Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/17885/2023

ACJC/92/2024 du 26.01.2024 sur JTBL/875/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17885/2023 ACJC/92/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 26 JANVIER 2024

 

Entre

A______ SARL, ayant son siège ______ [GE], appelante et recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 octobre 2023,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Karin GROBET THORENS, avocate, rue Verdaine 13, case postale, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/875/2023 du 19 octobre 2023, reçu par A______ SARL le 25 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné la précitée à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de tout tiers le petit atelier, la place de parking pour camionnette, le container de bureau avec WC au 1er étage ainsi que la place de parking "à ciel ouvert" sis no. ______, route 1______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SARL dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que la procédure en protection des cas clairs était applicable lorsqu'un congé ordinaire non contesté, comme en l'espèce, avait été notifié; le congé ne comportait aucun motif de nullité, si bien que les locaux étaient occupés sans droit depuis l'expiration du bail justifiant le prononcé d'une évacuation immédiate, avec mesures d'exécution directe.

B. a. Par acte expédié le 2 novembre 2023 à la Cour de justice, A______ SARL (ci-après : la locataire) a formé appel, respectivement recours contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Cela fait, elle a conclu, principalement, à l'annulation du congé notifié le 25 novembre 2023 [recte : 2022], et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail jusqu'au 31 décembre 2025.

b. Dans sa réponse du 9 novembre 2023, B______ (ci-après : le bailleur ou l'intimé) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par arrêt du 10 novembre 2023, la Cour a constaté que la requête de la locataire tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement attaqué était dépourvue d'objet, l'appel ayant un effet suspensif automatique de par la loi.

d. La cause a été gardée à juger le 6 décembre 2023, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A l'automne 2018, B______, en qualité de bailleur, et A______ SARL, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un petit atelier, d'une place de parking pour camionnette, d'un container de bureau avec WC au 1er étage ainsi que d'une place de parking "à ciel ouvert" sis no. ______, route 1______ à C______ [GE].

Le contrat a été conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 2018 s'agissant de l'atelier, de la place de parking pour camionnette et du container de bureau, respectivement à compter du 20 septembre 2018 s'agissant de la place de parking "à ciel ouvert".

Le montant total du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'350 fr. par mois.

b. Par avis officiel du 24 novembre 2022, le bailleur a résilié le contrat de bail pour la prochaine échéance légale, à savoir le 30 juin 2023.

La locataire n'a pas contesté le congé dans le délai légal de 30 jours.

c. Par requête en protection des cas clairs formée le 16 août 2023 devant le Tribunal, B______ a requis l'évacuation de A______ SARL des locaux loués ainsi que le prononcé de mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation. Il a par ailleurs conclu à ce que la locataire soit condamnée à s'acquitter d'une indemnité mensuelle pour occupation illicite de 1'350 fr. par mois "dès le 1er octobre 2023 et aussi longtemps qu'elle occuperait les locaux".

d. Dans le courant du mois d'août 2023, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête tendant à l'annulation du congé et à l'octroi d'une prolongation de bail de cinq ans (C/2______/2023).

e. Lors de l'audience du Tribunal du 19 octobre 2023, le bailleur a déclaré retirer ses conclusions en paiement, l'indemnité d'octobre 2023 ayant été payée. Il a persisté dans ses conclusions pour le surplus. La locataire a admis ne pas avoir contesté le congé en temps utile, mais a déclaré avoir requis une prolongation de son bail. Elle sollicitait l'octroi d'un délai pour restituer les locaux, étant précisé que la résiliation du bail mettait en péril son activité commerciale et la plaçait dans une situation difficile vis-à-vis de ses employés.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers de la Cour connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du juge de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.2. 1.2.1 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage des locaux se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

En l'espèce, la locataire a contesté la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu du montant du loyer. La voie de l'appel est ainsi ouverte contre la décision d'évacuation.

1.2.2 Le délai d'appel est de 10 jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 CPC) applicable notamment aux cas clairs (art. 248 let. b CPC).

Interjeté dans le délai précité et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.3 La voie du recours est ouverte contre la décision du Tribunal relative à l'exécution de l'évacuation. Dans le cadre d'un recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.4 L'appel et le recours, formés contre la même décision, seront traités ensemble dans le présent arrêt (art. 125 CPC).

2. La locataire reproche au Tribunal d'avoir prononcé son évacuation, exposant avoir saisi la Commission de conciliation d'une requête tendant à l'annulation du congé et à l'octroi d'une prolongation de bail.

2.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3).

Dans le domaine des baux et loyers, la procédure sommaire pour les cas clairs s'applique avant tout à certaines demandes d'expulsion, telles que la demande d'expulsion déposée contre un locataire qui a reçu un congé ordinaire et ne l'a pas contesté, ni n'a demandé la prolongation de bail dans le délai de l'art. 273 al. 1 et al. 2 let. a CO (LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 246).

Si le cas est clair, afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux loués, le bailleur peut mettre en œuvre la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC alors même que le locataire a éventuellement introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271, 271a et 273 CO; la litispendance n'est alors pas opposable au bailleur (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_115/2019 du 17 avril 2019 consid. 7).

2.2 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que les conditions du cas clair étaient réunies et prononcé l'évacuation de la locataire.

En effet, celle-ci admet ne pas avoir contesté le congé ordinaire du 24 novembre 2022 dans le délai de 30 jours fixé à l'art. 273 al. 1 CO. Elle ne conteste pas non plus la validité de ce congé, que l'intimé lui a notifié sur la formule officielle (art. 266l CO) en observant les délais de congé et termes légaux (art. 266a ss CO). A cela s'ajoute que la locataire n'a pas sollicité la prolongation de son bail dans le délai de 30 jours fixé à l'art. 273 al. 2 let. a CO.

La requête en contestation de congé et en prolongation de bail qu'elle a formée devant l'autorité de conciliation en août 2023 - soit plus de huit mois après la notification du congé - est manifestement tardive et ne saurait faire obstacle au prononcé de l'évacuation.

Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point.

3. La locataire conteste les mesures d'exécution directe prononcées par le Tribunal et sollicite l'octroi d'une "prolongation" jusqu'au 31 décembre 2025. Elle se prévaut, notamment, des difficultés qu'une évacuation immédiate des locaux engendreraient pour la société et ses employés.

Ces éléments sont toutefois dénués de pertinence. Comme relevé ci-avant, le contrat de bail a été résilié valablement avec effet au 30 juin 2023 et la locataire, qui n'a pas agi en temps utile, est désormais forclose à solliciter une prolongation de bail.

Par ailleurs, la protection de l'art. 30 al. 4 LaCC - qui aménage la possibilité de surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation - ne s'applique pas aux locaux commerciaux. Le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles de la locataire ainsi que des répercussions sur sa situation financière n'est dès lors pas pertinent et ne saurait faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/392/2019 du 18 mars 2019 consid. 2.2; ACJC/937/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

La décision du Tribunal, qui a autorisé le bailleur à requérir l'évacuation immédiate de la locataire par la force publique, n'est donc pas critiquable.

En conséquence, le recours sera rejeté et le jugement attaqué entièrement confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 2 novembre 2023 par A______ SARL contre le jugement JTBL/875/2023 rendu le 19 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17885/2023.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 


 


 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.