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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/12120/2019

ACJC/1496/2023 du 13.11.2023 sur ACJC/116/2023 ( OBL ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.328
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12120/2019 ACJC/1496/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], demanderesse suivant demande en révision de l'arrêt ACJC/116/2023 rendu par la Cour de justice le 23 janvier 2023,

 

et

 

1) Monsieur B______, p.a. C______ SA, ______ [GE], défendeur, représenté par Me Jean-Philippe FERRERO, avocat, boulevard des Philosophes 13, 1205 Genève,

2) Monsieur D______, domicilié ______ [GE], autre défendeur.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/502/2021 du 1er juin 2021, le Tribunal des baux et loyers a déclaré efficace et valable le congé notifié le 26 avril 2019 pour le 31 mai 2019 par B______ à A______ et D______ concernant l'appartement de trois pièces situé au cinquième étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par arrêt du ACJC/116/2023 du 23 janvier 2023, la Cour de justice a rejeté l'appel formé par A______ contre ce jugement et dit que la procédure était gratuite.

Dans le cadre de cette procédure, les deux parties ont produit des pièces nouvelles.

Elles ont été informées le 22 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

La Cour a notamment considéré que le congé pour défaut de paiement du loyer signifié à A______ par B______ était valable. Celle-ci n'était pas autorisée à retenir 20% du loyer en se prévalant de défauts de la chose louée sous la forme d'infiltrations d'eau sur le mur nord-ouest car ce défaut avait été réparé en août 2015. B______ avait été condamné, par jugement du Tribunal des baux et loyers du 30 mai 2005, à éliminer la cause des infiltrations, mais non à procéder à la réfection du mur litigieux.

b. Le recours formé par A______ contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par arrêt du Tribunal fédéral 4A_139/2023 du 21 mars 2023.

C. a. Le 19 avril 2023, A______ a demandé la révision de l'arrêt de la Cour du 23 janvier 2023.

Elle a notamment fait valoir qu'elle avait mandaté un expert, E______ en janvier 2023. Dans son rapport du 20 janvier 2023, celui-ci avait constaté le "caractère alibi des travaux effectués, sans tenir compte des causes des désordres, dont le mur de plâtre érigé en 2010 devant le litigieux mur nord-ouest de la cuisine au niveau de la mezzanine et d'une insalubrité volontairement organisée".

Ce rapport ne pouvait être produit plus tôt puisque les services de l'expert n'avaient pas été sollicités "à la faveur d'un huissier de justice incompétent en matière de bâti, sollicité par Madame A______ suite à discussion avec son avocate". Selon A______, ledit rapport établit des faits pertinents "puisqu'ils vont à l'encontre des déclarations du bailleur quant à ses prétendus travaux pour remédier aux infiltrations dans le litigieux mur nord-ouest de la cuisine et qu'ils sont de nature à modifier l'état de fait à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte".

A______ n'a pas pris de conclusion.

b. B______ a conclu au rejet de la demande de révision le 22 mai 2023.

c. D______ n'a pas pris de conclusion.

d. Dans sa réplique du 14 juin 2023 A______ a complété son argumentation et a conclu à ce que la Cour procède avec la demande en révision et déboute B______ de toutes ses conclusions.

e. B______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

f. Les parties ont été informées le 19 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 328 al. 1 let. a CPC, une partie peut demander la révision de la décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance lorsqu'elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu'elle n'avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l'exclusion des faits et moyens de preuve postérieurs à la décision.

La sécurité du droit et la stabilité des relations juridiques exigent qu'une décision entrée en force tranche définitivement et une fois pour toutes le litige des parties et ne puisse en principe plus être remise en cause, même si elle repose sur des fondements erronés. Afin de permettre néanmoins la manifestation de la vérité matérielle, la loi donne, par la révision selon les art. 328 ss CPC, la possibilité de corriger un jugement entré en force s'il est affecté de vices graves et ainsi, de rompre exceptionnellement et à des conditions strictes la force de chose jugée. La révision ne saurait en aucun cas servir à éliminer les inconvénients que le demandeur à la révision a lui-même occasionné par un comportement procédural négligent. Il faut que, dans la procédure ordinaire, le demandeur à la révision n'ait pas pu, malgré toute sa diligence dans la collecte des éléments du procès, présenter en temps utile les allégués ou moyens de preuves qu'il fait valoir après coup. Il semble indiqué de poser des exigences élevées quant à la diligence à déployer dans la collecte des éléments du procès. Ce qui a été omis dans la procédure principale ne peut pas être rattrapé par la voie de la révision (arrêt du Tribunal fédéral 5D_83/2017 du 27 novembre 2017 consid. 2.3.1).

