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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/19373/2022

ACJC/582/2023 du 08.05.2023 sur JTBL/992/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : Cst.29.al2; CC.9; CPC.257; LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19373/2022 ACJC/582/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 8 MAI 2023

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 décembre 2022, comparant en personne,

et

Madame C______ et Monsieur D______, intimés, tous deux représentés par la régie E______, ______, intimés, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/992/2022 du 15 décembre 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a ordonné la jonction des causes C/19373/2022, C/19377/2022, C/19378/2022 sous le numéro de cause C/19373/2022 (ch. 1 du dispositif), a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 6 pièces au sous-sol, rez-de-chaussée et 1er étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à F______ [GE], ainsi que les parkings en sous-sol n° 2______ et 3______ du même immeuble (ch. 2), a autorisé D______ et C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et B______ dès le 90ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 3), a condamné les précités, conjointement et solidairement, à verser à D______ et C______ les sommes de 5'500 fr. et 900 fr. (ch. 4), a autorisé la libération de la garantie de loyer à concurrence des montants cités sous chiffre 4 en faveur de D______ et C______, le solde étant libéré en faveur de A______ et B______ (ch. 5), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 7).

En substance, les premiers juges ont considéré que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, A______ et B______ n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, les précités ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Dans la mesure où les locataires vivaient dans le logement avec leurs trois enfants et étaient à la recherche d'un appartement, il se justifiait de leur accorder un sursis de 90 jours.

B. a. Par acte expédié le 16 février 2023 à la Cour de justice, A______ et B______, comparant en personne, ont formé "recours" contre ce jugement. Ils ont conclu, principalement, à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement, à l'annulation des chiffres 2 à 6 du dispositif du jugement querellé et au renvoi de la cause en première instance, plus subsidiairement, à l'annulation du chiffre 3 du dispositif de la décision, la cause devant être renvoyée devant le Tribunal et, encore plus subsidiairement, à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement et à l'octroi d'un sursis de six mois suivant l'entrée en force de l'arrêt à rendre.

Ils se sont plaints d'une violation de leur droit d'être entendus car un interprète aurait dû être présent lors de l'audience du Tribunal, du fait qu'ils s'expriment mal en français. Leurs conclusions ne ressortaient pas des considérants du jugement, alors qu'ils contestaient tant le principe de l'évacuation que les mesures d'exécution ordonnées. S'ils avaient été assistés d'un interprète, ils auraient fait valoir devant le Tribunal que le congé était abusif, les montants réclamés par les bailleurs ne correspondant pas à la somme effectivement due.

A______ et B______ ont allégué de nouveaux faits.

b. Par arrêt présidentiel ACJC/270/2023 du 24 février 2023, la Cour a constaté la suspension de la force de chose jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris.

c. Dans leur réponse reçue le 24 février 2023, D______ et C______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours et, au fond, à son rejet, sous suite de frais.

d. Invité à faire valoir ses observations sur le recours, le Tribunal a, le 7 mars 2023, relevé que selon la pratique, un interprète était systématiquement convoqué lorsque les parties ne s'expriment pas suffisamment en français ou ne comprennent pas correctement cette langue, ce qui est consigné au procès-verbal, l'interrogatoire des parties ne se poursuivant pas. En l'occurrence, telle mention ne figurait pas au procès-verbal de l'audience du 15 décembre 2022. Cela signifiait que les parties s'étaient exprimées en français de manière suffisamment claire pour que le Tribunal poursuive son audience sans la présence d'un interprète. A______ et B______ s'étaient exprimés sur la requête, avaient admis ne pas avoir payé leur loyer et avaient fourni des explications tant sur leur situation financière que familiale, de même que sur les raisons les ayant conduits à ne plus régler leur loyer.

e. Ces observations ont été transmises aux parties.

f. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 21 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 4 octobre 2019, D______ et C______, bailleurs, et A______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 6 pièces au sous-sol, rez-de-chaussée et 1er étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à F______ ainsi que deux places de parc n° 2______ et 3______ au sous-sol du même immeuble.

b. Le montant du loyer a été fixé en dernier lieu à 4'870 fr. par mois pour l'appartement et à 150 fr.  par mois pour chacune des place de parking.

c. Une garantie de loyer de 16'500 fr. a été fournie par les locataires sous forme d'un certificat de cautionnement auprès de [la banque] G______.

