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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17043/2021

ACJC/703/2023 du 05.06.2023 sur JCBL/20/2022 ( OBL ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.149
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17043/2021 ACJC/703/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 5 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre une décision rendue par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 25 juillet 2022, comparant par Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate, DNZ Avocats, rue Robert-Céard 6, 1204 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______ SARL, ayant son siège c/o M. C______, ______, intimée, comparant par Me Dominique BURGER, avocate, avenue Léon-Gaud 5, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par décision JCBL/20/2022 du 25 juillet 2022, expédiée pour notification aux parties le 2 septembre 2022, la Commission de conciliation en matière de baux et loyers a rejeté la requête de restitution formée par A______ (ch. 1 du dispositif) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 2).

En substance, elle a considéré que A______, convoqué pour 10h00 le 17 juin 2022, s'était présenté "aux alentours de 10h30", alors que la cause suivante appointée au rôle de la Commission était déjà en cours, et retenu que l'avocat de A______ n'avait pas fait preuve de diligence dans la retranscription de l'heure de convocation, ce qui n'était pas constitutif d'une faute légère permettant la restitution.

La décision porte la mention de ce qu'elle est susceptible d'appel au sens des art. 308ss CPC.

B. Par acte expédié le 5 octobre 2022 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette décision. Il a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à ce que sa requête de restitution soit admise, avec suite de dépens; à titre subsidiaire, il a conclu en outre au renvoi de la cause à la Commission.

B______ Sàrl a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au déboutement de A______ des fins de ses conclusions.

Aux termes de sa réplique, A______ a nouvellement conclu ainsi : "A la forme. 1. Déclarer recevable la présente écriture. Au fond. Principalement. 2. Déclarer recevable le recours du 5 octobre 2022. 3. Débouter B______ Sàrl de toutes autres ou contraires conclusions. Subsidiairement. 4. Convertir le recours du 5 octobre 2022 en appel. Débouter B______ Sàrl de toutes autres ou contraires conclusions". Dans le corps de cet acte, il a présenté notamment une argumentation selon laquelle la valeur litigieuse n'importerait pas devant l'autorité de conciliation, les conclusions n'ayant aucun intérêt à ce stade de la procédure, ce qui rendrait le recours recevable.

B______ Sàrl a dupliqué, persistant dans ses conclusions antérieures.

Les parties ont été avisées par pli du greffe du 14 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 6 septembre 2021, A______, agissant en personne, a posté un courrier à l'adresse de la Commission, en annexe duquel il a produit une requête en contestation de congé dirigée contre B______ Sàrl, qu'il avait déposée le 22 juin 2021 au Tribunal des baux et loyers et qui avait fait l'objet d'un jugement d'irrecevabilité (JTBL/646/2021 dans la cause C/1______/2021) de cette autorité, en date du 16 juillet 2021 (expédié pour notification aux parties le 3 août 2021).

A______ a contesté le congé extraordinaire qui lui avait été signifié, sur la base de l'art. 257d CO, le 21 juin 2021 pour le 31 juillet 2021, s'agissant d'une arcade au rez-de-chaussée d'un immeuble situé rue 1______ no. ______, dont le loyer mensuel était de 3'333 fr.

Par courrier non daté, reçu à la Commission le 21 septembre 2021, une avocate s'est constituée en faveur de A______.

b. Le 25 mai 2022, la Commission a cité les parties, en leur domicile élu respectif, à comparaître à une audience fixée le 17 juin 2022 à 10h00.

c. Le 17 juin 2022, la Commission a rendu une décision par laquelle elle a rayé la cause du rôle, vu le défaut de A______ à son audience.

d. Par acte du 21 juin 2022, A______ a, en se référant à l'art. 148 CPC, requis la tenue d'une nouvelle audience. Il a notamment fait valoir que son conseil avait compris que l'audience se tiendrait le 17 juin 2022 à 10h40, de sorte qu'il s'était présenté, avec celui-ci, dans les locaux de la Commission à 10h25, après être parvenu devant le bâtiment à 10h10. Il a produit un tirage d'un agenda électronique, dont il a allégué qu'il s'agissait de celui de l'étude de l'avocate constituée; à la date du 17 juin 2022, l'agenda comporte la mention : "10:40-11:10 Audience de conciliation "A______ ".

B______ Sàrl s'est opposée à la requête. Elle a notamment allégué que la cause avait été appelée "aux alentours de 10h05", et que la présidente de la Commission avait "attendu un certain temps pour finalement constater vers 10h30" l'absence de A______ et rayer la cause du rôle.

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 149 CPC, lorsque le tribunal est saisi d'une demande de restitution, il donne à la partie adverse l'occasion de s'exprimer et statue définitivement sur la restitution.

