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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4602/2023

ACJC/1502/2023 du 13.11.2023 sur JTBL/443/2023 ( SBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4602/2023 ACJC/1502/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er juin 2023, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame B______ et Madame C______, p.a. et représentées par D______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/443/2023 non motivé du 1er juin 2023 notifié le 5 juin 2023, puis motivé du 20 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement n° 1______ de 4 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______ à Genève, ainsi que la cave n° 5 en dépendant (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ et C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné le précité à verser à B______ et C______ la somme de 2'500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2023 (date moyenne) (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, A______ n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, le précité ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux, de sorte que son évacuation devait être prononcée.

B. a. Par acte déposé le 3 juillet 2023 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : le locataire ou l'appelant) a formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour, principalement, admette sa demande de restitution et renvoie la cause au Tribunal, subsidiairement renvoie l'affaire aux premiers juges et, plus subsidiairement, déclare la requête en évacuation irrecevable.

Il a fait grief au Tribunal d'avoir commis un déni de justice et d'avoir violé son droit d'être entendu en ne traitant pas sa demande de restitution.

b. Dans leur réponse du 11 juillet 2023, B______ et C______ (ci-après également les bailleresses) ont conclu à la confirmation du jugement déféré.

c. Par arrêt présidentiel ACJC/966/2023 du 17 juillet 2023, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris.

d. A______ a répliqué le 10 août 2023 et persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 19 septembre 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont conclu le 16 octobre 1997 un contrat de bail à loyer portant sur la location de l'appartement n° 1______ de 4 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis route 2______ no. ______, à Genève, ainsi que la cave n° 5 en dépendant.

b. Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 2'300 fr. par mois.

c. Par avis comminatoire du 9 novembre 2022, les bailleresses ont mis en demeure le locataire de leur régler dans les 30 jours le montant de 4'930 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er octobre au 30 novembre 2022, et l'ont informé de leur intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, les bailleresses ont, par avis officiel du 20 décembre 2022, résilié le bail pour le 31 janvier 2023.

e. Par requête déposée le 9 mars 2023, les bailleresses ont introduit action en évacuation devant le Tribunal et ont en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation du locataire et le paiement de la somme de 9'800 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 janvier 2023.

f. A l'audience du Tribunal du 1er juin 2023, les bailleresses ont persisté dans leurs conclusions, exposant que le montant de la dette s'élevait à 2'500 fr.

Le locataire, dûment cité à comparaître, n'était ni présent, ni représenté, ni excusé.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

g. Le même jour, le Tribunal a rendu son jugement non motivé.

h. Le 2 juin 2023, A______ a requis du Tribunal la tenue d'une nouvelle audience, expliquant s'être présenté la veille au Tribunal, dans un bâtiment autre que celui dans lequel se tenait l'audience et ne s'être aperçu de son erreur qu'une fois rentré chez lui, en retrouvant la citation à l'audience.

Par courrier du 12 juin 2023, A______ a réitéré sa demande de restitution et, subsidiairement sollicité la motivation du jugement.

i. Le Tribunal a rendu son jugement motivé le 20 juin 2023.

Il a transmis la requête de restitution aux bailleresses avec ce jugement.

j. Le Tribunal n'a pas statué sur la demande de restitution.


 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 – JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

1.2 En l'espèce, l'appelant remet en cause la validité du congé, soutenant qu'il est abusif. Eu égard au montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable, indépendamment de son intitulé.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC). Le recours contre les mesures d'exécution est ainsi recevable.

Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.6 L'appel et le recours seront traités dans le présent arrêt (art. 125 CPC).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir commis un déni de justice et d'avoir violé son droit d'être entendu en ne statuant pas sur sa demande de restitution, soit la tenue d'une nouvelle audience.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 29 al. 1er Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre le principe de la célérité. Le juge viole cette garantie constitutionnelle s'il ne prend pas la décision qui lui incombe dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire, ainsi que toutes les autres circonstances, font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1; 130 I 312 consid. 5.1 et les réf. cit.; 119 Ib 311 consid. 5).

Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinente pour l'issue du litige, ou qui omet de statuer sur une conclusion d'un recours dont elle est saisie, alors qu'elle est compétente pour le faire, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 136 I 6 consid. 2.1; 135 I 6 consid. 2.1; 133 III 235 consid. 5.2; 125 III 440 consid. 2A; 120 Ia 220 consid. 2a; 118 Ib 381 consid. 2b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 5A_30/2020 du 6mai 2020 consid. 4.1; 5A_775/2018 du 15 avril 2019 consid. 3.1).

2.1.2 Selon l'art. 147 al. 1 CPC, une partie est défaillante lorsqu'elle ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître.

Le tribunal peut citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (art. 148 al. 1 CPC).

2.2 En l'espèce, c'est à juste titre que l'appelant fait grief aux premiers juges de s'être abstenu de statuer sur sa requête de restitution. En effet, le jugement motivé a été communiqué aux parties sans que le Tribunal n'ait traité cette requête, quand bien même l'appelant, par acte du 2 juin 2023, a expressément conclu à la convocation d'une nouvelle audience. Il s'ensuit que le Tribunal a indûment refusé de se prononcer sur une requête qui lui était soumise et dont l'examen relevait de sa compétence, ce qui est constitutif d'un déni de justice formel.

Il appartenait au Tribunal de rendre une décision motivée (susceptible d'être attaquée devant l'instance d'appel) sur ce point, étant relevé que l'issue de la procédure de restitution est de nature à influer sur le sort de l'action en expulsion formée par les intimées selon l'art. 257 CPC. En effet, ayant fait défaut à l'audience du 1er juin 2023, l'appelant n'a pas eu la possibilité de soulever - en première instance - ses contestations et objections quant à la validité du congé qui lui a été notifié dans le but de faire obstacle au prononcé de son expulsion. Or, dans la mesure où de telles contestations et objections sont irrecevables si elles sont soulevées pour la première fois devant l'instance d'appel, la question de savoir s'il y a lieu (ou non) de citer les parties à comparaître à une nouvelle audience devant le Tribunal - et, ce faisant, de donner l'occasion au locataire de faire valoir ses moyens de défense - pourrait être déterminante pour l'issue du litige.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il se justifie d'annuler le jugement attaqué.

Afin de respecter le principe du double degré de juridiction, la cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il statue sur la requête de restitution du locataire et, cela fait, qu'il statue à nouveau sur le fond, cas échéant après instruction complémentaire (art. 318 al. 1 let. c ch. 1 et 2 CPC).

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 3 juillet 2023 par A______ contre le jugement JTBL/443/2023 rendu le 1er juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4602/2023-8-SE.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour qu'il statue sur la requête de restitution formée par A______ et, cela fait, qu'il statue à nouveau sur le fond, cas échéant après instruction complémentaire.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel et de recours.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.