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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15927/2023

ACJC/275/2024 du 01.03.2024 sur JTBL/107/2024 ( SBL )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15927/2023 ACJC/275/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 1ER MARS 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 décembre 2023, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8,

et

B______ AG, sise ______ [AG], intimée, représentée par Me Delphine ZARB, avocate, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4.

 


Attendu, EN FAIT, que C______ SA, devenue entre-temps A______ SA, a conclu un contrat de bail débutant le 1er octobre 2007 et prenant fin le 30 septembre 2012, portant sur une halle de stockage d'environ 506 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] D______ [GE], appartenant à l'époque à E______ AG, laquelle a changé plusieurs fois de raison sociale (F______ SA, G______ SA) avant de fusionner avec la société B______ SA;

Que ce bail était renouvelable tacitement, de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation notifiée un an avant son échéance;

Que les parties ont conclu un contrat de bail débutant le 1er mai 2017 et se terminant le 30 avril 2022, portant sur deux bureaux supplémentaires de 110 m2 au premier étage de l'immeuble. Que ce contrat était tacitement renouvelable d'année en année, sauf résiliation douze mois avant son échéance;

Que le 9 mars 2018, les parties ont conclu un nouveau contrat de bail portant sur la surface de "production" de 776 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble et de "bureau" de 121 m2 au premier étage de l'immeuble, correspondant vraisemblablement aux surfaces louées précédemment par les deux contrats susmentionnés, débutant le 1er mars 2018 et se terminant le 28 février 2023, "sans qu'une résiliation soit nécessaire (art. 255 al. 2 OR)" (art. 4.2 du bail); que la locataire bénéficiait toutefois d'un droit d'option de prolongation du bail d'une durée de cinq ans et devait signifier à la bailleresse, au plus tard le 28 février 2022, son intention d'exercer ce droit (art. 4.3 du bail);

Que le loyer s'est élevé, en dernier lieu, à 183'936 fr. 60 par an;

Que par requête en cas clair déposée le 14 juillet auprès du Tribunal des baux et loyers (ci-après le Tribunal), B______ SA a requis l'évacuation de A______ SA de la "surface commerciale D______/2______" et l'autorisation de la faire exécuter par un huissier, cas échéant par la force publique au motif que le bail liant les parties était parvenu à échéance le 28 février 2023, la locataire n'ayant pas manifesté, avant le 28 février 2022, son intention de prolonger le bail, ce qui lui avait été rappelé par la bailleresse le 16 janvier 2023; que certes, la locataire avait prétendu avoir demandé la prolongation du bail, mais qu'aucun courrier en ce sens n'avait été retrouvé;

Que dans sa réponse à la requête du 26 octobre 2023, A______ SA a conclu à l'irrecevabilité de la requête, le cas n'étant pas clair; qu'elle contestait notamment que le bail aurait pris fin, les parties ayant continué à se comporter comme si elles l'exécutaient après sa prétendue échéance et la requête d'évacuation n'ayant été déposée que cinq mois après cette échéance; que par ailleurs, les circonstances du cas d'espèce permettaient de s'interroger sur le fait de savoir si les parties avaient entendu se lier par un contrat de durée déterminée ou indéterminée, nonobstant les termes du contrat du 9 mars 2018;

Que par jugement JTBL/107/2024 du 14 décembre 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ SA à évacuer de sa personne et de ses biens, ainsi que de tout tiers les surfaces commerciales D______/2______, sises rue 1______ no. ______, [code postal] D______ (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation de la locataire par la force publique (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4); que le Tribunal a en substance considéré que le bail avait pris fin le 28 février 2023, faute de renouvellement par la locataire une année auparavant, en application du bail du 9 mars 2018, ce que la bailleresse avait d'ailleurs rappelé à la locataire dans ses correspondances dès la fin du mois de mars 2022; que par ailleurs, les factures adressées par la bailleresse à la locataire dès mars 2023 mentionnaient des indemnités pour occupation illicite et non plus des loyers;

Que par acte expédié le 13 février 2024 à la Cour de justice (ci-après la Cour), A______ SA a formé un appel et un recours contre ce jugement; qu'elle a conclu à son annulation et à ce que la requête en cas clair soit déclarée irrecevable; qu'elle reproche en substance au Tribunal d'avoir établi les faits pertinents de manière lacunaire, de ne pas avoir examiné les arguments développés en violation du droit d'être entendu (existence d'un bail tacite ou de durée indéterminée) et de ne pas en avoir tiré la conclusion que le cas n'était pas clair, de sorte que la requête était irrecevable;

Qu'elle a assorti son appel et recours d'une requête d'effet suspensif;

Que, par courrier du 19 février 2024, la bailleresse s'en est rapportée à justice s'agissant de l'octroi de l'effet suspensif à l'acte d'appel et recours;

Que les parties ont été informées par avis du 20 février 2024 que la cause était gardée à juger sur effet suspensif;

Considérant, EN DROIT, que la décision entreprise, rendue en procédure sommaire de cas clair, statue à la fois sur l'évacuation et les mesures d'exécution de l'évacuation de la locataire, de sorte qu'elle est attaquée par la voie de l'appel et du recours;

Que l'appel suspend automatiquement la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision (art. 315 al. 1 CPC);

Que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation, pour autant que la valeur litigieuse soit supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC);

Que les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_479/2013 du 20 novembre 2013 consid. 1);

Que si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse équivaut au dommage présumé, si les conditions d'une expulsion selon l'art. 257 CPC ne sont pas remplies, correspondant à la valeur locative ou la valeur d'usage hypothétiquement perdue pendant la durée prévisible d'un procès en procédure ordinaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle a été estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_565/2017 du 11 juillet 2018 consid. 1.2.1);

Que la valeur litigieuse s'élève en l'occurrence à 91'968 fr. pour six mois de loyer si l'on considère que la procédure sommaire en cas claire est applicable (183'936 fr. 66 de loyer annuel : 2);

Qu'en conséquence, la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation, la valeur litigieuse de 10'000 fr. étant atteinte;

Que l'appel suspend ainsi l'exécution du jugement entrepris en tant qu'il prononce l'évacuation;

Que le jugement statue également sur des mesures d'exécution et, à ce titre, n'est en principe pas susceptible d'appel, mais uniquement du recours, lequel n'a pas d'effet suspensif automatique, ce dernier pouvant toutefois être restitué sur requête (art. 309 let. a et 319 let. a, 325 al. 1 et 2 CPC);

Que l'appel et le recours seront toutefois traités dans la même décision (art. 125 CPC);

Que, dans la mesure où l'appel suspend les effets de la décision, cette suspension s'étend également aux mesures d'exécution;

Qu'ainsi, la requête de restitution de l'effet suspensif est sans objet.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
Le Président ad interim de la Chambre des baux et loyers :


Constate la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement JTBL/107/2024 rendu le 14 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15927/2023.

Dit que la requête d'effet suspensif est sans objet.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président ad interim; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indications des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1), est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.