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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3958/2023

ACJC/1411/2023 du 23.10.2023 sur JTBL/453/2023 ( SBL ) , JUGE

Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3958/2023 ACJC/1411/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 23 OCTOBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 juin 2023, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par C______ SA, ______.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/453/2023 du 6 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout occupant la villa individuelle de 6 pièces de 220 m2 n° 01 sise no.______, avenue 1______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'expiration d'un délai de 60 jours après le prononcé du jugement (ch. 2), condamné A______ à payer à B______ la somme de 16'000 fr. concernant les indemnités pour occupation illicite des mois de décembre 2022 à mai 2023 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 19 juin 2023 à la Cour de justice, A______ forme appel et recours contre ce jugement. Elle conclut à son annulation et, cela fait, à ce que la requête en évacuation soit déclarée irrecevable, subsidiairement, à ce que l'inefficacité de la résiliation soit constatée, plus subsidiairement, à l'annulation du ch. 2 du dispositif du jugement attaqué et à ce que B______ soit autorisée à requérir son évacuation après expiration d'un délai d'une année après le prononcé du jugement et, en tous les cas, à ce que B______ soit déboutée de ses conclusions en paiement des indemnités pour occupation illicite des mois de décembre 2022 à mai 2023.

Elle a produit des pièces nouvelles, à savoir des confirmations de paiements des sommes de 15'500 fr., 500 fr. et 4'500 fr. des 10 mai, 12 mai et 9 juin 2023, respectivement, à titre de loyers des mois d'avril, mai et juin 2023.

b. Le 6 juillet 2023, en l'absence de réponse déposée par B______, la Cour a gardé la cause à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 11 février 2019, B______, bailleresse, et A______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une villa individuelle de 6 pièces de 220 m2 n° 01 sise no. ______, avenue 1______, [code postal] D______ [GE].

Le bail a été conclu pour une durée indéterminée à partir du 1er mars 2019.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 54'000 fr., dès le 1er mars 2019.

Aucun avis de fixation du loyer initial n'a été établi.

b. Selon les relevés de compte de mars 2019 à juillet 2022, la locataire s'est acquittée régulièrement du loyer mensuel de 4'500 fr.

c. Par courrier recommandé du 22 septembre 2022, C______ SA, représentante de la bailleresse, a mis en demeure A______ de s'acquitter des loyers afférents aux mois de juillet à septembre 2022, soit un montant total de 13'500 fr., dans un délai de 30 jours dès réception dudit courrier, précisant qu'à défaut elle procéderait à la résiliation du bail, en application de l'article 257d CO.

La locataire a été avisée pour retrait le 23 septembre 2022 et le courrier a été renvoyé à l'expéditeur, car non réclamé, le 1er octobre 2022.

d. Par courrier recommandé accompagné d'un avis de résiliation du bail en cas de demeure du locataire (art. 257d CO) du 25 octobre 2022, B______ a résilié le bail pour le 30 novembre 2022, pour non-paiement du loyer malgré la mise en demeure du 14 (sic) septembre 2022.

La locataire a été avisée pour retrait le 26 octobre 2022 et le courrier retourné à l'expéditeur, car non réclamé, le 3 novembre 2022.

e. Selon le relevé de compte locataire au 1er mars 2023, le solde dû par A______ s'élève à 29'500 fr.

f. Le 3 mars 2023, B______ a introduit une requête en cas clair devant le Tribunal des baux et loyers, sollicitant l'évacuation avec exécution directe de A______ et le paiement de la somme de 29'500 fr., correspondant aux loyers et indemnités pour occupation illicite de septembre 2022 à mars 2023.

g. Lors de l'audience du 11 mai 2023, B______ a persisté dans sa requête, en indiquant que le montant dû s'élevait à 16'000 fr. Elle a exposé que la confiance était rompue avec la locataire et qu'il était hors de question de faire le point dans six mois, relevant qu'elle avait déjà été compréhensive. Elle a sollicité le prononcé de l'évacuation ou la conclusion d'un accord sur un délai de départ.

A______ a quant à elle affirmé, sans produire de pièce justificative, avoir versé 15'500 fr. le 10 mai 2023, le solde dû s'élevant selon elle à 500 fr.