d. Par avis comminatoires du 30 juin 2022, les bailleurs ont mis en demeure les locataires de leur régler dans les 30 jours le montant de 14'707 fr. pour l'appartement, à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période de janvier à juin 2022, 3'300 fr. pour les mensualités de parking dues pour 2021 et 1'800 fr. dus pour les mensualités de parking en 2022, et les a informés de leur intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

e. Considérant que les sommes susmentionnées n'avaient pas été intégralement réglées dans le délai imparti, les bailleurs ont, par avis officiels du 26 août 2022, résilié les baux pour le 30 septembre 2022.

f. Par requête déposée le 10 octobre 2022 devant le Tribunal, les bailleurs ont introduit action en évacuation et ont en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation des locataires. Ils ont également conclu à la condamnation des locataires à leur payer les sommes de 23'967 fr. 65 à titre d'arriérés de loyer et d'indemnité pour occupation illicite, ainsi que 5'470 fr. par mois tant que les locataires occuperaient l'appartement et les places de parking et à la libération de la garantie de loyer en leur faveur.

g. Lors de l'audience du 15 décembre 2022 du Tribunal, la représentante des bailleurs a persisté dans ses conclusions. Elle a déclaré que l'arriéré de loyer s'élevait à 5'510 fr. pour l'appartement et 900 fr. pour les parkings, décomptes à l'appui.

Les locataires ont exposé avoir cessé de payer leur loyer en raison de problèmes rencontrés avec leur appartement et qui n'étaient pas réglés depuis qu'ils avaient emménagé. Ils exerçaient tous deux une activité professionnelle. Ils ont indiqué vivre avec leurs trois enfants de 5, 13 et 19 ans et être à la recherche d'un autre logement, toutefois sans succès.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 – JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

1.2 En l'espèce, les appelants remettent en cause la validité du congé, soutenant qu'il serait abusif. Eu égard au montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable, indépendamment de son intitulé.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC). Le recours contre les mesures d'exécution est ainsi recevable.

Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.6 L'appel et le recours seront traités dans le présent arrêt (art. 125 CPC).

1.7.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont alors recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC.

En ce qui concerne les vrais nova (echte Noven), le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. Il lui est par contre loisible d'introduire une nouvelle fois sa requête en cas clair devant le premier juge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5). 

Cette interdiction ne saurait concerner la partie requise (soit la partie locataire), qui n'a pas introduit la requête d'expulsion. L'art. 317 al. 1 CPC s'applique donc pleinement à la locataire qui a été attraite en première instance, par la requête en cas clair de la bailleresse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1).

1.7.2 Les appelants ont formé de nouveaux allégués en lien avec leur permis de séjour et le paiement de la dette aux intimés. Ces allégués sont recevables, sans préjudice de leur pertinence.

2. Les appelants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, grief qu'il convient d'examiner en premier lieu.

2.1
2.1.1
Le droit d'être entendu comprend celui d'être assisté d'un interprète durant les débats oraux en cas de connaissances insuffisantes de la langue officielle utilisée devant le tribunal (arrêts du Tribunal fédéral 5A_639/2014 du 8 septembre 2015 consid. 4.2; 4P.26/2001 du 8 juin 2001 consid. 1a/aa; Frei, Berner Kommentar zur ZPO, Band I, Art. 1-149 ZPO, 2012, n. 9 ad art. 129 CPC).

2.1.2 Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le principe général de procédure selon lequel les faits et les éléments pertinents pour l'issue du litige doivent être consignés par écrit. L'un des aspects de ce principe est l'obligation de tenir un procès-verbal des déclarations, témoignages et débats essentiels pour l'issue du litige. Les déclarations et requêtes des parties et, le cas échéant, de tiers (témoins, experts, etc.) doivent ainsi y être consignées. Cela ne signifie toutefois pas qu'il faille verbaliser toutes les déclarations des parties. Le procès-verbal peut se limiter aux points qui apparaissent essentiels dans le cas concret pour l'issue du litige (ATF 126 I 15 consid. 2; 124 V 389 consid. 3 et 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_639/2014 précité consid. 3.2.1; 8C_979/2010 du 9 mai 2011 consid. 4.5; 5A_230/2009 du 28 avril 2009 consid. 4.2; 6B_84/2008 du 27 juin 2008 consid. 1.1). Pour autant qu'il résulte de l'art. 6 ch. 1 CEDH un devoir de protocoler, il ne va pas au-delà de celui garanti par la Constitution (arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2009 précité consid. 4.2).  

Le procès-verbal est un acte authentique. L'art. 9 CC s'applique par analogie: le contenu du procès-verbal est donc présumé exact, sauf preuve du contraire (Hohl, Procédure civile, tome II, 2 ème éd., 2010, n. 509; arrêt du Tribunal fédéral 5A_639/2014 précité, ibid).

