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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3334/2017

ACJC/1374/2023 du 16.10.2023 sur JTBL/401/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 17.11.2023, 4A_555/23
Normes : CO.256; CO.259a
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3334/2017 ACJC/1374/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 OCTOBRE 2023

 

Entre

Madame A______, p.a. ______ [Emirats Arabes Unis], appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 mai 2022, représentée par Me Yves DE COULON, avocat, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1,

et

Hoirie de feu B______, soit : Madame C______, domiciliée ______ [FR],
Madame D______, domiciliée ______ (France), Madame E______, domiciliée ______ (Italie), Madame F______, domiciliée ______ (France), Madame G______, domiciliée ______ (France), Monsieur H______, domicilié ______ (France), et Monsieur I______, domicilié ______ (France), intimés et appelants sur appel joint, tous représentés par [la régie immobilière] J______, sise ______ [GE].

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 17.10.2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A. Par jugement JTBL/401/2022 du 24 mai 2022, le Tribunal des baux et loyers a constaté que le contrat de bail portant sur la location de l'appartement de huit pièces au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, signé par K______ le 18 octobre 2007, avait été transféré à A______ le 1er janvier 2008 (ch. 1 du dispositif), a réduit de 15% le loyer de l'appartement (ch. 2), a condamné l'hoirie de feue B______, soit pour elle C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ (ci-après : l'hoirie de feue B______), à verser à A______ la somme de 2'400 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 octobre 2016 (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 29 juin 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation des chiffres 2, 3 et 4 de son dispositif ainsi qu'à la condamnation de l'hoirie de feue B______ au paiement en sa faveur des montants de 600'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2016, et 16'200 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 31 octobre 2016. Les pièces annexées à l'appel ont toutes d'ores et déjà été produites en première instance.

b. Dans ses réponse et appel joint du 5 septembre 2022, l'hoirie de feue B______ a conclu à l'annulation du jugement entrepris et, cela fait, à ce qu'il soit dit et constaté que A______ n'était pas titulaire du contrat de bail et à ce que « les demandeurs, respectivement la demanderesse » soient déboutés de toutes leurs conclusions.

c. Dans sa réponse à appel joint et réplique du 7 octobre 2022, A______ a conclu, sur appel joint, à ce qu'il soit confirmé que le contrat de bail signé par K______ le 18 octobre 2007 lui avait été transféré le 1er janvier 2008, et a persisté, sur réplique, dans ses conclusions.

d. Dans sa réplique sur appel joint et duplique sur appel principal des 4 novembre et 8 décembre 2022, l'hoirie de feue B______ a persisté dans ses conclusions.

e. Le 1er février 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Feue B______ était l'usufruitière d'un appartement de huit pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. Ses fils en étaient les nus-propriétaires.

La gérance de l'appartement était assurée par [la régie immobilière] J______.

b. Dans le cadre de discussions intervenues en septembre 2007 au sujet de travaux à réaliser dans l'appartement, L______, courtière en immobilier, a parlé à A______ de la possibilité de négocier le remboursement des investissements de cette dernière dans la réalisation des travaux dans l'appartement. Lorsqu'elle avait parlé de reprise, L______ entendait une reprise du propriétaire ou d'un nouveau locataire (audition de L______).

Dans un courriel du 19 septembre 2007, A______ a indiqué à son conseil que L______ (qui était en copie) lui avait parlé d'une « reprise », soit de la possibilité de négocier le remboursement de ses investissements par le locataire suivant.

Le 8 octobre 2007, K______, agissant à titre « amical et fiduciaire », a fait parvenir à J______ une demande ferme pour la location de l'appartement, lequel devait être occupé par A______, qui ne souhaitait pas apparaître sur le bail.

Par télécopie du 12 octobre 2007, adressé en copie à K______, l'ancien conseil de A______ a émis des commentaires au sujet du projet de bail établi et transmis la veille. L'entrée en vigueur devait être fixée au 1er mars 2008 et non au 1er décembre 2007, dans la mesure où des travaux importants allaient avoir lieu dans l'appartement. En ce qui concernait les travaux, il convenait qu'apparaissent dans les clauses particulières du contrat, d'une part, l'accord du bailleur avec une liste de travaux qui y serait annexée et, d'autre part, l'accord de principe du bailleur avec une reprise négociée par le locataire avec tout repreneur ultérieur eu égard aux travaux qui allaient être réalisés. Le conseil proposait de confirmer, par courrier séparé, que A______ occuperait occasionnellement l'appartement et que le bailleur s'engageait d'ores et déjà à accepter une éventuelle cession de bail à terme entre K______ et A______.

c. Le 18 octobre 2007, K______ et feue B______ ont signé un contrat de bail à loyer portant sur la location de l'appartement ainsi que d'une cave au titre de dépendance.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er mars 2008 au 28 février 2013. Il était ensuite renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation moyennant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé à 16'600 fr. par mois, charges comprises.