Elle a exposé avoir perdu son travail et s'être séparée de son compagnon, qui n'était pas locataire. Son père était décédé. Elle exerçait une activité indépendante dans le domaine du digital et de la blockchain. Elle avait un client récurrent qu'elle aidait dans la vulgarisation de son activité pour une durée de trois ans. Selon elle, les conditions du cas clair n'étaient pas réalisées, dans la mesure où il n'y avait pas eu d'avis de fixation de loyer initial. Le congé était par ailleurs inefficace, car le délai comminatoire n'avait pas été respecté. Elle a contesté tout comportement abusif. Subsidiairement, elle a sollicité l'octroi d'un délai humanitaire d'un an, sans risque pour la bailleresse, car les loyers étaient payés. Elle a également fait valoir qu'elle vivait avec sa fille de 15 ans, qui ignorait tout de cette situation.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

h. Dans son jugement du 11 mai 2023, le Tribunal a considéré que la sommation de payer avait été envoyée le 22 septembre 2022 et le congé le 25 octobre suivant; la mise en demeure avait été avisée pour retrait le 23 septembre 2022 et le courrier de congé a été avisé pour retrait le 26 octobre 2022. Avisé pour retrait après l'expiration du délai comminatoire, le congé avait été notifié à la locataire après le délai de paiement de 30 jours et les arriérés n'avaient pas été versés pendant le délai comminatoire. La validité du congé ne pouvait donc être remise en cause.

Les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce et la locataire n'avait pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. La bailleresse était ainsi fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'article 257d al. 2 CO. Par ailleurs, en soulevant un vice de forme ayant trait au défaut d'avis de fixation du loyer initial pour s'opposer à la résiliation du contrat et à son expulsion, la locataire commettait un abus de droit "au vu de la jurisprudence". Dès lors, depuis l'expiration du terme fixé au 30 novembre 2022, la locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux loués. Le Tribunal a dès lors fait droit à la requête en évacuation

Compte tenu de la fin du bail intervenue le 30 novembre 2022, du fait que la locataire avait rencontré des difficultés personnelles, qu'elle avait effectué des versements en vue de régulariser sa situation, de la présence d'une enfant mineure et du statut d'indépendante de la locataire, le Tribunal a prononcé l'exécution forcée de son jugement dès l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de son prononcé.

Enfin, au vu des pièces produites et du versement de 22'500 fr. intervenu le 18 avril 2023, la locataire restait devoir un solde de 16'000 fr. d'indemnités pour occupation illicite pour les mois de septembre 2022 à mai 2023, montant qu'elle a été condamnée à verser à la bailleresse.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.

S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1
let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, il ressort des explications de la locataire qu'elle conteste la résiliation de son bail. Au vu du montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 CPC), l'appel est ainsi recevable.

1.4
1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des vrais nova (echte Noven), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova (unechte Noven), il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance.

En ce qui concerne les vrais nova (echte Noven), le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. Il lui est par contre loisible d'introduire une nouvelle fois sa requête en cas clair devant le premier juge (arrêt 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5). Cette interdiction ne saurait concerner la partie requise, qui n'a pas introduit la requête d'expulsion. L'art. 317 al. 1 CPC s'applique donc pleinement à la locataire qui a été attraite en première instance, par la requête en cas clair de la bailleresse.

1.4.2 En l'espèce, l'appelante soutient que lors de l'audience, elle n'était pas en mesure de disposer d'une confirmation de sa banque de l'ordre de paiement exécuté la veille. Cette affirmation n'apparaît pas d'emblée inexacte et l'intimée ne l'a pas contestée. Il sera donc admis qu'elle n'était pas en mesure de produire ladite confirmation avant que la cause ne soit gardée à juger par le Tribunal. Il en va de même des autres confirmations de paiement, qui constituent des vrais novas et ont été produits sans retard et sont donc également recevables.

Les pièces nouvelles produites par l'appelante sont dès lors recevables.

1.5 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

2. L'appelante conteste que le cas soit clair au sens de l'art. 257 CPC. Elle soutient que le délai comminatoire n'a pas été respecté et que le congé a été donné avant son expiration.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

A cet égard, cela ne signifie pas qu'un cas clair d'un point de vue juridique doit toujours être nié dès qu'un exercice abusif du droit est invoqué. En effet, l'interdiction de l'abus de droit ne suppose pas une évaluation de toutes les circonstances, lorsque le comportement de la partie concernée constitue manifestement un abus, ce qui est notamment le cas lorsque celui-ci peut être classé dans l'un des groupes de cas reconnus par la jurisprudence et la doctrine (arrêts du Tribunal fédéral 4A_12/2023 du 31 mars 2023, consid. 3.2, 4A_25/2019 du 15 avril 2019, consid. 3; 4A_185/2017 du 15 juin 2017, consid. 5.4; 4A_2/2016 du 18 février 2016, consid. 2.1).

2.1.2 La résiliation de bail est une déclaration unilatérale de volonté de l'une des parties au contrat soumise à réception.

Lorsque la communication d'une manifestation de volonté constitue le moment à partir duquel court un délai de droit matériel fédéral, il faut appliquer la théorie de la réception dite absolue. Le point de départ du délai correspond alors au moment où la manifestation de volonté est parvenue dans la sphère d'influence (Machtbereich) du destinataire ou de son représentant, de telle sorte qu'en organisant normalement ses affaires celui-ci soit à même d'en prendre connaissance. En ce qui concerne une lettre recommandée, si l'agent postal n'a pas pu la remettre effectivement au destinataire ou à un tiers autorisé à prendre livraison de l'envoi et qu'il laisse un avis de retrait dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, le pli est reçu dès que le destinataire est en mesure d'en prendre connaissance au bureau de la poste selon l'avis de retrait; il s'agit soit du jour même où l'avis de retrait est déposé dans la boîte aux lettres si l'on peut attendre du destinataire qu'il le retire aussitôt, sinon en règle générale le lendemain de ce jour.

