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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1815/2023

ACJC/1148/2023 du 11.09.2023 sur JTBL/305/2023 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1815/2023 ACJC/1148/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 mars 2023, comparant en personne,

et

1) B______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par [la régie immobilière] C______, ______ [GE], en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

2) Madame D______, domiciliée ______ [GE], autre intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/305/2023 du 28 mars 2023, expédié pour notification aux parties le 25 avril 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné D______ et A______ à évacuer immédiatement de leurs personnes, de tout tiers dont ils étaient responsables et de leurs biens l'arcade de 29 m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis place 1______ no. ______, à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé [la caisse de pensions] B______ à requérir l'évacuation par la force publique de D______ et A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné les précités, pris conjointement et solidairement, à verser à B______ la somme de 23'407 fr. (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

Le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, D______ et A______ n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, les précités ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Compte tenu de l'importance de l'arriéré de loyer, de 23'407 fr. et de l'absence de proposition de remboursement de la dette, il se justifiait d'ordonner l'exécution du jugement d'évacuation dès l'entrée en force du jugement.

B. a. Par acte déposé le 5 mai 2023 à la Cour de justice, A______ a formé "opposition, recours" contre le jugement précité. Il n'a pas pris de conclusions. Il a indiqué être "toujours prêt à honorer la dette de 23407.- CHF contre un nouveau contrat de bail".

Il a préalablement conclu à la suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise.

b. Par arrêt ACJC/662/2023 du 22 mai 2023, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement querellé.

c. Dans sa réponse du 17 mai 2023, B______ a conclu à la confirmation du jugement.

d. D______ ne s'est pas déterminée.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 3 juillet 2023 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 14 juillet 2020, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une arcade de 29 m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis place 1______ no. ______, à Genève.

b. Le montant du loyer et des charges a été fixé à 2'055 fr. par mois.

c. Par avis comminatoire du 13 juillet 2022, B______ a mis en demeure D______ et A______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 6'967 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour les mois de janvier, février, mars et mai 2022, sous déduction d'un acompte de 1'253 fr. et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ a, par avis officiel du 25 août 2022, résilié le bail pour le 31 octobre 2022.

e. Le 2 février 2023, B______ a saisi le Tribunal d'une requête en protection de cas clair, sollicitant l'évacuation avec exécution directe de D______ et A______ et leur condamnation à lui payer la somme de 21'352 fr. à titre d'arriéré.

f. A l'audience du Tribunal du 28 mars 2023, B______ a persisté dans ses conclusions en évacuation et a amplifié ses conclusions en paiement à hauteur de 23'407 fr., montant correspondant à l'arriéré de loyer, décompte à l'appui.

A______ s'est déclaré disposé à solder l'arriéré pour autant qu'il ait la certitude de "récupérer le contrat de bail" et s'est opposé à la requête. D______ a relevé avoir payé un pas de porte pour obtenir les locaux et souhaiter récupérer son argent.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que l'appelant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). La motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office. Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3.1; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2). La motivation du recours doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un acte d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1 et les arrêts cités);

1.3 En l'espèce, l'acte soumis à la Cour ne comporte pas de conclusions; il a pour toute motivation une référence au remboursement de la dette à la condition de la conclusion d'un nouveau contrat de bail.

Cet acte ne comporte pas de critique du jugement attaqué en tant qu'il a ordonné l'évacuation de l'appelant, considérant que les conditions d'une résiliation pour défaut de paiement étaient réunies, faute de titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux.

Dès lors qu'il ne comporte aucune motivation répondant aux exigences en la matière, même en faisant preuve d'indulgence, s'agissant d'une partie comparant en personne, l'appel et le recours seront déclarés irrecevables.

2. Même s'ils avaient été recevables, ils auraient été infondés.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). Le juge ne peut que prononcer son irrecevabilité; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
140 III 315 consid. 5). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2;
138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

2.1.2 En cas de résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou de frais accessoires échus (par quoi il faut entendre les acomptes provisionnels ou les montants forfaitaires convenus; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 870; Wessner, in Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd. 2017, no 11 ad art. 257d CO) au sens de l'art. 257d CO, le bailleur peut requérir, par la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, aussi bien l'expulsion du locataire (art. 267 al. 1 CO) que le paiement de créances pécuniaires.

2.1.3 L'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le bailleur peut mettre en œuvre la procédure de l'art. 257 CPC même si le locataire a introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271-271a CO, la litispendance de celle-ci ne lui étant pas opposable (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 3 et 4; 4A_100/2018 du 5 mars 2018 consid. 5).

2.1.4 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 Dans le présent cas, il n'est pas contesté que les appelants ont pris du retard dans le paiement du loyer, qu'une mise en demeure leur a été adressée et qu'aucun versement n'est intervenu dans le délai comminatoire. Les conditions d'une résiliation pour défaut de paiement, au sens de l'art. 257d CO, étaient dès lors réunies, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal a prononcé l'évacuation des appelants des locaux en cause.

C'est également à bon droit que les premiers juges n'ont pas accordé de sursis à l'évacuation, compte tenu du montant de la dette et de l'absence de proposition de remboursement de celle-ci.

3. La procédure est gratuite (ATF 139 III 186 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 5 mai 2023 par A______ contre le jugement JTBL/305/2023 rendu le 28 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1815/2023-23-SE.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD, et Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Cosima TRABICHET-CASTAN et Madame Nevena PULJIC, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.