Les moyens de preuve concluants au sens de l'art 328 al. 1 let. a CPC sont ceux qui répondent aux cinq conditions suivantes : ils doivent (1) porter sur des faits antérieurs (pseudo-nova), (2) être concluants, c'est-à-dire propres à entraîner une modification du jugement dans un sens favorable au requérant, (3) avoir déjà existé jusqu'au dernier moment où ils pouvaient encore être introduites dans la procédure principale, (4) avoir été découverts seulement après coup, et (5) le requérant n'a pas pu les invoquer, sans faute de sa part, dans la procédure précédente (ATF 143 III 272  consid. 2.2).

Les moyens de preuve postérieurs sont expressément exclus. En effet, la révision a pour but de rectifier une décision en raison de lacunes ou d'inexactitudes dont elle était affectée au moment où elle a été rendue, et non en raison d'événements postérieurs, ce qui exclut les moyens de preuve dont la date est postérieure. Par exemple, une expertise établie postérieurement au dernier moment auquel elle pouvait encore être invoquée dans la procédure précédente ne peut justifier une révision de la décision. Le fait que la preuve soit destinée à établir un fait antérieur importe peu à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 5A_474/2018 du 10 août 2018 2018 consid. 5.1 et 5.2). 

Lorsqu'est demandée la révision d'un arrêt d'appel, sont des faits antérieurs (pseudo nova) les faits qui existaient déjà au début des délibérations de la cour d'appel, soit dès la clôture des débats, s'il y en a eu, ou au moment où elle a communiqué aux parties que la cause est gardée à juger. Les faits qui se sont produits après que la cause a été gardée à juger, c'est-à-dire après le début des délibérations d'appel, sont postérieurs (vrais nova) et ne remplissent pas les conditions de l'art. 328 al. 1 lit. a CPC (ATF 143 III 272  consid. 2.3 - 2.4).

1.1.2 Le délai pour demander la révision est de 90 jours à compter de celui où le motif de révision est découvert; la demande est écrite et motivée (art. 329
al. 1 CPC).

Dans une demande en révision, le motif de révision doit être exposé en détails, en indiquant les moyens de preuves; il ne suffit pas d'en alléguer simplement l'existence. Il faut au contraire exposer pourquoi ce motif est donné et en quoi, en conséquence, le dispositif de la décision doit être modifié (arrêt du Tribunal fédéral 4F_25/2018 du 28 novembre 2018).

1.1.3 Si le tribunal accepte la demande en révision, il annule la décision antérieure et statue à nouveau (art. 333 al. 1 CPC).

1.1.4 L'échange d'écritures vise à faire respecter le droit d'être entendu de la partie intimée à l'appel; il ne sert pas à donner ensuite l'occasion à l'appelant, qui n'aurait lui-même pas été complet, de s'exprimer lors d'un second échange d'écritures (arrêt du Tribunal fédéral 5A_737/2012 du 23 janvier 2013 consid. 4.2.3).

1.2 En l'espèce, le moyen de preuve nouveau invoqué par la demanderesse en révision, à savoir l'expertise effectuée le 20 janvier 2023, ne remplit pas les conditions posées par l'art. 328 al. 1 let. a CPC.

En effet, cette expertise n'existait pas le 22 octobre 2021, date à laquelle la Cour a gardé la cause à juger. Ce moyen de preuve n'existait ainsi pas jusqu'au dernier moment où il pouvait être introduit dans la procédure principale.

A cela s'ajoute que la demanderesse aurait pu requérir cette expertise plus tôt, de manière à la produire devant le Tribunal ou, à tout le moins, avant le 22 octobre 2021.

Le fait que la demanderesse n'ait pas demandé plus tôt l'établissement de ladite expertise en raison, selon elle, de l'incompétence d'un huissier de justice, n'est pas pertinent à cet égard. Ce fait n'est en tout état de cause en outre pas établi.

Il ressort de ce qui précède que le moyen de preuve invoqué par la demanderesse n'est pas un moyen de preuve concluant qu'elle ne pouvait pas invoquer dans la procédure précédente au sens de l'art. 328 al. 1 let. a CPC.

Cela a pour conséquence que la demande en révision est irrecevable.

Cette demande ne respecte de plus pas les conditions de forme prévues par l'art. 329 al. 1 CPC car la demanderesse n'a pas pris de conclusions dans sa demande en révision. Elle n'a ainsi pas respecté l'obligation prévue par la jurisprudence précitée d'expliquer en quoi le dispositif de l'arrêt de la Cour du 23 janvier 2023 devait, selon elle, être modifié du fait de l'expertise du 20 janvier 2023.

Les explications complémentaires figurant dans sa réplique ne permettent quant à elles pas de remédier à son omission de motivation de la demande.

La demande en révision sera par conséquent déclarée irrecevable.

2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

 

Déclare irrecevable la demande de révision déposée le 19 avril 2023 par A______ contre l'arrêt ACJC/116/2023 rendu le 23 janvier 2023 par la Cour de justice dans la cause C/12120/2019.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.