Dans deux cas en matière de bail, la jurisprudence du Tribunal fédéral a dérogé à la théorie de la réception absolue. Il s'agit de la communication, par pli recommandé, de l'avis de majoration de loyer au sens de l'art. 269d CO (ATF 107 II 189 consid. 2) et de celle de la sommation de payer instituée par l'art. 257d al. 1 CO
(ATF 119 II 147 consid. 2). Pour ces deux éventualités, à l'instar de ce qui prévaut pour les délais de procédure, si le courrier recommandé ne peut pas être remis directement au destinataire (ou à une personne autorisée par celui-ci) et qu'un avis de retrait mentionnant le délai de garde postal a été mis dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, l'acte est reçu au moment où le destinataire le retire effectivement au guichet de la poste ou, à supposer qu'il ne soit pas retiré dans le délai de garde de sept jours, le septième et dernier jour de ce délai. Cette théorie de la réception est dite relative (ATF 137 III 208, consid. 3.1.3 et les références citées).

Le congé donné avant l'expiration du délai comminatoire est inefficace
(cf. ATF 121 III 156 consid. 1c/aa p. 161; plus récemment arrêt 4C.124/2005 du 26 juillet 2005, consid. 3.2 et les références citées).

La jurisprudence considère toutefois qu'un avis de résiliation envoyé par le bailleur avant l'expiration de ce délai est valable si le locataire qui ne le reçoit qu'après son expiration n'a pas payé en temps voulu et que l'envoi prématuré ne l'a pas induit en erreur ou ne l'a pas empêché d'effectuer un paiement en temps voulu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_353/2016 du 10 octobre 2016 consid. 4.2).

L'invocation de la nullité ou de l'inefficacité d'un congé peut constituer un abus de droit dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée pour non-paiement du loyer, lorsque le locataire n'entend manifestement pas régler les loyers arriérés pendant le délai comminatoire imparti. En effet, la fixation d'un délai de paiement, assortie de la menace de la résiliation du bail, telle qu'elle est prévue à l'art. 257d al. 1 CO, vise principalement à fournir au locataire une dernière occasion d'échapper aux conséquences pénibles du congé en lui accordant un minimum de temps pour se procurer les moyens nécessaires au paiement de l'arriéré de loyer (arrêts du Tribunal fédéral 4C.96/2006 du 4 juillet 2006, consid 2.4; 4C.124/2005 du 26 juillet 2005 consid. 3.3 et les références citées).

2.2 En l'espèce, l'appelante est réputée avoir reçu l'avis comminatoire du 22 septembre 2022 à l'échéance du délai de garde, soit le 30 septembre 2022. L'avis de résiliation du 25 octobre 2022, lequel se réfère de manière erronée à un avis comminatoire du 14 septembre 2022 et dont il y a lieu d'admettre qu'il a été expédié le jour même et est réputé avoir été reçu par l'appelante le surlendemain, a donc été communiqué à l'appelante avant l'échéance du délai qui lui avait été octroyé pour régler l'arriéré. Le congé est dès lors en principe inefficace. Même si la jurisprudence a admis que l'invocation de l'inefficacité de la résiliation anticipée pouvait constituer un abus de droit, les circonstances de fait permettant, le cas échéant, d'admettre un tel abus de droit nécessitent une appréciation des faits, lesquels ne sont pas suffisamment connus sur ce point.

L'intimée n'a par ailleurs pas répondu à l'appel, auquel elle ne s'est dès lors pas opposée.

Au vu de ce qui précède, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières du cas d'espèce, le cas ne peut être qualifié de clair. Les ch. 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué seront dès lors annulés et la requête d'évacuation sera déclarée irrecevable.

3. L'appelante conteste devoir la somme de 16'000 fr. qu'elle a été condamnée à payer par le Tribunal. Elle se fonde à cet égard sur des pièces bancaires nouvelles, jugées recevables (cf. supra consid. 1.4).

L'intimée n'a pas contesté que l'appelante avait payé le montant de 16'000 fr. qu'elle a été condamnée à lui payer. Au vu des pièces produites devant la Cour, cette condamnation est infondée.

Le ch. 3 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors annulé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 juin 2023 par A______ contre le jugement JTBL/453/2023 rendu le 6 juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3958/2023-8-SE.

Au fond :

Annule ce jugement et cela fait, statuant à nouveau :

Déclare irrecevable, respectivement rejette, la requête formée le 2 mars 2023 par B______ dans la cause C/3958/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.