Le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement au texte de l'art. 149 CPC, l'exclusion de toute voie de droit n'était pas opposable à la partie requérante, dans le contexte particulier où le refus de restitution entraîne la perte définitive des moyens d'annulation du congé. De plus, dans ce cas, ledit refus constitue une décision finale, contre laquelle la voie de l'appel ou de recours est ouverte, devant la seconde instance cantonale (ATF 139 III 478 consid. 6.3 et consid. 7.3 non publié).

1.2 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, ou que le locataire requiert la constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé, la valeur litigieuse est égale au loyer, provisions pour frais accessoires incluses, dû pour la période pendant laquelle le bail subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, c'est-à-dire jusqu'au jour où un nouveau congé pourra être donné. En pratique, il convient de prendre en considération le loyer et les frais accessoires pour la période de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 111 II 384 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1).

1.3 La conversion des actes de recours erronés se résout, selon l'origine de l'erreur du choix de la voie de droit, à l'aune du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) ou de celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) qui poursuit dans tous les cas les mêmes buts que le premier en tant qu'il sanctionne un comportement abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.3, publié in FamPra.ch 2020 p. 843 et SJ 2020 I p. 345). En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions. Lorsque l'erreur est le résultat d'un choix délibéré d'une partie représentée par un avocat, on retient qu'il n'y a pas de formalisme excessif à refuser la conversion de l'acte en raison de l'erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.2, publié in RSPC 2018 p. 408 n° 2148). A l'inverse, la tendance est de considérer contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de la conversion alors que le choix du moyen de droit recevable présente des difficultés et n'est pas facilement reconnaissable (ATF 113 Ia 84 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_112/2010 du 4 juin 2010 consid. 3.3). En d'autres termes, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

1.4 Les conclusions doivent être formulées de sorte à pouvoir être reprises sans modification dans le dispositif (ATF 137 III 617 consid. 4.3 et 4.5).

1.5 En l'espèce, au vu du montant du loyer de l'objet loué, et s'agissant d'une procédure en contestation d'un congé, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte, comme le mentionne au demeurant correctement la décision attaquée.

La Cour est saisie d'un recours au sens de l'art. 319 CPC, sans que l'acte n'expose pour quelle raison cette voie de droit a été privilégiée par sa signataire, avocate. Les explications ultérieurement fournies, dans le cadre de la réplique, selon lesquelles la valeur litigieuse n'importerait pas dans le cadre d'une procédure de conciliation, outre qu'elles suscitent pour le moins la perplexité ne serait-ce que sous l'angle des art. 210 et 212 CPC qui font expresse mention de cette notion juridique, ne permettent pas d'écarter que le recours ait été formé délibérément ou par erreur, en lieu et place de l'appel. Les conditions de la conversion ne sont donc pas réunies.

A cela s'ajoute qu'aux termes de sa réplique, le recourant n'a pris aucune conclusion qui permettrait de statuer sur le fond, ayant inexplicablement abandonné sa conclusion principale initiale en admission de la requête de restitution de délai.

Au vu de ce qui précède, le recours n'est pas recevable.

2.             Il sera encore observé qu'en tout état, à supposer que l'acte dont la Cour est saisie ait été recevable, il n'aurait pas été fondé.

En effet, aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2). Si une décision a été communiquée, la restitution ne peut être requise que dans les six mois qui suivent l'entrée en force de la décision (al. 3).

La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_617/2020 du 21 janvier 2021 consid. 3.1).

Le respect des délais - et partant la tenue de l'agenda - fait partie des devoirs élémentaires de l'avocat, lequel est censé non seulement instruire mais également contrôler la manière dont ses collaborateurs tiennent l'agenda. De manière générale, une défaillance dans l'organisation interne de l'avocat (problèmes informatiques, auxiliaire en charge du recours, absence du mandataire principal) ne constitue pas un empêchement non fautif justifiant une restitution du délai (ATF 143 I 284 consid. 1.3).

Une partie doit se laisser imputer la faute de son représentant (ATF 119 II 86 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_52/2019 consid. 3.1). Il importe donc peu que le retard soit imputable au plaideur ou à son avocat (arrêt précité, ibidem).

En l'occurrence, contrairement à ce que soutient le recourant, le manquement intervenu, à savoir reporter ou faire reporter erronément dans un agenda d'étude d'avocat une heure de convocation à une audience, est constitutif d'une faute qui n'est pas légère, et qui exclut toute restitution de délai. Cette faute, commise par l'avocate constituée ou ses collaborateurs qu'elle devait instruire et surveiller, est imputable au recourant, même s'il apparaissait qu'il n'a pas personnellement commis d'erreur.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours formé le 5 octobre 2022 par A______ contre la décision JCBL/20/2022 rendue le 25 juillet 2022 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans la cause C/17043/2021.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE








 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.