L'appartement était loué en l'état (art. 5 des clauses particulières du contrat).

Le locataire était autorisé à effectuer des travaux dans l'appartement, selon une liste annexée au contrat, et pouvait, en cas de départ, négocier avec le nouveau locataire une éventuelle reprise de ces travaux (art. 7 des clauses particulières du contrat).

Tous travaux ou apports d'éléments fixes financés par le locataire faisaient partie intégrante de l'appartement et du bâtiment et le locataire sortant ne pouvait exiger une reprise financière ou indemnité pour la plus-value apportée, ni du nouveau locataire lui succédant, ni du bailleur (art. 8, deuxième paragraphe, des clauses complémentaires faisant partie intégrante du bail).

En dérogation à l'art. 260a al. 3 CO, le locataire ne pouvait prétendre à aucune indemnité en fin de bail pour les travaux à plus-value réalisés à ses frais et avec le consentement préalable écrit du bailleur dans les locaux loués (art. 37 des conditions générales et règles et usages locatifs auxquels le contrat renvoie).

Toutes les pages du contrat, y compris celle renvoyant aux conditions générales et règles et usages locatifs, ont été signées ou paraphées par K______.

d. Par courrier du 22 novembre 2007, J______ a fait parvenir à l'ancien conseil de A______ la liste des travaux que cette dernière devait effectuer, à ses frais et sous son entière responsabilité, précisant que le propriétaire donnait son accord pour leur exécution dans les règles de l'art. Il s'agissait, côté rue 2______, de la démolition et reconstruction de deux salles de bains, de la dépose d'une façade de boiserie, du percement d'un mur de gros œuvre, d'un remplacement éventuel d'une cheminée et de la démolition et reconstruction d'un dressing, côté rue 1______, de la démolition et reconstruction des cuisine et salle de bains existantes, de la démolition d'une cloison entre la cuisine et une chambre, de la mise en place des boiseries provenant de la chambre côté rue 2______ et de la mise en place d'un ensemble buanderie, et, dans l'ensemble de l'appartement, de la réfection des peintures existantes.

Par courrier du 27 novembre 2007, le conseil concerné a retourné à J______ le descriptif des travaux pour accord, soulignant notamment que les travaux étaient autorisés par le propriétaire mais qu'ils ne constituaient en aucun cas une obligation de la part du locataire et confirmant que le bail pouvait désormais être établi au nom de A______.

Par courrier du 29 novembre 2007, J______ a informé le conseil concerné que l'état des lieux de sortie de l'ancien locataire avait été effectué et qu'il avait été constaté que l'appartement était en bon état. Elle sollicitait qu'un rendez-vous soit fixé une fois les travaux terminés, afin qu'un état des lieux d'entrée définitif soit organisé. En ce qui concernait le bail au nom de A______, elle établirait un transfert de bail début 2008.

e. A______ a fait procéder à des travaux dans l'appartement, en faisant appel à M______, architecte d'intérieur.

Le montant total des travaux s'est élevé à 994'430 fr. 81.

f. En sus des travaux convenus avec feue B______, A______ a fait procéder à la réalisation de travaux d'électricité, de ponçage du parquet, de réparation des cheminées et d'installation d'une natte électrique chauffante sous le carrelage de la salle-de-bain (audition de M______).

g. Par courrier du 24 novembre 2011, feue B______ a informé A______ qu'elle souhaitait vendre l'un de ses biens dans l'immeuble et savoir si l'un de ses locataires s'intéressait à l'achat de son appartement.

Par courrier du 6 mars 2015, elle a rappelé à A______ « que [son] bail actuel [arriverait] à échéance le 28 février 2016 » et lui a indiqué qu'elle était disposée à réduire le loyer de 10%, à condition qu'elle accepte de prolonger son bail actuel jusqu'au 28 février 2019.

