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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25231/2022

ACJC/1226/2023 du 25.09.2023 sur JTBL/163/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.335; LaCC.30.al4
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25231/2022 ACJC/1226/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 25 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [VD], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 mars 2023, comparant par Me Raphaël ROUX, avocat, boulevard Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, intimé, comparant par Me Christian de PREUX, avocat, rue de la Fontaine 5, case postale 3398, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/163/2023 du 2 mars 2023, expédié pour notification aux parties le 7 mars 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui la villa sise route 1______ no. ______à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. Par acte expédié le 20 mars 2023 à la Cour de justice, A______, agissant en personne, a conclu principalement au renvoi de la cause au Tribunal "pour que [s]on droit d'être entendu soit respecté, de même que la maxime inquisitoire qui préside à toute mesure d'exécution prononcée par un Tribunal", subsidiairement à ce qu'un sursis soit octroyé à son évacuation, au 21 juillet 2023.

Il a formé des allégués nouveaux relatifs à son état de santé, et allégué qu'il aurait déclaré au Tribunal s'opposer à son évacuation "compte tenu du droit au logement notamment". Il a soutenu qu'il n'avait pas été interrogé sur son état de santé, ce qui représentait une violation de la maxime inquisitoire, que le droit au logement n'avait pas été mentionné dans la décision entreprise, ce qui consacrait une violation de son droit d'être entendu, et que le refus d'un sursis à l'exécution était contraire au principe de la proportionnalité.

En préambule de son écriture, il a requis que celle-ci soit traitée comme un appel, puisqu'il s'opposait au principe même de son évacuation et fait valoir que la valeur litigieuse était ainsi supérieure à 10'000 fr. Si la Cour considérait qu'il avait formé un recours, il sollicitait le bénéfice de l'effet suspensif.

B______ a conclu au rejet du recours (la valeur litigieuse étant inférieure à 10'000 fr.), ainsi qu'au rejet de la requête d'effet suspensif.

Par réplique déposée par son avocat nouvellement constitué, A______ a déclaré préciser ses conclusions en ce sens qu'il requérait l'annulation de la décision attaquée, cela fait l'irrecevabilité de la requête formée par B______, la situation juridique n'étant pas claire.

Aux termes de sa duplique, B______ a persisté dans ses conclusions.

Les parties ont été avisées par pli du greffe du 2 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 15 janvier 2016, B______ a remis à bail aux époux A______ et C______ une chambre meublée et une salle de bains avec accès aux espaces communs d'une villa sise route 1______ no. ______ à D______.

Le contrat était conclu pour une durée d'une année dès le 1er décembre 2015, avec renouvellement tacite d'année en année.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'000 fr.

b. En janvier 2020, C______ a quitté les locaux loués.

c. Par avis séparés du 12 juillet 2022, reçus le 14 juillet 2022 par les époux A______/C______, B______, agissant par son curateur, a résilié le bail pour le 30 novembre 2022. Le courrier d'accompagnement précisait que la villa devait être vendue au plus vite afin de dégager les fonds permettant de financer son séjour en EMS.

d. Le 16 août 2022, A______ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une contestation de congé, enregistrée sous n° C/2______/2022. La cause n'a pas été introduite au Tribunal, alors qu'une autorisation de procéder avait été délivrée.

e. Par requête du 16 décembre 2022 adressée au Tribunal, B______, procédant par la voie de la protection du cas clair, a conclu à la condamnation de A______ à évacuer immédiatement de ses biens de sa personne et de toute tierce personne la villa sis route 1______ no. ______ à D______, et à être autorisé à requérir l'évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement.

f. A l'audience du Tribunal du 2 mars 2023, B______, représenté par son curateur, a persisté dans ses conclusions. Il était atteint de démence aigüe, et à court de moyens financiers pour payer l'EMS où il vivait; il a produit un relevé de compte (faisant état d'un solde de l'ordre de 2'600 fr. au 1er mars 2023) ainsi qu'un refus d'un établissement bancaire d'augmenter son crédit hypothécaire. Il s'opposait à l'octroi d'un délai de départ.

A______ a déclaré avoir procédé à des recherches de relogement, sans succès. L'Hospice général prenait en charge le paiement du loyer. Il avait 57 ans et ne travaillait pas. Il n'a pas évoqué son état de santé. Il a rappelé qu'il avait contesté le congé à la Commission, sans autre précision. Il pouvait réfuter tous les points de la requête.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

Si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse équivaut au dommage présumé, si les conditions d'une expulsion selon l'art. 257 CPC ne sont pas remplies, correspondant à la valeur locative ou la valeur d'usage hypothétiquement perdue pendant la durée prévisible d'un procès en procédure ordinaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle a été estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).

Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, ou que le locataire requiert la constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé, la valeur litigieuse est égale au loyer, provisions pour frais accessoires incluses, dû pour la période pendant laquelle le bail subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, c'est-à-dire jusqu'au jour où un nouveau congé pourra être donné. En pratique, il convient de prendre en considération le loyer et les frais accessoires pour la période de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 111 II 384 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, la Cour a été saisie, dans le délai légal, d'un acte par lequel il n'a pas été pris de conclusions principales de fond, et dont la conclusion subsidiaire n'a trait qu'au prononcé de l'évacuation.

Dans le corps de l'acte, les griefs soulevés de violation de la maxime inquisitoire ainsi que de violation du principe de la proportionnalité sont rapportés uniquement aux mesures d'exécution; seul celui de violation du droit au logement
(art. 38 Cst/GE) serait, à bien le comprendre, mis en relation avec une opposition à l'évacuation prononcée. Rien n'indique que le recourant aurait effectivement soulevé ce dernier argument devant le Tribunal (le procès-verbal d'audience ne comportant aucune mention allant dans ce sens); en outre, l'article constitutionnel évoqué, quel qu'en soit la portée exacte, s'invoque dans le cadre de l'exécution de l'évacuation et n'a pas trait au congé lui-même.

Il résulte de ce qui précède que le recourant ne s'en prend qu'à l'exécution de l'évacuation, et par conséquent que son acte est un recours au sens des
art. 319ss CPC, sans égard à la valeur litigieuse.

Aux termes de sa réplique, le recourant, sous couvert de précisions, a pris des conclusions nouvelles et développé de nouveaux moyens, ce qui n'est pas admissible. Cette écriture n'a en effet pas vocation à guérir les vices dont souffre l'acte de recours.

C'est ainsi un recours qui est recevable.

2. Le recourant fait valoir de nouveaux faits.

Les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

3. S'agissant des mesures d'exécution, le recourant s'appuie sur des faits nouveaux irrecevables, en lien avec son état de santé, de sorte que les développements qui s'y attachent ne seront pas examinés plus avant. Il se prévaut pour le surplus de la violation du droit au logement et du principe de la proportionnalité.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le Tribunal des baux et loyers peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et réf. cit.).

3.2 En l'occurrence, les références du recourant au droit au logement, tel que garanti par l'art. 38 Cst/GE ne portent pas, étant rappelé que les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et que c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5).

Pour le surplus, le recourant n'a pas exposé, de façon recevable, en quoi sa situation serait spécifique et aurait commandé un sursis à l'évacuation, qu'il n'a au demeurant pas requis du Tribunal. En tout état, au vu de l'écoulement du temps du fait de la procédure devant la Cour, il aura bénéficié d'un sursis de fait, dont la durée sera même supérieure à celle de ses conclusions subsidiaires.

Les griefs sont ainsi infondés.

Le recours sera dès lors rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 20 mars 2023 par A______ contre le jugement JTBL/163/2023 rendu le 2 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25231/2022-6-SD.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et
Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE



Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.