2.2 Dans le présent cas, les appelants soutiennent qu'ils maîtrisaient mal le français et que la présence d'un interprète aurait été nécessaire lors de leur audition par le Tribunal. Aucune mention de ce qui précède ne figure au procès-verbal tenu par les premiers juges. Or, s'ils entendaient soulever un quelconque grief à ce sujet, les appelants auraient dû immédiatement interpeller le Tribunal et, le cas échéant, exiger qu'un éventuel refus de se faire assister d'un interprète soit protocolé, voire ajouter eux-mêmes au procès-verbal une note à ce sujet. 

Il résulte au contraire dudit procès-verbal qu'ils ont admis ne pas avoir réglé le loyer du logement et des parkings, motif pris de problèmes qu'ils rencontraient avec l'appartement. Ils se sont également exprimés sur leur situation personnelle et financière et ont déclaré être à la recherche d'un appartement depuis un an, sans succès.

L'on ne discerne dès lors aucune violation du droit d'être entendu des appelants. Ce grief sera rejeté.

3. 3.1
3.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). Le juge ne peut que prononcer son irrecevabilité; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

La procédure à suivre est la procédure sommaire des art. 248 ss CPC (art. 248 let. b CPC). Elle est régie par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas particuliers prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC). Toutefois, dans l'application de cette maxime, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la procédure de protection dans les cas clairs (ATF 144 III 462 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 3; 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1). 

La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

3.1.2 En cas de résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou de frais accessoires échus (par quoi il faut entendre les acomptes provisionnels ou les montants forfaitaires convenus; Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 870; Wessner, in Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd. 2017, no 11 ad art. 257d CO) au sens de l'art. 257d CO, le bailleur peut requérir, par la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, aussi bien l'expulsion du locataire (art. 267 al. 1 CO) que le paiement de créances pécuniaires.

3.1.3 En ce qui concerne l'expulsion du locataire, c'est-à-dire la restitution de la chose louée (art. 267 al. 1 CO), le bailleur doit alléguer et prouver, conformément à l'art. 8 CC, les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; rechtserhebende Tatsachen).

L'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le bailleur peut mettre en œuvre la procédure de l'art. 257 CPC même si le locataire a introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271-271 a CO, la litispendance de celle-ci ne lui étant pas opposable (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 3 et 4; 4A_100/2018 du 5 mars 2018 consid. 5). 

3.2 Dans le présent cas, il n'est pas contesté que les appelants ont pris du retard dans le paiement du loyer de leur appartement et des deux places de parking, qu'une mise en demeure leur a été adressée et qu'aucun versement n'est intervenu dans le délai comminatoire. Les conditions d'une résiliation pour défaut de paiement, au sens de l'art. 257d CO, étaient dès lors réunies, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal a prononcé l'évacuation des appelants des objets en cause.

4. Les recourants font grief au Tribunal d'avoir violé le principe de proportionnalité et l'art. 30 al. 4 LaCC.

4.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Dans sa jurisprudence, la Cour a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l'évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l'entrée en force du jugement, d'une locataire mère de deux enfants mineurs dont l'arriéré de loyer s'élevait à plus de 36'000 fr. Dans un arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l'évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l'entrée en force du jugement a également été confirmée, concernant une personne sans emploi, dont l'arriéré s'élevait à 13'400 fr.

La Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de la Gérance immobilière H______ et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du 2 mars 2015 consid. 3.2).

4.2 Dans le présent cas, le Tribunal a accordé aux recourants un sursis de 90 jours dès l'entrée en force du jugement, soit d'un peu moins de trois mois.

Comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, les recourants vivent dans le logement avec leurs trois enfants, dont deux sont mineurs et ont effectué des recherches infructueuses en vue de se reloger.

Si, certes, les recourants sont en attente du renouvellement de leur permis de séjour, ce fait ne les empêche pas de trouver un nouvel appartement. Par ailleurs, leur situation comptable auprès des intimés ne fait pas obstacle à l'exécution de leur évacuation.

Les recourants ont bénéficié, de fait, depuis la résiliation du bail notifiée pour fin septembre 2022, de près de sept mois d'occupation de l'appartement. Ils ne peuvent obtenir un délai qui reviendrait à leur octroyer une prolongation de bail, à laquelle ils ne peuvent prétendre.

Par conséquent, le sursis accordé par le Tribunal constitue un délai équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

4.3 Infondé, le recours sera rejeté.

5. A teneur de l'article 22 alinéa 1 LaCC, la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 16 février 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/992/2022 rendu le 15 décembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/19373/2022-26-SE.

Au fond :

Confirme le jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.