Par courrier du même jour, elle a indiqué à A______ qu'elle regrettait qu'elle ait refusé une proposition d'achat, sans formuler de contre‑proposition. Elle a rappelé que le bail arrivait à échéance le 28 février 2016 et que A______ devait, si elle souhaitait quitter les lieux, adresser à la régie une résiliation avant le 20 novembre 2015 ou, si elle souhaitait partir avant terme, proposer un candidat de remplacement.

h. Par courrier et avis du 13 octobre 2015 adressés à K______, feue B______ a procédé à la résiliation du bail, avec effet au 28 février 2016.

La résiliation faisait suite aux différents courriers échangés avec A______.

i. Par pli du 26 octobre 2015, K______ a demandé les motifs de la résiliation du bail.

Par courrier du 12 novembre 2015, il a réitéré sa demande et indiqué qu'en l'absence de réponse à sa demande, il n'avait d'autre choix que de saisir la Commission de conciliation. A______ avait également supporté des travaux pour un montant de plus de 900'000 fr. et dû s'acquitter du loyer et des charges, pour un montant total de 298'800 fr., pendant toute la durée des travaux, alors que l'appartement était inhabitable. La résiliation du bail privait K______ et A______ de la possibilité de faire usage de l'art. 7 du bail et d'obtenir ainsi une compensation financière des importants travaux à plus-value réalisés, lesquels n'étaient pas amortis. Ils s'opposaient dès lors à la résiliation et prétendaient à une indemnité chiffrée à 600'000 fr.

Le jour même, feue B______ a répondu que la résiliation était motivée par la vente de l'appartement dans le cadre d'une répartition familiale. A______, occupante de l'appartement, était au courant de la situation depuis plusieurs années et l'avait informée de ce qu'elle envisageait de retourner en Angleterre, raison pour laquelle le congé ne lui avait pas été signifié l'année précédente.

j. Par requête du 13 novembre 2015, K______ et A______ ont contesté le congé par-devant la Commission de conciliation.

Dans un rapport du 8 décembre 2015, [la société] N______ a estimé que les travaux réalisés par A______ devraient considérablement améliorer la vente de l'appartement. Les travaux avaient notamment consisté en des travaux de démolition, de rénovation et d'amélioration des boiseries, y compris des fenêtres, de rénovation de tous les parquets anciens, de pose d'un béton ciré sur le sol de la cuisine et du hall, de remise à neuf d'une salle-de-bain avec douche à la place de deux salles-de-bain, de remise à neuf d'une salle-de-bain avec douche et création d'une buanderie séparée, de remise à neuf du WC visiteurs, de création d'une nouvelle cuisine avec plaques à induction, de tubage des trois cheminées, de rénovation des cadres de cheminée, de rénovation de tous les murs de l'appartement et de toutes les moulures, de création de faux plafonds, de remise à neuf de toute la distribution électrique et de l'appareillage et création de nouvelles prises, de pose de trois nattes chauffantes dans la chape des trois salles-de-bain, de pose de radiateurs et sèche-linge dans les salles-de-bain et de vannes thermostatiques sur les radiateurs, de création d'une bibliothèque dans un réduit et d'un dressing, et de divers travaux de ventilation. La valeur de l'appartement avant travaux était estimée à 6'840'000 fr. (380 m2 à 18'000 fr. par m2) et sa valeur après travaux était estimée à 8'360'000 fr (380 m2 à 22'000 fr. par m2), soit une plus-value de 1'520'000 fr.

k. Par courrier du 21 décembre 2015, K______ et A______ ont informé feue B______ du rapport réalisé par N______, relevant qu'il fallait mettre la plus-value de 1'520'000 fr. en perspective avec l'indemnité de 600'000 fr. réclamée par A______.

Par pli du 5 janvier 2016, feue B______ a proposé, par gain de paix, de verser une participation de 150'000 fr. pour les travaux effectués par A______, considérant que lesdits travaux étaient des travaux de convenance, indiquant tenir compte de l'amélioration des sanitaires et de la cuisine et précisant que ladite participation serait versée à la condition qu'un départ ait lieu avant le 31 août 2016.

Dans sa réponse du 15 janvier 2016, A______ a refusé cette proposition, laquelle ne s'appuyait sur aucun élément chiffré et ne faisait pas référence au rapport réalisé pour appuyer ses prétentions.

