majoration du loyer de 100% maximum), soit un montant total de 1'201'440 fr. au jour du dépôt de la demande.

Cette cause a été rayée du rôle par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 9 février 2023 en raison du défaut de SOCIETE IMMOBILIERE D______ à l'audience de conciliation.

SOCIETE IMMOBILIERE D______ a demandé la restitution de cette audience, laquelle a été refusée par la Commission de conciliation le 9 mai 2023. Le recours contre cette décision a été déclaré irrecevable par la Cour le 12 février 2024.

g. Le 9 février 2023, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a déposé une seconde demande en paiement, à la suite de la radiation du rôle de la première, identique à cette dernière. Cette demande fait l'objet de la cause C/3______/2023.

Elle a été suspendue par ordonnance du Tribunal du 7 novembre 2023 jusqu'à droit jugé dans la cause C/4______/2022 (première demande en paiement; cf. supra let. f).

h. Dans leur action en annulation de la résiliation du bail portant sur l'appartement de trois pièces introduite devant le Tribunal le 22 septembre 2022, B______, A______ et C______ ont requis préalablement la jonction de cette cause avec la cause C/1______/2022, relative à l'annulation de la résiliation du bail de l'arcade commerciale. Ils ont fait valoir que les baux de l'arcade et de l'appartement étaient liés, comme le mentionnait l'avis de résiliation de l'appartement.

Dans sa réponse du 29 novembre 2023, SOCIETE IMMOBILIERE D______ a également conclu à la jonction des causes C/1______/2022 et C/14139/2023.

i. Dans l'ordonnance attaquée du 18 décembre 2023, le Tribunal a refusé la jonction des causes au motif qu'elles portaient sur des locaux différents. En outre, la cause C/1______/2022 était suspendue jusqu'à la tenue de débats d'instruction dans la cause C/3______/2023, laquelle était elle-même suspendue jusqu'à droit jugé dans la cause C/4______/2022.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel
(art. 319 let. a CPC) ainsi que contre les autres décisions et ordonnances d’instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b
ch. 1 CPC) ou lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable
(art. 319 let. b. ch. 2 CPC).

1.2 Les décisions mentionnées à l'art. 125 CPC – qui prévoit notamment que le tribunal peut, pour simplifier le procès, ordonner la jonction des causes (let. c) – sont des décisions relatives à l'organisation du procès. Elles sont uniquement sujettes à un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant ainsi démontrer qu'elles lui causent un préjudice difficilement réparable (ACJC/379/2022 du 15 mars 2022, consid. 1.1, avec référence à Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 2-3 ad art. 125 CPC; Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019,
n. 11 ad art. 90 CPC).

1.3.1 Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. Il y a lieu de se montrer restrictif avant d'admettre la réalisation de cette condition (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 22 ad art. 319 CPC), qu'il appartient au recourant d'alléguer et d'établir, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2; ACJC/353/2019 du
1er mars 2019 consid. 3.1.1; ACJC/1827/2018 du 13 décembre 2018 consid. 2.1.2; arrêt de l'Obergericht du canton de Zurich PC130056 du 6 février 2014 consid. 8.1).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2017, n. 7 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1; Message du Conseil fédéral, op. cit., FF 2006 6841, p. 6884; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/35/2014 du 10 janvier 2014 consid. 1.2.1; ACJC/943/2015 du 28 août 2015 consid. 2.2).

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2010, n. 8 ad art. 319 CPC; ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2016, n. 13 ad art. 319 CPC).

1.3.2 En l'espèce, les recourants soutiennent que le refus de jonction des causes entraînerait un dédoublement des mesures probatoires, engendrant des frais inutiles alors que les états de fait des deux causes sont identiques. Si la décision attaquée était mise en œuvre, la situation procédurale serait rendue notablement plus difficile.

Par leur argumentation, les recourants ne font valoir qu'une augmentation des coûts et une complication de la procédure, soit des inconvénients qui ne peuvent être qualifiés de préjudice difficilement réparable. Les recourants se plaignent, en réalité, d'une prétendue inopportunité de la décision du Tribunal, lequel dispose toutefois d'une grande liberté dans la manière dont il conduit les procédures.

L'ordonnance attaquée ne cause dès lors aux recourants aucun préjudice qui pourrait être qualifié de difficilement réparable. Le recours sera donc déclaré irrecevable.

2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 29 décembre 2023 par B______, A______ et C______ contre l'ordonnance rendue le 18 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14139/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.