Par pli du 25 février 2016, feue B______ a répondu que selon les factures transmises, le coût des travaux s'élevait à environ 750'000 fr., le décompte de l'architecte s'élevant par ailleurs à 598'766 fr. 60. Afin d'établir un rapport précis, elle sollicitait un rendez-vous pour étudier le montant des factures.

l. Par courrier du 31 mai 2016, K______ et A______ ont informé feue B______ de ce que A______ avait trouvé une solution de relogement, de telle sorte qu'ils procédaient au retrait des procédures pendantes par-devant la Commission de conciliation. Ils précisaient qu'ils ne renonçaient pas à leurs prétentions en paiement d'une indemnité pour les travaux à plus-value réalisés avec l'accord de feue B______.

Dans sa réponse du 9 juin 2016, feue B______ a signalé qu'elle avait prévu de retirer le congé. Elle avait décidé de mettre en vente un autre logement de l'immeuble. K______ en a été informé par courrier du 23 juin 2016, lequel précisait que le congé signifié pour le 28 février 2016 était annulé et le bail remis en vigueur.

Par plis des 22 et 24 juin 2016, K______ et A______ ont persisté à réclamer une indemnité de 600'000 fr., soulignant que le bail avait effectivement pris fin par la résiliation et le retrait de la contestation de celle-ci.

Par courrier du 7 juillet 2016, feue B______ a réitéré son offre de verser la somme de 150'000 fr. à titre d'indemnité pour les travaux réalisés par A______, si les locaux étaient libérés avant le 30 septembre 2016. Elle a demandé la date de restitution des locaux afin de pouvoir fixer une date pour l'état des lieux de sortie.

m. Par pli du 10 mars 2016, feue B______ a informé K______ et A______ qu'un dégât d'eau était survenu dans l'appartement de A______.

Ce problème était causé par des transformations effectuées par les copropriétaires d'un appartement au 2ème étage. Un tuyau avait été perforé lors de travaux réalisés dans une salle-de-bains de l'appartement concerné. L'eau s'était écoulée derrière un mur et s'était répandue dans la salle-de-bains de l'appartement de l'étage inférieur. Compte tenu du fait qu'il s'agissait d'appartements anciens, l'eau s'était également répandue dans le couloir et à l'entrée des chambres de l'appartement de l'étage inférieur. Le tuyau avait néanmoins pu être réparé immédiatement et l'accès à l'appartement de l'étage inférieur avait permis la pose de déshumidificateurs dans les pièces affectées. La fuite d'eau avait causé des dégâts dans l'appartement du dessous : la lunette d'un WC s'était cassée, un miroir était tombé et les plafonds avaient dû être refaits (déclarations de O______).

Par pli du 24 mars 2016, K______ et A______ ont informé feue B______ que A______ avait constaté, de retour de voyage la veille, que des appareils de déshumidification avaient été installés dans l'appartement en son absence et à son insu. Les appareils concernés étaient très bruyants et encombrants et dégageaient beaucoup de chaleur, ce qui rendait quasiment inhabitables les pièces occupées par les appareils concernés. En particulier, la chambre à coucher de A______ était inutilisable, de telle sorte que cette dernière avait dû déménager ses affaires personnelles. A______ sommait feue B______ de remédier à la gêne causée par les appareils de déshumidification et informait qu'elle réclamerait une baisse de loyer du 10 mars 2016 à la date de la remise en état complète de l'appartement, ainsi qu'une indemnisation pour le dommage subi.

Par courrier du 7 avril 2016, feue B______ a indiqué à K______ et A______ que l'architecte était intervenu rapidement pour éviter d'aggraver les conséquences du dégât d'eau, comme l'auraient fait les pompiers s'ils avaient été contactés. Elle leur confirmait que le service technique de la régie mettait tout en œuvre pour éviter que A______ subisse d'autres inconvénients.

Les travaux de remise en état se sont achevés le 8 avril 2016.

Par courrier du 14 octobre 2016, K______ et A______ ont réclamé à feue B______ un montant total de 16'800 fr., soit 50% de réduction de loyer pour les nuisances subies du fait du dégât d'eau entre le 8 mars et le 8 avril 2016 (8'300 fr.), 200 fr. pour les frais d'électricité générés par les déshumidificateurs, ainsi qu'une réduction de loyer de 25% depuis fin août 2016 (8'300 fr.). Ils ont précisé que les travaux effectués dans l'appartement du 2ème étage avaient causé des nuisances du 8 mars au 8 avril 2016 mais également à compter de fin août 2016. Dès cette date, des traces d'humidité étaient apparues dans une des chambres du logement au point de décoller le papier-peint. La salle de bains avait également été endommagée puisque le miroir s'était décroché et brisé, endommageant dans sa chute le robinet, le meuble et le sol de la salle de bains. Ce n'était que le 11 octobre 2016 que les travaux de réparation du robinet s'étaient achevés, l'arrivée d'eau dans cette pièce ayant dû être coupée jusqu'à cette date, rendant la salle de bains inutilisable. Aucune réparation du miroir, du meuble et du carrelage endommagés n'avait alors été effectuée.

Par courrier du 22 décembre 2016, feue B______ a indiqué à K______ et A______ qu'elle n'était pas persuadée qu'ils obtiendraient du Tribunal un mois de réduction de loyer entier à titre de dédommagement pour les inconvénients subis, que si l'assurance prenait en charge 100% du loyer, elle leur en ferait bénéficier et qu'elle proposait en l'état de participer à hauteur de 50% du loyer hors charges.

n. L'état des lieux de sortie s'est déroulé le 1er novembre 2016. Selon le constat d'état des lieux, difficilement lisible, l'appartement a été repris en l'état.

o. Par courrier du 3 novembre 2016, feue B______ a informé K______ et A______ qu'en ce qui concernait l'état des lieux de sortie, elle ne pouvait accepter la peinture sur les fenêtres extérieures côté cour ainsi que la couleur verte de la salle à manger. Elle prendrait une décision concernant la remise en état lorsque ces derniers auraient confirmé que A______ renonçait à réclamer une participation aux travaux effectués à son entrée, précisant ne pas débloquer la garantie bancaire.

K______ et A______ ont répondu, par courrier du 15 novembre 2016, qu'aucune remarque n'avait été faite lors de l'état des lieux de sortie, le constat indiquant que l'appartement était repris en l'état. La garantie bancaire devait ainsi être libérée sans délai.

p. Après divers échanges de correspondances au sujet de la libération de la garantie bancaire, celle-ci a été débloquée le 19 janvier 2017.

q. Par requête déposée le 16 février 2017 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de conciliation du 24 mai 2018 et portée par-devant le Tribunal le 22 juin 2018, K______ et A______ ont conclu, préalablement, à ce que le Tribunal constate que le bail conclu par K______ avait été transféré, depuis sa conclusion, à A______ et, principalement, à ce que feue B______ soit condamnée au paiement en faveur de A______, des sommes de 600'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2016, et 16'800 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 31 octobre 2016, sous suite de frais et dépens.

r. Dans sa réponse du 15 novembre 2018, feue B______ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité de la demande de A______ et, principalement, au déboutement de K______ de toutes ses conclusions.

s. Le 5 février 2019, A______ et K______ ont formulé des allégués complémentaires, sur lesquels feue B______ s'est déterminée le 12 mars 2019.

t. Dans leurs plaidoiries finales des 22 et 25 septembre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

u. Par jugement JTBL/970/2020 du 21 décembre 2020, le Tribunal a déclaré irrecevables les conclusions prises par K______ (chiffre 1 du dispositif), débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

v. Par arrêt ACJC/31/2022 du 17 janvier 2022, la Cour de justice a annulé les chiffres 2 et 3 du jugement concerné et renvoyé l'affaire au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, confirmant pour le surplus le jugement entrepris.

En substance, la Cour a retenu que les parties avaient souhaité que le bail soit établi au nom de K______ et non à celui de A______, mais qu'il fallait considérer qu'à tout le moins à compter de début 2008, A______ était devenue titulaire du contrat de bail en lieu et place de K______ (consid. 2). La réelle et commune volonté des parties était d'exclure toute indemnisation pour travaux à plus-value de la part de la bailleresse, de sorte que la prétention de K______ et A______ tendant au paiement par l'hoirie de feue B______ de la somme de 600'000 fr. était infondée (consid. 3). Le Tribunal devrait se prononcer sur l'existence ou non d'un défaut ainsi que sur la quotité d'une éventuelle réduction de loyer en faveur des locataires, compte tenu du fait que A______ était devenue titulaire du contrat à tout le moins à compter de début 2008.

w. Par arrêt 4A_81/2022 du 10 mars 2022, le Tribunal fédéral a déclaré le recours en matière civile formé par A______ à l'encontre de l'ACJC/31/2022 irrecevable.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

1.2 En l'espèce, la partie appelante a conclu, dans ses dernières conclusions prises devant le Tribunal, à la condamnation des parties intimées au paiement des sommes de 600'000 fr. et de 16'800 fr.

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

La partie adverse peut former un appel joint dans la réponse (art. 313 al. 1 CPC).

L'appel et l'appel joint ont été interjetés dans les délais et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 313 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

En revanche, l'appel joint, en tant qu'il est dirigé contre K______, est irrecevable, la question de la titularité de bail ayant d'ores et déjà été tranchée.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

La requête de l'appelante tendant à la réformation complète de l'état de fait du Tribunal n'est pas suffisamment motivée par le simple renvoi à ses allégués de première instance et en l'absence de toute indication des faits qui auraient été constatés de manière inexacte.

2. Les intimés font grief au Tribunal d'avoir violé les règles sur la conclusion et la forme du contrat en considérant que le bail avait été transféré à A______ à compter du 1er janvier 2008. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue en ne motivant pas suffisamment le jugement ainsi que le droit en excluant toute indemnisation de la part de la bailleresse.

Ces questions ont déjà été tranchées aux considérants 2 et 3 de l'ACJC/31/2022. Il y sera dès lors renvoyé.

3. L'appelante fait en outre grief au Tribunal de ne lui avoir octroyé qu'une réduction de loyer de 15% du 8 mars au 8 avril 2016 et de lui avoir refusé toute réduction de loyer du 1er septembre au 31 octobre 2016 alors que les défauts étaient d'importance et que la bailleresse avait, par courrier du 22 décembre 2016, accepté une réduction de loyer plus importante s'agissant de la première période et que des défauts subsistaient dans le logement pendant la seconde période.

3.1 Le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée, puis de l'entretenir dans cet état (art. 256 al. 1 CO). Cette obligation du bailleur permet de cerner la notion du défaut, dès lors que celui-ci n'est défini ni à l'art. 258 CO s'appliquant aux défauts originels, ni aux art. 259a ss CO énumérant les droits du locataire en cas de défauts subséquents. Il y a ainsi défaut lorsque l'état réel de la chose diverge de l'état convenu, c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2 p. 347 et les références). Le défaut de la chose louée est une notion relative, son existence dépendra des circonstances du cas particulier. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, le montant du loyer (cf. ATF 135 III 345 consid. 3.3 p. 348 s.; arrêt 4C_387/2004 du 17 mars 2005 consid. 2.1; Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 s.; Higi, Zürcher Kommentar, 1994, n° 28 ad art. 258 CO).

Des défauts de moyenne importance et des défauts graves ouvrent au locataire les droits prévus à l'art. 259a CO, en particulier la remise en état de la chose (al. 1 let. a) et la réduction du loyer (al. 1 let. b) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2). La réduction du loyer est proportionnelle au défaut; elle est due à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier (art. 259d CO).

3.2 En l'espèce, la quotité de réduction de loyer octroyée par le Tribunal n'est pas critiquable au vu des défauts ainsi que de la taille du logement. Le courrier dont se prévaut l'appelante, selon lequel la bailleresse avait accepté une quotité de réduction de loyer de 50%, ne lui est d'aucun secours car il n'indique pas pour quelle période la participation est proposée. Au demeurant, au vu de la jurisprudence, une réduction de loyer de 50% serait excessive.

En ce qui concerne les défauts qui auraient affecté le logement du 1er septembre au 31 octobre 2016, il n'est pas établi que la bailleresse en ait été informée. Le fait que le robinet de l'une des salles de bains ait été réparé le 11 octobre 2016 ne signifie pas, comme le soutient l'appelante, que la bailleresse était informée du défaut. Tout porte au contraire à croire que c'est suite à l'intervention de l'architecte des copropriétaires du 2ème étage, d'où provenait le dégât d'eau, que ce défaut a été réparé. Il n'est au surplus pas établi que les défauts résiduels, qui apparaissaient d'importance mineure, aient subsisté jusqu'à l'état des lieux de sortie. En effet, ces défauts ne sont pas spécifiés dans le constat d'état des lieux de sortie, au terme duquel l'appartement est repris en l'état.

Le grief de l'appelante sera donc rejeté et les chiffres 2 et 3 du jugement entrepris confirmés.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 29 juin 2022 par A______ contre le jugement JTBL/401/2022 rendu le 24 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3334/2017-24-OOD.

Déclare recevable l'appel joint interjeté le 5 septembre 2022 par C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______ contre le jugement entrepris.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur
Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.